XVI

Pour qu’elle ait moins de chances d’être contrôlée, c’est dans sa DS qu’Olivier a fait traverser Maria. La ville était engourdie dans l’ordre. Ils ont franchi des carrefours où l’obéissance aux feux se révélait magistrale. Ils sont passés devant l’église dont une colonne d’enfants, alignés trois par trois — et le padre en flanc-garde, un doigt levé, comptant son monde —, gravissait les marches sur de sages souliers cirés par des mères soucieuses d’honorer le catéchisme. Maria a dit :

— C’est là que ma sœur s’est mariée.

Un peu plus loin elle a baissé la glace et lâché une rose cueillie dans le jardin des Legarneau et qu’une Volkswagen a aussitôt écrasée. Maria a dit :

— C’est là que le tank…

La DS s’est bien gardée de ralentir et Maria est devenue rouge parce qu’à cinquante mètres près il lui était impossible de préciser l’endroit. Sur le trottoir où l’AML, bifurquant en hâte, était passée, une foule lente piétine l’asphalte en frôlant sans les regarder de nonchalants carabiniers promenant leurs mitraillettes.

— La cinquième rue à droite, la troisième à gauche et enfin la quatrième à droite, reprend Maria, d’une voix mince.

Comment serait-elle rassurée ? N’est-ce pas à la fois pour elle une rentrée insolite dans la vie normale et une sorte de levée d’écrou ? Que ses rapports avec Manuel ne soient connus de personne sauf de sa famille, aujourd’hui disparue, que son absence ait pu seulement intriguer son chef de bureau, que son vrai handicap, pour traverser une ville où ils sont constamment réclamés, soit le fait de ne pas avoir emporté ses papiers dans son petit sac de cérémonie… elle l’a répété elle-même sans en être plus convaincue que Manuel ou que ses hôtes. La méchanceté du hasard est bien aidée par celle des hommes.

— Je comprends le sénateur, fait soudain Olivier. Mais avouez qu’il nous complique les choses.

Depuis le départ, il manie le volant sans souffler mot. Il comprend, bien sûr. Mais ce qu’a dit Selma, la veille au soir, pour essayer d’ébranler Manuel, il doit le penser aussi. Quand la « nouvelle bonne » a eu fini de coucher Vic — très content d’elle —, quand la discussion a repris, Olivier n’a pas une seule fois interrompu sa femme. C’est vrai, d’ailleurs, que la police peut en savoir plus long, qu’elle peut cueillir Maria à domicile, la « questionner » avec rage. Qui est certain de se taire, une dizaine d’allumettes enfoncées lentement sous les ongles ? Selma n’a pas osé ajouter que choisir le risque, par fierté, c’est un droit, à condition de ne pas y entraîner les autres. Mais la disparition de Manuel, sorti discrètement, rattrapé de justesse dans la rue, en plein couvre-feu, a bien montré qu’il partageait le même sentiment, et Maria n’est pas prête à oublier son visage bouleversé de honte et de tendresse.

— Le bougre ! grommelle Olivier. Vous a-t-il dit où il allait ?

— Non, dit Maria, mais c’est facile à deviner. Il m’a répété trois fois : « Si quelqu’un doit sortir, c’est moi. »

La DS prend le dernier tournant, entre deux files d’immeubles récents aux étages comprimés, bétonnant une longue faille de ciel. Au loin, deux hautes cheminées dégorgent du coton gris sur les façades tachées de couleurs fades par un déploiement de lessives.

— J’habite au 15, dit Maria, près de la maison aux vitres cassées. Dans cinq minutes vous repasserez et vous jetterez un coup d’œil au huitième. Si tout va bien, j’y secouerai mon tapis. Quoi qu’il arrive, merci pour tout.

*

Elle a sauté sans accorder un regard au 17, saccagé, mais en cours de réfection et d’où quelque tâcheron, à son intention, a galamment sifflé ; elle a franchi la porte en même temps qu’un couple âgé, inconnu d’elle et qui a salué la concierge : une nouvelle, debout devant sa loge et tricotant des yeux autant que des aiguilles. Dans le sillage de ce couple — dont on l’a peut-être crue parente —, elle a traversé le hall et pris l’ascenseur où se sont engouffrés au dernier moment quatre autres personnes dont pour une fois elle s’est félicitée de pouvoir les classer parmi les occupants anonymes des deux cent quarante-trois logements à loyer modéré au nombre desquels figure au bout d’un couloir son modeste studio.

Curieuse impression. Le dallage sonne plus sèchement ; les odeurs de ragoût, les cris d’enfants, les gargouillements de tuyaux, les graffiti, les paillassons à demi écrasés par les pieds d’une famille, célèbrent avec force une vie quotidienne enfouie dans l’habitude. Maria se retrouve devant sa carte de visite fixée sur le battant par quatre punaises enrobées de plastique blanc. En visite chez elle, elle sonne. Puis elle ouvre, d’un franc tour de clef. Elle ramasse deux lettres et, la porte repoussée, instinctivement, pour reprendre possession de son espace familier, elle pose sur son électrophone la première rondelle venue : un disque d’Art Tatum qui lui donne droit aux premières mesures de You took advantage of me. Enfin elle se précipite à la fenêtre pour y secouer le petit tapis simili-persan qui lui sert de descente de lit. La DS noire va repasser, lâchant deux légers coups de klaxon. Maria remet son tapis en place et s’assied dessus pour écouter le morceau suivant : I’ll never be the same.

Morceau de circonstance ! Un regard circulaire accordé à cette pièce, voilà peu, donnait satisfaction. On avait trente mètres carrés, un terme, des mensualités et, de l’autre côté de la cloison, une baignoire où plonger de la demoiselle : le tout bien à soi. On s’encoconnait là dans une liberté réduite, mais neuve. On s’y sentait majeure et vaccinée contre la petite rage d’avoir été « la fille de mon mari » dans une maison où Mme Pacheco — la seconde — avait banni le souvenir de Mme Pacheco — la première. On y avait d’ailleurs transféré celle-ci avec respect sous la forme de cette photo de jeune femme, faisant foi de ce qu’avait été une mère, morte d’avoir une fille et qui riait sur le mur en face d’un gendre possible, régnant dans un cadre identique. Tout est toujours en place, mais tout est changé. Ennis Pacheco, devenue veuve de son veuf, observe sa fille à qui l’on a crié qu’elle pourrait l’être aussi avant la noce.

Trêve de nostalgie ! Maria se relève. Elle ouvre la première lettre : c’est un avis de licenciement très sec pour n’avoir fourni aucune excuse, aucun certificat de maladie et cependant abandonné son poste en violation du décret sur la reprise du travail. Elle ouvre la seconde lettre : c’est un rappel, avant sommation, d’avoir à payer sa police d’assurance échue depuis quinze jours. Il y a de la menace dans l’air. Huit fois déchirées, transformées en confettis, les deux lettres rejoignent leurs enveloppes dans la corbeille et Maria, ouvrant un placard, s’empare de son unique valise.

Art Tatum continue : il attaque Without a song avec ce bonheur gratuit, cet entrain génial qu’il eut pour quelques amis, certain soir, sans savoir qu’il était enregistré. Maria se déshabille, enlève la robe beige — empruntée à Selma —, sa culotte et son soutien-gorge — empruntés à Selma —, range le tout dans la valise, et nue, baladant de petits seins, de petites fesses très fermes, procède à l’opération inverse, pioche dans sa commode, rhabille Maria avec ce qui appartient à Maria en terminant par sa robe grise à parements grenat. Puis elle retire de son cadre la photo de sa mère. Elle n’en fera pas autant pour celle de Manuel, trop dangereuse : elle aura l’original — ou rien. Toutefois elle emportera ses lettres, bien que plusieurs soient écrites sur papier à en-tête du Sénat. Un tailleur suffira. Un jean. Un pull. Un imper. Un peu de linge. Une paire de souliers plats qu’elle enroule dans un pyjama. Enfin la boîte de cigares peinte par Carmen enfant pour son anniversaire et qui contient quelques coupures, les indispensables papiers, la bague de fiançailles de sa mère et les clefs de l’appartement paternel.

C’est tout. Les hardes, les bibelots, la vaisselle, la batterie de cuisine, l’électrophone — hélas ! trop encombrant et qui continue de tourner —, l’aspirateur, la télé, les meubles — après tout acquis à crédit —, ce sera pour les huissiers chargés de récupérer les traites, le loyer, les impôts. On peut leur faire confiance : sous-estimé, grevé de frais, livré en salle des ventes à de maigres enchères, l’ensemble — qui les vaut bien trois fois — ne soldera pas les dettes… Allons ! Les choses ne sont que des choses et leur regret, quand il vous pince, ça peut s’offrir. Maria pirouette. Maria regarde Manuel dont la petite moustache a goût de tabac et fait rougir la peau quand il la brosse de baisers. Elle murmure :

— Sois tranquille ! Je ne ferai pas partie de la saisie.

Et elle s’enfuit, valise au poing, tirant la porte sans la boucler, dégringolant les huit étages par l’escalier au lieu de reprendre l’ascenseur.

*

Mais en bas elle va se faire accrocher par la concierge qui lui barre le passage, armée de ses aiguilles :

— Qui êtes-vous, mademoiselle ? Où allez-vous, avec cette valise ?

— Eh bien, quoi ? fait Maria. Je suis la locataire du 208 et je vais à mes affaires.

Plus forte qu’elle, cette femme ne peut être bousculée. De toute façon on ne court pas vite, avec une valise, on ne va pas loin quand, derrière vous, alertés par des cris, se rameutent les passants. Maria se contraint au calme et au sourire :

— Le 208 ? Attendez donc, reprend la concierge, pensive. Excusez-moi, mais les ordres sont stricts et je dois tout signaler. J’ai une fiche à votre sujet. Vous n’avez pas reparu depuis les événements. Une parente vous recherche…

— J’étais en province et d’ailleurs j’y retourne pour quelque temps, dit Maria.

Et fouillant dans son sac, elle joue la confiance :

— Pour les relevés de compteurs puis-je vous laisser mes clefs ? Je suis à San Vicente chez mon oncle, le capitaine Pacheco ; je m’occupe de mes neveux dont la mère est malade.

Les clefs d’un logement où elle ne remettra plus les pieds — et où sans doute les huissiers ne retrouveront plus leur compte —, un petit billet, le nom d’un oncle fantôme mais militaire, c’est plus qu’il n’en faut. On va peut-être téléphoner derrière son dos à qui de droit. Trop tard. Un taxi jaune l’emporte, la dépose devant sa banque. À l’exception d’une petite somme qu’elle touche, les comptes sont bloqués. Précaution superflue, son avoir étant mince ! Elle reprend un taxi, bleu celui-là et dont le chauffeur, comme le précédent, note soigneusement sur un carnet spécial l’adresse de prise en charge et l’adresse de destination. Olivier l’a prévenue :

— Donnez toujours une adresse précise, attendez que la voiture s’en aille et terminez à pied.

Dans la rue de son enfance, enfin, tenant sa valise d’une main, elle se mouche de l’autre pour masquer son visage. L’heure est propice, les boutiques fermées, les gens à table dans la vieille maison à trois étages dont son père, syndic des copropriétaires, a toujours occupé le rez-de-chaussée, hanté par les cancres assez riches pour s’offrir des répétitions.

Elle n’a pas été vue, elle n’a pas été reconnue. Elle est dans la place, tout de suite bouleversée, déchirée. Depuis que la famille est partie avec elle pour l’église, nul n’est entré dans cet appartement où la fête a pourri sur place. Le vestibule est plein de gerbes noirâtres, de corbeilles desséchées, d’hortensias à trois ou quatre têtes ratatinées, parcheminées, entre lesquelles brillent encore des nœuds de satin blanc. Une odeur de sous-bois en décomposition s’exhale de cette flore nuptiale.

Maria étouffe, avance pas à pas. Dans la salle à manger où tout est recouvert d’une fine pellicule grise, les cadeaux de la liste de mariage, qui n’ont pas été déballés, s’amoncellent sur la table. Le grand ficus, dont Mme Pacheco était si fière, a perdu toutes ses feuilles qui dispersent une sorte d’automne sur le parquet. Horriblement gonflés, deux poissons rouges flottent le ventre en l’air, dans un bocal ; et près de la fenêtre, morts de faim et de soif, dans leur cage, six bengalis gisent dans leur crotte griffant l’air de leurs serres minuscules.

Dans la cuisine, c’est pire. Le banquet de midi devait avoir lieu au restaurant Silvio, mais pour le repas du soir, en comité restreint, tout était préparé. Un jambon grouille de vers, suggérant d’une façon insoutenable ce qu’il est advenu également des convives. Deux tartes moisies ne sont plus que des lunes blanches, et d’une langouste sciée en deux, parée sur un plat long où l’entourent de petits vol-au-vent sanieux, des œufs vert-de-grisés encore taillés en étoile, se dégage une telle puanteur que Maria se réfugie dans le bureau de son père.

Jadis c’était le saint des saints où Mme Pacheco elle-même s’aventurait peu, où les enfants ne pénétraient que pour présenter leur carnet de notes ou comparaître après quelque sottise par-devant le père-professeur, majestueusement bonasse, vite ennuyé par ces vétilles, mais aidé par une voix grave, une barbe omnipotente, une foule d’encriers, de devoirs à corriger, de plumes, de tampons, de paperasses reposant sur une masse de chêne tangente à ce ventre rond dont le gilet était toujours un peu déboutonné.

Maria boitille. Tout dépend de ce qu’elle peut trouver dans le coffre dissimulé sous le portrait de sa grand-mère. Elle est la seule, la légitime héritière. Mais comment oublierait-elle qu’elle l’est parce que aucun des siens n’est revenu de la noce ? La combinaison, de six lettres, elle croit la connaître pour avoir entendu par hasard Mme Pacheco souffler dans l’oreille de son mari : « C’est toujours CARMEN ? » et l’avoir vue cinq minutes plus tard revenir du bureau avec un bracelet et un collier. La combinaison a pu changer et dans ce cas tout est perdu.

Certes, Maria est presque riche : l’appartement, à lui seul, vaut dix fois ce qu’on lui demande. Mais dans un délai de huit jours, et compte tenu des complications légales que soulèveraient l’établissement préalable d’actes de décès, les vérifications, les chicanes notariées, voire les tracasseries policières, comment pourrait-elle le vendre ? Oui, tout dépend de ce coffre, dont le contenu est bien à elle et auquel, pourtant, elle ne devrait toucher qu’après inventaire, envoi en possession, paiement des droits de succession. Bel exemple de cas de force majeure bousculant le cas de conscience ! Bel exemple de délit nécessaire ! Maria retire le portrait de sa grand-mère. La plaque d’acier bleuâtre, hérissée de six boutons, apparaît, et avec elle le vrai problème : où est la clef ?

*

Elle fouille. Dans les quatre tiroirs du bureau parmi un mélange de papier à lettres, de papier pelure, de carnets, de cahiers, de rouleaux de scotch, de grattoirs, de ciseaux, de loupes, de gommes, de crayons feutres, de cartouches Waterman, de craies, de fusibles, de boîtes de punaises, d’agrafes, de trombones, de tubes de colle, il y a bien une douzaine de clefs non étiquetées, ouvrant Dieu sait quoi ou n’ayant plus rien à ouvrir : en tout cas pas la bonne qui est nickelée et sur un anneau de cuivre, genre boucle d’oreille de gitane, associée à ce pointeau qui s’enfonce dans un trou prévu au revers de la porte du coffre pour changer la combinaison.

Voyons le classeur. Maria, qui devient fébrile, triture des dossiers, des paquets de lettres, des dizaines de numéros de Enseñanza, la revue professionnelle. En vain.

Maria retourne la carpette coin par coin. Elle retourne tous les cadres. Elle soulève tous les objets creux. Elle observe avec accablement les quelque deux mille livres surchargeant les rayonnages plaqués contre les murs : si la clef est cachée à l’intérieur de l’un d’eux, elle en a pour des heures à les examiner un par un.

Elle s’y résigne et va chercher l’escabeau qui lui a si souvent servi à faire les carreaux, tandis que Mme Pacheco et Carmen regardaient la télé. La tranche des livres est pleine de poussière et à son abondance on doit pouvoir estimer depuis combien de temps certains n’ont pas été lus. Maria éternue toutes les cinq minutes. Certains ouvrages présentent une fente excitante, mais il n’en tombe qu’un signet de carton, une coupure de journal, une note critique oubliée. La petite et la grande aiguille du cartel électrique — qui depuis vingt et un jours, impassibles, emploient les mêmes petites saccades pour pousser des secondes vers une nouvelle époque — vont se retrouver ensemble sur le VI quand Maria, bredouille, remettra en place le dernier livre : un dictionnaire latin.

La clef n’est pas dans le bureau. Reste la chambre des parents. Maria s’acharne et, cette fois, après avoir examiné le sommier, le matelas, le traversin, les oreillers, réinvente sans le savoir la patiente technique du cambrioleur. Au fur et à mesure, elle jette sur le lit le contenu de l’armoire, puis de la commode, puis du chiffonnier. Elle récupère au passage quelques billets, glissés entre des draps, mais non pas ce qu’elle cherche.

La situation devient grave. Maria attaque la cuisine où malgré la pestilence elle fouille, elle fouille, vidant sur le carreau, une par une, toutes les boîtes rangées dans le buffet. Elle piétine dans un affreux mélange de farine, de tapioca, de sel, de condiments, de pâtes, de riz, de haricots. Rien, toujours rien. Désespérée, elle erre encore çà et là ; elle inspecte les appliques, les lustres, les caches les plus saugrenues ; elle va jusqu’à grimper sur la lunette des WC pour glisser la main sous le couvercle de la chasse d’eau. Rien, toujours rien. Elle n’en peut plus. Elle titube. Elle finit par s’écrouler devant le lit de fer qu’elle occupait encore voilà dix-huit mois dans la chambre du fond : une espèce de cellule où des photos de stars et de champions voisinent avec un vieux chromo où un Christ aux cheveux longs montre du doigt son gros cœur irradié. Ses lèvres bougent. C’est fini. C’est foutu. Manuel est condamné. Le père avait sa clef sur lui.

Mais non ! C’est absurde. À supposer qu’on garde sa clef dans son gilet, quand on s’habille pour conduire sa fille à l’autel, qu’en fait-on ? On a bien autre chose en tête. On la laisse où elle est. On la laisse où elle est. Maria bondit sur ses pieds, fait derechef irruption dans la chambre. Au dos d’une chaise il y a, négligemment jeté par un homme en train de se mettre sur son trente et un, ce costume râpé, négligé, quotidien. Les mains de Maria, tremblantes, palpent le pantalon, palpent le gilet, en pure perte. Mais soudain elle pousse une sourde exclamation. En dessous de la poche-portefeuille du veston, il y a une pochette soigneusement obturée par une fermeture éclair et à travers l’étoffe Maria sent du métal, reconnaît l’anneau, la clef, le pointeau.

*

Retour au bureau. Elle a dû allumer, car la nuit tombe. Elle éteindra très vite, par prudence. Elle dormira sur place. Si vraiment comme l’assure sa concierge une parente la recherche — une parente qui a peut-être des moustaches —, si la même concierge a téléphoné, si ce que Maria a raconté a été reconnu faux, si la police possède aussi l’adresse de ses parents, il ne serait pas sain de s’attarder. Mais elle a bien vingt-quatre heures devant elle. C’est suffisant. Elle rentrera demain matin, après la levée du couvre-feu.

Elle est restée un instant rigide, devant la plaque d’acier. Si la combinaison n’a pas été changée, petite sœur que tout soit effacé ! C-A-R-M-E-N, c’est en petits déclics 3-1-18-13-5-14. La clef s’enfonce, la clef tourne, le coffre s’ouvre. Le coffre est béant et dedans, à côté des bijoux de Mme Pacheco, il y a ce petit paquet dont on pouvait espérer la présence.

— Merci ! souffle Maria, à Qui la peut entendre.

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