CHAPITRE VI

— Voilà, conclut Malko, Iouri Bogdanov ne répond toujours pas. J’appelle toutes les heures et j’ai fini par laisser un message.

Donald Redstone, de retour à son bureau après le déjeuner, avait écouté le rapport de Malko en prenant fiévreusement des notes. Il posa son stylo et lança :

— C’est ce Polonais qu’il faut absolument retrouver. C’est la cheville ouvrière de l’opération, et probablement lui qui a confié le poison à Roman Marchouk…

— Vos amis du SBU ne peuvent rien faire ?

— Je marche sur des œufs, assura l’Américain. On ne sait jamais ce qu’ils pensent réellement. J’ai confiance en Igor Smeshko mais il ne connaît pas les détails opérationnels : il serait obligé de demander à ses subordonnées qui, eux, ne sont pas sûrs. Il faut retrouver ce Polonais par nos propres moyens.

Autrement dit, avec une boule de cristal… Malko eut soudain une idée : Evguena devait posséder son numéro. Qu’étaient devenues ses affaires ? Pendant qu’il réfléchissait, son portable sonna et une voix d’homme grave demanda :

— C’est vous qui m’avez appelé ? Le pouls de Malko fit un bond.

Da. Vous êtes Iouri Bogdanov ?

— Tak.

L’ex-mari d’Evguena ?

— Nous étions toujours mariés, corrigea Iouri Bogdanov d’une voix neutre. Qui êtes-vous ? C’est Viktoria qui vous a donné mon numéro ?

— Oui. J’aurais besoin de vous parler. Je suis à la recherche de ceux qui ont assassiné votre femme.

Il y eut un long silence, puis Iouri Bogdanov répéta :

— Assassiné… pourquoi dites-vous cela ? Celui qui l’a tuée, c’est ce type, Roman Marchouk. La Milicija me l’a confirmé.

Visiblement, il était sur ses gardes. Malko avança sur la pointe des pieds.

— Il faudrait que je vous voie, répéta-t-il, mais je ne veux pas parler au téléphone. Il s’agit d’une affaire très délicate. Et c’est urgent.

Long, long silence. Iouri Bogdanov laissa enfin tomber :

— Venez à cinq heures au McDonald’s à côté du métro Kharkivskaya. C’est dans le quartier de Khar-kivski Masiv, sur la rive est du Dniepr. Assez loin du centre.

— Comment vais-je vous reconnaître ?

— Je serai avec Marina, ma petite fille. Elle est blonde, frisée. Dosvidania.

Malko, à peine eut-il raccroché, se précipita sur la carte de Kiev épinglee au mur. Le lieu du rendez-vous se trouvait à plusieurs kilomètres du centre, près de Mykoly-Bazhana Prospekt. Un coin perdu.

— C’est un quartier plutôt ouvrier, confirma Donald Redstone. J’espère que ce type va pouvoir vous aider, mais je n’y crois pas trop.

Malko prit congé et partit à pied, traversant le parc en face de l’ambassade US. L’hiver, c’était plutôt sinistre… Une petite idée commençait à faire son chemin dans sa tête : seul, il ne s’en tirerait pas. Donald Redstone, à part la très sexy Irina Murray, n’avait pas grand-chose à lui offrir. Les gens de Viktor Iouchtchenko n’avaient pas réussi à empêcher l’empoisonnement de leur leader et le SBU était pourri. Sans parler de ce qu’il ignorait : l’implantation des services russes à Kiev. Le FSB avait sûrement une structure clandestine, en contact avec leurs anciens collègues du SBU.

Il lui fallait donc trouver un véritable allié et il n’en voyait qu’un : Vladimir Sevchenko, dit le Blafard, ex-agent du KGB, oligarque établi à Chypre où il était devenu vice-président de la chambre de commerce chyprio-russe.

À condition qu’il veuille bien lui donner un coup de main. Leur dernier contact remontait à 2002 et Vlaclimir Sevchenko qui, jadis, tuait comme il respirait, s’était fâcheusement embourgeoisé…

Il leva la main et une vieille Jigouli conduite par un vieux avec une casquette de cuir qui semblait tout droit sorti d’un film de l’époque du réalisme soviétique s’arrêta. Pour 15 hrivnas, Malko obtint de se faire conduire à l’hôtel.


* * *

— Malko ! Tu es dans ma ville ! Je sens déjà l’odeur ! Quand viens-tu à Chypre ? On fera une fête sublime. Je viens de recevoir de l’osciètre doré qui est une merveille et la nièce de Tatiana est arrivée de la Volga avec. C’est une ravissante petite de seize ans qui suce déjà comme une grande… En plus, il fait beau. À Kiev, le temps, ce doit être merderie absolue…

On ne pouvait plus arrêter Vladimir Sevchenko. Bien que leurs rapports n’aient pas toujours été au beau fixe, lui et Malko s’entendaient bien et Sevchenko avait prouvé que, convenablement motivé, il pouvait être un allié solide et efficace. En 1996, c’est lui qui avait sauvé la vie de Malko, justement en Ukraine. Ce dernier profita d’un break dans le torrent de paroles pour lancer :

— Volodia ! J’ai besoin de toi…

Brusque silence, puis l’Ukrainien dit avec tristesse :

— Et moi qui pensais que tu m’appelais juste pour prendre de mes nouvelles… O.K. Davai !

— Il faudrait que tu viennes à Kiev, dit Malko. Et ce n’est pas seulement à moi que tu rendras service, si tu vois ce que je veux dire.

L’Ukrainien voyait très bien. Il poussa un soupir, ressemblant au barrissement d’un éléphant blessé à mort, et laissa tomber :

Niet. Impossible. Si je viens, ils m’arrêtent immédiatement. Ce salaud de Koutchma m’en veut beaucoup. Je lui ai piqué un gros marché d’armes pour des amis. Il a mis un zakasnoié sur moi. Ici, je ne crains rien, mais à Kiev… Les berkut lui mangent dans la main.

— Dommage, dit Malko, je suis justement avec ceux qui espèrent bien virer Koutchma et sa bande.

— Viktor Iouchtchenko ?

Da.

— Que Dieu le bénisse ! Mais il est mal entouré. Des gens qui ne rêvent que de voler le pays à leur tour. Il aura du mal. Je voudrais bien t’aider.

Malko le sentait sincère. Il y eut un long silence au bout du fil, puis Vladimir Sevchenko se décida d’un coup.

— Écoute, je vais faire quelque chose pour toi. Tu te souviens de Tatiana ?

— On peut difficilement l’oublier. Pourquoi ?

Tatiana était une blonde à la poitrine aiguë, aux yeux de biche, dure comme du tungstène, que Vladimir Sevchenko qualifiait de meilleure fellatrice à l’ouest de l’Oural, ce qui, dans sa bouche, était un sérieux compliment… Elle travaillait avec le mafieux ukrainien depuis plusieurs années, un peu comme un factotum aux attributions extrêmement vagues, en raison de ses talents variés. Elle se servait aussi bien d’un pistolet que de sa bouche, et connaissait mieux les chiffres qu’un expert-comptable…

— Je vais te l’envoyer ! lâcha Vladimir Sevchenko. Elle n’est pas tricarde et connaît tous les gens qui pourraient t’être utiles. Et maintenant que sa nièce est là, je peux m’en passer quelques jours. À quel hôtel es-tu ?

— Premier Palace.

Karacho. Elle sera là après-demain. Je vais donner quelques coups de téléphone pour prévenir.

— Tu es un frère, dit Malko, touché malgré tout.

C’est chez les voyous qu’on trouvait parfois les amis les plus sûrs. En plus, maintenant qu’il avait fait fortune, Vladimir Sevchenko se sentait des devoirs de dame patronnesse. Ils ne put s’empêcher de souligner :

— Ils faudra quand même que tu fasses un petit cadeau à Tatiana. Pour moi…

— Je n’y manquerai pas, promit Malko.

Lorsqu’il coupa la communication, il se sentait moins seul. Vladimir Sevchenko, même à distance, pouvait être un sacré allié.


* * *

Stephan Oswacim débarqua devant le Premier Palace d’un luxueux taxi — une Mercedes 600 — qu’il avait pris à l’aéroport de Borystil, à l’heure d’arrivée d’un vol de Moscou. Bien sûr, cela coûtait près de 400 hrivnas mais ce n’était pas lui qui payait. Ils avait pris la précaution de se faire déposer à l’aéroport par Nikolaï Zabotine qui était aussitôt reparti dans une voiture munie d’une fausse plaque, une modeste Lada qui en avait six, interchangeables, avec les papiers correspondant aux différents numéros.

— J’ai une réservation, annonça-t-il à la réception. Gregor Makaline. Elle a été faite de Moscou, ce matin.

— Parfaitement, monsieur Makaline, approuva l’employée, émue par le charme du Polonais. Vous avez une préférence pour la chambre ?

— J’ai déjà séjourné au quatrième, sur la cour intérieure, c’est calme.

— Pas de problème. Votre passeport, s’il vous plaît ?

Stephan Oswacim le tendit sans un battement de cœur.

Fabriqué par la Division technique du SVR, il était à toute épreuve. Seule une puce infime signalait à l’immigration russe que c’était un « vrai-faux », émis par un service officiel. Cinq minutes plus tard, il suivait le groom dans l’ascenseur. Il n’avait pas ôté ses gants très fins, ce qui évitait de laisser des empreintes. Il donna généreusement 30 hrivnas et posa sa valise sur le lit. Celle-ci ne contenait que des affaires usagées, achetées dans une brocante, qui ne pouvaient mener nulle part. La valise elle-même avait été achetée dans le centre commercial Globus, sous la place de l’Indépendance, et payée en liquide. Il ouvrit le mini-bar, trouva un flacon de Defender « Success » et s’en versa un peu. Comme tous les gens de l’Est, il préférait le whisky à la vodka. Question de snobisme.

C’était plus chic.

Il s’allongea ensuite sur le lit et alluma la télévision. Il n’avait plus rien à faire jusqu’au soir et moins on le verrait dans l’hôtel, mieux cela vaudrait.


* * *

Malko se fit déposer en face de la station de métro Kharkivskaya. Il continuait à utiliser les taxis privés, beaucoup plus pratiques et discrets qu’une voiture de location. Même si le chef de station lui avait proposé un des véhicules banalisés de la station. On pouvait toujours remonter à la source grâce aux numéros.

Le Makarov 9 mm pesait dans son dos, mais il ne voulait pas s’en séparer. Les organisateurs du complot contre Viktor Iouchtchenko étaient des tueurs. S’ils étaient capables de jeter par la fenêtre une jeune femme innocente, ils n’hésiteraient pas à se débarrasser d’un agent de la CIA. Il regarda autour de lui et aperçut l’enseigne du McDo, de l’autre côté de Mykoly-Bazhana Prospekt. Il traversa l’avenue par le passage souterrain abritant des dizaines de petites boutiques et déboucha pratiquement en face du McDo. Bien qu’il fasse froid et humide, la zone grouillait d’animation, à cause de la station de métro et d’une petite gare routière. Des babouchkas installées sur le trottoir offraient des produits variés, emmitouflées comme des esquimaudes.

À peine eut-il poussé la porte du McDo qu’il fut assailli par un brouhaha incroyable. Bien qu’il ne soit que 17 Il 30, le restaurant était plein, avec une foule d’enfants qui piaillaient comme des fous. Malko inspecta les différentes salles sans apercevoir quelqu’un qui puisse être Iouri Bog-danov. Il finit par s’installer à une table, au milieu d’une nuée de gosses. Dix minutes plus tard, un homme de haute taille coiffé d’un calot multicolore, engoncé dans une parka et tenant par la main une petite fille aux cheveux frisés blonds, poussa la porte. Il s’arrêta, inspectant la salle et Malko lui adressa aussitôt un signe discret.

Le nouveau venu se dirigea vers lui.

— C’est vous qui m’avez téléphoné ? demanda-t-il en russe.

Da. Je m’appelle Malko Linge.

— O.K. Je vais acheter une glace à la petite et je reviens.

Il enleva sa parka, découvrant un gros pull verdâtre, et s’éloigna vers le comptoir. Il revint avec un café, un Coca et une glace, qu’il donna à sa fille. Ses yeux gris se posèrent sur Malko, interrogateurs.

— Qui êtes-vous ?

— Je suis autrichien, observateur de l’OSCE, expliqua Malko. Je fais partie d’une commission d’enquête qui cherche à établir la vérité sur l’empoisonnement de Viktor Iouchtchenko.

Iouri Bogdanov fronça les sourcils.

— Quel est le lien avec la mort d’Evguena ?

— L’homme qui se trouvait chez elle, Roman Marchouk, est très vraisemblablement celui qui a versé le poison dans l’assiette de Viktor Iouchtchenko, au cours du dîner dans la datcha de Vladimir Satsyuk.

Ils raconta en détails toute l’histoire à Iouri Bogdanov, qui l’écoutait, bouche bée.

— La Milicija ne m’a pas parlé de tout ça, conclut celui-ci. Pour eux, Evguena a été tuée par ce type dans une crise de démence et il s’est suicidé ensuite.

— À ceci près qu’un témoin digne de foi a vu Roman Marchouk se jeter ou être jeté par la fenêtre avant votre femme.

— Par qui ?

— Trois hommes non identifiés utilisant une voiture avec de fausses plaques sont entrés dans l’immeuble peu avant et ressortis peu après. Ce sont eux les coupables.

— Pourquoi ?

— Pour le faire taire. Et ils ont supprimé votre femme parce qu’elle avait été témoin du meurtre. Ces gens-là ne prennent aucun risque.

— Quels gens ?

Malko eut un geste évasif.

— Des tueurs professionnels, envoyés par des membres des services russes ou ukrainiens. Ou par les partisans de Ianoukovitch…

Iouri Bogdanov semblait accablé. Il but distraitement un peu de café et aida sa fille à déguster sa glace. Sage comme une image, elle regardait gravement Malko. Celui-ci repéra la petite écharpe orange enroulée autour de son cou. Il avait en face de lui un partisan de Iouchtchenko. Iouri Bogdanov s’ébroua.

— Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? Je suis journaliste, mais j’ai été obligé d’arrêter parce que j’avais dénoncé des affaires de corruption. Je suis au chômage et je ne voudrais pas qu’on touche à ma fille. J’aimais bien Evguena, même si elle était un peu folle.

— Que voulez-vous dire ?

Le journaliste eut un sourire triste.

— Oh, elle trouvait que je ne gagnais pas assez d’argent. Elle voulait vivre dans le centre, s’habiller avec des vêtements étrangers. Alors, elle a commencé à chercher des hommes riches. Nous nous sommes séparés. Et voilà.

— Connaissez-vous ce Polonais, Stephan ?

— Non. Nous ne nous parlions pratiquement plus, sauf pour Marina.

— Lorsque vous êtes allé chercher votre fille, vous n’avez rien pris dans l’appartement ?

Iouri Bogdanov réfléchit quelques instants.

— J’ai trouvé de l’argent sous son matelas. J’ai pris aussi quelques photos, des papiers.

— Vous n’avez pas trouvé son sac ?

— Ah si ! C’est la Milicija qui me l’a remis. Pourquoi ?

— Je cherche ce Polonais, Stephan. Il est responsable de la mort de votre femme. Or, je n’ai aucun élément pour le retrouver. Alors, je me dis que votre femme avait probablement son numéro de téléphone ou son adresse. Avez-vous examiné ses affaires ?

— Non. Je n’ai même pas ouvert son sac. Je regarderai, promit Iouri Bogdanov, et je vous appellerai si je trouve quelque chose.

Malko allait acquiescer lorsque deux hommes poussèrent la porte du McDo et s’arrêtèrent à l’entrée de la salle. Pas vraiment le genre de la maison. Des têtes de brutes, des bonnets noirs enfoncés jusqu’aux yeux, des carrures de lutteurs. Les mains dans les poches de leur blouson, ils parcoururent la salle des yeux. Le regard de l’un des deux s’arrêta très fugitivement sur Malko. Celui-ci n’y aurait pas prêté attention si brutalement une image ne lui avait pas sauté aux yeux : les deux hommes qui se trouvaient près de l’entrée du restaurant Pervak et qu’il avait pris pour des voituriers. C’étaient les mêmes : sa mémoire infaillible ne pouvait pas le tromper. Il sentit un picotement désagréable le long de sa colonne vertébrale.

C’était lui que les deux hommes cherchaient !

Il fut content de sentir la masse du Makarov contre ses reins. Déjà, les deux hommes étaient ressortis. Tournant le dos à l’entrée, Iouri Bogdanov ne les avait pas vus. Cela valait mieux, il risquait de prendre peur. Pourtant, cette apparition modifiait les choses. C’est avec son sourire le plus rassurant que Malko lui demanda :

— Vous habitez loin d’ici ?

— Non, dans Dekabruistiv. C’est tout près.

— Je pourrais venir avec vous et voir le sac ? Je voudrais ne pas perdre trop de temps.

Iouri Bogdanov jeta un coup d’oeil à la petite fille qui avait fini sa glace.

Karacho. De toute façon, je rentrais. Je suis allé chercher Marina à l’école.

Il remit son manteau à sa fille et ils sortirent tous les trois du McDo. La rue Dekabruistiv prenait un peu plus loin. Discrètement, Malko fit passer son pistolet devant, de façon à pouvoir le saisir facilement. Désormais, il était sûr d’être surveillé. Peut-être même depuis son arrivée. Tandis qu’ils marchaient, lentement à cause de la petite fille, il se retourna et son pouls fit un bond.

Deux silhouettes massives étaient apparues au début de la rue : les deux hommes entrés dans le McDo. Au moment d’entrer dans l’immeuble, Malko les aperçut qui hâtaient le pas. Bien entendu, il ne dit rien. L’immeuble où demeurait Iouri Bogdanov ressemblait à tous ceux de la rue. Un clapier grisâtre de l’époque soviétique, sans ascenseur, d’une saleté repoussante, les murs couverts de graffitis. Ils entrèrent, au premier étage, dans un petit appartement qui sentait le chou.

Après avoir installé Marina sur un canapé, Iouri Bogdanov disparut dans une chambre et revint avec un sac en tissu qu’il commença à vider sur la table. Des papiers, un porte-monnaie, des clefs, un mouchoir et, enfin, un petit carnet qu’il commença à feuilleter. C’était un répertoire avec des noms, des adresses, des numéros de téléphone. Malko attendait, le cœur battant. Iouri Bogdanov s’arrêta soudain à la lettre S et leva les yeux.

— Ce doit être ça, fit-il. Stephan. 8044 616 002. Il n’y a pas d’autre nom, et c’est un des derniers inscrits.

Malko notait déjà le numéro. L’Ukrainien lui tendit le carnet qu’il regarda à son tour, sans rien découvrir d’intéressant.

— Je peux vous l’emprunter ? demanda-t-il. Juste pour le photocopier.

Iouri Bogdanov hésita un peu, puis acquiesça avec un soupir résigné.

Tak. Si vous pouvez retrouver les ordures qui ont jeté Evguena par la fenêtre…

Il avait les larmes aux yeux.

Malko empocha le carnet. Au moins, il avait un début de piste.

— Je vous tiens au courant, promit-il.

Ils se quittèrent et il quitta l’appartement, mais s’arrêta net en sortant de l’immeuble : les deux balèzes attendaient à quelques pas, les mains dans les poches de leur blouson, l’air mauvais. En voyant Malko, ils se dirigèrent vers lui, sans se presser, sûrs de leur force.

Comme il essayait de les éviter, ils se séparèrent, lui barrant la route. D’un geste naturel, l’un des deux se pencha et prit un poignard glissé dans sa botte. De l’autre main, il fit signe à Malko d’approcher. Celui-ci se retourna. La porte de l’immeuble s’était refermée et il ne connaissait pas le code.

À eux deux, ses agresseurs devaient peser trois cents kilos. Celui qui était le plus proche de lui lança d’une voix cassée :

— Viens ici, moudak

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