CHAPITRE NEUF DANS LEQUEL IL SE PASSE DES CHOSES PAS BANALES

Dans sa voiture, Mathias me raconte sa vie lyonnaise. C’est la préface à ma visite chez lui. Il m’explique les lieux, les êtres. Il loge chez son beau-dabe, lequel est toubib rue Vaubecour, dans le quartier de Bellecour, le plus smart de la Cité de la soie[6].

Le docteur Clistaire est un spécialiste des troubles vibrospongieux. On vient de loin pour le consulter. C’est lui qui a écrit ce fameux traité sur le bitounage de la glande mécédonienne dans le plissement péritonique : pour vous le situer !

Je pige, à travers le blabla de mon Rouquin, qu’on ne doit pas rigoler tous les soirs chez les Mathias. Sa belle-doche est présidente honoraire-adjointe de la ligue du culte, vice-sous-trésorière de l’œuvre des enfants décalcifiés, secrétaire générale des protégés à part entière, doyenne du comité des anciens concierges émasculés et fondatrice de la société d’encouragement à l’intromission platonique. Des gens du monde, en somme !

L’appartement occupe tout un étage et comporte deux entrées, l’une à gauche, l’autre de face. Le toubib réside dans la partie noble, Mathias et sa femelle dans l’autre, plus modeste.

En grimpant l’escadrin nous rencontrons des personnages funèbres, vêtus de sombre, à la face blafarde et au regard rétractile. Ils montent chez le toubib et sonnent modestement à la double porte centrale, tandis que mon compagnon, pour sa part, toque à la lourde de gauche.

— Y a réception chez ton beau-dabe ? m’étonné-je.

— Une petite réunion, fait-il d’un ton gêné.

Une personne jaune, maigre, creuse et grisonnante de tifs ouvre la porte aux visiteurs nocturnes.

— Ta belle-doche ? susurré-je.

— Non, la gouvernante.

Notre porte à nous s’écarte légèrement et je découvre, par l’entrebâillement, une personne pas plus tarte qu’une autre. Une vingt-sixaine d’années, les cheveux châtains séparés par une raie, un visage ramassé d’où pointe un nez couvert de taches de rousseur, telle se présente Mme Mathias.

Elle porte son enfant par-dessous une robe-sac, avec beaucoup de courage et de dignité. On sent, au premier coup d’œil, qu’elle a été élevée chez les bonnes sœurs (pas toujours si bonnes qu’on le dit), qu’elle a une licence de droit, qu’elle aime broder les nappes, qu’elle va à la première messe le dimanche, qu’elle s’occupe de l’arbre de Noël de la paroisse, qu’elle sait préparer le thé, qu’elle sait le boire (avec un nuage de lait), qu’elle ne lit pas Céline, qu’elle ne va au Théâtre des Célestins que lorsqu’on y joue du Claudel et qu’elle se fait habiller par la couturière de sa maman, dont la mère habillait déjà sa grand-mère.

Présentations. Elle me décerne un pâle et prudent sourire en me proposant une main un peu sèche, que j’humidifie d’un rapide baisemain.

— Vous êtes très aimable de vous déranger, monsieur le commissaire, murmure-t-elle, je crois que Xavier s’est alarmé pour rien.

Je mate mon ex-subordonné.

— Tu te prénommes Xavier ? m’étonné-je.

— C’est mon second prénom, bafouille l’Incendie. Ma femme l’a préféré à Raymond.

Ce détail confirme mon impression selon laquelle le gars Mathias n’a pas choisi la liberté le jour où il a drivé miss Clistaire jusqu’à la mairie.

On me fait entrer dans un petit salon meublé en Louis XVI décapité. Les médaillons des fauteuils sont plus usés qu’une banquette d’autobus espagnol, on voit la trame des tapis et le tain de la glace à trumeau ne vaut guère mieux que celui de la servante que j’ai aperçue un instant plus tôt.

— Comment trouvez-vous mon appartement ? s’inquiète le Rouillé.

— De grande classe, mens-je, tout en me disant qu’il n’y a vraiment pas de quoi se mettre la queue en trompette pour ces vieux bouts de bois défraîchis.

La pendulette de la cheminée, dont le motif représente une déesse allongée dans une attitude récamière, se met à sonner dix coups. Mathias et sa pondeuse se regardent. Elle a beau chiquer que son jules prend des vapeurs pour pas grand-chose, elle semble dans ses petits chaussons, la fille du toubib.

— Il ne va pas tarder, balbutie-t-elle.

— Quelle voix avait votre correspondant ? je demande.

— Une voix autoritaire, glacée, très désagréable.

— Votre mari m’a parlé d’un accent étranger.

— Oui, à moins qu’il ne s’agisse d’un zozotement.

— Que vous a-t-il dit, exactement ?

Elle pose son chargement dans la bergère et murmure :

— Il m’a demandé M. Mathias. Je lui ai répondu qu’il était à l’Ecole de police.

« L’homme m’a alors déclaré qu’il devait joindre Xavier d’urgence et il a raccroché sans un mot. »

La pendulette à déesse, qui ne lésine pas, nous remet une nouvelle tournée de dix coups cristallins.

— Ensuite, poursuit dame Mathias, l’homme a rappelé.

— Longtemps après ?

— Une demi-heure environ. Il m’a dit qu’il préférait ne pas téléphoner à l’école et m’a demandé à quelle heure il pourrait joindre Xavier ici. C’est cela, comprenez-vous, qui m’a troublée.

« J’ai commencé à poser des questions. Mais l’homme m’a interrompue sèchement : “Il s’agit d’une chose importante dont je ne parlerai qu’à lui seul. Dites-moi quand je pourrai le joindre.” »

Elle fronce les sourcils.

— C’était sans réplique. J’ai répondu qu’à dix heures Xavier serait sûrement rentré. L’homme a alors déclaré : « Va pour dix heures ! » et il a raccroché comme la première fois.

Je branle le chef.

— Mathias devait rentrer à dix heures ? m’étonné-je.

Le Rouquin m’affranchit.

— Madame Mathias et moi devions aller au cinéma.

Elle l’interrompt, soucieuse de préserver sa réputation.

— On donne « les Miracles de Lourdes » à la salle paroissiale, précise-t-elle.

— Et du coup vous avez renoncé à cette délicate projection ? déploré-je.

— Nous n’avions pas le cœur à ça, lamente la jeune personne.

Un instant s’écoule. La pendule marque dix heures cinq et ma montre dix heures dix.

— Votre croque-mitaine ne paraît guère épris d’exactitude, remarqué-je.

Comme je dis ces mots, un chant bizarre retentit de l’autre côté de la cloison. Cela ressemble à des incantations.

Je virgule un coup de périscope à Mathias qui rougit.

— C’est la télévision ! murmure-t-il.

Je ne réponds rien, mais je n’en pense pas moins. Le chant continue, il y a la voix ânonnante d’un récitant, qui se tait pour morfler une bordée de répons. Quand le chœur a bien bredouillé, le récitant recommence, toujours sur le mode incantatoire.

— Si c’est la télé, dis-je, ils doivent passer une émission sur le vaudou en Afrique noire.

On frappe soudain quelques coups de poing à la cloison.

— Et ça, je demande à Mathias, tandis que sa bergère nous sert une liqueur de fabrication maison, c’est le fantôme de service ?

— C’est belle-maman qui appelle sa fille.

Effectivement, Mme Mathias répond à ce signal par d’autres coups convenus. Une gravure représentant le curé d’Ars à motocyclette en trembille dans son cadre noir (lequel, à la façon dont il saute, doit sortir de Saumur).

— Vous prendrez bien un peu de vin d’orange ? me gazouille la jeune femme.

— Volontiers, m’empressé-je en appréhendant le pire.

Les apéros faits main, je m’en méfie comme de l’ipéca. Ils vous filent la gueule de bois et vous brûlent la tripaille. Et puis, leur drame, c’est qu’ils sont sucrés.

Elle nous tend deux petits verres misérables dont le contenu n’étancherait même pas la soif d’un canari.

— Et toi, mon bébé, bébêtifie Mathias, tu n’en prends pas ?

— Dans mon état, qu’elle fustige, en faisant un regard comme deux taches d’encre, tu plaisantes ?

Encore une qui croit que faire un gosse est un truc exceptionnel. Selon moi, il n’a pas suffisamment mis l’accent là-dessus, le Gravos, lors de sa première leçon. Moi, elles m’agacent, les bergères qui jouent les Jeanne d’Arc parce qu’elles ont cent quarante de tour de taille. On dirait qu’elles mijotent le prochain rédempteur, le superman toutes catégories chargé de nous tirer du merdier une fois pour toutes ! Elles parlent de LEUR ETAT avec plus d’emphase que Charles Quint parlait des siens. Et la famille attendrie, attentive, admirable, fait chorus à voix mouillée. Elle suinte des recommandations. Elle est prête, elle renaît par moujingue interposé. Elle s’affaire, elle s’effare, elle s’efforce. Les mamans surtout, qui bonnissent comment ça s’est passé pour elles et qui, oubliant qu’elles ont pondu un pauvre contribuable, transcendent leur exploit intra-utérin.

— Excuse-moi, mon bébé, se liquéfie-t-il. Nous allons boire à ta santé.

Je lève mon dé à coudre.

— Et à celle de la petite merveille que vous allez nous donner, déclamé-je avec recueillement.

Ma doué ! Heureusement que le godet a la taille poupée. J’ai déjà bu du vin d’orange, mais de l’aussi dégueulasse, jamais. Ça me rappelle une potion que Félicie m’avait administrée « pour les vers » quand j’étais à la maternelle. C’était si mauvais que j’avais gardé la bouche ouverte pendant dix minutes pour essayer de faire évaporer. Un truc nauséabond et pernicieux, infect jusqu’au bout du tolérable. Mais efficace, ça oui. Mes vers, comment qu’ils avaient déménagé en vitesse, les malheureux ! Hiroshima, qu’on leur jouait là avant la lettre ! Verboten ! Le départ définitif ! Ils ont jamais plus voulu en entendre causer de ce milieu atroce. C’était du terrain impossible, ravagé pour toujours, et je me demande même s’ils oseront se hasarder dans ma carcasse, les astèques, lorsque je serai bouclé dans mon lardeuss amidonné. J’en doute. On doit avoir une littérature parlée ou rampée chez les asticots pour se raconter les endroits radio-actifs.

— Comment le trouvez-vous ? demande, la future môman.

— Extraordinaire, assuré-je en toute franchise.

Comme je dis, la porte s’ouvre, et une personne occupe l’encadrement. Si elle ne portait pas de jupe et n’avait pas de rouge à lèvres, on se demanderait si par hasard il ne s’agirait pas de quelque jument centaurée.

Elle est grande, la dame, mastoc, carrée, avec des naseaux et des poils partout.

— Eh bien alors, Angélique ! fait-elle d’une voix qui vous donne envie de jouer le tiercé ; nous t’attendons.

Mathias se lève précipitamment, cassé en deux, servile, baveur, obséquieux jusqu’au fond de sa culotte.

— Nous avons une visite, mère, dit l’Angélique encloquée.

La jument reste de bois.

— A cette heure ! fronce-les-sourcils-t-elle.

On me présente, néanmoins. Le commissaire San-Antonio, l’ancien chef de Xavier.

La dabuche reste au pesage. Elle ne me tend ni la patte ni le sabot. Elle réprobationne à grandes regardées hostiles. Son regard, c’est le faisceau balayeur d’un phare. Je me sens pire qu’à poil dans sa cruelle lumière.

Elle ne mâche pas ses mots. Si, en devenant professeur, Xavier est encore assujetti à des missions nocturnes, il va devoir quitter ce métier saugrenu. Justement, chez Tourlarin, l’épicier en gros qui préside la chorale des Mésanges des Remparts et du Gros Caillou, on cherche des comptables experts. Il devrait s’essayer dans l’actif et le passif, Xavier.

Il opine, se trouble et s’excuse.

Pendant ce temps, les aiguilles de la pendule continuent de courir le Bol d’or. Il est presque, dix heures vingt et le mystérieux correspondant n’a toujours pas rappelé.

— Allons, viens, gronde Mme Clistaire. Ces messieurs-dames sont là pour toi, tu sembles l’oublier.

Elle harponne sa fifille et l’emmène sans autre forme de procédé.

— Dis donc, murmuré-je, après qu’elles ont disparu, elles ont pas l’air joyce, les beldoches lyonnaises, qu’est-ce qui se passe chez le toubib ?

Il soupire.

— Il dit une messe à l’intention de notre futur enfant.

Je reste un instant sans piger.

— Chez lui, à dix heures du soir !

— Oui.

Mathias paraît gêné.

— Il y a un curé chez eux ?

— Non. Mais…

— Mais quoi ?

Il se racle la gorge.

— A quoi bon vous le cacher, monsieur le commissaire, le docteur Clistaire, bien que bon catholique, est pape !

Un qui voudrait voir fonctionner les clapets d’un cerveau humain surmené n’aurait qu’à s’installer devant le mien, sur un pliant, avec un appareil de radioscopie.

— Pape ! répété-je, confondu.

— Il a fondé une religion à lui, m’explique Mathias, les séraphistes. J’ai pas très bien compris, mais je crois que c’est basé sur l’électricité spirituelle. Le docteur rassemble des volontés et les soumet à une intention commune.

— Il a pété un joint de culasse ou quoi, ton beau-dabe ?

— Il obtient des résultats.

— Vas-y, dis le mot : des miracles ?

Et comme Mathias ne moufte pas, je rengracie :

— Dans toute religion il faut un pape et des miracles… Le spirituel sans merveilleux, c’est trop fragile, c’est comme la barbe à papa : tu mords dedans et tu as la bouche vide ! Qu’est-ce qu’il a fait, Clistaire, comme prodiges ?

Mathias se renfrogne. Il est déjà marqué par son nouveau milieu ; ça le vexe de voir chambrer la belle-family.

— On lui doit des guérisons spectaculaires dans des cas réputés désespérés, fait-il sombrement.

— Et ces guérisons, il les a obtenues en récitant des am-stram-grams ou en employant les antibiotiques ?

— Vous êtes un sceptique, monsieur le commissaire.

— L’idée qu’un médecin puisse se lancer dans la poudre de perlimpinpin, ça me les afflige, Gars. Et on lui fait quoi, à ta bergère ?

— On récite des prières pour qu’elle accouche d’un beau garçon.

Je m’abstiens de lui dire qu’en effet, la venue d’un beau garçon constituerait une espèce de miracle.

— Pour un type qui a fait sa carrière dans le positif, ricané-je, tu m’as l’air de prendre les chemins de traverse, Mathias.

La pendulette me coupe la parole pour nous assener une demie bien tassée.

— J’ai l’impression que le zozoteur ne rappellera pas, assuré-je. Il a dû changer d’avis.

Bien entendu, c’est ce moment-là que le bigophone choisit pour nous jouer « Décroche-moi-veux-tu-et-dis-moi-allô ». On se regarde. Le Rouquin verdit comme le compositeur du même nom quand il composait « Le trou vert ».

— Eh bien, décroche, mon petit ami, l’engagé-je.

Il avance vers le tubophone une paluche tremblante.

— J’écoute, bredouille-t-il.

Ses sourcils s’unissent, son nez becdaiglise, et il balbutie :

— Non, c’est pas possible ! d’une voix tellement lamentable qu’on a envie de la recueillir dans un mouchoir de poche.

Délibérément je me saisis de l’écouteur annexe. Le plantureux organe du Gros me fait friser les trompes.

— … A moins que ça te dérange ? dit le professeur de bonnes manières.

— Pas du tout.

— Alors jockey, j’arrive !

Et ça raccroche de part et d’autre.

— Béru ? m’effaré-je.

Mathias opine.

— Que te disait-il ?

— Il a demandé mon téléphone à l’Ecole, il veut me parler d’urgence pour une affaire de la plus haute gravité.

Je flotte dans l’indécision.

— Très bien, attendons-le.

On s’allume deux cigarettes.

— Vous mettrez la cendre dans la terre de la plante verte, me recommande Mathias en ouvrant la fenêtre à cause de la fumaga, elles m’interdisent de fumer !

C’est le bagne, quoi ! Le jour où il a rencontré sa donzelle aux sports d’hiver, il aurait mieux fait de se casser les deux guitares.

De l’autre côté de la cloison, Sa Sainteté Clistaire Ier continue de célébrer son office pour la gloire de sa descendance. Les fidèles chantent un cantique. Puis une musique aigrelette retentit.

Tout en tirant sur ma sèche je considère le bigophone, perplexe. C’est maintenant que ça me prend, l’inquiétude triparde à propos du correspondant zozoteur ou levantin. J’y vois pas très clair dans ses brèmes. D’ailleurs, toute cette affaire ressemble à de l’eau de boudin. Deux suicides à l’Ecole, deux attentats contre Mathias. Un facétieux qui bricolait le lavabo de l’infirmerie. Un autre (ou le même) qui s’est payé une exploration des bagages du Gros ; oui, tout cela me trouble haultement.

Mathias mélancolise à part. Ma présence chez les Clistaire lui fait mesurer brusquement l’inconfort intellectuel de sa nouvelle condition.

— Vois-tu, Rouillé, je murmure, comme j’ai de l’affection pour toi, je vais te donner un conseil : laisse ta nana pondre son lardon, ensuite cramponne-les tous les deux sous le bras et taille-toi d’ici aussi vite et aussi loin que tu le pourras. Sinon tu vas devenir un phénomène de foire, dans cette ambiance saugrenue.

Il hoche la tête, indécis.

Brusquement, les cantiques et l’harmonium se taisent dans la pièce voisine. Je distingue des exclamations. Puis la vieille servante jaunasse aperçue naguère se pointe à toute vibure sur le plancher encaustiqué.

— Vous pouvez venir, monsieur Xavier ? fait-elle avec vivacité d’une voix pareille au bruit d’un tramway dans un virage.

— Que se passe-t-il ? tressaille le Rouquin.

— Il y a là un individu qui réclame après vous et qui cause du scandale.

Nous nous dressons. La vioque aperçoit alors nos cigarettes et ça la choque pire que si nous lui montrions nos Casimirs à pendeloques. Elle fait un truc qu’on m’a encore jamais fait. La voilà qui m’ôte la pipe du bec et qui la virgule par la croisée ouverte. Elle procède de même pour Mathias.

— C’est un scandale, grince-t-elle, avec le bruit d’une girouette surmenée par le mistral.

J’explose :

— Dites donc, la chaisière, si vous n’aviez pas cent dix ans, je vous botterais sérieusement le dargeot, manière de lui donner des couleurs ! En voilà des façons !

J’interpelle le Van Gogh humain.

— Et tu tolères ça, l’ahuri ?

A tout hasard, miss Grain-de-courge se signe par trois fois pour me conjurer. En voilà une dont le berlingot a opéré une remontée impétueuse au fil des ans. Sa vertu et son cerveau ont effectué leur jonction. L’un perturbe l’autre au lieu de le compléter.

Elle m’arrive dessus en piqué. A deux centimètres et demi de mon naze elle lime :

— Vous n’êtes qu’un goujat, un nervi, un apache, un triste sire…

— Voyons, Marthe ! sermonne Mathias qui voit sa position compromise sous le toit beau-paternel.

Mais la couleuvre continue de siffler.

— … Un paltoquet, un démon, un…

— Ecoutez, ma belle momie au teint de pêche-abricot, la coupé-je, si je peux me permettre un conseil, vous devriez bouffer de l’ail ou bien boire de l’alcool de menthe, enfin bref, vous parfumer le bec avec du véhément car votre haleine me fait penser à la fois où les vidangeurs ont fait la grève sur le tas ! Quand vous respirez, c’est comme quand on oublie de tirer la chasse après usage. Faudrait consulter un stomato ou mieux Jacob Delafon pour qu’ils vous installent un système de siphon dans le clapoir.

Débordée, anéantie, outrée jusque dans sa moelle épinière, elle s’abat dans un fauteuil tandis que nous cavalons chez le beau-père.

En pénétrant dans le grand salon du docteur, nous avons droit à un spectacle rare.

Une dizaine de personnes sont rassemblées là. Déguisées en druides ! Toutes portent une espèce de longue chasuble blanche et sont coiffées d’une couronne de laurier.

La femme de Mathias est couchée sur la table, avec un coussin en guise d’oreiller, et les braves gens ici réunis brandissent au-dessus de son ventre une rose blanche.

Debout devant la table, le docteur officie. En plus des autres, il porte une étole d’hermine autour du cou. C’est un kroumir à barbiche immaculée, avec un lorgnon, la raie au milieu, un nez patatesque, des étiquettes décollées et une rangée de dents en or.

Il regarde, bouche bée, le gros Béru debout près de la porte, son flingue à la main. La scène est dantesque. C’est un tableau délirant. Les sujets sont figés comme dans un instantané photographique.

— Eh bien, à quoi joues-tu ? Béru-interpellé-je.

Le Gros me mate par-dessus son épaule gauche. Ma présence le surprend un peu, pas trop. Depuis si longtemps il est habitué à me découvrir dans les endroits les plus inattendus !

— Je crois que j’ai arrivé à temps ! me fait-il, vise un peu !

Du canon de son feu il embrasse la scène.

— Ces gus s’apprêtaient à martyriser la jeune dame que voilà.

— Tu n’y es pas, crétin…

Je lui explique qu’il ne s’agit pas d’une chambre ardente mais d’une chapelle. On ne torture pas, on célèbre la messe séraphiste. Le barbichu, c’est pas Samson, mais le papa de l’intéressée.

— Comment te trouves-tu ici ? interrogé-je.

Il hausse les épaules en remisant son composteur.

— J’ai sonné, une vieille rabougrie m’a délourdé.

« “Je suis t’attendu”, que j’y ai fait. Je voulais causer de Mathias. Elle a dû confusionner et m’a drivé ici. Quand j’ai vu ces ahuris autour de la môme, je m’ai dit que je débarquais chez des sadiques. »

Le docteur Clistaire, pour le coup, reprend du poil de la bestiole. Faut le voir se démener, le pape du séraphisme ! Un vrai petit démon dans un bénitier !

Il crie bien haut au sacrilège, à la profanation. Une cérémonie d’enfantement chamboulée par Béru, ça vous conduit droit à la fausse couche, au mongolien, à la déformation congénitale ! Son petit-fils, il risque de venir au monde avec des bras de pingouin, ou bien bourré de microbes, ou encore pire avec le cerveau en tire-bouchon.

Béru égale thalidomide. Béru égale fièvre puerpérale. C’est l’ouragan des utérus ! Le fléau pernicieux des maternités ! Le monstre des berceaux !

A la fin, il supporte plus, le Gros. Et il leur dit sa façon de concevoir, sinon les gosses, du moins la religion.

— Bandes de cloches fringuées en folles pédoques ! brame l’Enorme. Avec vos conneries vous devez vachement l’affoler, le pauvret à venir ! S’il vous entend simagrer il a envie de faire demi-tour et de retourner chez son père ! Ecœuré, ce petit ange, d’imaginer la vie peuplée de tartes pareilles !

« Ça me fait penser au train fantôme de la foire du Trône. Un jour que j’y étais avec une souris, histoire, de la conditionner à la frissonnante, elle m’a demandé si c’était un vrai fantôme qui nous ébouriffait les cheveux pendant le passage dans la grotte aux esquelettes. Elle y croyait dur comme fer, j’avais beau protester que le surnaturel ça n’existait pas elle insistait dans ses convictions. Alors j’y ai repayé un tour d’angoisse pour lui prouver. Au moment où la paluche invisible s’est abattue sur nos tronches je l’ai empoignée et j’ai tiré fort. Ça a résisté sauvage. Pour un fantôme, y se cramponnait, le décoiffeur. Il a failli faire dérailler le train tellement il résistait. J’ai tiré plus fort et il est venu se payer une dégustation de rail dans la grotte aux macchabées. J’ai regretté après, vu que c’était un vieil Arabe aux cheveux blancs et qu’en chutant de son praticable il s’est pété l’arcade souricière. Tout de même, Nini en a eu le cœur net. Vous autres, avec vos robes et votre feuillage sur la coupole, vous me faites penser à elle. Qu’est-ce vous cherchez donc à croire de plus que ce qui existe autour de vous, hein ? Ça vous suffit donc pas, la belle nature et la bonne vie ? »

Cette fois, c’est la mère Clistaire qui intervient. Elle ressemble à la grosse dame prétentiarde que Dubout a dessinée au dos de la couverture (celle qui a des fanons sous le menton). Elle cause fort, jumentesque en diable je vous dis… C’est pas à nous qu’elle s’adresse, mais à elle, dans la grande glace. Les gens qui se regardent parler, c’est la pire espèce. On peut rien contre ça. C’est comme en affaires, deux frangins qui savent s’y prendre. J’en connais à Paname. Dans le théâtre et le cinoche. Deux frères. Gentils courtois, mais qui se regardent sans arrêt quand vous leur causez business. On n’a pas d’interlocuteur. Ils sont sur une autre planète. Ça les isole, c’est ça leur force. Leur manière à eux d’avoir raison : ils vous écoutent à peine, et ils se répondent à eux, les yeux dans les yeux. L’envie vous saisit de vous décalcifier pour essayer au moins qu’ils vous jettent un regard au dargif puisque vos yeux leur font peur. Deux frères qui s’entendent et qui n’entendent qu’eux, c’est invincible. C’est pire que d’avoir un zig intelligent et fortiche en face de soi. Deux zouaves qui se font vis-à-vis et qui procèdent comme si vous étiez un air de radio, ça vous use. Ecœuré, vous finissez par mettre les pouces, vous n’êtes pas vaincu par un homme mais par un serre-livres.

La présidente Machinchouette, avec ses bajoues, son pape de mari, sa fille en cloque et son gendre prof-poulet, elle domine l’univers. Elle a l’œil qui se tortille dans la glace, la paupière lourde qui se trémousse, bien jubilante, affamée de dégoût. Elle déclare sans ambages que des malotrus comme Béru et moi dépassent l’entendement. Des sacrilèges, voilà ce que nous sommes ! Excommuniables à bloc ! Radiés pour toujours de toutes les religions existantes ou devant exister. Et punis par Dieu pour finir. Avec le martinet, qu’il nous attend là-haut, le Barbu suprême, pour la correction d’accueil. Ensuite ce sera la big chaudière, la plus rouge, celle qui tire le mieux. Et une nuée de gaziers fourgonneurs pour nous asticoter la viande à coups de ringards. Que notre bidoche en pète comme marron au feu, et que le jus en coule comme de saucisses crevées. Maudits, vomis, déféqués par la Société. Plus regardables ! Elle montre la porte dans la glace. Je donnerais n’importe quoi, plus autre chose, pour pouvoir jouer les Orphée et me tailler à travers le miroir en crachant au passage sur le reflet de dame Clistaire.

— Barrons-nous, tonitrue le Gravos, sinon je sens que je vais faire un malheur au milieu de ces danseuses.

Ça porte le comble. Du coup, y a les fidèles qui grimpent en mayonnaise eux aussi, comme quoi on les insulte en pleine dévotion. Ils étaient là, à préparer l’enfantement d’Angélique et voilà qu’un horrible pas beau, malodorant et aviné, donne un safari chez le marchand de vaisselle !

Honte sur nous ! Mort aux blasphémateurs. Le bûcher ! La roue ! L’huile bouillante ! Tout le circus inquisiteur.

On nous hue, on nous conspue, on nous évacue. Nous nous retrouvons sur le palier, avec encore la vieille gouvernante qui malédictionne à travers la petite grille de son vieux copain le judas.

Le Gravos et moi on se défrime, et puis c’est plus fort que tout : on éclate de rire. On se cintre, on se tord, on se gondole, on s’en paie une pinte, on se claque les cuissots, les cuisseaux et les jambons.

Nos rires deviennent énormes comme un typhon jamaïquain. Ils grimpent dans les étages, ricochent contre les murs, s’enroulent autour de la rampe. Ils sortent de l’immeuble !

Les portes s’ouvrent. Des gens s’étonnent, veulent savoir. Ils pigent pas que ça soit possible une rifouille pareillement monumentale ; en tout cas ils réalisent mal ce qui peut la motiver. Un monsieur nous demande si on est malades ; un autre si la Cinquième est tombée ; un troisième croit qu’on vient de voir une pièce dramatique de l’Ohertéhef et que c’est la réaction qui se fait. Ils cherchent à comprendre, ces chéris.

Enfin la porte de Mathias s’ouvre. Il apparaît, blême derrière ses taches de son. Il a enfilé un pardingue.

— Je vous en prie, supplie-t-il, descendons !

Il nous pousse, on dévale les degrés. On se marre au-dessus du paillasson, au-dessus des poubelles-girls amoncelées. On se marre encore sur le trottoir.

Enfin, avec un instinct très sûr, Béru nous drive jusqu’à un bistrot presque voisin.

C’est le « canis » lyonnais. Un plancher avec de la sciure. Quelques tables lustrées. Un petit comptoir derrière lequel le patron violacé met des élastiques de couleur au goulot des « pots » afin d’en différencier le contenu : un élastique rouge pour le beaujolais, un vert pour le côtes-du-Rhône.

— Fais pas cette bouille ! jeté-je à Mathias, tu la reverras ta belle-mère !

— Vous m’avez mis dans un joli pétrin, tous les deux !

— Je t’en prie, sermonné-je, n’oublie pas que tu t’adresses à un supérieur.

— Excusez-moi, monsieur le commissaire, mais vous devez comprendre…

— Non, gars, je ne comprends pas, lui dis-je en retrouvant ma gravité des jours sans. Vivre dans un asile, à ton âge, c’est monstrueux.

Béru commande un pot de beaujolais[7]. Il le répartit en récupérant de sa crise d’hilarité. Elle lui a déménagé la tripe, faut que les organes se remettent en position maintenant.

Je continue dans l’amertume sentencieuse.

— Le plus effarant de tout, Mathias, ce qui indique le mieux le climat de cette maison, c’est le coup de la vieille servante qui, venant te chercher parce qu’un inconnu menaçait l’assistance avec un flingue, a trouvé le moyen de nous arracher nos cigarettes des lèvres.

Il soupire :

— J’aime ma femme, monsieur le commissaire.

— Si tu l’aimes, gars, fais-la évader de ce milieu de tordus. Apprends-lui qu’il existe autre chose au monde que cette ambiance guindée et folle à la fois. Tu ne vas pas élever un mouflet parmi ces délabrés de la coiffe, j’espère ? T’as pas le droit, fils. Personnellement, je te le défends !

Il se met à sangloter. Il n’en peut plus. Depuis des mois il serre les dents, les poings, les fesses. Il est tout crispé, tout soudé, tout collé. Bientôt, pour lui parler, faudra se munir d’un couteau à huîtres.

— Je suis pas heureux, qu’il bredouille à travers ses sanglots.

Le tôlier croit qu’on a biberonné et continue d’élastiquer ses boutanches du lendemain. Des poivrots, il voit que ça. Surtout que c’est l’heure du pochard intellectuel. L’ivrogne populaire est déjà beurré depuis longtemps et cuve dans son alcôve. Reste plus que le bourgeois délicat qui se fignole avec des mots tristes à propos de la vie qui est ce qu’elle est et rien de plus. Le bourgeois lyonnais, c’est une classification spéciale. Il roule en Dauphine ou en 404, mais il a une vache ricaine chromée ou un coupé Mercedes remisé dans une grange de la région. Il va le récupérer à la sauvette pour balader sa secrétaire, les véquendes. Il a pas l’abandon facile. C’est un mec plein de retenue. Ainsi, la secrétaire que je cause, rarement il la brossera sur son bureau, après la sortie du personnel. Dans le boulot il se cramponne à son quant-à-soi. Il mélange pas factures et copulation. Le soir, il a la biture savante avec les copains de l’apéro. On soutient le beaujolpif par des tartines de fromage fort. Ou bien avec une andouillette grillée. La picole va lentement, sûrement. Chacun paie son pot, et après ça recommence. On entre dans le cycle infernal du petit dernier. Chacun le sien, encore. Pas de faste, jamais. L’équité avant tout ! On répartit les frais. On ne doit rien à personne. On se met à causer. Pas de confidences précises, on plane dans le général. Quand on pleure, c’est du chagrin endémique seulement. On verse des larmes du second degré. Toujours les mêmes. On a ses points de chute, conditionnés toujours par la qualité du pinard. Les patrons de bistrot lyonnais, c’est des espèces de funambules qui risquent leur réputation à chaque livraison. Dès qu’une cuvée ne donne pas satisfaction, c’est l’exode de la clientèle ; la grande transhumance des avinés. Y a des hordes de buveurs qui émigrent brusquement, après une seule gorgée pas concluante. D’un commun accord. Un regard et ils s’en vont, sans même finir le premier pot. Dans ces cas-là, le patron a pigé. Des idées harakiriennes viennent le visiter. Il sait que son standing est durement touché, que l’espace d’une ou deux pièces de vin il aura perdu la face, l’honneur et tout. Lyon est la seule ville du monde où le palais est plus fort que l’habitude.

On laisse Mathias se vider de sa peine. C’est son vase d’expansion qui remplit son office.

— A propos, fais-je au Béru, pourquoi lui as-tu rendu visite ?

Le Gravos qui versait un pleur compatissant à la santé de notre Rouquin change de physionomie. Sa bouille s’allonge, son regard pend comme les yeux du gars qui fait une virouze en fusée cosmique.

— J’avais une question de confiance à lui poser.

— Eh bien vas-y !

Il hésite, se grignote un bout d’ongle qu’il crache délibérément — et avec adresse — dans mon verre.

— Oh ! après tout, j’aime autant que tu fusses là, dit-il. Ça te concerne.

D’un claquement de doigts il fait signe au patron d’amener du carburant et poursuit :

— Ce soir, pendant mon cours, quand Mathias est venu te demander j’ai tout pigé.

— Quoi ?

— D’abord, je t’ai reconnu. Jusque z’alors j’avais qu’un pressentiment, mais en vous voyant, tous les deux, j’ai pigé que tu étais bien toi.

— Bravo, Gros.

Il ne se laisse pas amadouer par la louange. Sa rancune est de bonne qualité et il va falloir mettre le paquet pour récupérer son estime.

— Ensuite, continue le Magistral, j’ai pigé que ma promotion de prof c’était un coup de bidon.

Sa voix a défailli. Il a la vanité fendue en deux dans le sens de la hauteur.

— Qu’est-ce que tu racontes, Grosse Pomme !

Il appuie son monstrueux index sur sa paupière inférieure et tire dessus, nous dévoilant un œil énorme, fixe et sanguinolent.

— Mon œil ! dit-il. Tu penses que je lis dans tes brèmes, San-A. Mathias prof ici. Toi, déguisé en élève. Et, moi, là-dessus, nommé prof stagiaire comme par enchanteresse. Pas la peine de me berlurer davantage. Si tu veux jouer au plus con avec moi t’as pas encore gagné, j’aime mieux te prévenir.

Je souris pour me donner du temps.

— Quel est le fond de ta pensée tortueuse, Gros ? Dis voir…

— Depuis que j’ai arrivé, j’ai su que deux élèves s’étaient scrafés. En plus on fouille ma chambre, on déverse ma valoche, jusqu’à y compris des camemberts tout ce qu’il y avait de vivants que je m’étais munis pour mon séjour. Le fond de ma pensée, dis, marchand de salades pas fraîches, tu veux le connaître ? Eh bien, y a du louche dans l’Ecole. On t’a chargé de l’enquête. Et Môssieur San-Antonio de mes choses, toujours plus finaud qu’un marchand de bestiaux, a expédié son équipier numbère oane sur place pour garantir ses arrières le moment venu.

— Et alors, Gros, c’est plutôt honorifique, il me semble ?

— Ça le serait été si tu aurais joué franc-jeu au lieu de me laisser croire que j’étais professeur de bonnes manières pour de bon !

La pitié, chez moi, l’emporte sur la franchise.

— Mais tu l’es, imbécile heureux ! D’accord, je t’ai fait nommer prof, seulement maintenant TU ES PROF ! mugis-je. C’est le résultat qui importe, non ?

Ça le calme. Il me visionne le blanc de l’œil pour s’assurer qu’un reste de mensonge n’y est pas planqué ; puis il demande, d’une voix qui prend de la gîte :

— Pourquoi tu m’as pas affranchi ?

— Parce que je tenais à ce que nous nous installions chacun à notre affût sans qu’il y eût entre nous la moindre complicité, comprends-tu ?

Il ne comprend pas, mais à cause de mon ton mystérieux, il dit pourtant que oui. C’est un candide, Bérurier, dans son genre. Un soumis. Râleur, mais content qu’on la lui fasse boucler. Il se sait faillible et limité.

— Je profite de ce qu’on joue cartes sur table, Gros, pour te complimenter à propos de tes cours. Tout ce que tu nous dis est de première. Tu peux continuer ton programme, c’est du fin travail.

Il en rosit et cache sa confusion dans son verre.

Un quart d’heure plus tard, nous prenons congé de Mathias. Cette soirée, ç’a été une mesure pour rien. Le correspondant n’a pas téléphoné ; néanmoins il s’est tout de même passé des choses, non ?

Et des pas banales !

— Tu veux qu’on te raccompagne chez belle-maman ? demande le Gravos d’une voix plaisante.

— Oh ! non ! Oh ! non ! fait vivement le Rouquin, ça suffit pour aujourd’hui.

Il s’éloigne dans l’ombre méticuleuse de la rue déserte, le dos rond. Sa chevelure scintille comme une lanterne japonaise.

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