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Dès qu'ils eurent quitté la friche, ils se mirent à marcher plus vite et grimpèrent le raidillon en quelques minutes. Robert sentait la chaleur revenir dans son dos et ses reins que la fraîcheur humide avait pénétrés.
Une fois sur la route, ils purent aller de front et Christophe se mit à expliquer tout ce qu'il avait envisagé.
- Surtout, dit-il, faudra être prudent une fois le coup fait. C'est toujours après que les mecs se font piquer. Au moment où ils se servent de leur pognon... Je pense qu'il faudra attendre au moins trois mois avant d'acheter des motos.
- Tu crois vraiment que la vieille va porter plainte? demanda Robert.
- La bonne blague! Tu penses qu'elle va s'en priver, tiens! Faut bien se dire qu'il y aura sûrement une enquête. Mais qu'est-ce que tu veux qu'ils trouvent? On aura des gants. L'essentiel, c'est de ne pas se faire voir en route quand on ira faire le coup...
- Ça et un bon alibi, tout est là, précisa Serge. Et pour nous, le meilleur c'est les vieux. "Oh, pensez donc, monsieur le brigadier, cette nuit-là mon fils s'est couché à neuf heures du soir. Vous pensez. S'il était sorti, je le saurais".
Serge imitait la voix de sa mère. Ils se mirent à rire tous les trois, puis Christophe ajouta:
- Il se marre, mais il a raison, c'est ça qui compte, bien faire voir à nos vieux qu'on va se coucher.
- Moi, dit Robert, quand je rentre, c'est souvent que mon père dort déjà.
- Tu le réveilleras...
Serge se tut, fit quelques pas, puis ajouta:
- Si tu peux.
Robert eut un soupir, Christophe empoigna le bras de Serge et le serra à lui faire mal. Serge attendit un peu et reprit:
- T'inquiète pas, de toute façon, les vieux sont tous les mêmes, histoire d'éviter les emmerdements ils jureront qu'ils t'ont enfermé dans ta piaule, même s'ils ne t'ont pas vu rentrer.
Ils marchèrent longtemps sans parler. À mesure qu'ils descendaient vers la ville, l'air était moins vif. Quand la route partait vers la droite comme pour entrer dans le flanc de la colline, ils sentaient venir à eux des bouffées de chaleur et l'odeur de la pierre chaude et du goudron.
- Ce qui est important, dans une affaire comme ça, dit Serge, c'est l'opinion publique.
Il se tut, mais les autres attendaient. Au bout d'un moment il reprit:
- L'opinion publique, ça compte. Je l'ai remarqué, dans les journaux, ça peut faire changer complètement une affaire.
Il s'arrêta encore et Christophe demanda:
- Je ne vois pas ce que tu veux dire. On lui fauche son pognon; l'opinion publique, comme tu dis, on s'en tamponne!
- Peut-être, mais la police c'est autre chose. Si tout le monde gueule, on pousse l'affaire à fond. Mais là, je suis certain que les gens vont dire: "C'était une vieille pingre. Si elle avait profité de ses sous, on ne serait pas venu lui barboter".
- C'est peut-être vrai, dit Christophe.
- Le fait est, remarqua Robert, que quand tu la rencontres, au marché par exemple, tu lui donnerais facilement dix balles.
Serge se mit à rire en disant:
- Tu me donnes une idée. Quand on aura son fric, un jour, je me paierai le luxe de lui donner cent balles; je ne suis pas radin, moi. Elle ne se doutera jamais que c'est son pognon qui lui revient.
Au sortir d'un tournant taillé à flanc de colline, les lumières de Sainte-Luce apparurent.
- Quelle heure est-il? demanda Christophe.
Remontant sa manche, Serge lui tendit son poignet où luisait le cadran lumineux d'un gros chronomètre.
- Onze heures moins vingt, demain, à cette heure-là, on se préparera à travailler sérieusement.
Ils traversèrent en silence le premier groupe de maisons où quelques fenêtres étaient encore éclairées, puis, comme ils allaient atteindre le haut de la grand-rue, Robert demanda:
- Et si la vieille se réveillait?
- Bon Dieu, lança Christophe, tu sais bien comme elle est sourde!
- Mais on peut se réveiller comme ça, sans rien entendre; je ne sais pas, moi... pour pisser un coup, par exemple!
Ils approchaient de la zone éclairée par la première lampe suspendue au milieu de la rue, et les deux autres se regardèrent un instant. Serge eut un haussement d'épaules pour dire:
- Je te jure, faut qu'on soit bille pour mettre un dégonflard pareil dans le coup!
Christophe marchait au milieu et Robert allongea le pas pour mieux voir Serge. Il fit comme s'il allait parler puis revint sur la même ligne que ses camarades. Ils passèrent sous la première lampe et continuèrent vers la deuxième avec leur ombre qui s'allongeait en s'éclaircissant à chaque pas. Robert se rapprocha un peu de Christophe et, s'adressant à lui seul, il demanda:
- Tu ne penses pas qu'il y a tout de même un certain risque si la vieille se réveille et qu'elle vous reconnaisse? Même en admettant qu'elle ne puisse rien faire sur le coup, après, elle peut le dire; comment vous vous défendrez, à ce moment-là?
Christophe laissa s'écouler le temps d'une bonne dizaine de pas puis, d'une voix posée, un peu ironique, il dit:
- C'est tout? Tu as bien tout examiné?... Mais enfin, quoi, tu nous prends vraiment pour des pauvres mecs! Tu penses peut-être qu'on va se pointer comme ça chez la vieille...
Il s'interrompit et, se tournant vers Serge, il le prit par l'épaule et lui souffla quelques mots à l'oreille. Serge sourît et fit de la tête un signe affirmatif.
- Si je suis de trop..., commença Robert.
Déjà Christophe se retournait vers lui en disant:
- Mais non, couillon, seulement, on veut faire une expérience. Si tu es d'accord, on passe chez Serge tout de suite.
- À cette heure-là? Et ses vieux?
- Tu ne penses pas qu'on va monter dans leur chambre?
Ils prirent donc à gauche par le Chemin-Neuf. Là, c'était de nouveau la nuit avec seulement, de loin en loin, une fenêtre éclairée. Derrière l'une d'elles, des gens étaient assis que l'on voyait de profil. Il n'y avait dans la pièce qu'une lumière très faible, mais sur le visage de l'homme et de la femme immobiles passaient des reflets pâles avec de brusques éclairs. De temps à autre, ils riaient.
- Ce soir, j'ai eu de la veine, souffla Serge, c'était un film pour grandes personnes, comme ils disent, sans ça, il aurait encore fallu que je me tape de l'aspirine avant d'aller me coucher.
- Pourquoi, demanda Robert, ils t'obligent à regarder?
- Non, mais ça pourrait leur paraître louche que j'aime mieux aller au lit. Alors, quand je veux sortir, je dis que j'ai mal au crâne et c'est ma mère qui m'oblige à me coucher, seulement elle me fait avaler un comprimé.
Ils avaient dépassé la villa. Serge se tut un instant puis soupira:
- Vous en avez du pot tous les deux, d'avoir des vieux qui s'en foutent!
- Qui s'en foutent, c'est beaucoup dire, observa Robert, si mon père n'est pas complètement rond et qu'il se réveille quand je rentre, ça peut se terminer par une belle dérouillée et j'aime mieux te dire que quand il tape, ça se sent!
- Moi, expliqua Christophe, ça serait malheureux qu'à dix-huit ans passés, et en bossant comme je fais, j'aie encore des comptes à rendre sur mes sorties.
Il marqua un temps puis ajouta en riant:
- Pourtant, demain soir, vous en faites pas, mes vieux le sauront que je suis crevé et que je vais au lit à huit heures. Ça tombe bien, demain matin, c'est le marché, on va avoir un sacré boulot!
- C'est bien la première fois que tu es content de bosser! ricana Serge, d'habitude, tu râles toujours après les jeudis.
Ils quittèrent le chemin et s'engagèrent dans un terrain vague pour contourner la maison. Arrivés derrière, ils s'arrêtèrent et Robert entendit Serge introduire une clef dans la serrure qui s'ouvrit lentement. Le pêne claqua pourtant au fond du palastre. Ils demeurèrent un instant sans un geste, puis Serge poussa la porte.
- Entrez et faites gaffe, il y a cinq marches.
Tâtonnant du pied, ils descendirent. La porte se referma et ce fut l'obscurité absolue.
- Bougez pas, fit Serge. Une minute et j'allume. Seulement, avant, faut que je colle un sac devant le soupirail.
Ils l'entendirent aller et venir, puis la lumière inonda soudain la cave. Robert cligna des yeux un instant puis regarda autour de lui. La pièce était grande, rectangulaire, et l'on pouvait, en levant la main, toucher le plafond fait de poutrelles métalliques retenant des dalles de ciment.
- Venez!
Serge les conduisit au fond et les fit pénétrer dans un réduit carré où se trouvaient la chaudière du chauffage central et un tas d'anthracite. Il apporta une vieille chaise et deux caisses.
- Asseyez-vous, je reviens.
Puis Serge retourna dans la première cave. Demeurés seuls, ils tendirent l'oreille. Sans pouvoir comprendre, ils percevaient nettement un bruit de voix. De temps à autre, le dialogue était couvert par une bouffée de musique.
- C'est leur télé, précisa Christophe.
Puis riant soudain, il ajouta:
- On est gonflés, tout de même!
Robert ne dit rien. Dans la pièce voisine, il y eut un bruit de ferraille remuée et Serge revint, porteur d'une bouteille. Il tira derrière lui la porte du réduit en marmonnant:
- À présent, on est parés, j'ai éteint là-bas, et même si le vieux sortait dans le jardin, il n'y verrait que du feu.
- Tu crois qu'on peut pas nous entendre? demanda Robert.
- Non, faudrait vraiment qu'on gueule comme des veaux.
Il posa sa bouteille et un verre sur le bord de la chaudière.
- Tu as ton tire-bouchon, Christophe?
- Tu parles!
- C'est vrai, un épicier...
- Charriez pas l'épicier, hein!
Christophe sortit son couteau et déboucha la bouteille. Puis, la levant à hauteur de son visage, il regarda l'étiquette.
- Mon vieux, fit-il, médoc 47, tu nous soignes, dis donc!
Serge eut une moue qui allongea encore son visage mince tout piqué de son et lança:
- Bah, demain soir on sera peut-être en cabane tous les trois, faut bien en profiter.
- Déconne pas avec ça, dit Christophe, et donne plutôt ton godet.
Ils vidèrent tour à tour le verre rempli aux trois quarts.
- Alors? demanda Serge.
- Y a rien à dire, fit Christophe, ils se soignent, tes vieux... Il y en a beaucoup comme celle-là, par ici?
- Un plein casier, sans compter les caisses encore fermées. C'est obligé, deux ou trois fois par semaine il y a des réceptions. Et j'aime mieux te dire que dans le milieu ingénieur, sans avoir l'air de rien, ça biberonne...
- Tu vois, Robert, dit Christophe, le gros rouge c'est bon pour des mecs comme nous; eux, ils sont faits pour se taper les grands crus.
Serge avait sorti de sa poche son paquet de cigarettes. Il riait, et Robert regardait ses cheveux blonds frisés dont une mèche tombait sur son front. Il se tenait debout presque sous la lampe et ses cheveux brillaient comme de l'or.
Ils fumèrent un moment en silence puis Christophe se remit à parler de vins. Serge lui fit signe de se taire, demeura quelques instants les yeux mi-clos, puis expliqua:
- Cette musique-là, c'est l'indicatif du journal télévisé. Dans un quart d'heure environ les vieux monteront se coucher. On sera encore plus tranquilles.
- Et tu n'as pas peur qu'ils regardent dans ta chambre avant de monter? demanda Christophe. Une mère poule comme la tienne, ce serait pas étonnant.
- Avant, elle le faisait tous les soirs. Seulement, depuis que je sors, j'ai trouvé le bon truc, je m'enferme pour travailler sans que ma petite sœur puisse venir me déranger. Comme ça, si les vieux voulaient me voir, faudrait qu'ils fassent comme moi, qu'ils passent par la fenêtre.
Ils rirent tous les trois, vidèrent un nouveau verre, puis Robert demanda:
- Alors, et votre surprise? C'est que moi, faut que je sois au labeur à six heures, je voudrais bien dormir un peu.
- Attends que les vieux soient montés. Encore cinq minutes et on est bons.
Ils achevèrent la bouteille et Serge sortit en annonçant qu'il tenait à leur faire goûter du bourgogne.
- On va être ronds comme des pommes tout à l'heure, remarqua Robert.
Christophe haussa les épaules.
- S'il veut me cuiter, moi, la cave du père Dupuy va en prendre un drôle de coup!
Ils continuèrent à boire, puis, quand la musique s'arrêta, Serge sortit seul. Il revint après quelques minutes en annonçant que ses parents étaient montés se coucher. Alors, laissant Robert seul dans le réduit, il entraîna Christophe dans la première cave.
Robert attendit, le regard fixé sur la chaudière. Après quelques instants, il se leva et approcha de l'endroit où les tuyaux partent vers le plafond. De la main, il palpa les joints, fit jouer la manette de réglage et revint devant la chaudière dont il ouvrit doucement les portes. Puis il retourna s'asseoir sur sa caisse, le dos au mur de ciment. Il avait la tête un peu lourde, une bonne tiédeur montait en lui et il bâilla plusieurs fois.
Enfin, la porte s'ouvrit et Christophe parut, suivi de Serge. Robert les examina un instant puis, pouffant de rire, il lança:
- Ce que vous avez l'air cons!
Ils avaient enfilé par-dessus leurs vêtements des sacs dans le fond desquels étaient pratiqués des trous pour passer la tête et les bras. Leur visage était masqué jusqu'aux yeux par un foulard et ils s'étaient coiffés de bérets qui leur descendaient jusqu'aux sourcils. Tous deux portaient des gants de peau.
Aux paroles de Robert, ils s'étaient arrêtés. Ils se regardèrent un moment. Puis, avançant vers la lampe, Christophe enleva son béret et fit glisser son foulard. Il fixait sur Robert un regard dur. Son visage rouge et bien rempli portait encore sur les pommettes deux traits plus pâles qui s'effaçaient peu à peu. De la main, il rejeta en arrière ses cheveux bruns ébouriffés et lança:
- Tu rigoles. C'est peut-être marrant de nous voir comme ça, mais on s'en balance, que ce soit marrant; le principal, c'est que la vieille, au cas où elle nous verrait, soit incapable de donner un signalement.
Serge à son tour avait quitté coiffure et foulard. Retirant également le sac qu'il posa sur la chaise, il dit avec un mouvement de tête en direction de Robert:
- Qu'est-ce que tu veux demander à ça? Tu peux toujours te crever la paillasse pour monter un coup au poil, cet abruti-là se contente de rigoler comme un cul-terreux!
Robert ne broncha pas. Toujours adossé au mur, les yeux mi-clos, il souriait. Serge rassembla tout le matériel, en fit un seul paquet roulé dans l'un des sacs et le porta dans la première cave. Quand il revint, sans se lever, Robert désigna du doigt la chaudière en disant:
- C'est du beau boulot cette installation, seulement, elle est mal entretenue. L'été, une chaudière, ça se nettoie. Et même, un coup de graisse, ça peut pas faire de mal.
Il se tut, et personne ne dit mot. Christophe versa à boire, fit circuler le verre, et ils achevèrent la bouteille. Serge ne parlait toujours pas, mais se levait souvent, faisait deux pas, revenait s'asseoir, se baissait pour ramasser un morceau d'anthracite qu'il lançait contre le mur où il se brisait en projetant des éclats luisants. Longtemps, ils restèrent ainsi, puis ce fut Christophe qui rompit le silence.
- Il y a une chose aussi qu'il faut expliquer à Robert. Pour les motos, on achètera d'abord la sienne.
Se tournant vers Robert, il le regarda un instant avant d'ajouter:
- Avec ton vieux, toi, pas de problème, c'est bien sûr?
Robert hocha la tête. Une grimace qui voulait être un sourire éclaira son visage bronzé.
- Non, fit-il. Lui, pourvu que je ne lui demande rien!
- Il ne cherchera pas à savoir où tu as pris le pognon?
- S'il me le demandait, je dirais que je règle à tant par mois. Ma paie, je suis libre d'en faire ce que je veux!
- Ce que vous êtes vernis, vous autres! soupira Serge.
Robert le regarda. Ses lèvres s'ouvrirent comme s'il allait parler mais, se laissant de nouveau aller contre le mur, il inclina la tête et baissa les yeux. Allongeant les jambes, il croisa ses pieds. Un moment il fixa ses brodequins éculés et jaunes de glaise séchée. Puis, poussant en avant son regard, il fixa longtemps les sandales de cuir fin et souple que Serge portait, ses socquettes claires que la rosée avait trempées, le bas de son pantalon gris où demeuraient piquées des graines de chardons et une feuille de ronce.
Robert écoutait à peine Christophe qui continuait d'expliquer qu'il devrait lui-même acheter à son nom la moto destinée à Serge dont les parents étaient intraitables. Ensuite, il continuerait, lui, d'utiliser pour leurs sorties communes celle dont il se servait actuellement et qui appartenait à son père. Ainsi, Serge pourrait disposer de la neuve.
De plus en plus, Robert se sentait gagné par le sommeil. Enfin, ses explications achevées, Christophe se leva en déclarant:
- Allons, nous deux on n'est pas d'ici. Faut y aller. Seulement, avant, encore une chose. Montre un peu ton matériel à Robert qu'il nous dise si ça va pour la porte.
Serge disparut et revint aussitôt, portant un paquet fait d'un morceau de couverture sale. Il le posa par terre et déroula le tissu. Il y avait là une dague courte à manche de corne et à lame triangulaire, deux gros tournevis et un grand burin.
Robert examina chaque objet puis, se relevant, il dit:
- C'est toujours ça. Mais mon père doit avoir plusieurs pinces de carrier. J'en apporterai une, pour faire levier si la porte résiste, c'est aussi bien qu'une vraie pince-monseigneur.
Christophe souriait. Il se frotta les mains puis, avec une grande claque sur l'épaule de Robert, il lança:
- Je crois que la porte de la vieille, elle ne va pas faire long feu, avec nous autres!
Serge se baissa, empoigna la barre de fer qu'il soupesa en disant:
- Et avec ça, on en ferait taire de plus coriaces que cette vieille taupe.
Christophe sourit et, se tournant vers Robert, il dit:
- Allez, à présent, tirons-nous, il est bien temps.
Serge les précéda vers la porte. Avant d'ouvrir, il leur recommanda de ne pas faire de bruit puis demanda:
- Vous savez ce que c'est, les gars, ce qu'on vient de faire?
Les autres se regardèrent. Robert fit un geste évasif et Christophe dit en riant:
- On s'est tapé deux bonnes bouteilles aux frais du père Dupuy.
Serge sourit, prit son temps et, le visage soudain grave, l'œil sombre sous le sourcil froncé, il déclara:
- Eh bien, ça s'appelle une veillée d'armes.
- Une veillée d'armes? fît Christophe.
- Oui, quand on veille comme ça, la nuit qui précède une action de grande envergure, ça s'appelle une veillée d'armes.
- Ça se peut bien, dit Christophe.
Puis comme Serge allait ouvrir la porte, se réveillant tout à fait, Robert lui dit:
- En tout cas, avant de monter dans ta piaule, nettoie ton froc, sinon ta mère verra bien que tu n'as pas fait ta veillée d'armes dans ton plumard.