Ce qui s’ensuit, à quoi bon te le décrire minutieusement ? Pour te faire goder ? T’en es plus là tout de même, à ton âge. T’as ta self-bandoche, non ? Tu panardes en autonomie totale, circuit fermé, sans connivences extérieures. Ou alors faut t’aller faire psychanalyser, mon tout petit. Raconter tes problos à un mironton sentencieux, qui t’expliquera tout bien, détails inclus, le pourquoi du comment tu jouis.
Moi, une gonzesse, dès le premier ras-bord, je sens si je vais me l’afficher gagnante ou non. Un premier regard : le mien. Un second : le sien. Et c’est parti, marché conclu, lu et approuvé, bon pour accouplement ! La courroie de transmissure fonctionne. Message parvenu, mon commandant !
La manière qu’elle me noue son bras à la nuque, me décapsule la menteuse, tu la croirais en manque de radaduche depuis des immémoralités de temps, Laura. Après tout, son homme-bourrin l’avait trop déçue. Elle a fait une fixation chevaline, la pauvrette, ça arrive. A assimilé tous les bonshommes à son cavalier à roulettes. Elle a dû désenchanter du frifri, à morfondre au club pendant que Dupaf faisait faire à dada aux demoiselles brise-miches de la high société et à celles du demi-monde. Pas la première fois que San-A. redonne le goût de la tringle à une dame perturbée. Qu’il la reconnecte d’autorité. Je suis conscient de porter une écrasante responsabilité à cet instant. Suppose que je lui rate l’enchantement, à Laura, et c’est le verrouillage complet de ses sens. Fermeture définitive pour cause de liquidation ! Alors, le big numerous, please, pour madame. Pas de précipitation. Prends ton temps, gamin. Vas-y des labiales, très à fond. Fais-lui un « complet », question bouche-à-bouche. Lésine pas. Voluptas goûte-moi, je te goûte. Ça t’émouste, hein, ma poule ? Tu chavires du caberlingue. T’hydrates de l’entresol. Miam, miam, bono ! Bouge pas que je te fasse le traitement antigingivite, doucement, pardessus tes croqueuses, du bout de la menteuse. Là, c’est chouettos, hein, ma gosseline ? Ça papouille. Ça trifise. Ça glanuche… T’en as de la chance d’avoir de la veine ! Mince, t’opères ta reprise avec un seigneur. T’aurais pu emballer sur un minable à triczir féroce. Un de ces trousse-volailles qui rebrousse-plument comme des miteux et t’inséminent à la volée : braque auguste du semeur, sans s’inquiéter de ce qui répércute chez la partenaire.
Vise un peu la conscience au gentil Sana, chérie. Tortillage de languettes. Nos grumeuses doivent ressembler à ces cigares tressés qu’on voit, gadgets de Nicot, chez les buralistes de Suisse ou de Belgique. Tu trouves bon ? J’ai le clapoir net, hein, poupée ? C’est pas de l’entonnoir à Munster, ça. Gargarisé à l’eau de pêche ça ne serait pas mieux. Et décapé, je te dis que ça. Tu parles : une bouteille de vodka. Tu gémis, hein, belle enfant ? Tu supplies pour mieux. T’as le fou désir que je te pousse un avantage de vingt et quelques centimètres. Brûle pas les étapes, chacune de mes choses en leur temps. Fais pas comme la plupart de ces connes qui, au premier baiser, se dessapent aussi vite que t’ouvres un pébroque, si bien que tu te retrouves tout crétin, devant ce repas servi complet, style plateau Air France pour petit vol de banlieue.
La souris qui se déloque d’un trait, tu parles d’une gourde inexperte. Après elle regimbe que Zozo la compucte en piqué, aller-simple-course. T’imagines une strip-teaseuse qui larguerait ses hardes en tournemain, poum, commako. Le monstrueux bide qu’elle ferait !
En amour, c’est plus velouté encore, la progression, chez les fervents. Nuancé, par palier. Tu décompresses suavement. Tout doux. La main par-ci, la langue par-là. Le bilboque qu’hasarde un petit coup métronomique, tic tac, tic tac… Et qu’on stoppe pour plus tard, le conserver chaud et parisien, en réserve de la raie biblique, comme disait ce pauvre Pompidou que personne déjà ne sait plus qu’il a été.
La main chaude ? Au chaud… Reptation, gain de terrain. Nous y voici donc ! Bonjour, toi !
Qu’il est mignon ! Et cet emballage délicat, madame ! Ah, il craignait pas la casse, trésor ! Chérubin, va ! Bien coiffé, gentil, c’est Pantène ou Pétrole Hahn bleu que tu mets dessus pour lubrifier ? Bon, t’insinues… Mollo, Médius avant-coureur. Estafette ? Dérape pas, guignol. Premier de cordée ! Une phalange de cour… Voilà, te laisse pas embarquer, sinon ça va être la grande fâcheuse glissade. Méprise pas mister Bitougnet qu’est là, tout guilleret, et qui pimpante en attendant la caresse circulaire. Le néglige pas, ce gentil intrépide. Il a droit à son tarif concurrentiel. Oh là ! Oh ! là là ! L’embellit. Mademoiselle la dame déclenche. Elle s’impatiente. Laura, visage entrevu… La goumille, tiens, pour ta peine ! Je te lapsuce. J’aime le con du sort, le soir au fond des poils. Et t’aurais voulu qu’ils eussent l’Alsace et la Lorraine ? Qu’est-ce qu’elle réclame, Laura ? Quoi ? Encore ! Encore et à cris ! Présent. La réponse du jury est « oui » à toutes les questions.
La suite ne regarde personne. C’est notre affaire, à nous deux, moi et Laura. Une belle affaire ! Une grosse affaire ! Une affaire qui pourrait devenir de père de famille !
On s’aime frénétique, elle et moi. Total. Sans retenue à la source. Pourquoi qu’on retiendrait, dis, Bazu ? Tout fonctionne : les cordes, les cuivres, les instruments à percussion, à componction, à accupunction. L’orchestre sous la baguette magique du maestro San-Antonio, directeur de la Paris Detective Agency. Pas grognote, ça, demoiselle. La chaîne du bonheur. Elle pousse des plaintes déchirantes. Moi, j’entendrais ça, en forêt, je déclenche une battue aussi sec. Alerte la gendarmerie.
Ah, ce que c’est bon. Tiens, par ici. Et puis par là. Et ça en même temps. Le grand fourmilier, dis, ma brune. Encore ? Soit ! N’en voici. T’aimes ? Je t’en remets chauffer une portion ? Banco ! « O Laura, visage entrevu. » Ça valait les coups, n’est-ce pas ? Quel bonheur. Et si bon marché, dis donc. T’en as qui paient fortune pour aller voir les pyramides ou le mont Athos. Alors que là, pas un laranqué. Gratuit pour Déo.
Et Déo est dans la combine, tu penses, pour que ça soye si good, my God !
On frictionne une heure pleine. Archipleine bourrée ! Après, ma môme pantelle sur le canapé où on a fini par se poser dans le feu du séisme.
Elle a les yeux fermés, le souffle haletant.
Puis, alors que je la crains inanimée, elle me tend les deux bras pour un nouveau baiser, un vrai. Un qu’a rien à voir avec la zifolette. De reconnaissance, quoi, osons le dire.
— Chéri, quel bonheur !
C’est pas gentil, ça ? Tu ferais pas enregistrer pour passer à ta concierge, en fin d’année, en guise d’étrennes ?
« Quel bonheur ! »
Ça m’a dessoûlé. Je me sens net, nouveau, guéri de mes anxiétés.
Laura va tutoyer le sanitaire dans la salle d’eau. Et ça me remet en mémoire l’affaire Lhurma. Lhurma, le roi du bidet à pédale, jet sous pression à deux atmosphères (sur le catalogue, il est qualifié « modèle Genève »).
Lhurma, mort de mort naturelle dans un hôtel d’Amsterdam après avoir dépêché à son vieux copain retrouvé une gonzesse que celui-ci connaissait vraisemblablement déjà ; et qu’il connaissait intimement !
Dis, j’y pense : la pochette d’allumettes, ça ne serait pas voulu, après tout ? A part dans les romans de la Mme Christie, notre grand-mère à tous, il est rare qu’un assassin sème des indices sur le terrain de ses exploits.
Pendant que Laura s’époussette la crinière, j’explore le logement. Mais je n’y découvre rien d’éclairant. C’est banal, les « papiers » sont représentés par des factures, des quittances d’eau, de gaz, de téléphone, de feuilles d’impôts, une ou deux cartes d’Espagne ou d’Italie, signées de Mme Angèle…
Au moment que ma Laura radine, bien réparée, cadumée, nickel, je file un z’œil à ma breloque.
— Tu pourrais m’accorder encore une demi-heure, chérie ?
— Oui, pourquoi ?
P’t’être qu’elle escompte une remise de couvert ? Encore qu’après un déploiement de forces comme je lui ai fait montre, Ninette peut se passer de brosser pendant six mois, histoire de se reforger le glandulard.
— J’aimerais que tu vinsses avec moi.
— Où ça ?
— A deux pas d’ici, sur les Champs-Zé.
— Quoi fiche ?
— J’aimerais te montrer quelqu’un.
— Qui ?
— Quelqu’un.
Elle hausse des épaules fatalisées par la passion que je lui inspire. Me suivrait au bout du monde, cette poule, c’est-à-dire jusqu’ici, puisque la terre est ronde !
D’après ce qu’on dit.