Chapitre 68


Et les citoyens de Québec connurent une ère de trêve dans les tracasseries habituelles dont les harcelait l'administration. Grincheux, Carbonnel se faisait porter chaque matin à son greffe par six forts lascars. Stoïque, il ne pouvait qu'opposer un silence maussade aux plaisanteries dont on ne se privait pas de l'abreuver. Non que personne eût le mauvais cœur de rire de sa jambe cassée... Mais de son Procureur, ah oui !... Bien la peine de vous avoir picoré le crâne tout l'hiver avec sa peur de l'incendie – et de leur faire débarrasser les toits et de leur faire ramoner les cheminées – pour aller allumer lui-même l'incendie, de sa propre main. Car Nicolas Carbonnel ne pouvait pas le nier. Il l'avait vu de ses yeux, son Procureur, jeter sa perruque enflammée sur les toits de bardeaux du quartier Sous-le-Fort.

Et si lui, le greffier, préférait garder bouche cousue sur ce geste criminel, d'autres l'avaient vu et pouvaient en témoigner. On l'avait vu d'en bas, on l'avait vu d'en haut. On l'avait vu de partout.

Des échos filtrèrent d'une atroce dispute qui éclata au sein du jeune ménage Tardieu de La Vaudière.

– Je suis la risée de la ville, criait Bérengère hors d'elle, si ce n'est la brebis galeuse que l'on rendrait volontiers responsable du sinistre. L'on me tourne le dos ou l'on me pouffe au nez. Tout cela par votre faute, Monsieur. Je vous savais benêt, mais à ce point !... Quelle idée vous a pris de mener une opération de police en robe et perruque, à cette heure qui nécessitait les porteurs de torches...

– Je me tue à vous répéter que ce ne sont pas les torches qui ont mis le feu, braillait Noël Tardieu de La Vaudière. Dans ces bouges infects, il ne fait jamais jour. Ma perruque a accroché le bec d'une lampe à huile.

– Pourquoi fallait-il que vous y vinssiez dans ce bouge ? Et pourquoi, je le réitère, à cette heure, ce soir-là ?

Et comme il se taisait, tâtant d'un air sombre le bandage autour de sa brûlure.

– Je vais vous le dire, moi. C'est parce que vous aviez appris par vos espions que Madame de Peyrac s'y trouvait. Et vous aviez décidé de l'y surprendre... taisez-vous !... de mélanger l'arrestation du sorcier en même temps que la sienne, afin de relancer la vieille querelle de sorcellerie contre elle... non, laissez-moi parler !... et tout cela pour atteindre à travers elle et tout le mal que cela lui aurait causé, l'homme que vous haïssez mais que vous n'osez pas attaquer de front, Monsieur de Peyrac.

– L'homme avec qui vous vous affichez de façon éhontée, Madame, s'écria Noël Tardieu, blanc de rage, et à qui je dois de porter des cornes.

– Hélas ! Non ! Pour mon malheur ! riposta Bérengère-Aimée en levant vers le ciel ses souples bras de tragédienne. Hélas ! Il n'en est rien. Non ! Vous n'êtes pas cocu, Monsieur, et croyez que je le déplore. Mais tout n'est pas dit encore... Et j'y parviendrai peut-être, ne serait-ce que pour me venger de vous.

À la suite de la grande tempête suivie des aveux de Banistère, le comte de Peyrac avait fait bâtir sur l'emplacement de la chaumine détruite un petit bastion de bois qui veillait sur la maison de Ville d'Avray. Des hommes y montaient la garde nuit et jour. Leur vigilance soutiendrait heureusement celle du chien niaiseux, chargé de prévenir des débuts d'incendie par ses bonds désordonnés.

Mais l'on sentait que les flammes qui avaient ravagé le quartier Sous-le-Fort avaient exorcisé les mauvais esprits du feu pour l'année et il n'y avait qu'à regarder dormir le chien des Banistère sous le four à pain, pour comprendre que ce danger n'était plus à redouter.

Angélique avait fait part à son mari des avertissements de l'Évêque et de ce qu'en avait jugé le sorcier au cours de sa visite qui s'était terminée de façon si dramatique.

Maintenant qu'il n'était plus là, il serait difficile de découvrir par divination celui qui, le mois prochain, devait remettre à l'Évêque une dénonciation contre lui.

– Nous devons à Monseigneur notre Prélat de lui éviter de nouvelles affres de conscience à notre propos. Il s'est montré un trop parfait et trop loyal ami envers nous, avait-elle dit à Joffrey en lui rapportant son entretien avec Mgr de Laval.

L'interprétation du sorcier qui, se basant sur cette date du mois d'avril, parlait d'un messager ayant pu toucher un courrier d'Europe dans le Sud et assez hardi pour le ramener vers les régions presque inaccessibles l'hiver du bas Saint-Laurent, était à envisager. Il ne fallait pas exclure non plus la possibilité que ces papiers se trouvassent à Québec même, entre les mains d'un ami du Père d'Orgeval qui les révélerait après avoir respecté les consignes de délai demandé par le jésuite.

– Peut-être le Père de Guérande, qui était son coadjuteur en Acadie ? suggéra-t-elle. Il nous est tellement hostile.

– Je parlerai à Maubeuge, dit le comte.

Un premier indice leur vint de façon inattendue par le bonhomme Loubette.

Le vieil homme, qui ne bougeait point de son grabat, avait cet avantage d'être au courant de tout car on venait à lui. Les fragments d'information, il les collectait, bien rangés dans sa mémoire qui n'avait rien d'autre à faire.

D'anciens compagnons de traite, de plus jeunes qui ne manquaient jamais de venir le visiter quand ils passaient par Québec et les dames de la Sainte-Famille étaient ses meilleures sources de renseignements.

Il se méfiait des ecclésiastiques qui ne disent que ce qu'ils veulent bien dire.

Depuis la première semaine de son arrivée où Ville d'Avray le lui avait recommandé, Angélique avait continué de visiter Pierre Loubette et lui, de longtemps, avait continué de la soupçonner de venir pour lui subtiliser à l'intention du marquis son calumet de pierre rouge et jusqu'à son vaisselier de chêne massif.

Il s'était peu à peu laissé apprivoiser et lui racontait maintes histoires du passé, car il avait fini par comprendre que cela l'intéressait.

– Je vous ai apporté du tabac, lui annonçait Angélique.

– Je ne peux plus fumer.

– Vous pouvez chiquer et même priser, cela soulage les humeurs.

Avec ses remèdes il toussa moins. Et de temps en temps quand elle venait, il fumait un calumet bourré d'un tabac de Virginie qu'elle lui préparait.

– Vous me plaisez, déclara-t-il un jour. Alors je vais vous dire où s'en est allé Pacifique Jusserant.

– Qui est Pacifique Jusserant ?

Le vieillard était appuyé à ses oreillers et tirait quelques bouffées de son calumet.

– Le « donné » du Père d'Orgeval.

Angélique dressa l'oreille et alla s'asseoir au chevet du vieillard. Elle devinait que derrière cette annonce elle allait apprendre quelque chose d'important.

Les « donnés » étaient des civils qui servaient les missionnaires jésuites sans avoir à émettre de vœux religieux, mais dans un esprit de sacrifice. C'étaient des serviteurs dévoués ainsi appelés parce qu'ils se donnaient par contrat pour plusieurs années ou pour la vie, sans recevoir aucun salaire. La mission profitait de leur travail et s'engageait à pourvoir à leur entretien. Ils suppléaient les frères convers ou coadjuteurs de la Compagnie de Jésus, avec l'avantage de pouvoir en plus se servir d'un mousquet ou d'une arquebuse.

Ce nom de Pacifique Jusserant n'était pas inconnu à Angélique.

– Vous le connaissez, dit le vieux, vous l'avez soigné et sauvé de la cécité blanche, l'an dernier, dans votre fort de Wapassou.

Alors elle se souvint de l'individu en question. En plein hiver, chaussé de raquettes et escorté d'un Indien, il s'était présenté au fort porteur d'une lettre du Père d'Orgeval pour le comte de Loménie-Chambord. La réverbération du soleil sur la neige pendant la marche lui avait brûlé les yeux au point de le rendre aveugle. Elle l'avait soigné avec une décoction de pousses d'aiguilles de pins. C'était un homme jeune encore, mais farouche et, tout dévoué au missionnaire qu'il servait, il avait embrassé sa cause contre les gens de Wapassou. Pendant le temps de son séjour au fort, il ne s'était pas départi de son attitude méfiante.

– Il s'en est allé vers le sud, jusqu'aux rivages où la mer reste libre l'hiver et où les navires continuent d'aborder, possible même que ce soit du côté de Pentagouët ou plus bas encore, du côté de la Nouvelle-Angleterre. Il va chercher quelque chose pour le Père d'Orgeval qu'un courrier doit lui amener de France. Quelque chose de mauvais pour vous et votre époux.

– Comment savez-vous cela ?

– Il est venu me voir avant de partir. Quand j'étais moi-même « donné » nous avons partagé pas mal d'aventures ensemble. Il est né à l'île d'Orléans et il a une concession sur la côte de Lauzon du côté de Lévis. Mais il a tout quitté depuis longtemps pour suivre le Père d'Orgeval. Il est parti à l'été.

– Quand doit-il revenir ?

– Me paraît difficile qu'il puisse atteindre Québec avant le dégel. À supposer que le navire attendu soit parvenu aux côtes en janvier. Les traversées sont rares l'hiver, mais les Hollandais et les Anglais s'y risquent puisqu'ils ont la mer libre. Le Père avait des intelligences avec eux et se faisait ainsi envoyer toutes sortes de correspondance de sorte que, par l'Acadie, il gagnait souvent de vitesse les courriers qui arrivaient ici.

– Qu'apporterait-il qui pourrait nous nuire ?

– Je n'en sais rien. Mais Pacifique affirmait que si cela explosait, vous les étrangers ennemis de son jésuite, vous seriez détruits sans recours. Je lui ai dit qu'il était fou de se mêler de tout cela. Mais il l'a toujours été, un peu fou. Les Abénakis l'avaient surnommé « Orignal-Têtu », et ceux qui ne l'aimaient pas « Orignal-Fou ». Dès que le jésuite le regarde dans les yeux, il est prêt à marcher sur les braises.

*****

À la suite de la révélation du vieux Loubette, ils tinrent conseil un soir dans la petite maison avec Barssempuy et Urville, Piksarett, Éloi Macollet et Nicaise Heurtebise, qui tous connaissaient bien le serviteur du Père d'Orgeval.

Le raisonnement du Bougre Rouge se révélait juste.

Mais une fois en possession de ce « quelque chose » qu'il était allé attendre sur les rivages de la mer libre, Pacifique Jusserant avait-il pu se lancer en plein hiver dans sa remontée vers le nord ? Même pour un homme entraîné et fanatique, traverser en raquettes cent à deux cents lieues de territoire désert était une entreprise qui comportait plus de chances d'échec que de réussite. Pris dans la tempête, il devait se terrer dans un trou. Il pouvait s'écarter, c'est-à-dire perdre la piste et alors il périrait, une fois sa provision de pemmican épuisée. Ou saisi par les grands froids, il tomberait gelé vif. Il lui serait difficile en cette saison de trouver un sauvage pour l'accompagner.

Joffrey de Peyrac pensait également qu'il n'était pas facile à un navire français ou étranger de parvenir l'hiver sur les côtes du Maine ou dans un port de l'Acadie péninsulaire : Port-Royal ou La Hève.

Même libre, la mer frappait de ses vagues les rivages enneigés. Elle était sinistre, démontée, souvent charriant des glaces.

Il pouvait aussi réussir. Et il fallait demeurer en alerte, essayer de prévoir cette arrivée et l'intercepter.

Ce soir-là Piksarett ne prononça pas un mot. Il se montrait distrait et différent depuis qu'il était revenu des environs de Lorette après avoir consulté ce « jongleur » qui interprétait les songes. Assis à terre, les jambes croisées, son calumet aux lèvres, il avait fumé au moins deux pains de pétun du poids d'une livre chacun, de sorte que les plus endurcis en avaient la gorge brûlante d'avoir discuté dans cette tabagie de plus en plus dense et les paupières rougies. Le conseil s'était conclu dans une brume épaisse aux effets légèrement hallucinatoires, le pétun étant un tabac grossier et, en réalité, une autre plante, de cette sorte qu'on appelait « herbe de la reine » et dont on se sert pour composer des poudres calmantes. Joffrey de Peyrac qui fumait un cigare de tabac de Virginie ainsi que le comte d'Urville, les autres qui fumaient qui leurs calumets qui leurs pipes d'écume de mer, n'avaient pas paru incommodés, mais Angélique, vers la fin du conciliabule, n'était guère plus en état d'y prendre part. Elle se sentait flotter au sein de ces nuages bleus d'où émergeait seul Piksarett fumant avec une inébranlable constance mais son regard était impénétrable et, par instants, il la fixait comme s'il avait vu à travers elle des choses étonnantes.

L'affaire de Pacifique Jusserant l'assombrissait. Derrière le « donné » que l'on appelait « Orignal-Têtu », c'était encore la silhouette du jésuite que Piksarett avait si longtemps accompagné dans ses guerres. Et le « Grand Baptisé » ne finissait-il pas par être troublé par l'acharnement avec lequel le jésuite, même absent, poursuivait son combat. Il avait dû obéir et partir aux Iroquois, mais il avait ménagé son dernier brûlot et voici que celui-ci commençait de dériver vers eux à travers les déserts blancs.

Au moment où elle se disait que le contact était coupé entre elle et l'Indien et qu'ils commençaient pour des raisons obscures à s'éloigner l'un de l'autre dans leur complicité, elle vit un éclair de gaieté passer sur son visage et, soudain, il avait l'air très content comme s'il s'était écrié en lui-même : « J'ai trouvé. Je sais ce que je dois faire. »

Il lui adressa un clin d'œil malicieux.

Par quel chemin arriverait Pacifique Jusserant ?

Par quel point essaierait-il d'entrer dans la ville ?

Éloi Macollet savait que le « donné » avait une petite concession à Lévis bâtie d'une maison. On pouvait supposer que, venant du sud, il commencerait par s'y arrêter. Il ignorait sans doute que le Père d'Orgeval ne résidait plus à Québec.

Le vieux coureur de bois décida d'aller rendre visite à son fils et à sa bru et de leur recommander de surveiller la demeure de Pacifique Jusserant, qui était dans leur voisinage.

L'essai de réconciliation que le vieil entêté avait eu avec sa famille à Noël s'était soldé par un échec. Son fils qui était déjà un homme de près de quarante ans, bon corroyeur de son métier, mais indolent, peu causant, grand, gros et lourd, n'avait jamais eu des rapports très amicaux avec ce père auquel il ressemblait si peu. Sa femme lui menait la vie dure. C'est elle qui tenait la ferme.

Pour faire plaisir à Mlle Bourgeoys, Macollet s'était rendu à Lévis pour passer Noël avec eux. Parti avec le ménage ouïr la messe de minuit en une petite chapelle de paroisse sur la côte de Lauzon, il y avait rencontré une veuve de ses anciennes connaissances qui avait deux filles attrayantes et il s'était laissé entraîner à venir réveillonner chez elles. Vexée, sa bru, le lendemain, avait refusé de lui ouvrir sa porte. La chose s'était envenimée par la suite, l'une des filles s'étant trouvée enceinte hors du mariage et Sidonie Macollet avait répandu le bruit que c'était des œuvres de son beau-père. Éloi Macollet haussait les épaules :

– C'est à la mère que je fais la cour.

Macollet passa outre à ce mauvais souvenir.

– Tant pis si elle crie, la Sidonie ! Il faudra bien qu'elle obtempère. Je ne peux pas rester à faire le guet là-bas pendant que Pacifique va peut-être s'amener par un autre côté.

Il se rendit à Lévis, se disputa avec sa bru, alla rôder dans les environs de la maison de Pacifique Jusserant dont on n'apercevait derrière l'amoncellement des neiges que le filet de fumée, trahissant la présence des gardiens, et revint après avoir fait à son fils et à Sidonie des recommandations draconiennes.

Un réseau de surveillance s'établit. Il fallait autant que possible éviter que le messager n'atteigne Québec.

Si jamais il y parvenait, bon nombre de guetteurs aux yeux aiguisés, et qui pouvaient le reconnaître, se chargeraient de l'empêcher d'atteindre l'évêché.

– Les caves ? suggéra quelqu'un.

On mit sous surveillance les maisons dont les caves avaient communication avec celle du Séminaire.

Il ne pourrait pas franchir le filet.

Après quelques jours, la tension se relâcha. Une forte tombée de neige resserra la sensation d'isolement. Le verrou du désert blanc parut se refermer avec plus de rigueur encore. Des petites tribus de chasseurs algonquins apportèrent à l'Hôtel-Dieu leurs vieillards épuisés par le froid. Eux-mêmes s'installèrent aux abords de la ville. Ils n'avaient plus la force de chasser. La neige, molle et tombée en trop grande quantité, rendait exténuantes les étapes quand le village décabanait à la recherche du gibier devenu rare. On commença à parler de famine.

*****

Pâques furent là. Pâques en Canada n'étaient jamais fleuries.

Le Vendredi Saint, l'intendant Carlon, représentant le gouverneur Frontenac et accompagné de quelques principaux du gouvernement, vint à l'Hôtel-Dieu distribuer le bouillon aux malades et laver les pieds des pauvres.

Touchante cérémonie remontant aux anciens rois et empereurs chrétiens désireux de s'incliner au moins une fois l'an devant le Roi des Rois et ceux qu'il aimait de prédilection : les pauvres.

Durant cette période de hargne et de chicane, qui marquait la fin du carême, la sérénité et le caractère égal de Mme de Castel-Morgeat furent pour toute la ville un sujet d'édification. Et les dames de la Sainte-Famille, navrées de sentir parfois sous les coups de la fatigue leur résistance morale fléchir dans ce domaine de la charité et de la douceur, devaient s'incliner devant celle qu'elles avaient, non sans raison, tant décriée.

– Sabine est un ange, disaient-elles. On se demande où elle puise sa force.

Elle souriait à demi, cachant on ne sait quelle inexprimable joie. Parfois quand elle se trouvait seule dans son appartement du château Saint-Louis, elle prenait entre ses paumes une petite coupe en or massif représentant un coquillage et dont le pied était formé par le groupe composé et merveilleusement ciselé d'une tortue incrustée d'écaillé et d'un lézard de jade vert.

Elle contemplait l'objet merveilleux, le chérissait et le baisait, trouvant à le tenir entre ses mains, à poser contre l'or sa joue, cette force que ses amies lui enviaient et qui lui permettait désormais de tout traverser, de tout vivre.

Quelques jours après ce qui s'était passé entre elle et M. de Peyrac, il lui avait fait porter ce bibelot d'origine italienne et d'une grande valeur. Dans le coffret de cuir doublé de velours, elle y trouva une étiquette d'une encre plus ancienne : Pour Madame de Castel-Morgeat. Les larmes de Sabine tombèrent sur l'or incorruptible qu'elle serrait contre son sein avec ferveur. Quelle signification devait-elle lire derrière son geste ? Que contenait encore la petite coupe italienne ? Un pardon ? Un adieu ? Elle n'osait se dire dans son humilité : un remerciement galant.

Elle conserva aussi la lettre, la relisant, posant ses lèvres sur les lignes, la signature prestigieuse, envoûtante, puis comprenant qu'elle risquait de réveiller et d'entretenir en elle d'inutiles espérances et qu'elle se faisait du mal, elle la brûla.

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