Je pionce dans le dortoir du vieux bâtiment. Mon box personnel est au fond de la pièce, près de la fenêtre. Il ferme par un rideau et les séparations sont en contreplaqué, c’est dire si la promiscuité insiste !
Vu ma mine anthracite, les copains m’ont déjà surnommé Blanche-Neige. Y a peu de renouvellement dans le quolibet. On affuble toujours des mêmes épithètes. Les hommes manquent d’invention. La calembredaine se traîne languissamment, d’une génération à l’autre. Un coloured man, tout de suite c’est Blanche-Neige. Depuis la sortie du chef-d’œuvre de Disney on a inventé la pénicilloche, l’avion supersonique, et la bombe atomique mais pas de nouveaux surnoms pour charrier un bronzé. Blanche-Neige ! Dans toute sa pauvreté. Faut-il avoir la glande blagueuse atrophiée, tout de même !
Cela dit, ils sont plutôt sympas, les collègues ! Ils aiment bien la Poule. Une vocation. Flic, c’est une manière comme une autre de jouer les Tarzans. On manque de mythologie chez nous. Les Ricains, eux, ils ont le mythe du Peau-Rouge, le mythe du crime, plus un folklore. Nous autres, Français, à part le mythe du général on fait ballepeau. Deux petites étoiles dans la nuit de l’ennui c’est pas bézef (mince, faut que j’arrête de causer arabe, je vais me faire mal voir !).
On a beau les fourbir à bloc, les faire briller dans les projos de la téloche, ça reste relatif comme pittoresque, reconnaissez ! D’accord, on a été des héros panthéonesques mais c’est du passé. La communication a été vilainement coupée en 40. Ils ne veulent pas comprendre, les dirigeants, que la vraie épopée, pour nos petits gars, c’est pas celle de Napoléon, mais celle d’Al Capone.
Alors ceux qui ont envie de mener une vie remuante se font poulagas, c’est logique.
Mon voisin immédiat est un dénommé Racreux. Sa spécialité, à lui, c’est l’incongruité inférieure. Dès qu’il est à l’horizontale, le voilà qui nous joue « l’attaque du Pacific Express » en bruitage naturel. Pas de sa faute : il a le pancréas qui appuie sur son gros côlon. Même que le toubib lui a fait un certificat comme quoi il a le droit de faire ses vents pendant les cérémonies officielles.
— Eh, Blanche-Neige ! m’interpelle-t-il. Je t’entends qui dors pas…
— Je t’entends aussi, réponds-je.
— Tu veux faire une petite belote ?
Je ne suis pas un forcené des brèmes et il est rare que je tape le carton ; mais la belote c’est pas fatigant, cérébralement.
— Pourquoi pas ? réponds-je.
Il arrive dans mon box avec un jeu-réclame plus cradingue qu’une serpillière.
— A toi de faire, Blanche-Neige ! déclare obligeamment ce bon Simplet.
Il coupe en ponctuant d’un de ces bruits dont il a le secret.
— Macao, l’enfer du jeu, je plaisante en distribuant.
— Tais-toi, mon cœur, s’exclame Racreux, en laissant parler autre chose que son palpitant, ce que j’ai pu en faire des parties avec ce pauvre Bardane.
Voilà qu’il m’intéresse de but en blanc, le collègue. C’est un grand type gentil, brun, avec des lunettes et des boutons sur la frime.
— Tu le connaissais bien ?
— Un charmant camarade, soupire-t-il.
Il met ses cartes en éventail et sourit d’un air entendu.
— J’ai un carré de barbus, annonce-t-il triomphalement.
D’allégresse il tire une salve d’honneur. Dans la chambrée un râleur proteste, lui conseille d’y mettre un silencieux une fois pour toutes. Racreux hausse les épaules. Ça aussi c’est mauvais, ce mouvement, pour ce qu’il a. Ça l’oblige à réitérer. On se croirait en pleine Sologne, au moment des hécatombes.
— Ce Racreux, dit quelqu’un, il devrait recharger les siphons au lieu de s’obstiner dans la police.
Imperturbable, Racreux me produit quatre rois fripés, crasseux, usés mais paisibles derrière leur barbouse.
— Mords un peu cette conférence au sommet dit-il.
Je le laisse jouir de son triomphe, puis j’attaque, à l’innocence :
— Qu’est-ce qu’a pu lui passer dans la tronche au dénommé Bardane pour qu’il s’expédie dans la terre glaise en petite vitesse ?
Racreux préambule par quelques sonorités bien venues. Rien d’hiroshimiesque : de simples gammes pour se mettre en souffle.
— Je donnerais gros pour le savoir, murmure-t-il enfin ; y avait pas plus joyeux que ce copain-là.
— Une mémère qui lui aura fait du contrecarre, sans doute ? hypothésé-je.
Il réfute :
— On voit que tu connaissais pas Bardane. Des souris, il en avait à revendre ; un vrai cheptel. Son cœur c’était même pas un artichaut, mais une boule de pissenlit. Tu soufflais dessus et il s’éparpillait.
— La santé alors ?
— Un roc ! En gym’ il aidait le moniteur pour les démonstrations et il t’escaladait une corde lisse comme toi l’escalier de l’Opéra. Le toubib dit qu’il a fait une brutale dépression. C’est rare, mais ça arrive, la preuve !
Il me coupe mon dix de pique avec un petit trèfle perfide. Dans le geste, on dirait qu’il se déchire de bas en haut, comme un tissu.
— Il avait de la famille ?
— Bardane ? demande déjà distraitement Racreux en me proposant un as de carreau conquérant.
— Oui.
Mon collègue me virgule une œillade indécise par-dessus la tierce à cœur qu’il n’a pas encore mise dans le commerce.
— Ça te passionne, on dirait ?
Je hausse les épaules.
— T’es marrant, mon pote, nous sommes flics et une énigme se pose à nous, au sein de notre communauté, normal qu’on s’y intéresse, non ?
Ça le fait chevroter du fondement, l’émotion[2].
— C’est pas tellement une énigme, proteste-t-il.
— Ah ! tu trouves ? Un jeune gars, marrant, costaud, cavaleur et enthousiaste descend de l’autobus dans lequel il venait de grimper et rentre les coudes au corps à la pension Colibri pour se gommer l’extrait de naissance et tu estimes que c’est du bon quotidien sans intérêt ?
« Dis donc, l’esprit Royco, tu vas te le faire expédier par la poste, j’espère, avant d’entrer en fonctions ? »
Son regard se coagule.
— Mollo, Blanche-Neige, mollo ! dit-il sombrement. J’ai pas de leçon à recevoir d’un bougnoule.
Je me sens nègre, tout à coup. Une grande navrance s’insinue en moi. Moralement je ressemble à un chèque barré. La colère que j’éprouve a l’allure d’une grippe, elle me bloque le souffle, me file un peu de température et me fait trouver la vie et les vivants bêtes, laids et provisoires.
— Bougnoule, dis-je, dans ton esprit, ça correspond à quoi au juste, dis, Racreux ?
Il bat les cartes d’un geste fataliste.
— Te fâche pas !
— Je me fâche pas, je voudrais que tu m’expliques enfin ce sentiment de supériorité que te confère la pâleur de ta peau. Tu as vraiment l’impression d’être un type supérieur à l’intérieur de cet emballage blafard ?
— Oh ! laisse, je te dis ! Tiens, coupe, ça vaudra mieux !
Je coupe. Je rêve. Je désenchante.
— Le monde, Racreux, dans le cosmos, t’as eu l’idée de vérifier ce qu’il représentait ? Une tête d’épingle ! Même pas… Nous sommes tous accrochés sur cette tête d’épingle, emportés vers je ne sais quel néant, et voilà monsieur Racreux de mes choses qui chambre ses frères de couleur parce qu’il est tout fiérot d’avoir la blancheur cadavre ! Dis, mon gars, tu as de la poudre de nébuleuse à la place du cervelet ou quoi ?
Du coup il devient teigneux, le grand gazeux !
Tout en rafalant il empoche ses brèmes.
— Si tu n’étais pas à l’horizontale, Négus, tu aurais déjà pris mon poing dans les gencives, déclare-t-il.
Moi, vous me connaissez ? Je saute du paddock en pyje.
— Présent, m’sieur Carnera !
Le citoyen Racreux se met en garde. Il est fausse garde, comme tous les pétomanes. Sa droite part, j’esquive. Il joue son gauche, mais ça passe sur mon épaule vu que j’ai déjà ma tête dans son estomac. Il va faire un valdingue dans la cloison après un demi-saut périlleux. Ses entrailles tonnent ! Ses besicles éclatent. Et comme c’est pas du Securit un morceau de verre lui entame le naze. Il ruisselle.
Ma rogne meurt immédiatement. Je l’aide à se relever.
— On est bien avancés, maintenant, lui dis-je.
Il a fini de jouer les belliqueux. Il n’a plus de colère non plus. C’est un bon zig au fond, bien que ce qu’il dise par le pôle sud soit plus sensé que ce qu’il profère par le pôle nord.
Il s’éponge le pif au moyen de son mouchoir, mais ça coule dru.
— Faut aller à l’infirmerie pour nettoyer ça, conseillé-je. Allez, viens que je te répare !
L’infirmerie se trouve justement au même étage. A ma grande surprise je vois filtrer un faible rai de lumière sous la lourde.
— Tiens, observé-je, l’infirmier fait des heures supplémentaires !
— Penses-tu, proteste Racreux, quelqu’un aura oublié d’éteindre.
Il pousse la lourde et entre, je le suis.
A peine avons-nous pénétré dans le local riche en relents d’éther qu’un léger remue-ménage se produit. Pas le temps de vérifier le pourquoi du comment du chose. Un formidable coup de ronfionfion m’arrive sur la coupole. Je vois la pièce qui se plie en deux et tout devient noir.
— C’est curieux, balbutie Racreux d’une voix clapoteuse.
Nous sommes assis sur le carreau de l’infirmerie, lui et moi. En plus de son tarin, il a aussi le front qui raisine. Une vilaine entaille, comme pour le nez, à croire que quelqu’un a essayé de le fendre en deux, telle une bûche, mon pauvre condisciple à deux temps.
— Qu’est-ce qui est curieux ? soupiré-je en massant ma bosse.
— Tu as les pieds blancs ! fait-il.
Je fais la grimace. J’aurais dû me badigeonner les nougats du temps que j’y étais.
— C’est une question de pigmentation, assuré-je. Un dermatologue m’a affirmé qu’avec une application de Lion Noir ça pouvait s’arranger.
Il hoche sa bouille malmenée.
— Qu’est-ce qui nous est arrivé ? me demande-t-il.
— Vu l’heure tardive, fais-je, je doute qu’il s’agisse d’une insolation.
Le fin limier en puissance se relève et se révèle.
— Il devait y avoir un voleur planqué dans l’infirmerie et quand nous sommes entrés il nous a assommés.
— Dix sur dix, Racreux. Tu es vraiment le Sherlock du pauvre. M’est avis que la poulaille tient en toi une fameuse recrue.
Il sourcille, prêt à recommencer la castagne.
— Oh, dis, moule-moi un peu. Tu as d’autres explications, toi ?
— Non, mon fils, aucune autre.
Je vais à l’armoire émaillée contenant les médicaments et je déniche un flacon de mercurochrome.
— Approche, que je panse tes blessures, Bayard !
De mauvaise grâce, il s’assied sur un petit tabouret métallique et je nettoie ses plaies. Ma tranche a de sérieux remous internes. On dirait qu’un gros bourdon s’est faufilé dedans et qu’il essaie en vain de ressortir.
— On donne l’alerte ? demande Racreux.
— Pas la peine, demain on préviendra discrètement le dirlo. Pourquoi veux-tu foutre l’émoi dans la volière, notre agresseur est loin !
Je me tais brusquement, le tampon d’ouate levé, les yeux plus écarquillés que ceux d’un hibou qui, après avoir fait joujou à genoux avec des cailloux pour amuser ses poux, aperçoit des bijoux dans un champ de choux[3].
— Qu’est-ce que tu as ? s’inquiète Racreux.
Je lui désigne le lavabo.
— Regarde !
Sous la cuvette la tuyauterie a été dévissée et le siphon repose sur le carrelage, parmi des joints neufs.
— Eh bien ? demande-t-il.
— Je crois savoir avec quoi nous avons été estourbis, mon vieux Pouët-Pouët, assuré-je.
— Avec quoi ?
— Une superbe clé à molette chromée. Le type bricolait la tuyauterie lorsque nous sommes arrivés.
Hébété, le Saint-Thomas à répétitions se vrille la tempe d’un index méprisant.
— Tu charries, Blanche-Neige ! De la plomberie au milieu de la nuit ! C’est un somnambule !
— Plutôt un esprit frappeur ! rectifié-je.
Il en égrène son chapelet cassoulesque et objecte :
— Rien ne dit qu’il bricolait le lavabo. C’est peut-être des travaux en cours.
En guise de réponse, je lui désigne le robinet. Il goutte. Très lentement, mais enfin il goutte. Un peu d’eau sort par le trou de la cuvette, constituant déjà une minuscule flaque sur le sol.
— Eh bien ? interroge Racreux.
— Si les travaux avaient été suspendus hier soir, il y aurait maintenant une grande flaque par terre. Le plombier en tout cas aurait mis une bassine dessous puisque le robico est hémorragique. De toute manière, on saura demain si des travaux étaient prévus.
Le futur commissaire s’emporte.
— Ecoute, Blanche-Neige, j’aime bien piger les choses, c’est pour cette raison d’ailleurs que je me suis fait poulet. Explique-moi un peu à quoi ça rimerait qu’un malfaiteur dévisse le tuyau du lavabo !
Comme je ne réponds pas, étant incapable de lui fournir une théorie valable, il hausse les épaules :
— Tu lis trop, Blanche-Neige. Tu ferais mieux d’écrire !
— Merci du conseil, dis-je, je vais y penser.
Au réveil, Racreux et le fils unique et préféré de Félicie ont plutôt mauvaise mine. Les copains nous demandent si nous pensons jouer Fort Alamo toutes les nuits, auquel cas ils désireraient changer de dortoir. Le gazé de naguère et bibi chiquons aux grands d’Espanche ; mais après la bonne douche réparatrice nous cavalons chez le directeur pour l’affranchir. Il est déjà dans les angoisses, le Big Boss, vu qu’on lui a signalé la détérioration du matériel sanitaire de l’infirmoche et qu’il est en train de se poser des questions à ce sujet. Aussi, nos doléances ajoutent-elles à ses préoccupations. Il nous écoute gentiment, en essuyant la buée de ses lunettes, le masque impénétrable. Son self-contrôle, à cet homme, il faudrait le peindre en rouge et le mettre sous verre pour le montrer en exemple.
Quand on lui a exposé le topo et nos ecchymoses, il fait venir le gardien de noye, un grand vieux dénommé Dupanard parce qu’il a des nougats larges comme des omelettes de douze œufs.
— C’est vous qui étiez de service cette nuit ? demande le patron.
La vieillasse branle son chef.
— Vous n’avez rien entendu d’insolite au deuxième étage ?
Re-branlette de tranche de la part de l’estimé Dupanard. En voilà un qui doit se cloquer du miel de Narbonne dans les coquilles pour jouer les sentinelles. On pourrait débroder les initiales de son pyjama sans qu’il s’en aperçoive ! C’est une époque à lui tout seul, Dupanard. Une époque révolue, of course.
— La porte du bas était-elle fermée à la fin de votre dernière ronde ? s’enquiert le directeur.
— Oui, à double tour, et le verrou était mis.
Le Boss congédie d’un geste ce cheval de trait réincarné.
— On devrait conclure que personne ne s’est introduit dans l’Ecole et que c’est l’un des pensionnaires qui vous a attaqués ! dit-il. Messieurs, je vais me livrer à une petite enquête ; en attendant, je vous recommande la plus complète discrétion.
Comme nous nous apprêtons à prendre congé, on toque à la porte et Alexandre-Benoît Bérurier fait une apparition tapageuse. Il est en pyjama, les pieds nus dans ses ribouis délacés. Il a jeté son imperméable sur ses épaules et coiffé son abominable chapeau mon au bord limoneux comme une margelle d’abreuvoir. Pas rasé, reniflant l’étable et le vin rouge, il s’avance en grattant furieusement son entre-derche avec cinq doigts impatientés.
— Monsieur le directeur, gronde le professeur de bonnes manières en soulevant son chapeau de trois centimètres, je viens déposer une plainte en bon uniforme.
Il s’assied sans y être convié, croise ses jambons et laisse tomber la chaussure de son pied levé.
La chose qui apparaît alors est plutôt infâme. C’est une masse grisâtre avec cinq touches noires d’importance décroissante : les orteils. Ça existe, ça grouille, ça sent. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Béru se met à gratter cette chose injustifiable avec acharnement. Racreux, impressionné, nous fait sa fantasia des grands jours.
— A vos souhaits, vicomte ! lance le Gros.
Puis, se tournant vers le directeur.
— Imaginez, m’sieur le directeur, qu’on a fouillé mes bagages pendant la nuit !
— Hein ? s’effare le patron.
— Textuel ! Je m’offrais la ronflette grand siècle, et puis j’ai z’eu le sentiment que quelqu’un vadrouillait dans ma carrée. J’ouvre un store, juste au moment que ma porte se refermait. Dare-dare je bondis. Dans ma précipitance je m’heurte à la table et c’est mon genou qui morfle.
Il relève la jambe gauche de son pyjama, seulement il a le moltebok trop fort, Béru. Comprenant qu’il ne pourra pas dégager le genou endolori par le bas, il se décide à le dégager par le haut. Sans pudeur, le voilà qui tombe son grimpant pour montrer.
— Je crois bien que je m’ai fait un épandage de si beau vis, diagnostique l’Enflure.
Il caresse d’un boudin prudent l’énorme genou violacé et gonflé.
— Au moins un jerricane de flotte, là-dedans, affirme-t-il. Et c’est sensible !
Le cher directeur est stupéfié par ses manières. Il regarde d’un œil en berne la brioche velue du Gros et ses rudes cuisses éléphantesques.
— Je vous en prie, balbutie le Boss.
Bérurier se reculotte en geignant.
— Après ce gnon, quand je suis arrivé au couloir il n’y avait plus personne, vous pensez bien ! Comme tout me paraissait recta dans ma piaule je m’ai remis dans les torchons. Et v’là que ce morninge, en me levant, je m’avise de ce que ma valoche avait été fouillée. Mes limaces bien repassées en chiffon, m’sieur le directeur. Mes costards en tas, par terre. Mes camemberts sortis de leurs boîtes ! Et des calendos en liberté dans la lingerie, c’est contre-indiqué !
« Brèfle je trouve ces façons intolérables. Je me permets de vous rappeler qu’outre professeur, je suis surtout inspecteur principal. Moi et mon boss, le commissaire San-Antonio, on a résolu les énigmes policières les plus coriaces de ces dernières années. C’est pourquoi si vous voudrez, je peux me charger de l’enquête et faire sa fête au loustic ? »
Il brandit son poing qui semble sculpté dans du cœur de noyer.
— Avec cet appareil à guérir les migraines, je peux y ôter l’envie de recommencer !
Il guette les réactions du patron. Mais le directeur a retrouvé son self-contrôle.
— Je me charge d’éclaircir la chose, mon ami, promet-il. Soignez votre genou et ne vous occupez pas du reste !
La Béruche est à moitié satisfait. Il renifle un grand coup, remet sa godasse et fourrage dans l’échancrure inférieure de son pantalon de pyjama.
— Comme vous voudrez, m’sieur le directeur, mais s’il vous faut du renfort, pas la peine de bigophoner à Police Secours, je suis là avec tous mes accessoires.
Nous évacuons le bureau directorial. Comme la veille, dans la classe, le Béru me détranche en mettant ses sourcils en visière.
— Je suis quasiment sûr qu’on se connaît, affirme-t-il.