CHAPITRE XVII

Lorsque je me pointe sur le plateau, les prises de vue de « l’Entrée du Choléra à Marseille » sont stoppées because le chef opérateur a piqué une crise de nerfs et la script s’est cassé un ongle en taillant son crayon.

Comme je fouinasse à travers la forêt de projecteurs éteints, une main toujours énergique s’abat sur le rembourrage de mon veston.

— On y prend goût, décidément, cher poulet !

C’est Larronde. Bébert arbore une chemise made in U.S.A, représentant un coucher de soleil sur une palmeraie.

— Tu te déguises en affiche saharienne ? demandé-je.

— Tais-toi, c’est un cadeau du beau Fred.

— Mince, son secrétaire l’a converti ?

— Non, mais il a été particulièrement heureux d’un écho que j’ai fait passer sur lui dans ma feuille de chou. J’ai révélé au monde qu’il était capable de boire une bouteille de bourbon sans respirer… Comme ce n’est pas vrai, ça l’a flatté.

Il a l’art des fondus-enchaînés, Larronde.

— Ça boume, ton enquête ? me demande-t-il à brûle-pourpoint.

— Ce que t’es obsédé, Bébert !

« Dis voir, j’ai entendu des figurants qui disaient que Mrs Loveme se trouvait ici tantôt.

— Exact, boy !

— Ce que j’aimerais lui être présenté… J’ai vu une photo d’elle, c’est tout à fait mon genre.

Il a une fois de plus un regard aigu, intense, qui plonge jusque dans ma conscience.

— Quand tu vous regardes commak, plaisanté-je, on a l’impression que tu vous fais un tubage d’estomac… C’est possible ou pas ?

— Arrive, bel emplumé.

Il me guide à la loge de la super-vedette.

Un ramdam terrible s’en échappe. Albert ouvre sans se donner la peine de frapper. Y a foiridon chez Loveme. Le beau gosse est vautré sur une peau d’ours, torse nu.

Des journalistes américains, glass en main, se biturent à sa santé, sous le regard mélancolique de son épouse.

Un électrophone haute fidélité concasse un chant du Golden Gâte Quartet.

— Hello ! dit joyeusement Loveme.

Je suis peut-être le quart de la moitié d’une truffe, mais ce zig n’a rien du papa dont on a kidnappé le lardon.

Il est détendu, heureux de lui et des autres…

Il me reconnaît, me flanque un coup de poing dans les mollets et me dit de prendre un verre.

Larronde l’enjambe et me présente la belle fille sombre. Elle a du sang mexicanos plein les veines. C’est une beauté. À côte d’elle, miss Univers est tout juste bonne à se présenter aux bureaux d’embauche de Saint-Claude, Jura.

Elle lève ses longs cils et je prends en direct son regard sombre, qui luit étrangement dans la peau mate.

— Mistress Loveme, je vous présente un confrère, dit Larronde.

Elle me sourit avec difficulté.

— Hello ! dit-elle.

Je réponds du tac au tac : hello ! ne voulant pas être en reste.

— Vous êtes journaliste aussi ? me demande la ravissante personne.

Quelle surprise ! Elle parle français presque sans accent.

— Oui, dis-je.

Et je lui exprime ma stupeur de l’entendre manier ma langue maternelle avec une telle aisance. Elle m’apprend que sa mère était canadienne, et qu’elle a fait toutes ses études à Québec.

Voilà qui facilite les choses.

Larronde reste un bout de moment à nous épier. Mais, découragé par la banalité de notre conversation, il prend un verre vide sur la table à maquillage de Loveme et se verse une rasade carabinée de Old Crow.

— J’aimerais écrire un magnifique papier sur vous toute seule, dis-je. Seulement ici on ne s’entend plus Ça vous ennuierait que nous fassions quelques pas dehors ?

— Ça ne m’ennuie pas ; mais je ne tiens pas à ce qu’on écrive quoi que ce soit sur moi…

— Et pourquoi ?

— Je ne suis rien…

— Vous êtes la femme d’une célébrité.

— Et vous trouvez que c’est un but dans la vie ?

Elle me paraît fortement désenchantée, la pauvrette.

Je lui fais signe de me suivre. Naturellement Larronde nous emboîte le pas, pressentant de l’intéressant.

Je le prends â part.

— Écoute, Bébert, lui dis-je en souriant. Depuis dix ans tu écris des saloperies sur tes contemporains et t’as réussi à conserver ta gueule. C’est trop beau pour durer…

Il cherche à cacher sa déconvenue.

— Depuis que tu fréquentes des Ricains, tu te prends pour Robinson, ma parole !

— Souhaite pas que je te prenne pour sparring partner !

Avec un haussement d’épaule, il rentre se bourrer avec les autres. Moi je presse le pas pour rattraper Mrs Loveme au bout du couloir.

J’éprouve une espèce de gêne. Car c’est le genre de femme qu’on ne sait jamais très bien par quel bord attaquer. Elle peut avoir les réactions les plus imprévisibles.

— La France vous plaît ? je lui demande, manière de me foutre en salive.

Elle hoche la tête.

— À vrai dire, moins que je ne l’espérais.

— Qu’est-ce qui vous choque ?

— Ce n’est pas votre pays, mais mon état d’âme… Je traverse une période assez déplaisante et, comme je me trouve en France, j’ai au fond de moi l’impression que… Vous comprenez ?

Elle n’a pas l’air gourde, cette souris, C’est rare pour la femme d’un acteur.

— Oui, je comprends, madame Loveme.

Je crois qu’il faut porter le fer dans la plaie. Il m’en coûte de m’acharner sur une malheureuse mère qui doit souffrir le martyre… Mais c’est en allant au fond des ruisseaux qu’on trouve des pépites…

— Parlons métier, dis-je. J’aimerais écrire un bath article que personne n’a encore songé à faire…

— Vraiment ?

— La vie familiale d une grande vedette… Vous et votre fils, madame Loveme… Avec des tas de photos… Qu’en pensez-vous ?

Quand on la considère, vu sa peau bistre, on se dit qu’il n’est pas possible qu’elle pâlisse. Et pourtant si.

La chère ravissante personne devient couleur de cendres éteintes. Elle ferme un court instant les yeux, comme pour puiser du courage dans la nuit de son être (Joli, non ? Je deviens académique. Qu’est-ce qu’ils foutent chez les Dix au lieu de me balancer le Goncourt ? Ils sont là à se démantibuler la cervelle et à user leurs bésicles pour dégauchir le bouquin le plus chiatoire de la saison, et ils ont à portée de téléphone un garçon talentueux, bourré d’idées à changement de vitesse, doté d’un style percutant, dont les images font mouche puisqu’il est de la poule ! Enfin, le jour viendra fatalement où l’on consacrera mon génie, sinon y aurait pas de Justice).

Il me semble que Mrs Loveme va partir dans les quetsches.

Seulement cette femme est comme La Bruyère : elle a du caractère. Lorsqu’elle rouvre ses belles châsses ardentes, elle est calme souverain.

— C’est une très bonne idée, en effet, dit-elle. Seulement je vais m’absenter quelques jours. Voulez-vous que nous prenions rendez-vous pour la semaine prochaine ?

— Hélas, j’ai promis à mon journal un article sensas pour demain…

— Impossible, je m’en vais tout à l’heure.

Court silence. C’est la reprise. Je continue mon machiavélisme.

— Tant pis, madame Loveme… Je ferai donc un Fred Loveme et son fils…

Si j’étais en pantoufle, je m’administrerais des coups de pied au der. Cette fois, elle est obligée de s’appuyer au mur.

— Non, laissez mon petit tranquille, dit-elle sourdement.

Je me réunis d’urgence pour une conférence au sommet et je me tiens le raisonnement suivant, traduit immédiatement en patois dauphinois et en argot de la Villette : « Mon San-Antonio joli, tu es célèbre pour ton sens aigu de la psychologie. Si tu es digne de ta réputation, tu vas confesser cette fille en moins de temps qu’il n’en faut à Bérurier pour proférer une couennerie.

Ayant ainsi pensé, je procède au vote. Mon ordre du jour est adopté à la majorité absolue.

— Voyez-vous, madame Loveme, en France, nous avons un proverbe qui doit certainement avoir son équivalent aux States et qui prétend que le silence est d’or. Moi, je prétends que c’est un gros bobard. Si le silence régnait sur notre planète, d’accord nous aurions évité Aznavour, mais nous aurions raté Mozart, et c’eût été bien dommage…

En ce moment je mets en pratique la théorie 314 grand B du parfait pêcheur à la ligne. C’est-à-dire, je noie le poiscaille. Je trouble sa pensée comme on trouble le pastis le plus pur en y versant quelques gouttes de flotte.

— Je croyais que le kidnapping était puni de mort aux États-Unis ? susurré-je en la biglant.

On dirait qu’elle vient d’empoigner un fer à repasser par le mauvais côté.

— Que voulez-vous dire ?

— Vous le savez bien. Une certaine Mme Unthell a kidnappé votre petit Jimmy… Puis elle a elle-même disparu et on l’a retrouvée noyée tout à l’heure.

Elle s’accroche à mon bras.

— Morte ! Mrs Unthell est morte, dites-vous ?

— Je tiens son cadavre à votre disposition. Voulez-vous me faire croire que vous l’ignoriez ?

Elle n’a pas besoin d’opiner. Sa stupeur est éloquente. J’hésite un instant. L’endroit est mal choisi pour une explication à grand spectacle. D’autant plus que cette jeune femme est à bout de nerfs et qu’elle risque à tout moment de piquer une crise de nerfs. J’aurais l’air finaud si ça se produisait !

— Venez avec moi ! dis-je…

— Où ? a-t-elle la force de soupirer.

— Chez moi… N’ayez pas peur…


Le coiffeur est allé ouvrir in extremis sa boutique, histoire de faire la fermeture. Et puis, un coiffeur ne peut passer une journée complète sans lire l’Équipe, même si sa maîtresse a été retirée de la circulation comme un vulgaire billet de cent sous. Béru redort… Maman fait la toilette de Jimmy.

Voici l’emploi des différents protagonistes de mon présent lorsque j’arrive à Saint-Cloud, soutenant une Mme Loveme ravagée par le désespoir.

Venant de la salle de bains, la voix de m’man. Félicie chante « Les Petits Bateaux » et le gars Jimmy en gazouille de plaisir. Il ne comprend pas encore le français, il ne comprend pas l’homme du tout d’ailleurs et heureusement pour lui, mais il sent qu’on est bien avec Félicie…

— Entrez ! dis-je à ma compagne.

Elle fait un pas dans l’encadrement, avise son chiare, pousse un grand cri et se précipite sur lui.

Inutile de vous décrire la scène, ça vous ferait chialer et le temps est assez humide comme ça.

Je laisse se dérouler la grande scène finale du Calvaire d’une mère. Puis je ramène Mme Loveme à des réalités.

Pour cela, je joue franco et je lui bonnis toute l’affaire par le menu. Et il est pas menu, le menu…

— Maintenant, c’est à vous de jouer, dis-je. C’est comme une formule de bon de commande, il suffit de remplir les blancs.

Elle est tellement joyce qu’elle répond à mes questions sans y prendre garde, en pressant son enfant chéri contre sa poitrine qu’on aimerait chérir.

Je pourrais vous relater bribe par bribe notre conversation, mais vous êtes tellement cloches que vous auriez du mal à me filer le train, mieux vaut donc résumer pour vos cerveaux sans phosphore.

Dégagez la piste de vos consoles à lunettes et esgourdez, mes bonnes gens.

Oyez the story of two poor women made in U.S.A.

La brune, la piquante, la tentante, l’exaltante, la séduisante, l’envoûtante Mrs Loveme a décroché en apparence seulement la timbale en épousant the big actor que vous savez. C’est une tendre, une sentimentale, or Loveme est une brave petite bête, pas méchante, qui passe sa vie à vider des flacons d’Old Crow et à calcer les filles qui viennent lui faire dédicacer des tickets d’autobus. Ça l’a rendu poinçonneur en diable… Sa femme en a beaucoup souffert, jusqu’au jour où elle a rencontré un petit zig à la chevelure romantique qui lui a récité les romances qu’elle attendait.

Le quidam que je vous cause n’était autre qu’Unthell. Et ce petit dessalé, tout romanesque qu’il est, avait néanmoins épousé une dame qui aurait pu être sa mère aisément et sa grand-mère en se forçant un peu le bulletin de naissance. Il a dû parler de sa vie gâchée â Mrs Loveme pour se la faire à l’embellie. Ça a rendu… Amours, délices, mais sans orgues because ils étaient respectivement marida à une montagne de flouze.

Les amants ont imprudemment échangé des lettres tellement enflammées que l’incendie a attiré l’attention de la mère Unthell.

Elle a eu connaissance fortuitement d’une bafouille éloquente.

Gros drame. Elle tenait à son mari de garderie… Elle voulait pas se le laisser piquer par une beauté fameuse …

Alors elle a entrepris ce voyage en France pour régler la question with Mrs Loveme. Entrevue orageuse… Mais sur terre lointaine on se déboutonne plus volontiers.

Elle a exigé que la femme de Fred rompe avec le jeune époux. Mrs Loveme l’a expédiée sur les roses. La grosse mère Unthell s’y est piqué les Dunlopillo et elle a usé des grands moyens. Rapt de Jimmy. Dès qu’elle a eu planqué le mouflet, elle a téléphoné à sa jeune rivale pour l’avertir que l’enfant lui serait rendu lorsqu’elle aurait la certitude de la rupture avec son petit bonhomme.

Ça paraît puéril, mais vous le savez, les ricaines n’ont pas toutes l’intelligence de Jean Cocteau. Faut essayer de nous mettre à leur place, un instant seulement avant que nos cerveaux s’enrhument because les courants d’air…

Elle exigeait pour commencer une lettre d’elle par laquelle elle aurait reconnu que le gars Unthell était le vrai père de Jimmy. Vous mordez la situation ? Corneille reviendrait, aussi sec il foutrait ça en alexandrins !

Mrs Loveme s’est confiée à la gente Estella. Et ma petite Suissesse lui a remonté le moral. Au lieu de céder, Mrs Loveme s’est battue. Pour commencer, les deux femmes ont trouvé un remplaçant à Jimmy. Ensuite elles sont allées trouver un cousin à Mrs Loveme qui travaille au Shape en qualité de civil. Le mec qui a un esprit of family à tout casser, a bien voulu se mouiller pour la cousine. Il a déniché deux têtes pour embarquer la mère Unthell et lui faire dire où elle avait planqué Jimmy. C’est là que la fatale erreur s’est produite…

Ils se sont gourés et ont kidnappé la baleine à Béru… Le cousin s’est aperçu de la bévue et on a libéré la Gravosse. Ensuite, course à la mort pour repiquer la vraie mâme Unthell… Voir Orly…

Elle a suivi le type qui la réclamait sous un fallacieux prétexte, le zig s’étant fait passer pour un envoyé de l’ambassade U.S.A. Mais, quand elle a compris qu’il s’agissait d’un enlèvement, la vioque s’est fait la malle à un feu rouge, en plein Paname, et les mecs qui s’occupaient d’elle n’ont pas pu la récupérer…

Voilà la version de mon interlocutrice. Elle est abasourdie par la mort de Mrs Unthell et ne pige pas ce qui a pu se passer.

— Vous n’avez pas eu de ses nouvelles dans l’intervalle ? demandé-je.

— Si. J’ai reçu une lettre d’elle ce matin. Elle me demandait cinquante mille dollars en échange de l’enfant. C’est pour les obtenir de mon mari que j’étais allée au studio.

C’est à mon tour de faire l’œuf.

Je perds un peu les pédales, comme dirait Charpini.

Voyons, si je récapitule bien : la mère Unthell, il y a trois jours, se fait embarquer à Orly. Elle suit sans méfiance l’homme de main du cousin du Shape. Puis elle pige qu’on lui joue un vilain tour et, à la faveur d’un feu rouge, s’échappe. Au lieu de retourner à l’aéroport ou à son hôtel, la vieille reste planquée… Elle écrit une lettre demandant une rançon en fric alors qu’elle a monté ce kidnapping pour une rançon morale… Et puis elle se noie… Merde, dirait Ubu. Je ne sais plus pour quelle maison je voyage…

L’arrivée du Gros, vidé de sommeil, me rappelle un autre aspect de la question.

— Et l’autre femme ? La première, celle que vos bonshommes ont arrêtée par erreur ?

— Elle est retournée à la maison car elle s’était repérée. Elle a dit à Estella qu’elle faisait partie de la police…

— Par alliance, c’est exact, déclaré-je.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande la Gonfle en se curant les dents avec une aiguille à tricoter de Félicie.

— Moule-nous, tu veux ! l’interromps-je.

Il déballe d’une dent creuse des trucs improbables.

— Qu’a fait Estella ?

— Elle a prévenu Steve, mon cousin… Et ils ont emmené la dame dans un endroit tranquille jusqu’à ce que j’aie retrouvé mon Jimmy…

— Ou est-ce ?

— Je ne sais pas… Je crois, Saint-Germain-en-Laye !

Je me lève, des fourmis plein les cannes.

— Bon. Vous allez téléphoner d’ici à votre cousin, pour lui dire que l’enfant est retrouvé et qu’il tienne la pensionnaire à notre disposition. Vous accompagnerez monsieur jusqu’à l’endroit où elle est séquestrée. Pendant ce temps, ma mère continuera de s’occuper du petit. Rassurez-vous, il est en complète sécurité ici.

Allez, au travail… Ça n’est pas encore fini, ces salades…

Lorsque Mrs Loveme a bigophoné à son cousin, je la reprends en main pour un complément d’informations.

— Tout va bien ?

— Oui… Je voudrais savoir, monsieur, si tout ceci aura des suites fâcheuses ?

— Hum, ça dépend… Vous avez la demande de rançon sur vous ?

Elle ouvre son sac. Sort sa minaudière. À l’intérieur de la boîte d’écaille, sous la houppette, se trouve une feuille de papier. C’est écrit en anglais, caractères d’imprimerie.

— Traduisez !

Elle lit :

Si vous voulez retrouver qui vous savez, remettez cinquante mille dollars aux bonnes œuvres pour la pénitence de vos péchés. Je préviens une congrégation religieuse de votre don. Elle enverra quelqu’un en fin d’après-midi pour le prendre. Lorsque je serai informée que celui-ci s’est accompli, je vous téléphonerai pour vous dire où est J.

Mrs U

— J’ai fait une traduction un peu littérale, s’excuse ma compagne.

Je gamberge. Le Gros s’impatiente. Depuis qu’il sait que son cétacé est en bon état et qu’il va être rendu à ses eaux territoriales, il ne se sent plus.

— On y va. oui ! grogne-t-il. J’en ai classe de laisser poireauter cette pauvre petite Berthe ! Toutes ces giries amerlock, moi, elles me battent les…

— Madame Loveme, coupé-je. Dés que cet individu aura récupéré son lot de chasse, rentrez à votre hôtel ; je vous y attendrai. Vous récupérerez votre enfant lorsque tout sera terminé.


Lorsque le Gros et la maman de Jimmy se sont barrés, je me tourne vers ma Félicie.

— Que penses-tu de tout cela, m’man ?

Elle a l’œil en barreau de cellule, ma brave femme de mère.

— Je suis heureuse de savoir qu’il n’est rien arrivé de fâcheux â Mme Bérurier. Heureuse aussi que cette pauvre femme ait retrouvé son petit…

Grosses bibises sur le museau du gamin.

— Et cette Mrs Unthell, qu’en dis-tu ?

— Franchement, je crois que c’était une folle…

— Moi aussi. Son comportement est extravagant. Veux-tu que je te dise ? Quand elle a vu qu’on l’embarquait, elle a dû croire qu’elle avait affaire à des flics. Pour éviter le scandale, elle s’est foutue à l’eau, mais, auparavant, elle a voulu donner une pénitence à la femme de Loveme. Ces cinquante mille dollars équivalent à trois paters et trois ave !

— Oui, murmure maman, c’est sûrement ça. Voilà ce que c’est d’épouser un homme trop jeune…

Là-dessus, Jimmy demande pipi, mais en anglais de Los Angeles, si bien que Félicie ne réussit à traduire qu’une fois que son beau parquet a été arrosé.

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