VIII

Le téléphone grelotta dans la pièce. Jean Baez laissa tomber la main sur l’appareil mais ne décrocha pas. Les lourdes tentures étaient toujours tirées, pourtant le jour se devinait, clair et ensoleillé, par les interstices. La sonnerie, qui avait cessé, reprit, impérative. La main aux phalanges enflées se referma sur l’appareil. L’Oranais le souleva, le nicha contre son oreille.

— Allô ? laissa-t-il choir, sans ouvrir les yeux. Il était à plat ventre et nu, dans la pièce surchauffée. Dans la pénombre ses cheveux noirs tranchaient sur le blanc de l’oreiller.

— Allô ? fit-il encore.

À moitié endormi, il ne devait rien entendre de ce qu’on lui disait. Il répéta de nouveau :

— Allô ?

Puis dans un petit rire :

— Ah ! c’est toi, Betty ? Comment va, mon ange ? Hein ?

Il laissa parler, le menton dans l’oreiller, la bouche à demi étouffée par le tissu. Il souriait.

— Bien sûr, mon ange, dit-il au bout d’un long moment… Mais non je dors pas. Je pensais justement à toi… Comment ? Tu voudrais venir maintenant ?

Il regarda la forme qui occupait son lit, et bougeait dans un gémissement.

— Ah ! non, mon ange, pas maintenant ! Je suis obligé de m’habiller et de filer… Un rendez-vous important.

Il agita énergiquement sa main libre vers Louis Coppolano qui tentait de se dresser, poursuivit :

— Que dis-tu ? Que c’est pas important ? Que c’est encore un rendez-vous de fille ? Oh ! mon ange…

Il fit signe au père de Mike de ne pas bouger, acheva :

— Entendu mon ange, entendu, je t’appellerai. Et on ira manger à la cambrousse, chez Maya, tu sais, la fameuse restauratrice française de Hartsdale ? Allez, entendu mon ange. Au revoir.

Il raccrocha, sauta du lit dans une souple détente.

— Alors, pépère ? fit-il en passant un short. Comment on se sent ?

Et comme le vieux tentait encore de se dresser :

— Bougez pas surtout, restez tranquille. Je vais vous faire un bon jus.

Il alla aux fenêtres, fit coulisser les tentures : à flots le soleil s’engouffra dans la pièce.

— Drôle de bled que New York, commenta-t-il. Cette nuit il neigeait et ce matin voilà qu’il fait beau. Drôle de bled. Mais dans le fond c’est chouette tous ces changements de temps.

Il revint vers le père de Mike. Celui-ci s’était enfin adossé à l’oreiller et le fixait de ses yeux cernés, et enflés par les coups. Il ouvrit la bouche dans une grimace de douleur.

— Je m’excuse. Je sais pas comment vous dire merci.

— Eh bien, le dites pas, répliqua son hôte. Comment que vous vous sentez ? Bien roupillé ?

Le père de Mike acquiesça.

— Oui. Mais j’ai mal partout. Surtout quand je respire.

— Oh ! mon toubib va arranger ça, dit l’Oranais, allant vers un fauteuil où étaient jetés ses vêtements. Le principal est que vous n’ayez rien de cassé.

Il rapporta des journaux, les tendit.

— Tenez, cette nuit je vous ai acheté Variety et le Morning Telegram.

— Vous êtes trop gentil, fit le père de Mike.

— On voit bien que vous me connaissez pas, blagua l'Oranais qui se dirigeait vers la cuisine.

Louis Coppolano parcourut rapidement Variety. Ses yeux le brûlaient, et il y voyait mal. Pour le Morning, il se tourna un peu pour mieux présenter le journal à la clarté venant des fenêtres. Soudain une secousse l’agita, et, sous son pansement, sa poitrine se crispa. En première page, une photo venait d’accrocher son regard. Il l’observa avec plus d’attention, mais pas d’erreur : c’était bien celle de Hans le Norvégien, celui qui n’était pas venu apporter les paris. Il était allongé au bas d’un escalier donnant sur la rue. Penchée sur le côté gauche, sa tête reposait sur la deuxième marche. Du sang avait séché sur sa joue et sur sa chemise que son gros ventre soulevait. Sa cravate était de travers, un carnet de cuir dépassait de la poche supérieure de son veston gris à rayures, et son coude gauche était en appui sur la première marche. Il donnait l’impression de quelqu’un qui se repose, car sa bouche était entrouverte comme pendant le sommeil, et ses paupières étaient closes.

Et c’était bien ce qu’il faisait, le Norvégien. Il se reposait. Mais pour le compte. Pour une sieste perpétuelle.

À ses pieds, dont on distinguait la semelle gauche, se tenait un cop en uniforme sombre. Il avait l’index droit levé comme pour avertir le photographe qu’il pouvait opérer.

Louis se sentit pâlir. Sous les sparadraps, sa peau le tira. Ainsi ils avaient eu Hans. Ça n’avait pas traîné. Avec eux ça ne traînait jamais. Lui-même, la veille au soir, la raclée… la sauvage raclée… Et qu’est-ce qu’ils allaient lui faire maintenant ? Est-ce que comme à Hans…

Un tremblement le parcourut de haut en bas, et le froid lui gela les os. La peur, la sale peur, le gagnait, le submergeait. Le journal lui échappa, il se perdit dans ses pensées.

— Quelque chose qui cloche ? fit tout à coup une voix à ses côtés.

Le vieux releva le front sur celui qui l’avait sauvé et qui laissait glisser une robe de chambre sur le lit.

— Non, non, dit-il péniblement. Tout va bien.

Son hôte lui tendit une tasse qui sentait bon le café.

— Tenez, ça vous retapera. Je vous ai pas mis de lait, mais si vous y tenez…

Le père de Mike s’empara de la tasse d’une main mal assurée.

— Non, non, merci. J’aime autant le café noir.

— Moi aussi, fit Jean en repartant vers la cuisine. Buvez et si vous en voulez d’autre…

— Est-ce que je pourrais téléphoner ? lui lança le vieux. Je m’excuse de vous déranger mais…

L’Oranais bifurqua vers le divan. Il ramena l’appareil au pied du lit, dit, le geste large, avant de s’en aller :

— Vous êtes chez vous. Et au cas où vous voudriez vous lever un peu, vous avez une robe de chambre. Et même des chaussons. Ceux qui sont au pied du lit doivent vous aller.

Louis Coppolano but lentement, l’esprit ailleurs, tandis que de la cuisine s’élevait le sifflotement d’une marche militaire française.

Lorsqu’il eut fini, il posa sa tasse sur la moquette, empoigna l’appareil. Il fallait qu’il avertisse Frank de ce qui s’était passé. Lui seul pouvait intervenir. Sur un ordre de lui, les autres laisseraient tomber. Mieux, ils le réembaucheraient. Que Frank dirige les Nombres ou pas, s’il le voulait, tout s’aplanirait. Il n’avait qu’un mot à dire.

Louis composa le numéro du Waldorf, demanda l’appartement de son vieil ami.

Lorsqu’il s’entendit répondre « Monsieur Reggenti n’est pas encore rentré » il ressentit une douleur aiguë sous le pansement qui lui barrait le torse. Il insista nerveusement :

— Mais je suis sûr qu’il est là ! Dites-lui que son ami a besoin de lui parler ! Son vieil ami Luigi de Brownsville. Dites-lui que c’est urgent. Il viendra. Dites-lui !…

— Désolé, monsieur, lui répliqua la voix froide, impersonnelle. M. Reggenti est absent. Mais nous transmettons votre appel. Au revoir, monsieur.

On raccrocha à l’autre bout. Louis demeura, tête basse, l’écouteur à la main, enregistrant distraitement une chanson en français qui a présent lui arrivait de la cuisine. Il en connaissait le titre : « Mylord », mais ignorait les paroles. Il serra brusquement les dents car une douleur fulgurante venait de lui labourer le flanc là où des pieds l’avaient cogné. Il attendit que ça se tasse tout en réfléchissant. Et il avait beau réfléchir il ne voyait qu’une seule solution : avertir Mike. Tant pis s’il se fâchait. Et il se fâcherait en apprenant que son père avait travaillé dans les Nombres, pour cette racaille comme il appelait les truands. Mais tant pis. Lui au moins prendrait une décision, ferait tout pour le sortir de là. Il ne laisserait pas assassiner son vieux. Louis commença à composer le numéro, s’arrêta soudainement. Il ne pouvait pas. Non, il ne pouvait pas dire à Mike qu’il était devenu un truand. Mike ne voudrait pas comprendre. Et Louis tenait plus que tout à son estime et à son affection. Il replaça l’écouteur et aussi soudainement le releva. Il allait contacter Johnny Vaccario, le supplier, lui demander qu’on le laisse en paix. Johnny lui devait tout de même bien ça ! En souvenir de leur enfance perdue. Son index fit tourner le disque numéroté pendant que du fond arrivaient maintenant les cris joyeux de son hôte qui prenait une douche. Louis faisait vite, ayant peur de trop réfléchir, de ne pas oser, car c’était dur pour son orgueil de supplier Johnny. Surtout après ce qui s’était passé. Mais…

Il se racla la gorge. À l’autre bout on venait de décrocher et la voix au timbre glacé de Johnny lançait :

— Allô ?

Louis jeta vivement en sicilien :

— Allô, Johnny ? Ici Luigi, Luigi Coppolano. Il faut que tu m’écoutes. Faut que tu saches que j’ai cherché à joindre Frankie. Lui vous dira de stopper les frais. Tu sais bien qu’il me laissera pas démolir. Quand il sera au courant, il va vous dire d’arrêter. Alors je t’en prie, passe la main. Tout au moins jusqu’à ce que j’arrive à le contacter. D’accord Johnny ?

Le silence s’abattit entre eux. Un silence lourd, cruel, qui donnait à Louis envie de rendre. Tout à coup, n’en pouvant plus, il secoua frénétiquement l’appareil, hurla :

— Réponds-moi, Johnny ! Réponds-moi ! D’accord ?

Il entendit le souffle de son ancien copain. Nettement, comme s’il était tout près. Puis sa voix glacée impitoyable.

— Frankie est au courant de tout.

Et il raccrocha. Sèchement.

Louis avait reculé le visage en arrière, comme pour se protéger d’un coup. Et c’était ce qu’il venait de recevoir : un coup. Et bien plus coriace à encaisser que ceux de la veille. Cent fois plus. Ainsi même Frankie le laissait choir. Frankie son vieil ami des rues. Il replaça doucement l’écouteur. Un brouillard humide voilait ses yeux gonflés. S’arrachant un soupir, il s’assit au bord du lit, enfila la robe de chambre en grimaçant de douleur. Il allait falloir qu’il se décide. Il ne pouvait rester là. Maintenant il n’avait qu’une seule ressource, la dernière : avertir Mike, lui demander qu’il vienne le chercher. Ensuite il lui dirait la vérité. Il reprit le téléphone, juste comme son hôte apparaissait, les cheveux mouillés, une serviette autour des reins.

— Ça va, pépère ? lui lança l’Oranais. Attention de pas faire trop d’efforts, hein !

Le père de Mike le rassura d’un signe et se courba sur le téléphone qu’il avait calé sur ses genoux.

— Allô, Connie, dit-il en reconnaissant la voix de sa bru. Comment ça va, fillette ? Et Louise ? Bon, passe-moi Mike, tu veux… Quoi ? Parti ? Où ça ? À son bureau ?… Comment ?

La stupéfaction, puis le désespoir se peignirent sur ses traits. Il balbutia :

— Tu dis que Mike s’est envolé ce matin pour l’Europe ? Pour une grosse histoire de drogue ? Mais c’est pas possible ! C’est pas possible… j’ai besoin de lui, moi. Absolument besoin de lui… Tu dis ?

Il écouta, tête penchée, décomposé, assommé par la nouvelle. Enfin il bredouilla :

— Comment ? Vous m’avez cherché partout hier soir pour me prévenir ? Mais non j’étais pas à mon hôtel… Où je suis en ce moment ? Chez un ami. J’ai pas pu aller à mon travail… Quoi ? Ma voix est toute changée ?… Je parle du nez ? Non. Non je suis pas enrhumé… un léger accident… je t’expliquerai… une voiture qui m’a heurté… Mais quand Mike va-t-il rentrer ? Hein ? Tu sais pas ? Ça peut être long…

Malgré lui, il commença à se masser le genou de sa main libre, tout en murmurant.

— C’est bon, fillette… t’inquiète pas… embrasse la gosse… Oui, je passerai bientôt… Je t’embrasse aussi.

Il allait raccrocher, mais Connie devait s’inquiéter, car il ajouta :

— Oui, oui, ça va, Connie… Fais pas attention à ma voix… À bientôt.

Il reposa l’écouteur et vite sa main gauche rejoignit la droite qui s’énervait. Et doucement il se mit à les frotter l’une contre l’autre, sous l’œil étonné de Jean Baez qui s’aspergeait de lavande.

— Qu’est-ce qu’il y a, pépère ? fit celui-ci. Ça n’a pas l’air de gazer.

Le vieux ne répondit pas. Il venait de se lever et, comme attiré par une force irrésistible, il marchait vers la salle d’eau.

— Il a dû en prendre un coup sur le timbre, songea l’Oranais en le suivant. Y manquait plus que ça dans mes relations.

De lui-même, le père de Mike trouva la salle d’eau. Il ouvrit un robinet, prit une savonnette, commença à la faire mousser. Il ne voyait plus rien, ne sentait plus rien. L’émotion, la contrariété, l’avaient replongé dans son drame passé.

L’Oranais, qui le scrutait dans la glace, repéra son air triste, la souffrance qui marquait son regard. Il proposa, son sourire envolé :

— Je peux pas vous aider, pépère ?

Mais le vieux l’ignora. Il frottait dur, pour faire disparaître le sang de son fils qu’il croyait avoir tué. Une mousse parfumée recouvrait ses mains, et il frottait toujours plus fort, dents serrées, pour chasser tout ce sang. L’Oranais ne bougeait plus. Il attendait, prêt à épauler ce type qui semblait drôlement encaisser.

Des minutes s’écoulèrent. La mousse fondit, un énorme soupir de soulagement s’évada de la poitrine de Louis Coppolano. Il laissa ses mains sous l’eau fraîche, les secoua, dit, découvrant son hôte dans la glace :

— Ça va mieux maintenant. Je m’excuse. Mais je peux rien contre cette manie… cette maladie.

Jean lui passa une serviette.

— Je peux pas vous aider ?

Le vieux écarta les bras.

— Il n’y a rien à faire. J’ai ça depuis l’accident qui a coûté la vie aux miens… ma femme et mon fils.

Son regard croisa celui de l’Oranais et il le détourna lentement.

— C’est moi qui les ai tués… j’étais au volant… saoul comme une bourrique…

L’Oranais l’étudia avec sympathie. Ainsi c’était ça. Ce vieux lui plaisait de plus en plus. Surtout qu’il ajoutait d’un ton rauque :

— Je peux pas lutter contre ça. Quand ça me prend, c’est comme si je cherchais à me débarrasser du sang de mon gars qui avait séché sur mes mains.

L’Oranais fit signe qu’il comprenait. Il allongea son bras nu aux muscles allongés de puncheur, en entoura le cou du vieux, l’entraîna vers la pièce.

— Parlons plus de ça, dit-il. Ça doit vous faire mal. Moi je me mêle jamais des histoires des autres, mais je crois que vous avez tort…

Il resserra son étreinte amicale.

— Je crois que vous avez tort de vous croire responsable. C’est le destin. Ça peut pas être de votre faute, ça.

Il le ramena jusqu’au lit, l’assit, reprit :

— Je vais vous refaire un café et appeler mon pote le toubib. Il va revoir vos pansements. Et s’il décide que vous gardiez la chambre, vous êtes chez vous ici. Maintenant, si, vous avez de la famille et que vous préférez la rejoindre, je vous emmènerai. Sinon, mon gourbi est à vous. Ça vous va ?

Son sourire était revenu. Mais il n’y avait pas, comme pour les filles, une pointe de crapulerie dedans. Il n’était qu’amitié.

— D’accord, fit le vieux que cette sympathie réchauffait. Et je vous demanderai encore un autre service : me laisser appeler mon bureau pour prévenir que je suis malade.

— Sûr ! fit l’Oranais, lui redonnant le téléphone. Sûr ! Dans quoi vous êtes ?

— À la municipalité de New York. Je dresse des plans pour les travaux qui intéressent les sous-sols de la ville. On fournit ces plans aux entrepreneurs quand y a des réparations ou des constructions à faire.

— Ah ! oui, fit l’Oranais. Vous êtes dans le dessin, en quelque sorte ?

Il était indifférent, n’avait posé la question que par politesse. Puis, subitement, il sursauta.

— Mais alors vous connaissez tous les sous-sols du patelin ?

— Non, sourit le père de Mike. Il y en a trop. Mais si je voulais, je pourrais, car nous avons évidemment tous les plans à notre disposition. Même les plus vieux. Ceux qui datent de la création de Manhattan, par exemple.

— Mais alors, vous pourriez peut-être me rendre un service ! s’écria l’Oranais. J’aimerais justement connaître les sous-sols d’une rue !

Le vieux, qui empoignait l’écouteur, releva sa tête argentée.

— Ah ! oui ? De laquelle ?

— De la 47e. Dans la partie comprise entre la 5e et la 6e Avenue.

Le vieux reposa l’écouteur.

— Le block des diamantaires, je crois ?

L’Oranais inclina son front où perlaient encore des gouttes d’eau. Le vieux s’étonna :

— Pourquoi voulez-vous connaître ces sous-sols ? Vous êtes dans une entreprise de bâtiments ?

Jean Baez secoua négativement la tête. Une goutte d’eau roula sur sa joue.

— Non. Mais ça m’intéresse tout de même.

— C’est qu’on peut pas confier ces plans sans l’accord de nos chefs, fit le vieux. Et encore il nous faut aussi une décharge signée par les entrepreneurs qui nous les réclament. Exemple, les compagnies de téléphone, d’électricité ou de chauffage.

Il amena un sourire sur sa face bosselée.

— Désolé, mais c’est impossible.

— Tant pis, lâcha l’Oranais, désinvolte. N’en parlons plus.

Puis brusquement !

— Et si on vous payait ce renseignement ?

Le vieux tressaillit, avant de répondre.

— Ça n’y changerait rien.

— Et si on vous le payait cher ? Très cher. N’importe quel prix.

Le vieux tressaillit une seconde fois. Il hésita longuement avant de lancer :

— Vous dites bien n’importe quel prix ?

— N’importe quel prix, assura l’Oranais. 1000, 2000, 10 000 dollars même. Alors ? C’est toujours non ?

Le vieux se dressa et dans son geste fit tomber le téléphone. Il allait se baisser, l’Oranais le devança. Il insista, reposant l’appareil sur le lit.

— Alors ?

Sous le sparadrap la face du vieux s’était figée. Il dit :

— Si vous proposez une telle somme pour un simple renseignement, un malheureux dessin, c’est que vos buts sont pas clairs. Je m’excuse de vous dire ça, surtout après tout ce que vous venez de faire pour moi, mais comment penser autrement ? D’autant plus que vous parlez de la 47e Rue où se trouve le block des diamantaires.

Il avança d’un pas.

— Je me trompe ?

L’Oranais lui sourit.

— Moi, je vous ai pas posé de question sur ce qui vous est arrivé cette nuit.

— C’est juste, fit le vieux. Je vous demande pardon. Et je vous demande même pardon deux fois de ne pas pouvoir vous rendre service. Maintenant faut que je parte.

Il amorça un autre pas, en commençant à dénouer sa robe de chambre, mais une faiblesse le saisit, il retomba sur le lit, dans un gémissement.

— Restez tranquille, lui ordonna l’Oranais, en l’installant un peu mieux. Je vais chercher mon toubib.

Il rafla son short au passage, l’enfila, dit avant de sortir :

— Oubliez ce que je viens de vous raconter. C’était une blague. Comme c’est une blague ce qui vous est arrivé cette nuit. Mais je maintiens ce que je vous ai dit avant : chez moi vous êtes chez vous.

Et il ouvrit la porte.

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