EPILOGUE

Il est un peu hautain, le fondé de pouvoir. Frais comme une presbyte mariée (et non pas « comme une b… de marié, ainsi que l’écrit injustement le Révérend père Roquet dans son traité sur la stimulation des glandes inférieures dans la société moderne) en ce lundi matin bien pimpant, bien ensoleillé. Sa chemise est propre, sa cravate neuve et ses souliers neufs craquent lorsqu’il réfléchit trop fortement. La banque sent l’encaustique. Y’a de l’entrain dans l’air. Les caissiers empilent leurs talbins. Les dames des guichets remontent leurs nichons meurtris par les exploits plumardiers du véquende. Bref, on se sent content d’exister sans trop comprendre pourquoi !

— Que puis-je pour vous, monsieur le commissaire ?

— Me donner d’utiles renseignements. Supposez que je veuille louer un de vos coffres, que se passerait-il ?

Il coule deux doigts entre son col de chemise et son cou de canard farci.

— Mais… Le préposé vous ferait remplir une fiche comportant votre identité et un exemplaire de votre signature. Il vous demanderait dix-huit francs, pour lesquels il vous donnerait un reçu. Après quoi il vous allouerait un coffre et vous en remettrait la clé.

— En somme c’est très simple ?

— Comme vous pouvez le constater.

— Et ces fiches remplies, que deviennent-elles ?

— On les classe, bien sûr !

— Le préposé en question, c’était donc Georges Huret avant ses tristes exploits ?

— En effet, oui, hélas.

Parfait. Faut que je replonge encore dans les témérités ! Mirosca, vous êtes avec moi ?

— Monsieur le directeur, dis-je, voulez-vous vous faire apporter le fichier en question ? Je suis prêt à vous parier tout le disponible que vous avez actuellement en caisse contre mes boutons de manchette qu’à la date de la disparition de Huret, le coffre n°4 a été loué à un certain Delombard. Et je me parie à moi-même que la signature de ce Delombard est de la propre main de Georges Huret. Le premier graphologue venu sera en mesure de le prouver.

Ah ! mes chéries cochonnes, vous verriez sa mine lorsqu’il découvre que j’ai vu juste !

Je me souviens d’un cul-de-« jade » (il était chinois) à Lourdes, qui avait l’air moins stupéfait en retrouvant ses jambes sectionnées vingt ans plus tôt par un obus (ou un autobus, je me souviens plus) japonais.

— Extraordinaire ! Mais comment ? Mais pourquoi ? Mais z’enfin…

Je soupire.

— Je crois que je commence à bien connaître votre ancien employé, monsieur le directeur. Une nature fascinante ! Un caractère singulier. Mélange d’effroi et de courage, de naïveté et d’astuces. Pour son compte, il était un paumé, mais quand il agissait en fonction d’un certain idéal, il devenait plus diabolique que le diable, plus téméraire que Bayard et plus roué que Stavisky. Ayant agi à l’instigation de quelqu’un qui était parvenu à le dominer parce qu’il avait trouvé son point faible, il a néanmoins agi en garçon pondéré, soucieux de vérifier que tout correspondait bien à ce qu’on lui annonçait. À partir du moment où il a découvert qu’on le bernait, il est devenu plus malin que son montreur de marionnette. Polichinelle s’est mis à tirer les ficelles ! D’instinct, Huret a jugé nécessaire de mettre à l’abri les documents qui devaient servir sa cause.

« Alors, monsieur le directeur, avant de se lancer dans l’aventure, il s’est loué un coffre à lui-même. Si bien que son précieux butin n’a jamais quitté la banque !


L’avion, encore. Paris-Londres, seconde édition.

Cette fois je suis relaxe. Et j’espère bien que m’man sera relaxée tout à l’heure par leur petit jury à la mords-moi le neutron.

Pour Béru, Mac Heckett que j’ai eu au téléphone est formel : un mois de mitard pour avoir massacré le bobby de l’hosto. Paraît que c’est pas cher au prix où est la dent de flic, in England. Bast, on prendra Marie-Marie avec nous en attendant sa sortie de prison. Faut bien s’entraider…

Pauvre Gros, va !

Sûrement que les geôles anglaises le feront maigrir… Enfin quoi, ça vaut encore mieux que des vacances avec Berthe, non ?

Et puis, ça mange pas de pain !

THE END
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