Chapitre XIX

Malko ralentit en arrivant devant la villa de Yasmin. Toutes les fenêtres étaient éclairées. Deux voitures de la police pakistanaise étaient arrêtées devant. Il hésita. C’était gênant de répondre à certaines questions. D’autre part, Nasira avait été abattue par son complice et le Colt de Fred Hall n’était pas en cause. Il avait hâte d’analyser le contenu de l’album et seule Yasmin pouvait l’aider. Remettant le Colt dans la boîte à gants, il sortit de la Buick, enferma l’album dans le coffre, puis sonna.

C’est un policier qui vint lui ouvrir. Son regard stupéfait parcourut Malko, des pieds nus aux cheveux ébouriffés. Malko déploya son plus gracieux sourire.

— Je me trouvais là lors de l’agression, dit-il. J’ai poursuivi en voiture un des cambrioleurs, mais je n’ai pu le rattraper.

Il entra et rejoignit Yasmin dans le living, répétant aussitôt son couplet. Un policier en civil se tenait près d’elle et l’interrogea du regard.

— C’est exact, dit-elle. M. Linge était mon hôte ce soir lorsqu’il a entendu du bruit, il est intervenu courageusement et a tenté de rattraper ces criminels.

Quatre policiers en uniforme inspectaient le living, prenant des mesures, cherchant les impacts de balle. Le gardien qui avait ouvert la première fois attendait les bras ballants.

Le corps de Nasira Fadool, recouvert d’un drap, reposait là où elle avait été abattue. Le policier en civil se tourna vers Yasmin et dit respectueusement :

— Nous n’allons pas vous embêter plus longtemps. Je reviendrai demain matin pour recueillir votre déposition. Nous allons seulement enlever le corps et je vais laisser un de mes hommes dans le jardin au cas où ils reviendraient…

Un autre policier demanda l’identité de Malko en lui demandant de passer le lendemain à la Police Station. Une ambulance, appelée par la police, était arrivée. Les policiers se retirèrent, emportant le corps de Nasira Fadool.

Restés seuls, Yasmin et Malko échangèrent un long regard. La jeune femme se laissa tomber sur le canapé, le visage entre les mains.

— C’est horrible, gémit-elle, je n’arrive pas encore à y croire ! Comme j’ai eu peur ! Je pensais que vous ne reviendriez jamais. Je n’ai pas appelé la police, mais les Jordaniens de l’ambassade voisine l’avaient fait.

— Aucune importance, dit Malko.

— Vous n’avez pas retrouvé celui qui s’est enfui ?

— Si, dit Malko, mais je ne voulais pas le dire devant les policiers. Ils le sauront toujours assez tôt. Vous le connaissiez ?

Yasmin secoua la tête.

— Non. De plus, je l’ai à peine entrevu. Je sais seulement que c’était un étranger, pas un Pakistanais.

— Exact, dit Malko, c’était un Soviétique.

Il lui raconta succinctement ce qui s’était passé. Yasmin écoutait, ahurie, incrédule, crispant nerveusement ses mains l’une contre l’autre.

— Je ne comprends pas ! gémit-elle. Comment Nasira a-t-elle pu vouloir me tuer, moi, son amie, sa…

Elle s’arrêta, renifla, son regard fuyant celui de Malko.

— Je vous avais communiqué mes soupçons, dit-il seulement. Nasira Fadool travaillait avec le KGB et le Khad, depuis longtemps. Si cela peut vous consoler, elle a également abusé Fred Hall, en devenant sa maîtresse. J’en ai la preuve.

Yasmin releva brusquement la tête.

— Elle ! Mais elle détestait les hommes !

— Elle a dû se forcer, dit Malko. Maintenant j’ai hâte de comprendre. J’ai récupéré ce qu’ils étaient venus chercher. Attendez-moi.

Il sortit, alla jusqu’à la Buick, reprit l’album dans le coffre et le Colt dans la boîte à gants. Il restait encore quatre cartouches. Bien qu’il y ait peu de chances que ses adversaires puissent organiser une contre-attaque en aussi peu de temps, il ne voulait prendre aucun risque. Il posa l’album de cuir marron entre eux et l’ouvrit.

— Voilà, dit-il. C’est dans ces pages que nous devrions trouver le secret de la mort de Bruce Kearland.

Il examina la première page : des photos de Bruce Kearland et de Yasmin devant le Taj Mahal. La jeune femme se troubla.

— C’est vrai, je ne me souvenais plus de ces photos. C’est Bruce qui avait cet album. Il me l’avait laissé, lors de son dernier départ, avec d’autres affaires.

Ils se mirent à feuilleter l’album ensemble. Au fur et à mesure que les pages passaient, la frustration de Malko augmentait. Toutes les photos représentaient Bruce Kearland seul, avec des gens ou Yasmin. En Europe, à Paris, en Inde, au Pakistan, dans l’intérieur de l’Afghanistan. Yasmin se troubla quand ils passèrent une série d’elle, nue, étendue dans la pénombre d’une moustiquaire. Visiblement, elle venait de faire l’amour, et portait encore ses bas noirs et ses escarpins. Malko se faisait l’effet d’un voyeur.

La seule série où Yasmin n’apparaissait pas avait été prise en Afghanistan. On y voyait Bruce Kearland, méconnaissable, avec un turban et des cartouchières, à côté de farouches guerriers pachtous, toutes armes dehors. Ou bien posant près des débris d’un hélicoptère russe… ou encore à dos de mulet avec des mudjahidins souriants… Ensuite, on revenait à Peshawar. Il y avait même une photo avec le gouverneur et Yasmin.

Malko referma l’album, déçu et perplexe. Les Soviétiques n’étaient quand même pas fous ! Ils n’avaient pas pris des risques insensés pour récupérer quelque chose qui ne servait à rien. Malko regretta de ne pas avoir eu le temps de fouiller les poches du mort de la voiture.

Il leva les yeux vers Yasmin.

— On ne vous a rien pris d’autre ?

— Non, je ne crois pas.

C’était incompréhensible. Malko reprit l’album par le début, page par page, le regardant par la tranche, vérifiant qu’il n’y avait pas deux pages collées ensemble, passant un ongle sous les photos afin de s’assurer que rien n’avait été collé dessous. Ils arrivèrent au même résultat. Frustrant. Yasmin bâilla et posa sa tête sur l’épaule de Malko.

— Nous ne pouvons attendre demain matin ? Je n’en peux plus…

Ils gagnèrent la chambre et elle se laissa tomber dans le lit sans même ôter sa robe de chambre. Malko la rejoignit, et glissa l’album sous le lit, son Colt à portée de la main. Trop de morts avaient déjà payé pour ces photos en apparence sans valeur. La dernière étant Nasira Fadool, froidement abattue par son complice, afin qu’elle ne tombe pas vivante entre leurs mains.

Il n’arriva pas à s’endormir. Passant en revue toutes les hypothèses possibles. Il pouvait y avoir des micro-points dissimulés dans cet album. Mais pourquoi Bruce Kearland se serait-il donné tout ce mal ? Il ne cherchait pas à faire sortir l’album du pays, c’était seulement un souvenir de famille. Le fait qu’il l’ait laissé derrière lui à Peshawar prouvait qu’il n’y attachait pas une importance démesurée.

Il lui restait moins de quarante-huit heures pour éclaircir le mystère.


* * *

L’employé du laboratoire de l’ambassade US d’Islamabad posa l’album en cuir marron sur le bureau.

— Désolé, Sir, annonça-t-il, nous l’avons examiné sous toutes les coutures, au microscope, aux rayons X, en lumière rasante, en lumière noire, au détecteur électromagnétique même. Il n’y a absolument rien d’anormal. Aucune photo n’a été décollée et recollée. Il ne manque pas de page.

Malko, Fred Hall arrivé de Peshawar ventre à terre, prévu par Islamabad et le chef de station d’Islamabad échangèrent un regard découragé.

— Messieurs, commença Roger Green, en secouant la tête, je ne comprends pas. J’aimerais pourtant avoir une explication ! Je suis convoqué par le responsable de la Sécurité pakistanaise à cause de ce qui s’est passé à l’ambassade soviétique cette nuit. Le numéro de la Buick a été relevé par des Soviétiques qui nous accusent d’avoir assassiné un de leurs conseillers, Vladimir Kopalov.

Malko s’attendait à cela. Il répliqua aussitôt avec sécheresse :

— Je vous donnerai un rapport écrit. C’était un accident et il faudrait leur dire que le conseiller venait de commettre un cambriolage et un meurtre. Un témoin pourra le reconnaître sur photo, en dehors de moi, Yasmin Munir.

Le chef de station eut un geste apaisant.

— Cela n’ira pas jusque-là ! Je pense que les Pakistanais ne tiennent pas à ce que les choses s’enveniment.

J’aurai de toute façon une conversation avec mon homologue soviétique en terrain neutre. Pour remettre les pendules à l’heure. Si un de leurs agents a dépassé ses instructions, ce n’est pas une raison pour déclencher la Troisième Guerre mondiale.

— Même si je n’étais pas intervenu pour récupérer l’album, souligna Malko, c’est un horrible accident. Il n’y avait aucune volonté de nuire de ma part…

L’Américain le fixa avec une expression ambiguë.

— L’ennui, remarqua-t-il, c’est que l’arrière de la voiture conduite par Vladimir Kopalov n’a pas été totalement détruit… On a trouvé l’impact d’une balle de « 45 » dans l’aile arrière gauche. Les Pakistanais ne sont pas des imbéciles. Enfin, tout cela va s’arranger.

— Il a fallu qu’ils s’affolent drôlement pour utiliser quelqu’un de leur ambassade, remarqua Fred Hall. Les Pakistanais n’aiment pas beaucoup ce genre de procédé.

— Si vous vous amusez de nouveau à la guéguerre, demanda Roger Green, évitez d’utiliser une voiture de l’ambassade et une arme de service. C’est quand même un peu voyant ; laissons cela aux Ivans.

Comme si Malko avait le choix… La conférence était terminée. Malko récupéra son album et sortit avec Fred Hall. À peine les deux hommes étaient-ils seuls que l’Américain demanda anxieusement :

— Vous n’avez rien dit, à propos de Nasira ?

— Non, dit Malko. Je suis certain que vous avez été manipulé. Malheureusement, cela ne ferait pas revivre Bruce Kearland de révéler qu’elle était votre maîtresse.

Fred Hall secoua la tête.

— Cette salope ! Elle s’est foutue, de moi. Quand je pense qu’elle a tué Bruce et qu’elle a utilisé tout ce que je lui disais.

Malko lui mit la main sur l’épaule.

— C’est de l’histoire ancienne et ça peut arriver à tout le monde. Maintenant, il faut résoudre le mystère de cet album. Sinon, tous ces morts n’auront servi à rien.

Fred Hall eut un geste découragé.

— Je suis sec ! Nasira est morte, Yasmin ne sait rien de plus. Quant à notre camarade soviétique, je l’ai checké, c’était un capitaine du KGB, du Second Directorate. Cependant, il a transgressé la règle qui veut qu’aucun membre d’une « Rezidentia » ne se mouille dans une affaire « action ». Il a sûrement été couvert par ses supérieurs, ce qui signifie que notre histoire intéresse directement le KGB et pas seulement le Khad.

— Cela confirme l’attaque de Bruce Kearland par les hélicoptères, fit remarquer Malko.

— Mais cela ne nous donne pas la clé du mystère. Elle est dans cet album. C’est lié au Lowgar, comme vous l’avez dit.

— Ils arrivent quand vos délégués ?

— Après-demain.

Ils prirent l’ascenseur et gagnèrent le parking. Malko avait rendu sa Buick à Fred Hall et loué chez Budget une Mercedes équipée de l’air conditionné bien décidé à la garder jusqu’à la fin de son séjour. Il faisait un peu moins chaud qu’à Peshawar. Malko se dirigea vers Khyaban-E-Shurawardi. Il devait déjeuner avec Yasmin avant de repartir pour Peshawar.

Au moment où il passait devant une pancarte annonçant la construction d’une nouvelle Cour de Justice au milieu d’un terrain vague, il aperçut dans son rétroviseur une grosse voiture noire aux vitres fumées. Cinq kilomètres plus loin, alors qu’il tournait dans Constitution Avenue, il revit la même voiture derrière lui ! Il était suivi ! Ainsi les Soviétiques n’avaient pas renoncé. Le précieux album était toujours une bombe à retardement. Il le prit sous son bras en descendant de voiture, certain qu’on chercherait à le récupérer de toutes les façons. Yasmin l’attendait, drapée dans un sari jaune, le teint très pâle, mais dégageant toujours le même magnétisme sexuel.

Malko eut de nouveau envie d’elle. Un parfum très léger flottait autour du corps de la jeune femme.

— Je tremble encore de ce qui est arrivé ! dit-elle. Je n’arrive pas à croire que Nasira était l’alliée des Soviétiques qui ont envahi son pays…

— Ils ont dû lui promettre une parcelle de pouvoir, dit Malko. Procédé courant. En plus, les Kabouli n’ont jamais été en faveur de l’obscurantisme musulman.

Yasmin soupira :

— Enfin, tout cela est fini. Quel cauchemar !

— Ce n’est hélas pas fini, fit Malko. Vous allez repartir avec moi à Peshawar. Tout à l’heure.

Elle le regarda, stupéfaite.

— Mais c’est impossible ! J’ai un grand dîner ce soir à l’ambassade d’Indonésie. Restez. Venez-y avec moi.

— Non, dit Malko, je dois rentrer à Peshawar. Les chefs de la Résistance arrivent dans deux jours. Or, ici, vous êtes en danger de mort. Les Soviétiques veulent toujours l’album. Ils ignorent qui le possède, de vous ou de moi. Et peut-être, à votre insu, détenez-vous une information vitale. Ils sont capables de vous tuer.

Il lui raconta l’épisode de la voiture noire. Elle se laissa tomber sur le canapé.

— Mais c’est horrible ! Pourquoi ne pas prévenir la police pakistanaise ?

— Cela ne servira à rien, dit Malko. Préparez vos affaires. Nous partons tout de suite.


* * *

Impossible de vérifier s’ils étaient suivis dans la circulation chaotique de la route Islamabad-Peshawar. Malko avait un œil glué dans le rétroviseur, guettant tous les véhicules qui le doublaient. Il ne tenait pas à se faire bêtement mitrailler. Le Colt de Fred Hall était coincé entre les deux sièges avant, une balle dans le canon, et l’album de photos, sur le plancher aux pieds de Yasmin. Il avait bien entendu été photocopié à l’ambassade US et Fred Hall en remportait une copie à Peshawar. Yasmin laissa son regard errer sur l’Indus, comme ils franchissaient le grand pont, annonçant la province de Peshawar. Un antique fort construit par les Anglais dominait encore le fleuve.

Machinalement, elle prit l’album à ses pieds et recommença à le feuilleter.

— Vraiment, je ne comprends pas, dit-elle. Je connais toutes ces photos, il n’y en a pas de nouvelles.

— Je ne comprends pas non plus, avoua Malko. Mais trop de gens ont été tués pour cet album pour qu’il n’ait pas de valeur. Simplement, nous ne la voyons pas.

Ils entraient dans les faubourgs de Peshawar. Il eut un petit pincement au cœur en passant devant le cinéma Ferdous. Le Khad avait-il eu le temps d’envoyer une nouvelle équipe de tueurs ? Les Russes ne pouvaient quand même pas agir directement. Cela ne s’était jamais vu.

Il balaya des yeux le hall de l’lntercon, sans rien voir de suspect. Yasmin trouva facilement une chambre à côté de la sienne, pour sauver les apparences. Malko dissimulait son découragement. Une fois Yasmin installée, il ressortit, tenant le précieux album. Le dernier à pouvoir l’aider était Sayed Gui. Il espérait que l’Afghan aurait le triomphe modeste dans l’affaire Nasira Fadool.


* * *

Dans un silence de mort, Sayed Gui tournait les pages de l’album, observant les photos de Bruce Kearland et de Yasmin avec un intérêt mitigé. Puis l’Américain apparut en tenue pachtou et le directeur du renseignement se pencha sur les photos plus attentivement.

Dans un coin du bureau, Asad, le géant aux mains moites, et Rassoul observaient silencieusement la scène. Sayed Gui avait eu le bon goût de ne même pas mentionner le nom de Nasira, alors qu’il était parfaitement au courant.

Malko intervint.

— Pouvez-vous identifier tous les personnages qui se trouvent avec Bruce Kearland ?

Sayed Gui leva la tête :

— Je ne sais pas. Ici, j’en connais un parce qu’il servait de liaison avec Peshawar. Les autres, je ne les connais pas. Les mudjahidins viennent rarement ici, à Peshawar.

— Et ce groupe, là ? demanda Malko.

Il désignait une sorte de photo de famille où Bruce Kearland souriait à côté d’un mudjahid, deux RPG7 passés dans la ceinture, entouré par plusieurs autres combattants agenouillés autour d’eux.

— Ce doit être Si Ahmed, avança Sayed Gui, il paraît être le chef, mais je ne peux pas l’affirmer, je ne l’ai jamais rencontré.

Ils firent ainsi toutes les pages de l’album. Lorsqu’ils arrivèrent à la dernière page, ils n’étaient pas plus avancés !

— Si Ahmed vient à la conférence ? demanda Malko.

— Je pense, dit Sayed. Il avait été blessé et s’est reposé depuis deux mois, mais il paraît qu’il sera là. Vous pourrez lui demander des explications… Mais je le connais, il n’y a aucun mystère dans sa vie.

Ils refermèrent l’album. Malko de plus en plus frustré. Il était persuadé que c’était dans ces photos de combats que se tenait le mystère. Il n’y avait rien du côté Yasmin. Mais en quoi consistait-il ? Il reprit l’album, l’enferma dans un sac de toile grise.

Sayed Gui l’observait pensivement.

— Je suis comme vous, dit-il. Je ne comprends pas. Pourtant cette femme a agi avec des ordres précis. Cet album recèle un secret. Ils vont peut-être chercher à le reprendre. Si vous le voulez bien, je vais vous donner une escorte choisie parmi mes meilleurs hommes.

Malko n’eut pas le cœur de refuser. S’il avait écouté l’intuition de Sayed Gui, ils n’en seraient pas là. Le chef du Renseignement donna un ordre et Rassoul sortit en même temps que Malko. Lorsque ce dernier quitta l’Alliance Islamique, la Mitsubishi suivait, avec Rassoul et cinq mudjahidins. C’était un délice de rouler dans la Mercedes climatisée de Budget, enfin à l’abri de la chaleur et de la poussière. Ils allèrent au bazar où Malko négocia pour cent cinquante roupies, un album semblable au sien. Ensuite, il prit la direction de Hospital Road afin de mettre en place un ultime piège.


* * *

Une fois de plus, Malko tentait le diable, jouant à la « chèvre ». Le véritable album de photos se trouvait en sûreté dans le coffre-fort de Fred Hall, mais Malko était rentré à l’Intercon, tenant ostensiblement sous le bras celui acheté au bazar dont toutes les pages étaient désespérément vierges. Il l’avait enfermé dans sa valise afin de donner le change.

Il n’y avait plus qu’à attendre. Quoi ? Il n’en savait rien. Tous les éléments du puzzle étaient en sa possession, sauf le principal. Les Soviétiques avaient monté une opération pour se débarrasser des chefs de la Résistance réunis à Peshawar. Ceux qui avaient été assassinés, y compris Bruce Kearland, représentaient un obstacle à ce plan. Il y avait dans l’album récupéré par Malko un autre élément dangereux. À son insu, Malko était en possession d’une information qui pouvait faire échouer le plan soviétique. Quelque chose d’une importance vitale pour qu’ils n’aient pas hésité à griller plusieurs agents : Nasira, l’agent du KGB d’Islamabad.

C’était ce qu’on appelle dans le monde du Renseignement un cas non-conforme.

On le résolvait ou on annulait l’opération.

Après les efforts qu’ils avaient déployés, il y avait des chances pour que les Soviétiques tentent plutôt de le résoudre. En s’attaquant à Malko.

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