CHAPITRE V

Sur mon chaland, sautant d’un quai, l’amour peut-être s’est embarquait[3]

Ça se chantait, dans les jadis. Mme Lys Gauty, je crois savoir. Une très brune avec des yeux verts sur les affiches. Le nonchalant qui passe…

Pour t’amener Conflans-Sainte-Honorine, capitale de la batellerie. C’est là que la paix niche, déclare volontiers Bérurier qui raffole des jeux de mots quand ils sont de lui et, de ce fait, peut les comprendre. Les péniches y sont groupées en essaims noirs. On entend causer cette superbe maladie des cordes vocales qui se nomme le flamand usuel (à ne pas confondre avec le flamant rose). Du Simenon de la grande époque Fayard ! Des gueules roussâtres glandouillent sur les quais, Van Gogh déguisés en mariniers, et usant les temps morts à enfiler des moules marinières. Viendront bientôt de blonds enfants du plat-pays qui courront sur les ponts où sèchent de braves lingeries.

Il est minuit, comme chez le docteur Machin qui soignait les lépreux en leur jouant de l’orgue.

— Où allons-nous ? s’informe le pilote de formulaires.

— Chez un certain Yuri Fépaloff, réponds-je.

— Tu as son adresse ?

— Nous allons la demander.

— A qui, grands dieux, tout est fermé !

— Trouvons une cabine téléphonique publique et commençons par consulter l’annuaire.

L’Epave se met à circuler sur le quai. Justement, on avise la loupiote d’un poste téléphonique dans des lointains propices. La vie reste imperturbable, c’est ce qui assure sa force. Un peu de son charme aussi et, en tout cas, sa morosité implacable.

L’Antonio que je suis fonce à la conquête de l’annuaire. Une cohorte de turbulés de l’entraille ont arraché les pages de « A », de « B », de « C », de « D », plus une partie des « E » pour se torcher l’oigne. Je me jette sur les « F ». Tu peux me faire jouer « In the Bab’ », car je ne trouve pas le moindre Fépaloff.

Pinuche est descendu de son prototype et rallume son mégot. La flamme du briquet ressemble à celle qui couronne un derrick. Quel est le con qui vient d’exclamer « fais derrick d’art » ?

— Rien ? suçote le Brumeux en tétant éperdument son clope pour le faire clopiner.

— Rien.

Le Cloporte hoche la tête. Le silence est troublé par le clapotis de l’eau contre le flanc des bateaux. Il y a aussi de longs grincements dus au frottement des coques chahutées par le vent de la noye.

— Téléphone à un docteur, conseille le père Flanelle ; c’est le genre de personne qui a l’habitude d’être réveillé en pleine nuit et qui connaît bien la population.

— Les pages de « D » de cet annuaire servent d’oriflammes à des colombins, objecté-je.

— Restent les pages de « M », non ? Cherche à « Médecins ».

Toujours cette solide logique pilnucienne…

Je parcours donc la liste copieuse des « M ». Il y a pas mal de toubibs dans le secteur. L’un d’eux se nomme Yuri Fépaloff. Ma vie est un roman.

* * *

Une grande maison neuve, à un étage, toit plat, terrasse blanche, vitrée, stores à manivelle, pelouse, arbres décoratifs. C’est encore neuf, clinical d’aspect. Un garage indépendant capable d’héberger plusieurs voitures prolonge la construction. Tu t’en fous mais je t’y dis quand même, pas te négliger, que tu rentres bien dans le coup, avec les éléments au costume[4].

Sous le porche, une fausse lanterne de fiacre répand une lumière blafarde, éclairant la grande plaque de cuivre du médecin. « Docteur Yuri Fépaloff. Ancien Interne des Hôpitaux de Paris. Voies Urinaires. » Les voies urinaires sont les moins navigables, contrairement à celles de la providence. Gaillardement, je sonne.

A l’intérieur, une meute de clébards se met à entonner l’air du Hot dog. Le docteur Fépaloff est bien gardé. Tu vas me dire que les temps sont périlleux et qu’il est héroïque de vivre à notre époque. Moi je sais des gens qui ont fait une demande pour vivre en 1908, quitte à être morts maintenant, tellement qu’ils en ont class d’être cambriolés et agressés à longueur de temps ! Le ministère du Temps-qui-passe leur a fait savoir que leur requête serait prise en considération, mais qu’il y avait une liste d’attente longue comme les queues de Gérard Oury.

Donc, une paire de chiens vocifèrent. Peut-être même sont-ils plus nombreux : un bouzin pareil, tu penses !

Une voix sèche et féminine demande par la grille d’un parlophone encastré dans le chambranle :

— Qu’est-ce que c’est ?

— Police, réponds-je, nous avons besoin de parler d’urgence au docteur Fépaloff.

— Le docteur est en voyage.

— En ce cas nous souhaitons nous entretenir avec sa femme.

— Le docteur Fépaloff est célibataire.

— Alors avec sa maîtresse, ou son amant, voire avec sa femme de ménage ! m’emporté-je (mais je me dépose à deux pas de là).

— Si vous insistez, j’appelle la police ! annonce la voix.

— Nous sommes de la police, appelez, appelez, cela constituera des renforts.

— Vous n’avez pas qualité pour venir chez les gens en pleine nuit !

— Ça c’est vrai, ça, merdenis-je. Nous attendrons donc le lever du jour, ce qui constitue l’heure légale.

— Que voulez-vous ? insiste la voix.

— Un entretien, je vous l’ai déjà dit. Si vous avez des doutes quant à nos qualités, nous vous passerons nos cartes sous la porte et vous pourrez téléphoner au Quai des Orfèvres pour avoir confirmation de leur réalité.

La voix ne moufte plus. Les chiens continuent d’aboyer, et la caravane de passer.

Je suis marri, comme Aubin.

Je comptais ferme sur cette rencontre avec le frangin du chauffeur moscovite. La chance semblait me sourire avec ce gag de l’annuaire. Et puis tu vois, c’était pour mieux me biter, mon enfant !

Le grésillement du parlophone a cessé, indiquant que le contact est rompu.

— Que faisons-nous ? demande le Plumeau sans plumes.

— Ce que je viens de dire : nous allons attendre le jour.

— Ici ?

— Dans ta voiture si confortable.

— Mais puisque ton toubib est absent ?

— Tu me connais, César ? Quand j’ai le nez qui remue, ça signifie que je dois faire gaffe. Fie-toi à mes impulsions, elles sont aimantées.

Nous regagnons sa Juvaquatre bleue, si pimpante.

— Installe-toi à l’arrière, tu seras mieux pour en concasser, Bout-d’homme !

Docile, il prend place sur la banquette indiquée, s’y love de son mieux après avoir remonté le col de son veston et abaissé les bords de son chapeau. Le mégot devenu ver luisant s’éteint entre ses lèvres. Un léger suintement régulier indique que l’Ancêtre a coupé le courant.

J’ai repris ma place passager et je contemple la grande maison sous la lune. Avec sa loupiote éclairée, sa forme géométrique, sa blancheur, tu la prendrais pour un dispensaire.

Je baisse la vitre de mon côté, car Pinuche dégage une odeur surette, la promiscuité aidant. J’ai l’impression d’être enfermé dans une penderie avec des hardes qui ont pissé depuis peu de temps.

Chez Fépaloff, les clebs se sont tus. Malgré l’heure de plus en plus avancée pour son âge, j’ai de moins en moins sommeil. Cet après-midi, je me trouvais à Moscou. Et il y a eu tout ce bordel à cul, comme dit le prince d’Edimbourg, à moins que ce ne soit le roi Baudoin, je me rappelle jamais. Maman « invitée » à Moscou, moi marié à la merveilleuse Katerina…

Bing ! fait un clocher voisin.

La demi pression de minuit ? L’un de une heure ? J’ai la flemme de réclamer son arbitrage à ma montre.

Vienne la nuit, sonne l’heure

Le temps s’enfuit, je demeure.

Voilà que Pinuche produit des bruits bizarres en roupillant. Tu dirais un crotale qui appelle un taxi. Cela ressemble à des sifflements très brefs, et très impératifs. D’ailleurs ce mode grammatical (l’impératif) est de plus en plus employé, j’ai remarqué. Demain, dernier délai pour souscrire à l’emprunt ! Tiers provisionnel, jusqu’à minuit, sinon ! Tout à lavement : fais ça ! fais pas ça ! debout ! couché ! parle ! tais-toi ! mange ! chie ! vote ! tire la chasse !

Je siffle comme on m’a recommandé de le faire lorsque je souhaite rendre un ronfleur silencieux.

Mais ouichtre !

Et puis d’abord, ce bruit est produit à l’extérieur.

Imitant dame belette, je mets le nez à la fenêtre. Cette fois, le crotale devient au moins mangouste, car les sons qui me parviennent sont nettement issus d’un mammifère.

Abandonnant mon siège je me dirige dans leur direction. J’aperçois alors une forme à la fenêtre d’un pavillon de meulière, en face du dispensaire.

Il s’agit d’un homme en robe des champs, qui à présent m’adresse des gestes.

Je vais jusqu’à sa rive.

Savoir si sa maison coule ou s’il a peur des rats.

La clarté lunaire me permet d’admirer un citoyen d’une cinquantaine d’années, ascétique, au nez crochu, au regard broussailleux, qui enveloppe sa maigreur dans une veste d’intérieur trop grande pour lui, achetée en sous-main au général Dourakine.

— Vous avez besoin de quelque chose ? je lui questionne.

— Vous êtes de la police, ai-je cru entendre ? riposte-t-il.

Le ton est acerbe (il croate).

— En effet, pourquoi ?

— On ne va pas se raconter notre vie par la fenêtre, entrez donc. Vous passez par le jardinet.

Je me rends à l’extrémité du pavillon et pousse la grille d’accès. Un bout d’allée, trois marches extraminces, une porte vitrée dont la partie supérieure est protégée par du fer forgé tarabiscoté. J’aperçois une plaque émaillée décorée d’un bouquet de violettes. Dessus, il est écrit en anglais à poils : « Alex Libris, professeur de psychologie négative ». Cette dernière partie de l’information me cause quelque perplexité, mais l’insomniaque vient m’ouvrir, écartant du pied et de la voix une ribambelle de chats qui voulaient profiter de l’occase pour noctambuler dans le quartier.

Des odeurs atroces agressent mes chères narines. Va falloir respirer avec la bouche. Soit, je ne suis pas sectaire.

Mon hôte ouvre une seconde porte et m’invite à pénétrer dans une pièce en comparaison de laquelle, le grenier des archives d’un ministère ressemblerait à la salle de relaxation d’un aérium. Il y a des livres du genre grimoires empilés du plancher au grenier. Des tables, une chiée de tables, des hautes, des basses, des larges, des étroites encombrent tout l’espace. Elles supportent des dossiers ravagés qu’un souffle de mouche pourrait faire s’écrouler d’une seconde à l’autre.

Le bonhomme Libris furète dans cet univers bordélique qui pue le papier fané et la pisse de chat, finit par dénicher deux chaises, elles aussi garnies de paperasseries, les en débarrasse pour que nous puissions déposer nos deux culs sur leur paille détressée, donc en détresse.

— Vous venez à cause du toubib d’en face, hein ?

— Fectivement.

Une lueur charognarde change son regard en bave d’escarguinche.

— Faut tout y tuer ! déclare Alix Libris.

« Merde, songé-je : un jobastre ! Enfin, je suis aussi bien ici que dans la Juva du Débris. »

— De qui parlez-vous, monsieur Libris ? je demande.

— D’eux ! répond-il brièvement.

— Qui ça, eux ?

— Les autres !

— Quels autres ?

Un air de stupéfaction et de mépris mêlés, avec un zest de fiel et deux sarcasmes battus en neige, imprègne ce visage malveillant, torturé par une réprobation endémique.

— Quels autres ? Vous êtes bon, vous ! Les gens ! le prochain, comme on dit dans les livres de morale. Le prochain ! Vous vous sentez le prochain de quelqu’un, vous ? Vous en trouvez, des prochains autour de vous ? Foutaise ! Abus de confiance. On enseigne à la jeunesse la passivité. On la prépare à toutes les formes de sodomie, il faut réagir. Je réagis. Par mes cours, je parviens à semer la bonne parole. Je fais des adeptes.

— Qu’enseignez-vous, monsieur Libris ?

Un rictus pour film d’épouvante (tu sais, quand le docteur fou qui a la gueule toute verte s’apprête à administrer du cyanure à l’héroïne, ou à la tronçonner avec son bistouri électronique) contracte sa bouche sans lèvres.

— Ce que j’enseigne ? Ce que j’enseigne, mon bon monsieur ? Mais la haine ! Je suis à ma connaissance le seul professeur de haine exerçant en France. La haine de « A » à « Z ». La haine en vingt leçons.

— Vocation ?

— Congénitale. Je suis né haineux. Je hais sans retour. Je hais d’instinct, profondément, avec âme. Sans âme, pas de vraie haine.

— Et qui haïssez-vous, professeur ?

Il me regarde et, détachant chaque syllabe, déclare :

— Tout-le-mon-de ! Je hais les gros parce qu’ils sont gros, les maigres parce qu’ils sont maigres, les nègres parce qu’ils sont noirs, les Anglais parce qu’ils sont britanniques, les catholiques parce qu’ils sont chrétiens, les vivants parce qu’ils vivent ; les morts parce qu’ils ne sont plus. Je hais la terre entière et le cosmos jusqu’à son infini le plus perdu. J’ai l’amour de la haine, comprenez-vous ? Il me survolte. J’existe pour haïr. Je jouis de haïr. Il m’arrive parfois, à bout de haine, de prier Dieu pour qu’Il en déverse davantage en moi, de la plus fraîche, de la plus ardente, de la plus impétueuse. Je Lui dis : « Bougre de Seigneur, amène-m’en encore ! Que je puisse Te blasphémer jusqu’à la mourance ! Renouvelle mon stock, si Tu n’es pas un lâche ! » Et Dieu, dans Sa sotte bonté infinie, recharge ma batterie. Pas décourageable, l’apôtre ! C’est quelque chose, Dieu ! Vous savez Son truc ? La manière dont Il nous bite, en fin de compte ? Il pardonne ! Tout ! C’est de la triche, mon cher. On ne peut rien contre. RIEN ! Les pires avanies, les invectives les plus salées, Le voilà qui sourit ! Je vous jure ! Il sourit et pardonne. Il pardonne d’avance ! Il est savonneux ! Oint de l’huile de l’absolution. On devrait Le disqualifier. Mais ouichtre : on se laisse tout faire, tout offrir, tout pardonner.

Il se tait. Une laide roseur marque ses pommettes de deux taches rondes, pareilles à celles qu’on voit sur les poupées russes.

— C’est passionnant, dis-je.

— Vous devriez suivre mes cours, assure Libris ; déjà, flic, ça dénote des dispositions. Un aimable, un gentil n’entre pas dans la police. Votre sol est prêt à recevoir le bon grain, mon vieux, pensez-y, de grâce !

— Et votre cycle se déroule de quelle manière ?

— Il se divise en chapitres fondamentaux. Etape par étape, nous progressons vers la lumière de la haine absolue. Première partie : l’indifférence. Avant tout, arracher tout ce qui est mauvaise herbe : compassion, générosité, attendrissement, etc. Seconde partie : la moquerie. Le tournant de mon enseignement. Apprendre à se gausser des autres, à ne voir chez eux que leurs travers, leurs mesquineries, leurs marottes ridicules ; de là nous passons à la troisième partie : la hargne. Développer le don de rebuffade, de la repartie cinglante, de la marque de mépris. Alors là, croyez-moi, je me régale. C’est dans cette discipline que vous savez si votre élève est capable ou non de décrocher son diplôme de fins d’études. Quatrième partie : l’exécration. Prélude à la noble haine. Vous vous mettez à détester parce que les autres, que vous voyez dorénavant sous un nouvel éclairage, vous insupportent. Le phénomène de rejet s’opère. Vous apercevez le flamboiement final. La haine, sobre, intense, irréversible est proche, qui vous attend, océan de lumière froide où vous vous ébattrez voluptueusement. Oh ! oui, oui, faites-vous inscrire, je vous ferai des prix. Je peux me rendre à domicile, je ne facture que mes frais d’essence. Et quand j’arrive chez mon élève, les affres des encombrements ont posé ma haine sur orbite. Alors, je me dépasse, mon ami, mes cours touchent au sublime. Haïssons ! haïssons ! Là est la vérité ; la fraternité réelle. Frères de haine, c’est beau, mais c’est beau, si vous saviez !…

Un silence nécessaire succède à son discours.

Je branle tu sais quoi ? Le chef !

— Je suis fort tenté par cette proposition, monsieur Libris, d’autant plus que j’arrive à une période de ma vie où je mesure pleinement la merderie de mes contemporains, ces puants va-de-la-gueule, ces sordides, ces mesquins, ces sous-minus, ces crachats grouillant de bacilles, ces scrofuleux de l’âme, ces…

— Bravo ! Oui, oui, continuez ! encourage Alex Libris. Merveilleux, vous êtes doué. Vous deviendrez mon prodige, le major de votre promotion ! Vous ne pouvez rater votre diplôme avec une mentalité pareille jointe à une telle fougue.

« Oh ! mon bien venu, mon flic ! Je crois que je vous aimerais si je ne vous haïssais tellement ! »

— Merci, monsieur le professeur. Maintenant que nous avons fait à peu près connaissance, dites-moi pour quelle raison vous m’avez hélé depuis votre fenêtre ?

Il se suce la langue, se lèche les perspectives.

— Pour vous apprendre des choses qui peuvent faire chier des gens ! déclare le cher homme. C’est irremplaçable. On ne doit jamais laisser passer un fait susceptible de causer quelque préjudice à autrui. Nuire coûte que coûte, telle est ma devise, l’ami.

— Elle est noble, dis-je en ponctuant d’un bruit comme lorsque tu gobes une belon triple zéro, ce qui est aussi le bruit divin de « la lèche ». Parlez, professeur, parlez, je ferai le reste.

— Il faudra que ce soit saignant !

— Ce le sera, promets-je, loin de me douter que… mais n’anticipons pas.

— Parole de fumier ?

— Parole d’ordure.

— Parfait. Eh bien, voici…

Et il me narre les faits que je porte à ta connaissance ci-dessous, après avoir édulcoré, car son texte était truffé de malveillances cruelles capables de troubler la limpidité du récit.

Hier soir, vers les dix-huit heures de relevée, une automobile noire de marque Audi, immatriculée dans le coquet département de la Seine, est arrivée chez le docteur Fépaloff, lequel était parti faire ses visites. L’auto et ses trois occupants sont entrés dans le garage dont la porte était ouverte d’un côté, car il s’agit d’une fermeture à enroulement horizontal.

M. Alex Libris passe son temps libre à sa fenêtre pour surveiller le quartier. Cette observation assidue est riche d’enseignement et lui permet d’adresser ses lettres anonymes à bon escient. Ayant vu l’automobile mentionnée pénétrer dans le garage, il a été fort surpris de ne pas en voir sortir ses occupants. Une heure quarante-cinq plus tard, le docteur est rentré au volant de sa Renault 5 CV baptisée « Le Car ». Il a pénétré à son tour dans le garage. Un certain laps de temps s’est écoulé, après quoi l’Audi est partie, emmenant les trois personnages entr’aperçus, plus le docteur Fépaloff.

Bien joué.

— Description de ces hommes, je vous prie, professeur ?

Il a une abominable grimace.

— Hélas, je n’ai guère eu le loisir de les voir. Ce qui m’a toutefois frappé, c’est une impression d’ensemble. Il m’a semblé qu’ils étaient étrangers et qu’ils étaient tous trois semblables, autant par l’âge que par l’aspect. Celui qui occupait la place passager avant portait lunettes. Vous en dire davantage ce serait pénétrer dans l’imaginaire.

— Le numéro d’immatriculation ?

— Ces salopards l’avaient crépi de boue, intentionnellement puisque le reste du véhicule était propre. D’autre part, je suis affligé de myopie. Je n’ai distingué que le 75 final ; sinon vous pensez bien que j’aurais noté le numéro, voyons !

— Bien entendu, conviens-je avec empressement. Maintenant, parlez-moi du docteur Fépaloff, je vous prie.

— Sale gueule.

— C’est-à-dire ?

— Un Slave, quoi ! Presque chauve, les pommettes couperosées, les paupières lourdes.

— L’âge ?

— Une petite cinquantaine. Il traîne une patte, s’habille de façon négligée, jamais de cravate, affectionne les vêtements de toile, même quand ça n’est pas la saison d’en porter.

— Son existence ?

— Il vit avec une très belle fille beaucoup plus jeune que lui et qui passe son temps à lire. Elle sort peu, jamais sans le médecin. Ils ont deux chiens féroces qui découragent les représentants en produits médicaux ; des bergers allemands. La fille se prénomme Rina. Il lui fait l’amour violemment car elle gueule tout ce qu’elle sait en prenant son pied.

— Du personnel ?

— Une assistante de moins de vingt ans, avec des boutons plein le visage, la peau blême et le cheveu mal soigné. Elle vient le matin à 9 heures, repart à 16 heures.

— Personne d’autre ?

— Une femme de ménage deux fois par jour, une immonde négresse de merde, plus noire que l’encre de Chine et plus grosse qu’un éléphant de mer.

— Ils reçoivent beaucoup ?

— Pas très souvent, mais leurs invités sont nombreux. J’emploie le mot invités, en fait les visiteurs ressemblent plutôt à des conspirateurs.

— Pour quelle raison ?

— Parce que ce sont principalement des hommes et qu’ils arrivent séparément, sans tambour ni trompette. Ces réunions durent jusqu’à une heure avancée de la nuit. Et savez-vous ce qu’ils font, mon cher flic ? Je vous le donne en mille.

— Donnez-le-moi en bloc, professeur.

— Ils regardent la télévision.

— Comment le savez-vous ?

— Mes fenêtres du premier étage permettent de plonger sur leur living. Certes, ils tirent les rideaux, mais il arrive que ceux-ci ne joignent pas très bien ; grâce à mes jumelles je peux voir une partie de la pièce. Le poste est placé devant la baie, ces gens s’assoient en demi-cercle et passent des heures les yeux fixés sur la lucarne de merde.

— Tard, dites-vous ?

— Parfois jusqu’à trois heures du matin, voire davantage.

— Les émissions de télé ne vont jamais au-delà de minuit, sauf cas exceptionnels. C’est donc des films en vidéo qu’ils regardent.

— Oui, probable.

— Peut-être des films pornos, émets-je. Ces projections sont-elles suivies de partouzes ?

— Non, répond à regret Alex Libris.

— Vous en êtes certain ?

— Vous n’avez pas encore compris que rien ne m’échappe ?

— C’était façon de parler. Un grand merci pour vos renseignements, monsieur le professeur ; si tout le monde se comportait comme vous, notre travail s’en trouverait simplifié.

— Tout le monde n’a pas la haine chevillée au corps, soupire l’excellent fumier. J’espère que vous allez « leur » mener la vie dure ?

— Comptez sur moi.

— Pas de quartier, jamais ! Sus ! Sus ! Qu’ils saignent ! Qu’ils crèvent ! Ah ! les voir gésir avec le ventre ouvert, les entrailles au vent, fumantes ; et les saupoudrer de piment de Cayenne fin moulu ! Et leur pisser dans la gueule, monsieur de la police ; leur arracher les yeux à la petite cuiller pour, ensuite, verser de l’acide chlorhydrique dans les trous ! Leur dire qu’ils sont cocus, que leur père n’est pas leur père, que leur mère était pute et pompait des balayeurs sénégalais. Les imposer encore plus, les brimer, les tenailler, les flageller au sang ! Seigneur, comme les lois sont scélérates, qui protègent et assistent cette racaille ! On devrait les déchiqueter et recevoir l’absolution. Que dis-je : être décoré, complimenté, promu ! Accoladé sur le front des troupes ! Oui, allez, allez sévir. Veinard qui en avez les moyens. Qui êtes payé pour faire chier le monde. J’aurais dû me faire poulet, moi aussi, ou contrôleur du fisc, douanier à la rigueur. Mettre en pièces leurs foutus bagages, ce que ça doit être savoureux ! Les fouiller jusqu’à l’anus ! Les retenir des heures sur le gril ! Pourquoi sont-ils si laxistes dans les douanes, les fous ? Rien à déclarer ? C’est bon, passez ! Passez ? Tiens, fume ! Non, on ne passe pas ! Verdun ! A poil ! Je leur administrerais des lavements pour m’assurer qu’ils n’ont pas avalé de lingots. Leur garcerie d’auto ? En pièces détachées, j’en ferais des puzzles ! Les hommes ne savent pas vivre. Heureusement qu’ils meurent !

* * *

Mon sésame ayant agi, la porte s’écarte. Seulement il y a une chaîne de sûreté. Par l’entrebâillement, deux truffes noires soufflent la rage. Les deux cadors ont cessé d’aboyer pour se ruer sur la porte. Ils me guignent, les fauves, prêts à me perforer pis qu’un harmonica. Mais bibi, tu sais quoi ? Ma petite bombe de poche sur laquelle il y a écrit « Police », en caractères noirs, plus des trucs en allemand. Une giclée, deux giclées ! Voilà qui est suffisant. Les deux chiens aveuglés pour vingt-quatre heures se sauvent en hurlant de douleur. Surtout pas un mot à la S.P.D.A., on me chercherait du suif. Déjà que les lecteurs les mieux intentionnés renaudent quand je touche aux animaux. Je me rappelle, quand j’ai écrit Y a-t-il un Français dans la salle, ce tollé parce qu’un sadique y tuait des chats ! J’ai cru, un moment, qu’ils allaient me castrer, les salauds. La loi du lunch, comme chez les Rosbifs ! Je peux écarteler des gonzesses dans mes books, découper en rondelles des vieillards, ils s’en branlent ; au contraire, ça les excite. Ils en reveulent. Mais les chachats, les toutous, les dadas, Achtung ! Verboten ! On me répute sous-merde ; névropathe !

Bon, je te prie d’agréer que dans le cas présent, il s’agit simplement d’un produit passagèrement aveuglant. Demain, un coup d’Optrex et les bons chienchiens retrouveront leurs pupilles de jeunes filles.

Toujours est-il qu’elles déménagent le carreau vite fait, les chères bêtes. J’y vais de mon coup d’épaule de coltineur de pianos. La chaîne de sécurité désécurise séance pendante.

Me voici dans la place. Une entrée, avec, à droite les locaux professionnels : salle d’attente, cabinet de consultation, d’auscultation, mini-labo. A gauche, la partie privée : living, chambres, etc.

Au moment où j’apparitionne dans le séjour, une nana surgit par l’autre porte. Elle braque une pétoire et défouraille, ce qui m’empêche de l’admirer comme elle le mérite ; je n’ai que le temps de me jeter à plat ventre derrière un canapé.

— Arrêtez ! lui dis-je. Vous allez saccager votre salon et foutre du sang sur les beaux rideaux blancs. Je suis de la police et il faut que je vous parle coûte que coûte, je crois vous l’avoir déjà dit. Ne bougez plus : je vais vous expédier ma carte pour vous prouver que je ne mens pas.

Dégageant ma brémouze de ma vague, je m’en sers pour jouer au palet et la lui propulse adroitement. Un bout de temps passe.

— Mettez vos mains sur votre tête ! ordonne-t-elle.

Elle a un accent charmant, slave, me semble-t-il.

— Vous me prenez pour un pirate de l’air ! rigolé-je (il faut rigoler tôt, disait Verdi).

Je lui donne satisfaction et me relève, les pattounes sur la théière, ce qui n’est pas commode quand les couilles vous démangent.

Dès lors, il m’est loisible de savourer la fille. Superbe brin de femelle. Elle est de taille moyenne mais « faite au moule » comme disent les gens qui n’ont pas leur propre vocabulaire. Brune, les cheveux longs, les pommettes comme j’aime, le teint pâle, les lèvres comme je les aime, les yeux probablement verts, les loloches comme je les aime, la taille « bien prise » et les fesses comme je les aime. Tu lui donnes quel âge, toi, à cette poupée ? Vingt-six, vingt-huit ? Une « grande détermination » se lit sur ses traits ! Elle porte une robe d’intérieur très longue, taillée dans du velours noir ; oh ! et puis non : elle est en pyjama léger, blanc cassé. On devine à travers ; hein, c’est mieux ? Bon, je conserve le pyge.

Si je la constate avec avidité, elle procède de même. Son examen doit achever de la rassurer car elle soupire et dépose son feu sur une table basse, en verre fumé.

— Vous avez de curieuses façons pour un policier, dit-elle.

— Ceux qui ont embarqué le docteur Fépaloff, en fin d’après-midi, dans le garage, en avaient de bien pires, non ?

— Comment le savez-vous ?

— Si les flics se mettent à révéler leurs sources d’information, c’est la fin d’une civilisation ! lui réponds-je.

Elle s’assoit dans un fauteuil profond comme certaines de mes pensées ; je me permets de l’imiter et voilà qu’on se fait face, elle et moi. Ce que j’ai bien fait de la débarrasser de cette robe de chambre pour lui mettre un pyjama transparent : je vois ses bouts de seins et le délicat renflement de son pubis.

Un magnifique bouquet, artistiquement composé, éventaille derrière elle. Fleur devant des fleurs ! Citation puisée dans les livres de collection Pierrot, lesquels sont offerts en prime avec les boîtes de machins protecteurs pour jeunes filles. Des glaïeuls font la roue. Habituellement, je n’apprécie guère ce végétal que mon ami Jean Dumur a baptisé fleur du Tour de France car elle constitue immanquablement le « bouquet au vainqueur de l’étape », mais je dois admettre que chez le docteur Fépaloff ils en jettent ! Ça provient de leur variété de couleurs, je suppose.

— Voulez-vous du café ?

Tiens, elle rend les armes pour de bon.

— Merci, mais ça n’est pas la peine. Je préfère que nous parlions plutôt que de souffler sur une tasse trop chaude. Avant de vous poser quelques questions, je vais vous dire ce qui motive ma présence dans cette maison.

Et je lui narre mon voyage à Moscou, sans lui en fournir la raison secrète, œuf corse. Je raconte l’histoire du chauffeur venu me voir dans ma chambre afin de me charger d’un message pour son frère ; la manière qu’on l’a coiffé à sa sortie de mon hôtel…

— Quel est ce message ?

— Permettez : il est destiné au docteur en personne.

Elle en convient d’un signe de tête.

— Selon moi, poursuis-je, le frère n’a pu résister à ceux qui l’ont « questionné », il a craqué, s’est mis à table et les correspondants français sont venus chercher votre ami.

— Probablement.

— Vous êtes russe ?

— Tchécoslovaque.

— Votre prénom est Rina ?

— Oui.

— Vous connaissez les activités extra-médicales de Yuri Fépaloff, bien entendu ?

— Yuri n’a pas d’autres activités que la médecine.

— Vous recevez du monde, parfois. En majorité des hommes, et vous visionnez des cassettes ?

Cette déclaration paraît la souffler. Visiblement, elle ne s’y attendait pas. Elle me regarde avec effarement, va pour parler, se ravise, hésite, puis se décide enfin.

— Il nous arrive de recevoir des amis et nous avons dû projeter un film, un soir.

Autant en emporte le vent ?

— Pourquoi ?

— Cette séance s’est prolongée jusqu’à trois heures du matin.

— Qui a pu vous dire cela ?

— Un grand coup de franchise arrangerait les choses, mademoiselle Rina. La situation est préoccupante pour votre toubib et pour moi.

— Je n’ai rien à vous dire.

On entend gémir les chiens dans la cuisine. Ils s’agitent en poussant de brefs aboiements.

— Que leur avez-vous fait ? s’inquiète Rina.

Je lui montre mon vaporisateur.

— Un collyre spécial. Ne soyez pas trop surprise s’ils font de la conjonctivite pendant quelques jours… Tout compte fait, j’accepte votre proposition de tout à l’heure concernant le café.

Elle se lève sans une parole et quitte la pièce. Qu’aussitôt, le fils bien-aimé de Félicie entreprend ses explorations de printemps. Droit au poste de téloche, l’ami. Posé sur un bloc vidéo. Il se trouve dans une niche aménagée au centre d’une boiserie claire dont une partie sert de bibliothèque et l’autre, l’inférieure, de placards. J’open ces derniers. Ils contiennent de la verrerie, de la vaisselle, des plats d’argent et toute la foutaise d’apparat servant à dresser la table quand on a du beau monde.

Un meuble ancien, peint, style Oberland bernois, décore un panneau du living. Je l’explore directo. Il recèle des livres comportant de chouettes reliures dorées. Pourquoi me dis-je qu’ils sont trop bien rangés ! Je suis frappé par le fait qu’ils sont nombreux (deux ou trois cents) mais tous de même format et reliés dans la même peau. Ce sont des classiques façon Pléiade. Tous les grands crus, de Rabelais à San-Antonio, en passant par Montaigne, Pascal, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Chateaubriand, Musset, Hugo, Baudelaire, etc. Le fin lettré que je suis tique en se demandant quel éditeur a publié ces ouvrages. Ils sont d’un format beaucoup plus grand que ceux de l’illustre collection Gallimouille. J’en cueille un au hasard : La Religieuse de Diderot. Suis surpris par son poids anomalien. L’ouvre. Constate qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage mais d’un emboîtage contenant une cassette vidéo. Empare icelle prestouillement, la carabate dans ma vague intérieure qu’elle gonfle je ne te le fais pas dire, remets La Religieuse dans son couvent dont je ferme la porte, pas qu’elle s’enrhume (de la Martinique).

L’Antonio rallie son fauteuil et rêvasse. Les pensées de nuit étant les plus tourmentantes, je songe à ma chère Félicie qui doit se demander ce qu’il lui arrive au sein des républiques russes socialistes soviétiques. Chère maman d’amour, faite pour la quiétude, la douceur du temps, toujours en malmenance à cause de son grand pendard de fils. J’eusse été médecin de campagne, elle eût vécu une existence douillette. Ou bien si j’avais fait garagiste dans une ville tranquille, elle aurait filé des jours sans heurts, ma vieille chérie, répondant au téléphone, servant l’essence aux écraseurs du dimanche, préparant de la poudre Nab pour que je me décambouise les paluches avant de passer à table… On rate le destin de ses parents, la plupart du temps. Ils vous aident à préparer le vôtre, qu’ensuite, zob ! Ça leur boomerange sur la frite et on fait capoter leur vieillesse dans les pires angoisses, misérables que nous sommes ! Faudrait pouvoir se transmettre intact, mes gueux. Constituer une belle chaîne régule composée de maillons bien fignolés.

Rina revient, lestée d’un plateau. Elle sert joliment le caoua.

— Combien de sucres ?

— Un seul.

Elle s’est assise sur le bras d’un canapé et je lui aperçois mam’selle chattounette. Voilà un moment que je macère dans la chasteté, ma pomme : plusieurs jours. Du jamais vu ! Tout à l’heure, avec « ma femme », la tentation a été forte. Une fringale méchante me fulgure dans le fouinasseur de compassation. Seulement, il n’est pas très urbain de se jeter sur une jolie grand-mère dont le julot vient de se faire kidnapper. Toujours ces vieilles conventions paralysantes. On va de rets en collets, de pièges en retenues, de brimades en interdits. On marche dans le marécage des disciplines de vie, on enfonce jusqu’à mi-cuisses. C’est exténuant, à force. Moi, j’aurais bien voulu essayer autre chose avant de canner, mais il est inutile de rêver ; je l’ai dans le cul, comme tout le monde. J’appartiens trop au système. Une fois arrivé dans le mignon cimetière de Bonnefontaine, je pourrai enfin prendre mes aises. Ce sera peinard, ce sera sympa, ce sera fini. Ouf !

— Je m’explique mal votre personnage, avoue Rina au bout d’un instant de silence.

— Comme moi le vôtre, riposté-je.

— Vous êtes un bien curieux policier.

— Et vous une bien étrange compagne de médecin.

— C’est-à-dire ?

— J’ai l’impression que l’enlèvement du docteur ne vous affecte pas tellement.

— C’est VOTRE impression.

— Et puis quelque chose me chiffonne…

Elle m’interroge du regard, du menton, du silence. Sa tasse de café à la main, elle attend mon explication.

Je la lui fournis sans l’envelopper de papier de soie.

— Les ravisseurs de votre Yuri sont entrés directement dans le garage pour y attendre l’arrivée du doc. Pas un instant ils ne se sont présentés ici. Fépaloff a été kidnappé en douceur, et pourtant vous savez ce qui s’est passé, comment cela s’est passé, et vous n’avez rien dit à personne ; moi je trouve ça bizarre, mais alors très très bizarre.

— J’étais dans ma chambre et ne les ai pas vus arriver ni repartir. Quelqu’un m’a téléphoné ensuite pour m’avertir de l’enlèvement et m’a ordonné de me taire, sinon, prétendait le correspondant, il arriverait malheur à Yuri.

— Le quelqu’un parlait quelle langue ?

— Le russe.

— Que vous parlez également, bien qu’étant tchécoslovaque ?

— Je parle couramment seize langues, dont le chinois.

— Je vous en enseignerais volontiers une dix-septième, lui dis-je, mais je doute que le moment soit opportun pour le faire.

Elle me plante les deux beaux siens dans les deux beaux miens et tu sais ce qu’elle me sort ?

— Le moment est toujours choisi quand il s’agit de s’instruire.

Tu me connais ?

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