SAN-ANTONIO Bérurier au sérail

CHAPITRE PREMIER

— Entrez, messieurs, entrez ! qu’il fait, le Vieux, en tirant sur ses manchettes.

Nous entrons dans son P.C.

— Il a l’air vachement joyce, ce morninge, le Tondu, me souffle Béru.

L’Hénorme a autant de psychologie qu’une boite de sardines vide. Quand on connaît le Dabe comme je le connais, on sait différencier un rictus d’un sourire. M’est avis, mes chéries, que ça carbure vachement mal au contraire et je subodore du pas ordinaire.

Nous nous mettons à bivouaquer dans son antre. Quand je dis nous, j’entends Béru, Pinaud, Mathias, Filoseille, Nabus, Ronchond et moi. Mon regard d’aigle accroche deux éléments insolites. Le premier est une immense carte en couleurs du Moyen-Orient, le second, un monsieur grave et plus basané qu’un Mexicain. Il a l’air d’être taillé dans une grosse olive, ce pèlerin. Le Vioque nous le présente sans tarder.

— M. Oscar Avane, chargé des affaires arabes.

On incline la calbombe de part et d’autre.

— Il a la jaunisse, murmure Bérurier le Sagace.

Mon Béru est loqué façon Oxford depuis quelques jours. Une lubie ! Il porte un imper mastic avec boutons de cuir et épaulettes. La ceinture nouée à la diable pend sous sa bedaine. Il a, de plus, ce petit prévoyant, un pébroque made in Piccadilly, soigneusement roulé. Cette protection contre les larmes du ciel est d’autant plus insolite que nous tenons un beau temps coriace. Mais il serait vain de vouloir parcourir les méandres de sa pensée. Il s’exprime par proverbes dans les cas embarrassants, Béru. « La pluie du matin n’arrête pas le pèlerin, m’a-t-il rétorqué, mais munissez-vous d’un pépin, vu qu’en mars et en avril faut pas se découvrir d’un fil, » Comprenne qui peut !

— Messieurs, fait le Big Boss après s’être ramoné les muqueuses et avoir taré sur ses manchettes immaculées, je vous ai réunis pour vous faire part d’une affaire extrêmement grave.

Il s’empare d’une règle en platine pur sucre et s’approche de la carte fixée au mur.

— Voici, fait-il, une carte du Moyen-Orient.

La règle tournique un instant au-dessus de la carte et délimite un territoire tracé en pointillés et ayant la forme d’un crabe.

— Ici, dit-il, l’imanat du Kelsaltan.

— Ce truc en jaune ? demande Bérurier en s’approchant.

— Oui.

— On dirait une omelette aux œufs, assure ce fin observateur.

— C’est possible, s’impatiente le Dabuche. Il y a quinze jours, un avion de la compagnie Trans-Lucide assurant la liaison Pékin-Londres survolait ce territoire, ayant à son bord, parmi les quelque quatre-vingts passagers, un agent des services secrets français flanqué d’un garde du corps.

Il toussota dans sa main en cornet.

— L’agent en question ramenait des documents d’une extrême importance…

— Et on les y a secoués facile ? se croit obligé de deviner le Mahousse.

— Je vous en parie, Bérurier ! fulmine le Vieux.

Il toise pendant quarante secondes l’interrupteur, ce qui fait pâlir, puis verdir et enfin baver le Gravos. On dirait un gros boxer fouetté, mon Béru ! Pinaud, pas mécontent, libère une petite toux crachoteuse. Ça rompt la tension et le Patron reprend :

— Tandis qu’il survolait le Kelsaltan, le commandant de bord a câblé un message pour signaler que son fouinozoff de véracité donnait de la bande et qu’il était obligé de se poser dans le désert. L’atterrissage s’effectua dans de bonnes conditions et, tandis que le personnel navigant s’employait à réparer l’avarie, les passagers en profitèrent pour se dégourdir les jambes. Cette halte forcée dura deux petites heures environ. Lorsque l’avion fut prêt à reprendre son vol, on constata que deux passagers faisaient défaut : notre agent et son compagnon. De hâtives recherches furent organisées, qui ne donnèrent aucun résultat. Le radio signala leur disparition aux autorités de Kelsalmecque, la capitale du Kelsaltan, et, comme l’appareil devait coûte que coûte reprendre sa route, il décolla avec deux passagers de moins.

Quand je vous le disais, les gars, que c’était du pas ordinaire qui se préparait.

— Dites, Patron, interviens-je, a-t-on eu des précisions sur la nature de cette panne ?

Le Vioque fait comme la Jouvence de M. l’abbé : il me sourit.

— Votre question n’est pas faite pour m’étonner, mon cher ami.

Son cher ami ! Oh ! Oh ! ça laisse présager des choses, cette démonstration de sympathie !

— Les services compétents, reprend le Boss, ont fait une petite enquête à ce sujet. Ça leur a permis de découvrir que le fouinozoff de véracité de l’appareil avait été saboté. Scotland Yard a pris l’affaire en main et a commencé par convoquer le commandant de bord. Ce dernier ne s’est pas rendu à ladite convocation pour la bonne raison qu’un mauvais plaisant lui avait tiré deux balles de 9mm en plein cœur alors qu’il se trouvait dans sa salle de bains !

— Oh ! quel vilain temps ! s’exclame Béru.

— Premières conclusions qui s’imposent, fait le Boss, on a obligé l’avion à se poser au Kelsaltan et le commandant de l’appareil était complice. Fin du premier chapitre, termine-t-il.

Il nous regarde pour jouir de nos réactions. Je lui dédie une grimace éloquente.

— Et depuis on n’a pas eu de nouvelles de notre agent ? fais-je doucement.

— Non, déclare le Dabe. Les autorités de Kelsalmecque ont, paraît-il, fait des recherches qui n’ont donné aucun résultat. À croire que les deux hommes se sont désintégrés. Lors, les Services Secrets français ont dépêché un homme à eux dans la région de l’atterrissage forcé. L’enquêteur a été assassiné d’un coup de couteau dans le dos le lendemain de son arrivée. Aussitôt, deux autres agents sont partis là-bas. Tous deux ont été retrouvés empoisonnés dans leur chambre d’hôtel.

Nous nous exclamons comme il sied.

— C’est pas là-bas que j’irais passer mes vacances ! affirme énergiquement Béru.

Le Big Dabe lui coule un regard bleu indéfinissable.

— Vos vacances, peut-être pas, fait-il, mais c’est là-bas que j’aimerais pourtant vous envoyer.

Il manque en avaler son râtelier à impériale, Béru, et il a sa glotte qui fait le grand écart.

— Car, lance énergiquement le Vieux, la France ne saurait rester sur cette série d’échecs. M. le ministre m’a pressenti pour me demander si j’avais des hommes capables de réussir là où les gens des services secrets ont échoué. Alors, messieurs, j’ai répondu par l’affirmative !

Un silence. Il re-toussote.

— Bien entendu, continue le Tondu, je ne force personne. Libre à vous de refuser pareille mission. Mais l’honneur de mes services est en cause. Je vous ai réunis, vous, parce que vous êtes les meilleurs éléments de cette maison…

Y a du rengorgement plein la pièce. On se gratte le bout du noze, modestes.

— San-Antonio, fit le Dabe, vous déclarez-vous prêt à partir ?

— En avez-vous douté, m’sieur le Directeur ? bêle cette buse de San-A, toujours prête à se faire trouer la paillasse pour la gloriole.

— Non, mon cher ami. Vous allez choisir deux compagnons d’équipée. Mais auparavant, je voudrais que M. Oscar Avane ici présent vous fasse un rapide cours sur le Kelsaltan, pays peu connu des Européens. Lorsqu’il en aura terminé, vous saurez quelles qualités doivent être requises pour entreprendre l’enquête dangereuse dont je vous charge.

Fermez le ban !

Un petit frémissement court dans l’assistance. Mes compagnons me matent à la sournoise pour voir comment je me comporte. La perspective d’une virée aussi délicate dans ce bled pourri ne les tente visiblement pas. C’est assez de morfler des gnons et des bastos en Europe en faisant la guérilla aux malfrats, mais s’il faut, par-dessus le marka, louer Lawrence d’Arabie à prix de faveur, alors là ils ont envie de balancer leur plaque de matuche dans la première poubelle venue et de rengager dans les P. et T. afin d’y jouer les affranchis.

Le dénommé Oscar Avane, l’homme qui paraît être le fils légitime d’un hareng saur et d’une bouteille d’huile d’olive, s’avance vers la carte. C’est un monsieur élégant, aux gestes aisés et à la voix caressante.

— Messieurs, attaque-t-il, peut-être le savez-vous déjà, mais l’Imanat de Kelsaltan résulte d’un éclatement de l’Arabie karbonate de Séoud survenu tout de suite après la guerre qui opposa ce pays à l’Angleterre sous le règne de Fotomathon 1er. C’est un pays dont l’étendue est sensiblement égale à celle de la France.

— Sauf que la capitale, c’est pas Paris, gouaille l’Abominable.

Oscar Avane lui virgule une œillade glacée et poursuit :

— La capitale, comme vous l’a dit monsieur le Directeur, s’appelle Kelsalmecque et les habitants du Kelsaltan sont les Kelsaltipes.

Unique richesse du pays : le pétrole. Le long du littoral, on fait un peu d’agrumes et, sur les premiers contreforts des Monts Zémerveils, paissent des troupeaux d’astrakans nains, mais ce sont là des ressources très secondaires. Le Kelsaltan est officiellement gouverné par l’Iman Komirespyr. En fait, ce pays se subdivise en petits émirats dont le plus important est l’émirat d’Aigou. Chacun des émirs qui les dirigent est en fait un monarque indépendant qui fait fi des directives de la capitale. L’unité du Kelsaltan n’est donc qu’illusoire. Les émirs sont des gens très riches à cause du pétrole, vous vous en doutez. Ils vivent en mauvaise intelligence…

— Ce sont tous des c… ? s’inquiète le Terrible.

Ses interruptions, à Béru, ce sont des excréments qu’on enjambe. Aussi Oscar Avane poursuit-il sans même l’honorer d’un regard :

— Les mœurs sont très primitives, là-bas. Les émirs et leur cour exceptés, la population vit misérablement.

— Laissez arriver les Popofs, prophétise sourdement le gauchissant Béru.

Cette fois, son avis revêt quelque pertinence car Avane branle le cigare.

— Justement, approuve-t-il, ils arrivent. Leur doctrine pousse comme blé en Beauce dans ce peuple sous-développé, qu’on mène au fouet et qu’on laisse crever de faim. Les émirs roulent dans des Cadillac sans réaliser que le jour est proche où les Kelsaltipes les arroseront de leur sacré pétrole pour y mettre le feu.

Le Dabuche tousse, gêné. Il aime pas qu’on tartine trop sur ce terrain. Il a des idées préconçues avec la manière de s’en servir.

— Pour en revenir à l’affaire qui vous intéresse, messieurs, reprend Oscar Avane, je vous précise que l’avion de la Trans-Lucide est posé dans l’émirat d’Aigou, lequel est gouverné par l’émir Obolan, le plus vif opposant au gouvernement officiel. Je vous ai dit que ces émirs avaient presque leur autonomie, j’ajoute qu’Obolan est un tyran gorgé d’or et pétri d’ambition. Ce n’est pas un secret, il vise à détrôner l’iman Komirespyr pour prendre sa place. Ensuite, il balaiera les autres émirs afin d’opérer l’unification du Kelsaltan et de devenir un véritable chef d’État.

Je lève le doigt comme à l’école.

— Vous pensez donc, monsieur Avane, que dans la mesure où l’avion s’est volontairement posé sur l’émirat d’Aigou, cela impliquerait une complicité de l’émir Obolan ?

— Sans aucun doute, affirme Oscar Avane, et voilà pourquoi les enquêteurs des services secrets sont morts. Dès qu’un Européen débarque dans ce pays, ce qui est extrêmement rare, les sbires de l’émir Obolan n’ont aucun mal à le repérer et, s’il fait montre d’une curiosité insolite, le suppriment.

— On ne peut pourtant pas déclarer la guerre au Kelsaltan, pour faire tranquillement une enquête, soupire le cher Pinuche.

— D’autant plus qu’on serait pas certain de la gagner, renchérit l’Obèse.

Le Vieux frappe dans ses mains et nos attentions se remettent en rang.

— J’ai eu une idée, annonce-t-il avec emphase.

Béru va pour s’exclamer « qu’une fois n’est pas coutume » mais je lui propulse un coup de tatane dans les pilotis à titre préventif.

— Ceux qui partiront en expédition vont se déguiser en Arabes, déclare-t-il. Ils débarqueront à Béotie, le port du sultanat d’Analfabeth, pays de l’émirat d’Aigou. Là, une petite caravane de dromadaires les attendra. Ils gagneront par petites étapes la ville de Toutal-Aigou où se trouve le palais d’Obolan. Ils seront officiellement marchands de bimbeloteries et feront du commerce.

Oscar Avane intervint.

— Je me permets de préciser au passage, si M. le Directeur le permet, que le peuple kelsaltique est très sensible aux marchands ambulants. Munissez-vous de denrées peu coûteuses, dans l’esprit « Tout à cent francs » et vous deviendrez vite des personnages considérés.

— Tout ça est très joli, admets-je, mais comment nous débrouillerons-nous du point de vue dialecte ?

Oscar Avane branle son chef vert-de-gris.

— Les Kelsaltipes parlent un arabe fouinaze qu’on ne retrouve chez aucun autre peuple du Moyen-Orient. Les plus évolués connaissent l’anglais, quelques-uns le français. Il vous suffira de prétendre que vous venez d’Afrique du Nord.

Le Vieux intervint. Ça le démangeait, le chéri, car cela faisait longtemps qu’il n’avait rien bonni.

— J’ai remué tout Paris pour essayer de vous trouver quelqu’un parlant le kelsaltipe, en vain. Il faudra donc user du système que préconise M. Avane.

— Nous verrons, acquiescé-je. Reste maintenant à trancher la question de mes collaborateurs. Il me faut des gars à la tête froide.

— Pour aller se baguenauder au soleil, c’est préférable, en effet, plaisante le Tonitruant.

Je continue, à l’intention de monsieur mon patron :

— Ces gens doivent être jeunes, hardis, souples, pleins d’audace.

— Mince, tu vas pas tourner Tarzan ! ricane Béru.

Il est déconfit, mon Gravos. Le signalement du compagnon idéal que je viens de donner — la hardiesse mise à part — ne correspond pas du tout au sien.

Je fais front à mes collaborateurs. Mathias, Ronchond et Nabus sont jeunes, sportifs et célibataires…

— Il y a des amateurs ? je questionne.

Tous lèvent la main, excepté mon père Pinuche. Ce dernier actionne son vieux briquet à la flamme aussi fumeuse qu’une cheminée bouchée et se flambe trois millimètres de moustache, sous le fallacieux prétexte de ranimer son mégot. J’ai un pincement au cœur. Habituellement Pinuche est toujours partant pour les équipées dangereuses. Faut croire qu’il vieillit. Je soupire. Un petit coup de flou met de la buée sur mon âme romanesque.

— Je pense, déclaré-je, que je vais choisir Mathias et Nabus.

Les deux intéressés s’inclinent, la roseur de la gloriole au front.

Lors, l’Énorme se met à barrir comme un troupeau d’éléphants auxquels on passerait les trompes à la scie circulaire.

— Merci pour la délicatesse, fulmine sa Divinité mal braguettée, alors, on se dévoue toute une carrière pour un monsieur dont au sujet duquel on a la sottise d’admirer les prouesses, et dès qu’il peut vous faire une crasse, il s’empresse !

Il tourne sa face Violette vers le Boss.

— M’sieur le Directeur, fait-il, j’ai le regret de vous donner ma démission, et sans vous l’envelopper dans du papier-cadeau ! Il est pas question que je restasse z’encore dans une maison dont on m’humilie.

— Calme-toi, éponge, recommande-je. Si je ne te prends pas, c’est pour une raison bien simple…

— À cause que j’ai pas la souplesse boa, ni le courage Bayard, et que j’ai un brin de carat ? grince mon dévoué camarade.

Il s’éloigne de nous, s’approche du mur, y appuie son bras replié et se met à chialer dans son coude, à gros sanglots.

Nous voilà tous à sourire avec des larmes aux cils. C’est un bon gros cancre sensible, mon Béru.

Je vais à lui et lui pose la main sur la nuque.

— Tu vas pas jouer la Dame aux Camélias, Gros. Je ne t’emmène pas uniquement parce que tu crains la chaleur. T’as toujours soif, reconnais ? Dans le bled où nous allons, le mahomed cogne pas avec un plumeau, fais-lui confiance.

Il tourne vers moi sa bouille détrempée.

— Et alors ? fait-il, tu le sais p’t’être pas que les gourdes, ça existe ?

— En te considérant, je ne devrais pas l’oublier, conviens-je.

— Je m’emporterais quelques bouteilles de muscadet et le tour serait joué.

Comment résister, mes amis, alors que tout mon être aspire à ce compagnon de voyage ?

— Très bien, tu viendras à la place du Nabus.

Nabus n’a pas l’air tellement consterné par cette permutation. Il fait tout de même semblant d’être contrarié, mais c’est pour sauver la face.

— Eh bien ! voici l’affaire réglée, déclare le Vieux en souriant.

— Vous permettez ! dit soudain Pinaud en étreignant sa moustache à combustion lente entre son pouce et son index qu’il a préalablement humectés de salive.

— Quelque chose à dire ? murmure monsieur le Diro, mécontent, en caressant son crâne pareil au dargif d’un bébé élevé à la Blédine.

— Oui, monsieur le Directeur, bêle Pinuchet. Je voudrais vous signaler que j’ai fait mon service militaire dans les Tirailleurs et que je parle couramment le marocain. Ne pensez-vous pas qu’il serait bon que je me joigne à cette expédition ? Le kelsaltipe est, dit M. Avane, un dialecte spécial. Néanmoins il reste un langage arabe. Or, il me semble que si l’un des membres de la mission parlait vraiment l’arabe…

Brave, cher, doux, tendre, suave, rusé, généreux Pinaud ! Il n’a pas levé la main pour ne pas essuyer de rebuffade. Avec sa sagesse coutumière, il a attendu le moment de placer sa botte secrète.

Le Dabe me virgule un regard en forme de portemanteau. Je bats des ramasse-miettes.

— Ah ! vraiment, vous parlez couramment le marocain ? dit-il.

— Oui, monsieur le directeur.

Le Vieux se tourne vers Oscar Avane.

— Eh bien ! vous allez pouvoir faire un brin de conversation tous les deux, décide-t-il.

Voilà donc le gars Oscar qui se met à bavasser dans la langue d’Hassan II. Pinaud écoute, les sourcils joints derrière la fumée crasseuse de sa cigarette.

Lorsque l’autre a fini, il murmure :

— Voulez-vous répéter plus doucement, je vous prie…

Et Avane, réprimant un sourire, répète. Lors, la Vieille Fripe baragouine à son tour. Ce qu’il dit est entremêlé de mots français.

Je file un coup de coude à Avane.

— Ça me semble pas mal, n’est-ce pas ? lui soufflais-je.

— En effet, convient généreusement le chargé de mission aux affaires arabes, je suis persuadé qu’avec un petit entraînement, M. l’inspecteur s’exprimera couramment.

La Vieillasse a la sueur aux tempes.

Il lance à Oscar Avane un long regard aveugle pour le remercier de son pieux mensonge.

Voilà donc Pinaud dans le coup à la place de Mathias.

Très vite le Boss nous refile ses instructions.

Nous devons partir le lendemain, très tôt. Un avion nous conduira à Aden, là nous revêtirons nos tenues arabes et nous prendrons un barlu pour Béotie. Dans cette ville, notre caravane nous attendra et la grande, la redoutable aventure commencera.

— Vous n’emportez aucun bagage, déclare t-il, si ce n’est du linge de corps. Par contre, vous allez vous munir chacun d’un lot important de bimbeloterie. Je tiens à ce que vous l’acquériez vous-mêmes afin de la mieux connaître.

Il sourit.

— Et tachez de la revendre là-bas avec bénéfice, la caisse des œuvres de la Police vous en sera reconnaissante.

Nous prenons congé avec force poignées de louches.

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