CHAPITRE DOUZE DANS LEQUEL LE CHAPITRE ONZE CONTINUE

Nous pénétrons dans un couloir minable, aux murs bourrés de salpêtre. M’est avis que cette crèche n’a pas été habitée depuis des millénaires. Ça pue le moisi et le renfermé. Béru se paie un éternuement d’autant plus formidable qu’il a essayé de le contenir. Le déplacement d’air fait valdinguer la lanterne chinoise accrochée au plaftard.

Rapidos, je déballe mon camarade tu-tues afin d’être paré et je m’avance dans la crèche.

Il y a des portes à droite et à gauche. On les délourde à la volée pour mater les intérieurs. C’est vide, pelé, mité, pourri.

— On dirait la carrée de la Belle au hautbois dormant, remarque le Gros qui a une culture approfondie.

Force nous est de nous rabattre sur l’escalier, puisque, aussi bien, il ne nous reste plus que le premier étage comme champ d’investigation. Nous nous engageons donc dans l’escadrin, ce qui est moins glorieux que de s’engager dans les troupes aéroportées, je vous l’ai déjà dit dans un moment d’abandon. C’est moins glorieux, mais beaucoup plus dangereux car, à peine avons-nous gravi quelques degrés que ça se met à crachouiller moche. Un monsieur accroupi sur le palier du premier nous canarde joyeusement avec une rapière pourvue d’un silencieux ! Mince de préservatif, les gars ! On se croirait dans un film de Lautner ! Les Tontons Flingueurs à lui tout seul, il joue. Y a un grand labour dans le plâtre de la cage d’escalier, à deux millimètres de ma physionomie. J’ai que le temps de m’aplatir et de dévaler les marches sur le baquet. Au passage j’entraîne Sa Rondeur. On s’unit pour constituer en étroite association une chouette avalanche de barbaque et on atterrit, un peu meurtris et chiffonnés, dans le couloir.

C’est fou ce que ça énerve, une petite séance de ce genre.

— Eh bien, dis donc, grogne le Mafflu, c’est pas « Au bon accueil », l’enseigne de cette auberge, faut tuber à la Poule pour qu’on nous expédie des archers, sinon on risque de jouer Verdun terre brûlée toute la journée !

Je secoue la tête.

— On règle la question entre nous, petit père !

— Oh ! toi, bougonne-t-il, un de ces quatre tu vas travailler à ton compte, avec ta mentalité esclusive. La police, avec técoince, ça devient de l’artisanat.

Là-haut, le flingueur d’élite doit regretter sa précipitation. Il nous a pas laissés nous engager suffisamment dans l’escadrin, ce qui l’a obligé à défourailler sous un mauvais angle.

— J’ai idée qu’il est seul, chuchoté-je l’esgourde du Gros. On va essayer de le piquer à revers.

— O.K., me bavoche l’Ignoble, je vais aller emprunter une échelle chez le voisin, en lui bonnissant comme quoi je viens tailler les fraisiers !

Il sort.

La crosse de mon pétard me chatouille le creux de la main. Ce que j’aimerais l’avoir dans ma mire, le méchant du premier !

— Dites donc, mon bon ami, je lui crie à la cantonade, moi, à votre place, je balancerais ma seringue et je descendrais gentiment l’escalier en levant les bras. Par chance vous ne m’avez pas atteint, si bien que vous pouvez encore espérer une mesure de clémence !

Personne ne me répond.

— Votre attitude est négative, ajouté-je, vous êtes cuit, cuit, cuit, comme disait un petit moineau sur sa branche !

Toujours ballepeau. Peut-être qu’il pige pas le français, après tout, le canonnier ? Ou des fois il a du papier gommé sur la menteuse, non ?

Quelques minutes s’écoulent. Je l’entends qui respire, au-dessus de moi. Dans la maison vide, les bruits ont une résonance particulière.

— Tu entends, beau distributeur de pralines, reprends-je avec hargne, rogne et grogne, c’est scié pour toi. Tu as intérêt à ne plus charger ton passif, sinon tu ne seras jamais solvable !

Il me semble percevoir un léger bruit de pas, au-dessus. Le zigoto se déplace. Est-ce une ruse ? Je brandis mon oreille aiguisée : pas d’erreur, il vient de pénétrer dans une chambre et les lattes du plancher grincent sous son poids. Soudain, un coup de feu étouffé par le silencieux claque, produisant un bruit creux, métallique et plutôt ridicule.

Un instant je me demande si ça ne serait pas sur Sa Majesté qu’il vient de défourailler, mais à la réflexion, Béru n’a pas eu le temps matériel d’emprunter une échelle et de faire le siège du donjon. Alors ?

Je me décide et, l’arme au poing, l’alarme en tête et la larme à l’œil, je repique un assaut éclair dans ce foutu escadrin. Sur ma lancée j’en avale la moitié. Je vois alors déboucher d’une porte un zig baraqué à la hussarde. Il est en manches de chemise. Il porte une cravate de soie peinte dont le motif représente le « Naufrage du Titanic » en couleurs naturelles. Il a les cheveux gris taillés en brosse, la peau ocre et d’épais sourcils. Sa pétoire fume encore… Le silencieux donne à l’arme un aspect beaucoup plus inquiétant. Il la tient appuyée contre sa hanche, à la tueur. Je pige pourquoi il m’a raté il y a un instant. Môssieur est habitué à défourailler d’une certaine manière, le poignet appuyé contre la hanche. Quand il est obligé d’allonger le bras, il perd de sa précision. Comme je connais ses intentions à mon égard, je me dis (mais beaucoup plus vite que je ne l’écris) qu’il vaut mieux prendre les devants et lui souhaiter la Saint-Tu-tues le premier. Alors je l’assaisonne dans la foulée. Je lui virgule le chargeur avant qu’il ait eu le temps de comprendre. Il a encore la force d’appuyer sur sa détente. Voilà la rampe de bois constellée de pointillés. Et puis le zig qui s’est bloqué mes huit pruneaux dans le garde-manger culbute en avant. Sa tête pend curieusement au-dessus de la première marche tandis que le sang se met à pisser vilain de son bide en charpie.

Comme disait l’autre : s’il aime les fleurs il va en avoir bientôt.

J’achève de monter et je l’enjambe. Ce qui m’intrigue, c’est le coup de pétoire que j’ai entendu quelques secondes plus tôt. Je bondis dans la pièce qu’il vient de quitter et j’ai du mal à retrouver mon souffle. Le gars Mathias est là, la frime en compote… Il est assis par terre, le dos contre un radiateur de chauffage central. Ses deux poignets sont enchaînés au moyen de menottes dont la chaîne décrit un tour mort autour de la tuyauterie. Il a un foulard de soie sur la bouche. Mais ce bâillon est désormais inutile parce qu’avec la valda que l’autre manche vient de lui cigogner dans la tirelire, le bon Rouquin ne doit plus avoir envie de raconter sa vie. La balle lui a fait sauter un morceau de couvercle. Ça bouillonne mochement par la blessure. On dirait que son cerveau fait des bulles. Le sang empourpre sa tignasse déjà rouge. Il ressemble à un clown. Je m’agenouille à son côté et je passe la main sur sa poitrine. Ça bat toujours à l’intérieur.

Pauvre grand, va ! Lui qui était si fiérot de sa bobonne en cloche et qui attendait son mouflet avec tant de ferveur !

Un bruit, tout proche. C’est le Gravos qui escalade les remparts. Il vient de pénétrer au premier par une fenêtre dont il a disloqué les chétifs volets. Il s’annonce, le composteur prêt pour la fête.

— Par ici ! lui dis-je.

Quand il découvre le spectacle, il blêmit drôlement.

— Mathias, balbutie-t-il, c’est la carne que t’as rectifiée dans le couloir qui lui a fait ça ?

— Hélas ! je lamente. Le type a compris qu’il était perdu et il a voulu empêcher Mathias de parler !

Sa Pomme examine la blessure.

— Pour un professeur de trous de balles, dit-il, c’est vraiment dérisoire de finir commak !

Puis, tressaillant :

— Attends, y a peut-être de l’espoir. Il vit toujours. J’ai idée que la balle a dévié sur l’os qui pute car elle a pénétré en saintonge !

J’y regarde de plus près.

— C’est pourtant vrai qu’elle est ressortie, la dragée ; vise-la, dans la plinthe, près du tuyau. Vite ! Une ambulance !

Une demi-plombe plus tard, Mathias est aux urgences à l’hôpital Edouard-Herriot où on va le trépaner. Il ne reste plus à son beau-père qu’à convoquer les séraphistes de service pour une grand-messe noire en musique. C’est le moment de monopoliser tous les saints de bonne volonté, et les anges gardiens de la paix, et les archanges diplômés, et les bienheureux en puissance, et aussi la Big Family ; Dieu, son fils, le Saint-Esprit d’Eloi, Marie, Joseph, l’âne, tout le tremblement afin que le chirurgien de service réussisse un petit miracle.

Nous sommes très abattus, Bérurier et moi. Vidés, soudain, par la tragédie. Ça se passait dans la bonhomie. Une filature pépère, et puis brusquement on a culbuté en plein drame. Le tortionnaire de Mathias n’avait aucun papelard sur lui. L’identité judiciaire essaie de l’identifier, comme sa fonction l’indique. Au Standing Hôtel, les Dolorosa ne sont pas encore rentrés. J’ai donné des ordres pour qu’une planque y soit organisée afin qu’on les saute dès leur retour. J’ai hâte d’éclaircir cette histoire. Vous aussi, je suppose, hein, mes jolies rombières ? Ça vous file les fourmillements dans les contacteurs, ces mystères accumuloncés (comme dit Béru). Vous voudriez en avoir le cœur net (pour une fois, mes friponnes). Eh bien vous allez être obligées de faire comme Charles, c’est-à-dire d’attendre pour connaître la vérité sur Monsieur X…

— On va se rabattre sur le mec de l’Ecole, hein ? s’inquiète Béru.

— Oui, mon grand, on va.

Nous voilà donc repartis pour Saint-Cyr.

En cours de route, tandis que nous attaquons les premiers contreforts des Monts d’Or, Bérurieur soliloque :

— Le Mathias, dans le fond, il sentait ce qui allait lui arriver, tu ne trouves pas, San-A ?

Frappé, je murmure :

— C’est vrai, Gros, il le sentait.

— Qu’est-ce qu’il pouvait donc savoir, pour qu’on lui ferme le bec à coups de pétard ?

— Il ne savait rien, mais les autres croyaient qu’il savait.

— Quoi donc ? ingénuise l’Ineffable.

Je fais avec la bouche un bruit que d’autres préfèrent produire avec leur hémisphère sud.

— Le jour où nous le saurons, Gros, la vérité sera écrite en lettres de feu sur la façade de l’Ecole !

Béru rit.

— Ce jour est pas si tellement éloigné, Gars, promet-il. Avec le petit dégourdoche dont à qui on va dire deux mots, je te promets des informations de première avant longtemps.

Las ! son optimisme est pour le moins inopportun vu que notre client n’est pas encore rentré at school, comme disent les habitants de la Grande-Bretagne qui parlent couramment l’anglais !

Une longue attente commence.

Le camarade Racreux me refile des tuyaux à propos de l’intéressé. Il s’agit d’un certain Abel Cantot, originaire de Bordeaux. Il est arrivé depuis peu de temps à l’Ecole. Je fonce chez m’sieur le directeur pour lui réclamer le dossier du gars. Maintenant on joue brèmes sur table avec le patron. Il m’avoue savoir qui je suis depuis mon arrivée et je le complimente sur sa discrétion. La fiche de Cantot ne nous apprend rien de très important. Il a été secrétaire dans un commissariat de la banlieue parisienne après avoir été inspecteur à Bordeaux. Gars bien noté, de grande valeur, selon sa notice explicative. Voilà qui est de plus en plus troublant, non ?

Sur ma lancée, je demande les fiches des deux « suicidés ». Et c’est à cet instant, mes ravissantes, que je commence à voir poindre une légère lueur dans ce pot de goudron. Castellini, Corse d’origine, fut également inspecteur à Bordeaux. Et Bardane, quant à lui, était flic à Libourne, c’est-à-dire (pour qui connaît un peu la géographie) à quelques kilomètres de Bordeaux. Conclusion, la ville de Montaigne (Michel Eyquem de) et d’Escarpit (Robert) constitue le dénominateur commun de ces trois messieurs. Voilà un point d’acquis.

Je m’installe dans un bureau libre et je commence à virguler des coups de grelot dans tous les azimuts. Je sonne Bordeaux afin de me faire adresser un vrai catalogue des activités passées de Cantot et des deux suicidés ; ensuite de quoi je demande Paname pour obtenir des renseignements à propos des Dolorosa. Un troisième coup de turlu aux collègues lyonnais m’apprend que les Panamiens n’ont pas reparu au Standing Hôtel. Comme l’ami Cantot n’a pas l’air non plus de rejoindre l’Ecole, je commence à penser très sérieusement que ces pieds nickelés ont eu vent de mon coup fourré de la villa. La poulaille d’entre Rhône et Saône vient de découvrir que le pavillon où l’on séquestrait Mathias a été loué deux jours plus tôt par les Dolorosa à une vieille dame fort convenable qui est marchande de cierges et d’images pieuses sur la colline de Fourvière. Pour l’instant, nous en sommes là.

Je me paie un quatrième appel bigophonique à l’hôpital Edouard-Herriot. L’interne de service m’annonce que l’opération de Mathias a parfaitement réussi, mais que mon malheureux camarade, s’il s’en tire, ne sera pas en état de parler avant au moins quarante-huit plombes.

Quand je vous le disais qu’une longue attente commençait !

La soirée est plutôt tranquille. On visionne un spectacle d’une haute qualité morale à la téloche. Pas besoin de carré blanc. C’est une pièce qui raconte l’histoire d’une dame qui aime son mari. Mais elle est bien malheureuse, la pauvre chérie, car elle s’imagine que le gueux la double avec sa secrétaire. Il rentre tard le soir et il est pris en flagrant délit de mensonge. La brave personne découvre l’amertume du cocufiage avec horreur et désespoir et elle décide de déguster un godet de strychnine pour apprendre à son galopin d’époux à devenir veuf ! Mais juste au moment où elle va siffler sa coupe frelatée, voilà le volage qui radine, la bouche en cœur, avec un œillet à la boutonnière et une rose au slip (rouge la rose, car il s’agit d’un slip Eminence). Il a un gros paquet ficelé-ruban sous le bras. Explication : c’est un bon mari qui préparait un cadeau pour l’anniversaire de sa bobonne. Il lui avait commandé une cuisinière à transistors, made in Japan, qu’il a reçue en pièces détachées because les frais de douane. Le soir, aidé de sa vaillante secrétaire, une fille très bien, fiancée de surcroît à un lieutenant de sapeurs-pompiers, il remontait la cuisinière à transistors (avec bouilloir héliographique, moule à gaufre incorporé, autoclave à valve baveuse, gril figuratif à injection infrarouge et four électronique à semelle compensée). Un drôle de mécano, non ? Y a fallu de la patience pour arriver à reconstituer un appareil semblable juste à l’aide d’une notice écrite en japonais et avec, pour seuls outils, un tournevis et un chausse-pied d’unijambiste.

Faut drôlement aimer sa femme, admettez ! Elle en est bouleversée, à juste raison, madame la délaissée. Elle revient en courant de son erreur. Elle est émue aux larmes ! Transportée jusqu’à dix mille mètres de hauteur ! Elle se baguenaude en plein ciel rose, tout à coup ! Comment qu’elle va vider sa tisane funeste sur l’évier avant de remercier son guerrier bricoleur ! Ça se termine au moment où, pour pas choquer « nos jeunes téléspectateurs », elle lui promet une tarte aux myrtilles pour le dessert. Mais quand on sait écouter entre les fadaises, on devine ce que ça sera, en réalité, la tarte aux myrtilles ! La grande prouesse plumardière, oui, c’est couru ! La séance d’anniversaire, avec mimi vorace, exclamations sous-cutanées et dégradation de matériel de literie au son d’une marche américaine.

Les camarades disent que c’est un spectacle de qualité et qu’on le voit nettement s’accentuer, le redressement. Une émission de cette trempe, ça regonfle un peuple. Il prend conscience de lui-même et de ses possibilités, voyez-vous ! Tout de suite derrière, on nous offre un documentaire sur l’Inde, comme quoi la misère, là-bas, n’affecte que les pauvres. Heureusement, pour relever le standinge de ce peuple, on y trouve encore des vrais maharadjas bien fabuleux, avec palais de marbre aux cours pavées de rubis et de topazes retaillés par Marcel Pagnol. Bref, c’est la féerie indoue dans toute sa splendeur. Dans le court métrage, ils causent pas des bidonvilles pour pas choquer. Ils préfèrent rester dans les joyaux, l’albâtre, le satin et les éléphants blancs caparaçonnés d’or (c’est le peuple qui est cornac, bien entendu). Ils disent pas non plus que toute l’Inde féerique pue la merde ! Car, d’après leur religion, à ces braves sous-alimentés, ils doivent déféquer en plein air au lever et au coucher du soleil. Quand on arrive à Bombay un matin, de l’aéroport jusqu’à la ville, sur près de quarante kilomètres, on voit l’Inde accroupie. Tout un peuple déculotté, ça impressionne. Les senteurs de l’Inde mystérieuse, c’est ça. Mais allez donc le montrer ou le dire dans un documentaire ! Allez filmer toutes ces maigreurs occupées à s’extirper des résidus au bord des routes et se torchant avec de la terre ! C’est pour le coup que la ligue du culte viendrait au renaud, les bien-pensants calfeutrés dans leur rancœur, les ennuyés, les ennuyeux, les préoccupés de-ce-qui-ne-se-fait-pas, les sentencieux, toute la horde confite, bénite et bilieuse des faux culs à faux cols. Qu’ils essaient de nous la faire voir, l’Inde chiante qui se torchonne l’orifice à la glaise cholérique, qui avale des bandes Velpeau pour se nettoyer la boyasse et qui choisit les vautours comme tombeaux ; voui, qu’ils essaient, les gars de 7 Jours du Monde et vous verriez, le Pierrot Lazareff, les bafouilles bouillonnantes qu’on lui déverserait sur le burlingue. Dans l’ombre et la tourbe, dans les rues et les alcôves, dans les bureaux et les confessionnaux ils sont là, les corbeaux déguisés en quidams qui remplissent leurs stylos d’acide chlorhydrique pour l’invectiver, Lazareff, lui dire ce qu’ils pensent d’un vrai journaliste, le biffer, le raturer, le censurer, le menacer, l’éclabousser ; messieurs les cloportes, mesdames les cancrelates, tous les dévergondés de la ceinture de chasteté avec leur trousse à pétitions. Ils vigilantent, les frères de la cote morale ! Ils font le guet, ils font des rondes, ils prennent le quart pour rien laisser passer.

Je fais une nouvelle rafale de téléphones. R.A.S. ! Mathias : état stationnaire. Au Standing Hôtel, les Dolorosa ne sont toujours pas rentrés. Je vais alors au plumard. Mais au lieu de coucher dans mon box, je décide de me zoner dans celui d’Abel Cantot. De cette façon, s’il se pointe, je suis certain de ne pas le rater ! Y a encore des élèves dehors, les attardés du coup de reins. La plus grosse partie des effectifs a rejoint sa base. Les vadrouilleurs ont les châsses soulignés trois fois, les guibolles en coton et le slip aux abonnés absents. J’ai idée que ces dames ont été servies.

Avant de m’étendre sur le pageot du déserteur, je fouille son placard. Je déniche quelque chose d’intéressant : un matériel de plombier dans un carton à chaussures. Je pense que même les plus bêtes d’entre vous (s’ils existent) en ont déjà conclu que c’est Cantot notre assaillant de l’autre nuit. C’est lui qui faisait de la plomberie clandestine à’ l’infirmerie. Décidément, j’ai de plus en plus envie de le retrouver, le gars Abel. Je vous promets d’être son Caïn, mes filles.

J’attends aussi longtemps que je peux.

Et puis je peux plus.

Alors je m’endors. Mais d’un œil.

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