TAU (pinière)

Rien ne vaut l’élément de surprise.

Radiner en pleine nuit dans l’appartement de Belle-de-Mai, à l’Intersidéral, revolver au poing. Lui annoncer la mort de son jules ; l’obliger à se lever, lui administrer six cachets trouvés dans son sac à malice pour la foutre à moitié groggy, qu’elle nous suive docilement. L’enfourner dans la vieille Mercedes (à l’essai), filer en France voisine ; tout cela en pas vingt minutes, relève de la magie policière. De l’esprit de décision.

C’est bath d’agir en trombe, sans hésiter.

Le ciel est à ce point avec nous que pas un douanier ne se dresse au mitan de la route pour nous paperasser. Ces messieurs dorment.

Je conduis en chantant à tue-tête.

Ce que c’est bon de vivre encore.

Encore un peu. C’est grisant de savoir que tout à l’heure, entre Pontarlier et Dijon le jour se lèvera. Qu’on s’arrêtera dans un routier pour bouffer des œufs au jambon.

En plus, on embarque la potesse à Konopoulos, et grâce à elle, on va en apprendre des choses, tu penses !

Bérurier regarde la rouquine pioncer sur sa robuste épaule.

— On dirait franc une nana, affirme-t-il, même qu’j’dois me retiendre d’y filer la pogne au valseur.

— Tu aurais des surprises, Gros. Ça t’ennuie de me la réveiller un instant, il y a quelque chose qui me turlubite plus que le reste et je voudrais qu’elle m’affranchisse.

Volontièrement, s’empresse mon sauveur en administrant deux baffes de lavandière sur les joues de la veuvasse.

Belle-de-Mai pousse un cri et s’éveille, hagarde.

— Je te demande pardon, fillette, dis-je, un simple renseignement : à quoi sert le grand costume planté au milieu du célèbre magasin genevois ?

La beauté gnagnate un peu du pif ; bat des cils.

Je réitère ma question. Le Gravos m’aide par deux autres tartes.

— Dis vite, ensuite on te laissera dormir, promets-je.

Alors, réunissant ce qu’elle peut trouver en elle de cohérence, la rouquemoute chuchote :

— Le tissu est épais. Dedans, c’est plein d’œufs de serpent. Ils vont bientôt éclore sous la lumière des projecteurs. Ils infesteront le magasin, et alors, ce sera fan-tas-tique ! Le chaos ! C’est ce que nous voulons, nous autres : le chaos !

Elle glousse. Dodeline…

— Dieu de Dieu, soupire Béru, quels moyens ils emploient, ces mecs, pour détricoter l’humanité !

— Nous alerterons les autorités helvétiques, à l’aube, décidé-je. Et nous leur donnerons la recette pour délivrer de leurs bombes contraignantes Messieurs les Conseillers.

Félix qui somnolait soupire :

— Ce ne sera que partie remise, mon bon ami. L’Apocalypse est en marche !

J’attends d’avoir doublé un gros cul avant de gueuler :

— Oui, Félix : l’Apocalypse est en marche, mais c’est pas une raison pour courir à son côté !

— Vous savez qu’il a de la poitrine ? coupe Bérurier en retirant sa main du corsage de Belle-de-Mai.

— Tout est trompeur, assure Félix.

Béru rêvasse et demande :

— Vous croyez, vous, que tous les Grecs sont pédés ?


FIN
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