VI. VOYAGE AUTOUR DE NUMINOR

La main d'argent et la source miraculeuse. – L'eau, la terre, la lune, la mort. – Les dieux venus de la mer et ceux venus du ciel. – Les manuscrits disparus. – Conspiration contre le celtisme. – Une légende du type Akpallu. – Organisation militaire et métallurgie. Druides, bardes et oubages. – De l'initiation et de l'enfouissement ésotérique. – 1er mai, Saint-Jean et Noël. – Numinoë et Numinor. – La ville d'Ys. – Le mythe des citadelles englouties.

Numinor, l'Atlantide du Nord, l'Atlantide celte, est bien moins célèbre que l'Atlantide elle-même. Le nom éveille quelque écho littéraire dans les pays anglo-saxons, car il a servi de base à deux grandes trilogies imaginatives : celle de C.S. Lewis et celle de J.R. Tolkien. Cependant, même pour celui qui a lu ces magnifiques trilogies, Numinor demeure le vague symbole d'un pôle autour duquel se seraient concentrées les influences nordiques.

De ce centre, nous ignorons même la position géographique. Mais, ce qui a quelque chance d'être vrai, c'est que si l'on considère le contenu des données légendaires, les Celtes ont dû avoir une Athènes, une Rome. Nous ne possédons aucune précision sur la fondation, ni sur la chute. S'agit-il d'une cité mythique de l'au-delà ? Comment élucider ce point ? Il est loisible d'examiner l'histoire de l'Irlande ancienne pour y chercher la trace de Numinor. Cependant, on ne l'y trouve point. Voyons tout de même, car cette histoire nous a été transmise sous forme de symbole et, pour la saisir, il faut tenter une sorte de psychanalyse de cette symbolique.

Après le grand Déluge universel, l'île qui deviendra l'Irlande fut d'abord habitée par la reine magicienne Cessair et ses suivantes (réincarnation de Circé). Cessair périt, avec toute sa race. Vers 2640 avant J.-C., le prince Partholon, venu de Grèce, débarque en Irlande avec vingt-quatre couples. Plaine unique au début, trouée de trois lacs et arrosée par neuf rivières, l'Irlande agrandie par Partholon comptera désormais quatre plaines et sept lacs nouveaux. Ses compagnons se multiplient : ils sont cinq mille au bout de trois cents ans. Mais une mystérieuse épidémie les anéantit tous lors de la fête de Beltaine, le 1er mai tricentenaire de leur débarquement. Leur sépulture collective est la colline de Tallaght, près de Dublin. Cependant, vers 2600, la race des « Fils de Nemed » (dont le nom signifie « sacré »), originaire de la Scythie, avait pris pied dans l'île, alors déserte, croyaient-ils. Une autre masse d'envahisseurs y débarque vers 2400, le jour de Lugnasad (le 1er août), troisième grande fête de l'année celtique. Les Fir Bolg (« Hommes Belges » ?) en constituent l'élément principal, auquel s'adjoignent diverses tribus, telles que les Gaileoin (« Gaulois » ?) et les Fir Domman (« Dummonni de Grande-Bretagne » ?), le tout ne formant néanmoins qu'une seule race et une seule domination. Enfin, en venant des « Îles de l'ouest » où ils étudiaient la magie, surviennent les membres de la Tuatha Dê Danann, qui sont de race divine. Ils apportent leurs talismans : le glaive de Nuada, la lance de Lug, le chaudron de Dagda et la « pierre du destin » de Fâl, qui crie lorsque s'assied sur elle le roi légitime de l'Irlande. Ces envahisseurs successifs avaient dû tout à tour combattre la race des géants monstrueux qui peuplaient au début l'Irlande. Les uns n'ont qu'« un seul pied, un seul œil, une seule main » ; les autres sont pourvus d'une tête d'animal, pour la plupart de chèvre. Ces monstres sont les Fomoiré (de fo : sous et moiré ou mahr : démon femelle dont le nom se trouve dans le mot « cauchemar »). Une lutte s'engage entre les Tuatha Dê Danann et les Fir Bolg. Une première bataille se livre à Moytura (Mag Tuireadh, la « Plaine des piliers », c'est-à-dire des menhirs), près de Gong, dans le comté actuel de Mayo. Les Tuatha Dê Danann sont vainqueurs. Au cours de la bataille, leur roi Nuada perd la main droite. Cette mutilation entraîne sa déchéance du pouvoir souverain. L'habile guérisseur Diancecht la remplace par une main en argent articulée. Contraint de se démettre, Nuada « à la main d'argent » est remplacé par Bress (« Beau »), fils d'Élatha (« le Savoir »), roi des Fomoiré, et de la déesse Dê Danann Ériu (déesse anonyme de l'Irlande). Les deux races ennemies s'allient par mariage. Bress épouse Brigitte, fille de Dagda, tandis que Cian, fils de Diancecht, épouse Éhniu, fille de Balor « au mauvais œil ». Mais Bress est un odieux tyran. Il accable son pays d'impôts et de corvées ; il raille Caïrbré, fils d'Ogma, le plus grand filé (barde) de Dê Danann. Bress devra abdiquer le pouvoir dans un délai de sept ans. C'est Nuada qui remonte alors sur le trône, car sa main naturelle a été rattachée au poignet grâce à l'habileté et aux incantations de Miach, autre fils de Diancecht. Ce qui vaut à Miach d'être mis à mort par son père, jaloux.

Bress, cependant, tient un conseil secret dans sa demeure sous-marine. Il persuade les Fomoiré de l'aider à chasser d'Irlande les Dé Danann. Les préparatifs de guerre durent sept ans, période pendant laquelle grandit Lug, l'enfant prodigieux « maître de tous les arts » ; Lug organise la résistance de Dê Danann, tandis que Goïbniu leur forge des armes et que Diancecht fait jaillir une source merveilleuse qui guérit les blessures et ranime les guerriers morts. Mais des espions fomoirés la découvrent et la rendent inefficace en la comblant de pierres maudites. Après quelques duels et escarmouches, une grande bataille s'engage dans la Moytura du nord (plaine de Carrowmore, près de Sligo). Au cours d'une lutte acharnée de nombreux guerriers sont défaits : Indech, fils de la déesse Domnu, est tué par Ogma, qui succombe à son tour. Balor « au mauvais œil » frappe Nuada de son regard fatal. Mais Lug, de sa fronde magique, crève les deux yeux de Balor. Réduits et démoralisés, les affreux Fomoiré reculent et sont repoussés à la mer. Bress est fait prisonnier et l'hégémonie des géants est brisée dans l'île.

Or, la puissance des Dê Danann va connaître un déclin rapide. Deux déités de l'Empire des morts, Ith et Bilé, débarquant à l'embouchure de la Kenmare, interviennent dans les conseils politiques des vainqueurs. Mil, fils de Bilé, rejoint son père en Irlande, accompagné de ses huit fils et de leur suite. Comme les précédents envahisseurs, ils surgissent un 1er mai. En faisant marche vers Tara, ils rencontrent successivement trois déesses éponymes : Banba, Fodla et Ériu. Chacune demande au druide Amergin, conseiller-devin de Mil, de nommer l'île d'après elle. L'île restera nommée Érin (génitif d'Ériu) parce que Ériu fit sa demande en troisième lieu. Après de nouveaux et sanglants combats, dans le dernier desquels intervient Manannan, fils de Llyr (l'« Océan »), les rois Tuatha sont occis par les trois fils survivants de Mil. Un pacte de paix est conclu, les Tuatha cèdent l'Érinn et se retirent en pays de l'Au-delà, n'exigeant pour contrepartie qu'un culte et des sacrifices célébrés en leur souvenir. C'est ainsi que la religion aurait débuté en Irlande.


Tout ceci est mythe. Cependant, « qu'on veuille bien considérer le mythe, non comme une affabulation stupide de l'esprit humain aux prises avec les fameuses puissances trompeuses de Pascal, mais comme une technique opératoire de même valeur épistémologique que les mathématiques. On comprendra peut-être mieux les leçons de l'Histoire, car celle-ci est bourrée de mythes qui n'osent pas dire leur nom. On comprendra les Celtes et leur démarche intellectuelle » (Jean Markale). Et c'est à travers le mythe que nous allons essayer de pénétrer jusqu'à Numinor. La route est longue. Commençons par le commencement. On observe une chronologie précise et somme toute rationnelle dans la mythologie celtique, fondée sur deux principes inséparables : la vie et la mort, l'une et l'autre associées à la terre, mère nourricière. Il existe un parallélisme entre la terre et l'homme. Celui-ci traverse trois états : la naissance, la vie, la mort. Dans une médaille celtique, chaque état est représenté par une tête de coursier. Les trois têtes sont absolument identiques : il y a similitude et une sorte de fusion.

L'eau est étroitement liée au sol (et au sous-sol). C'est l'élément fluide mêlé à l'élément tellurique, et les caractères sacrés de ces éléments demeurent proches. (Il est curieux de noter que selon les Esquimaux Iglulick vivant au Canada, les hommes vivaient dans l'obscurité lors de leur arrivée sur terre ; aucune précision n'est fournie quant à leur origine.) Il n'y avait alors aucun animal et le sol fournissait une alimentation pauvre et rare. Mais un solitaire reçut la visite d'esprits venant d'ailleurs. Ils lui conseillèrent de descendre chez la mère des animaux marins. Il suivit leur avis et plongea. Il ramena (fait curieux) du gibier et non pas des poissons, et en même temps la joie pour tous ses semblables. Chez les Celtes on peut noter aussi que le maître de la nourriture Aryaman (étymologiquement le protecteur des Aryas ou Indo-Européens) joue un double rôle. En cela il se rapproche un peu de Janus. Il existe également dans le mazdéisme. Mais son ambiguïté – sa bienveillance qui s'oppose à la terreur qu'il inspire parfois, ne subsiste pas chez les Perses. Dans la religion de ces derniers, deux forces s'opposent : le génie du Bien Ahura Mazda et celui du Mal : Ahriman qui est aussi la puissance des Ténèbres. On retrouve aussi cette opposition dans leur art, particulièrement sur la façade des édifices où les architectes combinaient des effets de lumière et d'ombre, grâce à des reliefs et des creux. Plusieurs monuments achéménides en font foi. Il est loisible d'imaginer le même caractère aux édifices de Numinor.

Mais à l'eau et à la terre s'adjoint un autre élément. La lune dont le culte est attesté dans les plus anciennes légendes. Comme chez tous les peuples de l'Antiquité, on lui voue une adoration non pour elle-même, mais à cause de la part qu'elle prend à toutes les formes de la vie. Elle exerce d'abord un pouvoir sur la croissance des végétaux, ensuite sur la périodicité féminine et enfin sur les marées. Par ailleurs les phases de sa croissance et de sa décroissance permirent aux Celtes d'acquérir des notions de durée et de mesure précises.

Ainsi donc les premiers cultes s'exercent en faveur de notre planète et son satellite et on peut parler de la précellence accordée à l'eau. Car l'immersion dans celle-ci « symbolise le retour dans le préformel » et la sortie de l'eau : le geste cosmogénique de la création.

En raison de cette immuable continuité, le Monde obscur souterrain qui inspire au départ une terreur compréhensible perd cet aspect par la suite : car le pays des morts est aussi le Mag Mell : la plaine heureuse des champs Élysées et Tir-na-n-og la terre des jeunes. Mais à partir d'un certain moment qu'on ne peut délimiter, les dieux souterrains et aquatiques sont remplacés par d'autres venus de l'espace. Il semblerait que cette substitution marque un bouleversement, une conquête. Les envahisseurs sont les fils de Mil qui vainquit les Tuatha Dê Danann. Ceux-ci ont joui durant trente siècles d'une très grande puissance. Or, pour rendre celle-ci crédible, il suffit de considérer sur les côtes de l'Irlande des forteresses ou des murs de granit qui ont été fondus sur une épaisseur de cinquante centimètres par une arme ressemblant singulièrement au laser ou à une fusion thermonucléaire. Et on leur attribue de plus l'érection des mégalithes.

Leur départ est lié à un crime, comme dans le mythe de la chute judéo-chrétienne (et peut-être aussi à celui de la disparition de Numinor). Ce crime aurait été commis par Morrigana (démon de la nuit), fille de Bû-an (l'éternel) ou Ernmas (le meurtre), appelé aussi Bodb (la corneille). Quoi qu'il en soit, les dieux solaires ont fait pencher la balance du côté du feu, par conséquent de la mort, considérée sous un autre angle.

En effet, si dans les grandes civilisations de l'Asie et de la Grèce, le soleil a surtout la précellence du créateur fertilisateur et symbolise la victoire de l'esprit sur la matière, son coucher s'apparente aussi au déclin, à la disparition – et s'il engendre l'homme, il le dévore également. Néanmoins Lug, le plus important dieu solaire, a surtout un rôle bénéfique et de grandes qualités. Il est maître incontesté des arts, tant de la paix que de la guerre. Il est qualifié de Sahildanach (littéralement : polytechnicien, forgeron, charpentier, poète, champion, historien, sorcier). Il cumule toutes les activités supérieures de la tribu. Il possède une lance magique, laquelle va d'elle-même férir l'ennemi qui menace le dieu. Son arc est l'arc-en-ciel et la Voie lactée en Irlande s'appelle « Caine de Lug ». Toutefois la radiance de son visage interdit qu'on le regarde en face, ce qui rappelle, cette fois, le phénomène que l'on nomme dans la Bible : la gloire du Seigneur et dans la science-fiction les grands galactiques. Il a aussi quelques traits de Mercure et, par ailleurs, qu'on n'oublie pas les effets désastreux de la clarté et de la chaleur dans certains mythes grecs, dont celui d'Icare, en Crète.

Dagda ne l'égale point. Mais dieu des musiciens, il charme s'il ne suscite pas une très grande vénération. Sur sa harpe magique, il joue tour à tour l'air du sommeil, du rire, de la tristesse et les auditeurs dorment, rient ou pleurent.

Ceci s'apparente quelque peu aux vertus de certains thèmes musicaux de l'Inde. Certains d'entre eux avaient même le pouvoir de tuer ceux qui les écoutaient si on les jouait hors de propos.

En Irlande, c'est sous ce même nom de Dagda qu'est vénéré le maître du Chaudron qui ailleurs s'appelle Teutatès. En tout cas, un culte du chaudron est attesté dans tous les pays celtiques.

Outre Lug et Dagda, on peut encore citer les enfants de Dôn. Pour les Gallois, la constellation de Cassiopée s'appelait le Lys Dôn (la cour de Dôn) et Caer Gwydon (le château de Gwydon) désignait la Voie lactée.

Au bout d'un certain temps, la prééminence tellurique s'affirme à nouveau. Bien que les fils de Mil aient transformé le feu destructeur en feu bénéfique, il semblerait qu'un pacte ait été conclu entre eux et les dieux souterrains. Ceux-ci se sont réfugiés dans les régions ténébreuses du centre de la planète mais les quittent périodiquement, reviennent à la surface et participent à la vie des hommes, visibles ou non, mais toujours tangibles.

Cependant les Celtes attendent toujours (sinon un rédempteur ou un Messie) un être prédestiné, Galaad, qui indiquera le sens exact de chaque action, afin que les fonctions soient régénérées. Car le monde du « sacré » est ambigu. Si une chose possède par définition une nature fixe, une force par contre engendre le bien ou le mal selon l'orientation qu'elle prend ou qu'on lui donne.


On se rend compte, en considérant l'importance accordée par les Celtes aux mythes, qu'il ne s'agit pas de simples affabulations. Ils représentent tout ce qui a pu exister s'opposant au Logos des Grecs et l'Historia des Latins. Selon les chrétiens, ce sont des croyances que les Écritures n'ont pas justifiées et qui par conséquent sont dépourvues de tout fondement. Mais l'on peut rétorquer que bien peu d'événements ont justifié les Écritures.

Seulement, ils se sont longtemps transmis de génération en génération par voie orale. Ainsi les premiers textes irlandais, qui constituent la base du folklore, ne peuvent être considérés comme antérieurs au Ve siècle de notre ère, quoi qu'en disent les enthousiastes. Certes, il n'est pas prouvé qu'il n'y ait pas eu de manuscrits bretons mais ils ont dû être dispersés lors des invasions normandes. Il est plausible que ces manuscrits en langue barbare, que personne ne comprenait en dehors de la péninsule, ayant échoué dans des monastères, furent mis au rebut, puis détruits.

Et l'on ignore exactement à quand remontent les légendes dont l'origine se perd dans les brumes de la préhistoire indo-européenne et autochtone (la plupart des textes qui ont subsisté sont en gaélique et en gallois moyen).

La dernière forme revêtue par les mythes celtiques a été le cycle de la Table Ronde d'Arthur. Même sous cette forme les symboles demeurent obscurs, et de plus, la morale chrétienne a souvent adjoint des éléments hétérogènes aux légendes païennes. Celles-ci sont par principe enrobées de mystère, se devant d'être ésotériques. « L'homme de la foule ne recevra pas la connaissance », écrit Taliesin. Certains manuscrits ont de plus été mis à l'abri, soit pour qu'ils ne soient pas divulgués, soit pour qu'ils échappent aux ravages des envahisseurs et aux déprédations des pillards. De temps en temps, on entend parler d'une « cache » ou d'une réserve de manuscrits exhumés par hasard ou à la suite de recherches minutieuses. Un des auteurs du présent ouvrage a failli trouver une telle cache en faisant une enquête en 1938 à Rennes sur le culte de l'Alkaraz. Mais finalement l'accès lui en a été refusé. De nombreux chercheurs, au cours des derniers siècles, ont tenté d'interpréter l'abondante littérature celtique. Quelques spécialistes dont G. Dottin ont consacré plusieurs ouvrages à l'analyse et aux commentaires littéraires et historiques des textes qui nous sont parvenus. Nous avons dit au début de ce chapitre que d'autres ont été inspirés par différents thèmes dont celui de Numinor. Enfin, quelques-uns les ont malencontreusement dénaturés. De telles exagérations tiennent peut-être à ce que l'on a longtemps négligé l'étude de cette civilisation qui a précédé la venue des Grecs en Europe occidentale et la conquête romaine. Les hellénistes et les latinistes à tous crins ont tenté, durant des siècles, de nier tout apport aux peuples conquis ou de réduire à l'extrême leurs mérites et l'intérêt des énigmes qui se sont encore épaissies durant deux millénaires. Les historiens les déconsidéraient au point de les confondre fréquemment avec les Cimbres qui ont une tout autre origine même s'ils se sont alliés aux Celtes comme aux Teutons.

De nos jours encore, pour ne point risquer de ternir le lustre de la culture dispensée en Gaule par Jules César et ses successeurs et aussi par les évangélistes chrétiens, on poursuit cette conspiration. Heureusement, des chercheurs départis de tout ostracisme, depuis le XIXe siècle surtout, ont tenté de reconstituer au moins fragmentairement la civilisation qui nous permet de croire à l'existence de Numinor, où que celle-ci se situe exactement. Selon Eugène Pictard qui conserve toutefois une grande réserve, et avance les thèses de Broca puis de Dieterle, le berceau des peuples celtiques, le Harz, se serait trouvé en Bohême-Moravie. Au cours du deuxième millénaire (sans doute au début) ils émigrèrent en se scindant. Au bout de longs siècles, certaines branches atteignirent même l'Asie Mineure où les colons grecs appelèrent les Galates (d'où le nom du faubourg d'Istanbul : Galata) où quelques-uns s'établirent. On peut également noter qu'ils fondèrent au cœur de l'Anatolie la bourgade d'Ancyre, l'actuelle Ankara.

Mais pour des raisons déjà mentionnées, leurs exploits et leurs apports dans ces régions ont soigneusement été minimisés ou passés sous silence.

Les auteurs classiques ont surtout fait allusion, quand ils ont parlé de l'intrusion gaélique, en Italie et à Delphes, à sa sauvagerie qui provoquait la terreur des populations autochtones, comme si les indigènes n'avaient pas toujours éprouvé un grand effroi lorsque des peuplades civilisées ou barbares opéraient des raids chez eux.

Un groupe de Celtes, partis de l'Harz, essaime vers l'Ouest par un cheminement en forme d'éventail entre 950 et 700 avant J.-C. à l'époque du Hallstatt ou âge de fer. Une vague s'installe en Gaule, une autre passe par la Hollande, la Belgique, le bassin de la Seine et gagne l'Écosse puis l'Irlande.

On a longuement discuté sur l'origine exacte des Indo-Européens dont ils font partie. Il se pourrait donc que le Harz n'ait été que la halte, faite par un noyau d'Aryens, venus d'ailleurs, du nord ou de l'Éranvej.

Étant donné cette dissémination et les brassages de peuples qui s'opérèrent dans ce vaste creuset, on ne saurait déterminer avec précision les caractéristiques de la race des Celtes. On peut toutefois dire qu'ils étaient brachycéphales, caractère qui s'atténua au cours des siècles après les mélanges avec les autochtones diversifiés trouvés en Scandinavie, France, Ibérie, Italie, Bessarabie, Pologne, etc.


À l'origine, vers 5000 avant notre ère, nous nous heurtons à une légende du type Akpallu :

La race à laquelle appartient Gri-Cen-Chos est celle des Fomore (fo : sous, mor : grand et mer) : puissance telluro-atlantique. Ce sont, selon le mythe, « des guerriers » à un pied, un bras et un œil, à tête de chèvre, de cheval ou de taureau, génies ophidiens déjà sédentaires à l'arrivée des premier débarquants. C'est contre eux que se heurtera chaque nouvelle vague, venant de la mer ou des airs, ce qui les modifiera foncièrement sans pouvoir les effacer. C'est encore des Akpallus, moins leur scaphandre ou encore vus de profil.

Toutefois, la langue se divise très tôt en deux groupes : d'une part le celte et le gaélique, de l'autre le kyniers ou belge. Le gaélique était surtout parlé dans les hautes terres de l'Écosse et en Irlande dont les dialectes se différencièrent progressivement. Mais en dépit de la distance, on retrouve de nombreuses racines de ceux-ci en pahlavi et même en persan moderne. Nous ne citerons qu'un exemple : Eyber ou Aber signifie eau en gaélique, qui se dit âb en farsi.

Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, les Celtes utilisèrent une écriture : l'ogham basée sur l'alphabet latin et qui consiste en traits perpendiculaires tracés de part et d'autre d'une arête centrale. Par la suite, le plus souvent, ils utilisèrent l'alphabet latin. Mais, alors qu'on a mis leur culture en doute, leur organisation militaire supérieure a retenu l'attention. Leur cavalerie, leurs chariots de guerre, leurs camps retranchés et surtout leurs sabres de fer ont répandu la terreur. Cela s'est passé aux environs de l'an 1000 avant J.-C. Une telle organisation militaire présuppose une technologie. Cependant, à en juger par le peu d'importance que leur accordent les historiens, les Celtes n'auraient fait aucune contribution ni aux sciences ni aux techniques. C'est pour le moins curieux. L'ouvrage de l'Unesco cite par exemple en note que dès le début les chevaux des armées celtes étaient ferrés. La fabrication en série des fers à cheval, par quantité de l'ordre de dizaines de mille, suppose toute une industrie au sujet de laquelle on aimerait avoir des précisions. On trouve bien un village : La Tène, centre de culture celte. Mais ce village, qui date de cinq cents ans avant. J.-C., deux mille ans au moins après la période qui nous intéresse, se trouve en Suisse. Ce n'est probablement pas là qu'il faut chercher Numinor, qui était semble-t-il bien un port de mer…


Apparemment, la civilisation celte au lieu de dégénérer est rentrée dans la clandestinité sur le plan ésotérique, tout en créant, grâce à l'utilisation du fer, une puissante organisation militaire, donnant naissance à la culture que l'on appelle l'« Hallstatt occidental » et que les historiens divisent généralement en deux périodes, 800 et 650 avant J.-C. Après quoi, ce celtisme envahissant se transforme dans la civilisation de La Tène, dont le centre, nous venons de le dire, est en Suisse.

Mais auparavant les Celtes, comme tous les habitants de l'Europe, ont traversé des temps difficiles. Au cours de l'ère post-glaciaire, le pays était couvert de forêts peuplées de bêtes sauvages. Dans cette nature hostile, ils ne pouvaient encore pratiquer l'agriculture qui demande une sécurité même relative. Ils restèrent donc quelque temps au stade de la cueillette. Une des premières caractéristiques de leur mode de vie est la domestication des chevaux. De même qu'ils utilisent ensuite le fer pour les ferrer, à leurs outils primitifs de pierre et de silex s'en substituent d'autres en métal. Mais même à ce moment ils continuent à forer des puits de mine de silex, comme on en a trouvé à Spiennes en Belgique très bien conservés, profonds de plus de dix mètres, comportant des galeries, étroits boyaux où pouvait à peine se glisser un homme muni de ses outils.

L'habileté métallurgique des Celtes est attestée par le nombre des forges découvertes en Gaule, plus particulièrement en Lorraine, en Bourgogne, en Bretagne, et par l'utilisation que font les marins de chaînes de fer pour ancrer leurs bateaux à une époque où les navigateurs romains utilisent encore des cordes de chanvre. Leurs forgerons connaissent des procédés de trempe qui confèrent aux armes une grande dureté. Ils travaillent aussi l'argent et savent même déjà le marteler. Or tous ces travaux présupposent une organisation associative, donc des centres urbains ou tout au moins des agglomérations importantes. Le stade des huttes de claies est sûrement dépassé. Après les cités lacustres aux maisons bâties sur pilotis, il a dû y avoir des villes proches des importantes nécropoles que sont partiellement les monuments mégalithiques. On trouve ceux-ci sur tout le pourtour des mers du Nord et de l'océan Atlantique et aussi en Europe centrale.

R. Grosjean, chargé de recherches au C.N.R.S., a découvert à Filitosa en Corse les vestiges de constructions très anciennes remontant peut-être au IIe millénaire avant notre ère. Et les tenons et les mortaises que l'on a observés sur les pierres levées, à Stonehenge en particulier, donnent à penser que les Celtes avaient des connaissances architectoniques et devaient par conséquent se livrer à l'édification de demeures en pierres. Ils étaient experts en divers arts mineurs, pratiquaient la céramique, tissaient des étoffes très riches pour la fabrication de leurs vêtements.

Il faut noter aussi qu'ils connaissaient l'usage de l'ambre jaune (« elecktron » des Grecs) de la Baltique à la Méditerranée. Ils s'en servaient en décoration mais aussi prophylactiquement, fabriquant des colliers pour les enfants avec cette matière, qui, selon Tacite, était le suc d'une matière immergée. L'ambre passait en effet pour posséder des vertus thérapeutiques et pour immuniser contre diverses maladies.

Les techniques comme les mythes se transmettaient oralement et constituaient vraisemblablement l'apanage de la classe sacerdotale. Celle-ci était formée en une véritable corporation de philosophes naturalistes et spiritualistes : les druides. Bien qu'aucune de leurs doctrines ni de leurs activités n'ait été enregistrée dans un livre, nous les connaissons grâce à plusieurs écrivains latins dont Diogène Laërce, Jules César, Strabon, Tacite et Pline l'Ancien. De plus, quelques informations nous sont fournies à leur sujet dans quelques vies de saints et aussi naturellement dans les légendes galloises.

Leur confrérie semble avoir été apparentée à celle des mages de la religion zoroastrienne et un peu également à celle des détenteurs des dogmes védiques, ce qui n'est pas surprenant puisque Celtes, Perses et Aryens de l'Inde constituent trois des tronçons de la large famille linguistique, et culturelle des Indo-Européens, alors que la branche des Grecs, ayant amalgamé ses croyances, ses connaissances, ses traditions et le fond culturel crétois, différait sensiblement, tout comme les Latins à la fois disciples des Hellènes et héritiers des Étrusques.

L'originalité des druides résidait donc surtout dans le culte naturaliste et le cérémonial saisonnier. Au dire des Romains, en outre, ils n'avaient pas de temples et réunissaient les fidèles dans les clairières des forêts.

Ils jouissaient d'une grande considération. Selon le narrateur de la razzia des bœufs de Cooley, il était défendu aux Ulates de parler avant le roi et au roi, avant son druide. Ils servaient de conseillers politiques aux souverains, de précepteurs aux jeunes nobles, pratiquaient une médecine basée sur l'effet curatif de certaines plantes.

Par ailleurs, les Celtes, nous l'avons dit, ne se contentaient pas d'adorer la Lune en tant qu'astre, mais à cause de son influence multiple. L'ayant longuement observée, non seulement ils lui accordaient une place importante dans les motifs décoratifs de leurs médailles, mais encore conçurent leur calendrier d'après les constatations qu'ils firent à son sujet, prenant pour axe les saisons et les lunaisons. Ils étaient secondés dans leurs fonctions cultuelles par les bardes, chanteurs d'hymnes liturgiques qui célébraient le culte des héros. Ils jouissaient en outre d'un pouvoir occulte, accomplissaient, prétend-on, des prodiges en communication avec les forces spirituelles de l'au-delà. Car ils croyaient à l'immortalité de l'âme, à la métempsycose et se livraient à des prophéties, bien que ceci incombât peut-être aux druidesses, dont nous savons peu de chose. Les oubages, devins et sacrificateurs, leur apportaient également leur concours. Mais, le sacrifice n'équivalait pas, comme on a tendance à le croire, à une immolation. Il était consenti et même convoité. Il s'agit, nous dit Jean Markale, « d'une opération psychique au cours de laquelle le sacrifié se dépouille des scories qui l'alourdissent par paliers successifs et tente de rejoindre la Divinité : l'Être parfait ». Le dernier degré est naturellement la mort à laquelle s'abandonne l'initié sans doute comme les hindouistes se faisaient écraser par les roues du char de Jajernatte dans l'Inde.

Mais bien que nous ayons, de façon indirecte, une idée de leur savoir et de leurs coutumes, plusieurs de celles-ci se sont maintenues, en particulier certaines de leurs fêtes qui ont été incorporées dans les rites chrétiens. C'est le cas de la « vigile de la Toussaint », de la fête du printemps qui toutefois était beaucoup plus précoce que notre 1er mai et aussi du feu de la Saint-Jean. On peut en dire autant de la Noël. En effet à cette époque de l'hiver, les Celtes avaient l'habitude d'orner de gui leurs maisons et particulièrement l'entrée pour implorer les dieux de la prospérité. Plus d'un millénaire et demi après que les Romains (surtout lorsqu'ils devinrent chrétiens) eurent interdit le druidisme, Goethe, ayant eu vent de cette tradition qui perdurait dans certaines régions notamment en Alsace, en parla d'abord autour de lui puis la célébra dans ses écrits. Mais le gui très rare en Allemagne fut remplacé par le sapin. Bientôt la coutume se propagea à travers l'Europe et l'Amérique du Nord par les immigrants. Elle a maintenant gagné l'Asie et même dans des foyers musulmans, le 25 décembre, on illumine à Téhéran des arbres de Noël chargés de cadeaux, sans donner le moindre sens religieux à cette manifestation, du reste strictement profane et simplement tolérée par la chrétienté.


Tout ceci semble nous éloigner considérablement de Numinor. En réalité, il importait, pour rendre crédible l'existence d'une ville, dont aucune trace ne subsiste, mais dont les légendes chantent la splendeur, de montrer qu'elle est au moins probable, étant donné le stade culturel, artistique et spirituel de la société celtique.

On a certes essayé de rattacher à son nom celui assez proche de Numinoë, très postérieur à l'époque celtique et dont nous retraçons l'histoire pour mieux réfuter cette hypothèse.

En 824 de l'ère chrétienne, le duc Louis le Pieux nomma duc de Bretagne et chef des Bretons le comte de Vannes qui s'appelait Numinoë.

Numinoë conserva d'abord un loyalisme apparent envers Louis le Pieux. Mais dès que les fils de celui-ci se disputèrent l'empire, il reprit sa complète liberté d'action, agit en véritable souverain, organisa l'unité bretonne et mérita ainsi le surnom de « Père de la Patrie ». S'étant proposé pour Lothaire, suzerain éloigné donc peu gênant, il bafouait donc ouvertement Charles le Chauve.

Celui-ci monta une expédition pour le ramener à la raison et s'emparer définitivement de la péninsule. Mal lui en prit, il fut battu le 22 novembre 845 à Ballon, au sud de Rennes, et contraint de reconnaître l'autorité de Numinoë sur la Bretagne. Mais Numinoë poussa plus loin ses avantages : il s'empara de Rennes et de Nantes et annexa la fameuse Marche, donnant ainsi au futur duché ses limites, qui sont aujourd'hui celles des cinq départements bretons. Ébloui par ses succès, Numinoë devint un conquérant. Il envahit l'Anjou, le Maine et le Vendômois. Il mourut le 7 mars 851 et fut enseveli dans l'abbaye Saint-Sauveur de Redon, fondée sous son patronage par Conwoion, archidiacre de Vannes et qui fut l'une des plus brillantes abbayes bretonnes.

Numinoë avait cependant eu le temps de tracer les grandes lignes d'une réforme politique, administrative et religieuse. Comme il était vannetais, il fit passer l'axe politique du pays dans le Sud, de Nantes à Vannes. Il réorganisa les évêchés du Nord et les délimita (Saint-Pol-de-Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo et Dol) en leur faisant perdre d'ailleurs leur caractère monastique. Il épura le clergé du Sud, traditionnellement gallo-romain et essaya de soustraire toute l'Église bretonne à l'obédience de Tours, proposant la création d'une nouvelle métropole, bretonne celle-là, à Dol.

Le personnage de Numinoë ne manque ni de grandeur ni de mérite. Il est l'un des rares souverains bretons à avoir réussi une cohésion parfaite dans un pays peu soucieux d'unité et déchiré, comme au temps des Gaulois et des Bretons insulaires, par des querelles intestines et des luttes de préséance bien dans la mentalité celtique. Mais cette cohésion n'allait pas durer longtemps. Il paraît évident que ce Numinoë était le chef suprême celtique de l'époque, le Pendragon dont l'autorité s'étendait sur tout le celtisme et qui de par son nom même se réclamait de Numinor.


Il nous paraît beaucoup plus logique de considérer les villes disparues dont on parle dans la littérature celtique, même si aucune d'entre elles ne porte le nom de Numinor. Ces disparitions coïncident du reste avec des cataclysmes naturels. Vers 1200 avant J.-C. le niveau des mers, des lacs et des marécages s'abaissa en Europe et les progrès s'accélérèrent lors de cette atténuation de l'humidité. Mais à la fin de l'âge de bronze ou première période de Hallstatt (i.e. cir. 530 avant J.-C.) se produisit un nouveau changement climatique. À la suite de pluies diluviennes, engendrant des inondations, les côtes du Nord furent partiellement noyées et avec elles plusieurs ports de la Baltique, de Bretagne, du pays de Galles et d'Irlande. Ceci permet d'ajouter foi à la légende bretonne de la ville d'Ys. Certes, elle nous est parvenue avec les éléments romantiques propres à la tradition médiévale grâce au lai Graelent-Meur attribué à Marie de France et au Mystère de Saint-Gwendolé, drame breton armoricain (du XVIe siècle).

Tout n'est donc pas symbole ou mythe dans ces deux récits : Gradlon, roi de Cornouailles, a épousé une fée d'une beauté miraculeuse au cours d'un séjour au loin. Durant le voyage de retour, elle met au monde une fille Dahuit ou Ahès et meurt aussitôt que celle-ci a vu le jour. Le veuf consacre toute sa tendresse à Dahuit. Mais il se convertit au christianisme. (Cette partie de la légende est non seulement beaucoup plus récente que l'ensemble mais elle a un caractère moralisateur dans le sens religieux tel que nous l'entendons.) En effet Dahuit, elle, demeure païenne. Et pour vivre à l'écart de la cour, elle prie son père de lui construire une ville dans un bas-fond près de la mer. Il cède à ce caprice et protège même la cité à l'aide d'une digue munie d'une porte de bronze.

Albert le Grand la situe dans la baie de Douarnenez. Selon la légende, elle est très luxueuse et, de plus, les habitants s'y livrent à des orgies continuelles. Dieu charge Gwendolé de les châtier. Le saint homme prévient Gradlon, roi pieux et juste qui a le temps de sauver ses biens et de fuir. Mais Dahuit et ses compagnons débauchés périssent noyés dans la cité engloutie par les flots.

Or, on trouve une légende similaire au pays de Galles, celle du Livre Noir de Camarthen et une autre en Irlande dans le manuscrit de Leabharna H. Uidre. Il y a quelques variantes dans ces textes et dans d'autres relatifs également à des cités qui disparaissent sans laisser de traces. Dans certaines, il ne s'agit pas d'un raz de marée, mais d'une fontaine magique qui déborde. Dans d'autres un monstre intervient (marin le plus souvent) : c'est celui du Loch Ness en Écosse ou de la Mort du Cûroi en Irlande. On retrouve aussi ce thème en Scandinavie. Par exemple, Selma Lagerlöf dans Nils Holgerson raconte le châtiment infligé aux habitants de Vineta, qui vivaient dans la luxure. La cité est submergée par les vagues. Seulement, chaque siècle, elle resurgit durant une nuit. La littérature épique abonde aussi en contes dans lesquels une cité déserte apparaît à une armée qui l'investit et disparaît mystérieusement. Ou alors une citadelle s'évanouit à l'approche d'un visiteur comme dans Perceval à la recherche du Saint-Graal. On peut naturellement attribuer plusieurs sens à ces disparitions.

Les chrétiens ont cherché à donner un caractère punitif à l'engloutissement, analogue à celui de Sodome et Gomorrhe dans l'Ancien Testament. Mais on peut aussi interpréter cette disparition comme la nécessité de conserver secrète la puissance spirituelle des Celtes qui décident d'eux-mêmes d'entrer dans la clandestinité. Les découvertes récentes de villes telles que Çatal hüyük, des vestiges de Filitosa, permettent néanmoins d'espérer que Numinor a réellement existé et qu'un jour, proche peut-être, des archéologues, spéléologues ou océanographes la découvriront et apporteront ainsi une preuve irréfutable du niveau qu'atteignit sans doute la civilisation celtique.

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