IV

MESURES RÉPRESSIVES DÉCRÉTÉES CONTRE LES CATHARES PAR LES CONCILES DE 1179 À 1246

ONZIÈME CONCILE ŒCUMÉNIQUE, TROISIÈME DE LATRAN, EN 1179.

Can. 27.

... Comme, en Gascogne, dans les environs d'Albi, de Toulouse et autres lieux, la folie des hérétiques appelés tantôt cathares, tantôt patares et publicains, s'est accrue de telle sorte qu'ils n'exercent plus seulement en secret leur malignité, mais la proclament ouvertement et pervertissent les gens simples et faibles, nous prononçons l'anathème contre eux et contre tous ceux qui adhéreront à leurs principes et les défendront; nous défendons, sous peine d'anathème, de les loger, de faire commerce avec eux... Quiconque s'associera à ces hérétiques sera exclu de la communion et tous sont déliés des devoirs et de l'obéissance contractés envers lui... Tous les fidèles doivent s'opposer énergiquement à cette peste, et même prendre les armes contre eux. Les biens de ces gens seront confisqués et il sera permis aux princes de les réduire en esclavage. Quiconque, suivant le conseil des évêques, prendra les armes contre eux aura une remise de deux ans de pénitence et sera placé, tout comme un croisé, sous la protection de l'Église.

LES 45 "CAPITULA" DU CONCILE DE TOULOUSE EN 1229.

1. Dans chaque paroisse de la ville et hors de la ville, les évêques désigneront un prêtre et deux ou trois laïcs, ou même davantage s'il le faut, de réputation intacte, qui s'engageront par serment à rechercher assidûment et fidèlement les hérétiques vivant sur la paroisse. Ils visiteront minutieusement les maisons suspectes, les chambres et caves, et les recoins les plus dissimulés qui devront être démolis. S'ils découvrent des hérétiques ou des personnes donnant créance ou faveur, asile ou protection aux hérétiques, ils prendront des mesures pour les empêcher de fuir, et les dénonceront le plus tôt possible à l'évêque et au seigneur du lieu ou à son bailli.

2. Les abbés exempts en feront autant pour leurs territoires qui ne sont pas soumis à la juridiction épiscopale.

3. Les seigneurs temporels feront rechercher avec soin les hérétiques dans les villes, les maisons et les forêts où ils se réunissent et feront détruire leurs repaires.

4. Quiconque laissera un hérétique séjourner sur sa terre, soit à prix d'argent, soit pour tout autre motif, qu'il avoue sa faute ou qu'il en soit convaincu, perdra à tout jamais sa terre et sera passible de peines personnelles de la part de son seigneur, suivant sa culpabilité.

5. Sera également puni celui sur les terres duquel on rencontre fréquemment des hérétiques, bien qu'à son insu, mais par suite de négligence.

6. La maison dans laquelle un hérétique est découvert sera rasée, le terrain sera confisqué.

7. Le bailli en résidence dans une localité où l'on soupçonne la présence des hérétiques, qui ne les recherchera pas avec zèle, perdra sa place sans compensation.

9. Chacun peut rechercher les hérétiques sur les terres de son voisin... Ainsi le roi pourra rechercher les hérétiques sur les terres du comte de Toulouse et réciproquement.

10. L'haereticus vestitus qui abandonne spontanément l'hérésie ne doit pas garder la même habitation si la localité passe pour contenir des hérétiques. On le placera dans une localité catholique et bien famée. Ces convertis porteront sur leurs habits deux croix, une à droite et l'autre à gauche, d'une autre couleur que celle de l'habit; ce qui ne les dispense pas d'avoir des lettres testimoniales de réconciliation délivrées par l'évêque. Ils seront inhabiles aux fonctions publiques et aux actes légaux jusqu'à réhabilitation par le pape ou son légat, après une pénitence convenable.

11. Celui qui revient à l'unité catholique, non spontanément mais par crainte de la mort ou tout autre motif, sera mis par l'évêque en prison, pour y faire pénitence, avec les précautions requises, pour qu'il ne puisse pas entraîner les autres...

12. Tous les fidèles adultes devront promettre par serment à l'évêque de garder la foi catholique et de poursuivre les hérétiques dans la mesure de leurs moyens. Ce serment devra être renouvelé tous les deux ans.

14. Il n'est pas permis aux laïcs d'avoir les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament; sauf le Psautier, le Bréviaire et les Heures de la Sainte Vierge: défense rigoureuse d'avoir ces livres traduits en langues vulgaires.

15. Quiconque est diffamé ou soupçonné d'hérésie ne pourra être médecin. Lorsqu'un malade au reçu de son curé la sainte communion, on veillera soigneusement à ne laisser approcher de lui aucun hérétique ou suspect d'hérésie, car ces visites ont eu de tristes conséquences.

18. Seront regardés comme diffamés d'hérésie ceux que la voix publique désigne comme hérétiques, ou dont la mauvaise réputation auprès des personnes honorables aura été prouvée légalement par-devant l'évêque.

42. Les femmes, veuves ou héritières qui possèdent des places fortes ou des châteaux ne doivent pas se marier avec des ennemis de la foi et de la paix.

ORDONNANCES DU CONCILE DE BÉZIERS, 1233.

1 Les parfaits et les croyants, leurs protecteurs, défenseurs et receleurs doivent être excommuniés tous les dimanches. Le coupable qui, après une monition et une excommunication, ne s'amende pas dans un délai de quarante jours, sera lui-même traité en hérérique.

2. Tout particulier peut arrêter un hérétique, à condition de le livrer ensuite à l'évêque.

4. Tout hérétique réconcilié qui ne porte pas les deux croix sur ses habits sera traité comme relaps et ses biens seront confisqués.

CANON DU SYNODE D'ARLES, 1234.

6. Beaucoup d'hérétiques faisant seulement mine de se convertir n'en sont ensuite que plus dangereux. Désormais tous ceux qui sont convaincus d'hérésie et qui ne sont pas punis [de mort], seront emprisonnés pour le reste de leurs jours [même si leur conversion est sincère]. Ils seront entretenus avec les revenus de leurs biens.

11. Les corps des hérétiques et de leurs credentes seront exhumés et livrés au juge séculier.

13. Quiconque reste plus d'un mois sous le coup de l'excommunication doit payer lorsqu'il sollicite l'absolution, 50 solidi pour chaque mois supplémentaire de retard. La moitié de cette amende va au seigneur temporel et l'autre à l'évêque pour les causes pies.

21. Les testaments seront rédigés en présence du curé ou de son chapelain; sinon le notaire sera excommunié et le testateur privé de sépulture ecclésiastique.

CONCILE DE NARBONNE, 1243.

1. Les hérétiques, leurs partisans ou protecteurs qui se présentent d'eux-mêmes au tribunal, qui donnent des preuves du repentir, disent sur eux et sur les autres toute la vérité et par là obtiennent la remise de la peine d'emprisonnement seront néanmoins soumis aux pénitences suivantes: ils porteront la croix, et tous les dimanches entre l'épître et l'évangile ils se présenteront avec une verge au prêtre pour en recevoir la discipline. Ils seront soumis à la même peine dans toutes les processions solennelles...

4. On construira des prisons pour y renfermer les pauvres convertis de l'hérésie. Les inquisiteurs devront pourvoir à leur entretien, afin que les évêques ne soient pas trop gênés de ces frais.

9. Le nombre des hérétiques et des credentes qui devraient être enfermés pour le reste de leurs jours étant très considérable au point que l'on trouve à peine des pierres nécessaires pour construire les prisons indispensables, sans parler des autres frais occasionnés par cette multitude de prisonniers, on différera de les amener en prison jusqu'à ce qu'on ait consulté sur ce point les intentions du pape; néanmoins les plus suspects seront enfermés sans délai.

11. Quiconque retombe dans l'hérésie après l'avoir abjurée sera, sans autre procédure, livré au bras séculier pour être puni.

17. Les inquisiteurs dominicains ne doivent pas imposer pour pénitence des amendes; cela ne convient pas à leur ordre, et ils doivent s'en remettre sur ce point aux évêques et au légat pontifical chargé des pénitences.

19. Nul ne peut être dispensé de la prison en raison de l'état de mariage, des parents, des enfants, de l'âge ou de la santé.

22. Les noms des témoins ne seront pas communiqués; cependant, l'accusé donnera les noms de ses ennemis...

23. Nul ne doit être condamné sans preuves suffisantes ou sans son propre aveu...

24. En matière d'hérésie n'importe qui est admis à être accusateur ou témoin, sans en excepter les criminels, les infâmes ou les complices.

25. On n'écartera comme sans valeur que les dispositions inspirées par la malice ou l'inimitié.

INSTRUCTIONS ADRESSÉES AUX INQUISITEURS PAR LE CONCILE DE BÉZIERS, 1246.

1. Les inquisiteurs ne pouvant sans difficulté visiter chaque localité en particulier, devront, suivant l'ordre du pape,; choisir une résidence spéciale et exercer de là leur pouvoir inquisitorial sur tout le voisinage. Ils devront convoquer le clergé et le peuple, lire leur mandat et ordonner à toute personne tombée dans l'hérésie ou connaissant des hérétiques de comparaître et de dire la vérité.

20. Les hérétiques condamnés, relaps, les coutumaces et fugitifs, ceux qui n'ont pas comparu dans le délai prescrit et ne l'ont fait que sur une citation particulière, ceux qui, au mépris de leur serment, cachent la vérité, seront d'après les instructions apostoliques, enfermés pour le reste de leurs jours, peine que plus tard les inquisiteurs pourront mitiger ou commuer, si les coupables sont repentants, avec le conseil des prélats dont ils relèvent.

21. Mais ils devront auparavant garantir qu'ils accompliront exactement leur pénitence et s'engager par serment à combattre l'hérésie; et s'ils retombent, ils seront punis sans miséricorde.

22. Les inquisiteurs ont du reste le droit, si bon leur semble, de remettre en prison ceux qui avaient été graciés.

23. Les emmurés seront, conformément à l'ordonnance du Siège apostolique, placés en des chambres séparées et isolées afin qu'ils ne puissent se corrompre eux-mêmes ni les autres...

24. On ne remettra en entier la peine de l'emprisonnement perpétuel que pour de très graves raisons, par exemple, si l'absence du prisonnier exposait des enfants au danger de mort.

25. La femme peut visiter son mari emmuré, et réciproquement. On ne leur refusera pas la cohabitation, qu'ils soient l'un et l'autre emmurés ou l'un d'eux seulement.

(D'après Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. V2, 2e partie).

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