V

SENTENCES DE L'INQUISITION

CONDAMNATION D'UNE RELAPSE.

Au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.

Nous Frère Jacques, par permission divine évêque de Pamiers, ayant licence spéciale du Révérend Père en Dieu, Pierre, par la grâce de Dieu, évêque de Carcassonne et son remplaçant à ces lieu, jour et heure, dans son diocèse, et nous, Frère Jean de Prat, de l'ordre des Frères prêcheurs, Inquisiteur de la dépravation hérétique dans le royaume de France, député de l'autorité apostolique résidant à Carcassonne pour les recherches de tous les infectés et suspects du venin hérétique, nous avons trouvé et il nous est démontré que vous, Guilhelmette Tomier, épouse de Bernard Tomier, autrefois de Tarascon, diocèse de Pamiers... avez été condamnée par sentence à la prison perpétuelle et que vous avez fait abjuration solennelle en jugement, de toute hérésie, croyance, recel et participation, sous peine de vous voir infliger les peines réservées aux relaps.

Cependant, malgré votre serment prononcé sur les saints Évangiles, que vous avez touché de vos mains, de poursuivre les hérétiques croyants, fauteurs, receleurs et défenseurs d'iceux, révéler leurs méfaits, de les prendre ou faire prendre par tous les moyens en votre pouvoir, et par-dessus tout, de tenir et conserver la foi catholique... vous êtes retombée dans la dépravation hérétique, comme un chien qui revient à vomir, après s'être gorgé de viande pourrie, pour avoir suivi et écouté Pierre et Guillaume Antérieu, condamnés à raison de leur dépravation hérétique, en faisant plusieurs fois l'éloge de leur bonté, de leur sainteté, de leur vie exemplaire, de leur foi et de leur croyance, en disant que la secte des surnommés était salutaire et que tout être humain pouvait se sauver par elle, en faisant remarquer que notre Saint Père le pape, et les prélats de la Sainte Église étaient des mécréants, en réprouvant notre foi catholique et tous ceux qui la conservaient, en voulant donner aide à la secte hérétique et en la protégeant par toutes sortes de moyens.

Ainsi que le tout est attesté par deux témoins requis en jugement; que pour prévenir les faits ci-dessus mentionnés, vous avez été avertie, priée, suppliée, et exhortée à plusieurs jours d'intervalle... de prêter serment de vérité, sur la foi et le fait de l'hérésie, que vous avez refusé de prêter le dit serment et que vous refusez encore de le prêter, avec opiniâtreté comme impénitente et hérétique, et soutien des hérétiques...

C'est pourquoi, Nous, Évêque et Inquisiteur susdits, après avoir pris l'avis de beaucoup d'hommes de bien, tant religieux que séculiers, versés dans l'un et l'autre droit, ayant Dieu seul devant nos yeux... nous prononçons et nous déclarons Guilhelmette Tomier relapse en crime et protection d'hérésie, comme hérétique impénitente, et comme l'Église n'a que faire d'une hérétique comme vous, nous vous abandonnons à la cour séculière, en priant néanmoins cette cour, d'une manière instante, comme le recommandent les sanctions canoniques que l'on vous conserve la vie et les membres sans péril de mort216, si vous dite Guilhelmette Tornier, vous avouez pleinement les faits d'hérésie qui vous sont reprochés, si le repentir touche votre cœur, et si vous ne persistez pas à dénier le sacrement de la pénitence et de l'eucharistie... (Coll. Doat, t. XXVIII, p. 158).

DESTRUCTION DES MAISONS "SOUILLÉES" PAR LES CATHARES.

Au nom du Seigneur ainsi soit-il. Comme par la recherche faite, et les dépositions des témoins appelés en justice et assermentés, nous avons trouvé qu'il était évident que dans les maisons de Guillaume Adémar, jurisconsulte, de Raymond Fauret, de Raymond Aron, et dans la propriété de Me Pierre de Medens, située près de Réalmont, pendant les maladies dont ils étaient atteints et qui ont amené leur décès, les surnommés ont été reçus hérétiques dans les dites maisons, suivant le rite exécrable de cette damnée secte.

Nous, Inquisiteurs et Vicaires délégués de l'évêque d'Alby... après avoir pris l'avis d'hommes sages et experts, usant de l'autorité apostolique à nous confiée, nous disons et prononçons, par sentence définitive, que les maisons susdites et la propriété susdite, avec toutes leurs appartenances et dépendances seront démolies de fond en comble et nous ordonnons qu'elles seront détruites; nous ordonnons en outre que les matériaux des dites maisons soient livrés aux flammes, à moins qu'il nous paraisse utile, suivant notre volonté, d'employer les dits matériaux à des usages pieux.

Nous ordonnons encore qu'il soit interdit dans les susdits lieux de se livrer à aucune reconstruction, à aucune clôture; que les susdits lieux resteront inhabités, sans clôture et sans culture, à jamais, par cela seul qu'ils ont été le réceptacle des hérétiques, et qu'ils doivent devenir par cela seul un lieu de proscription...

Cette sentence a été portée l'an du Seigneur 1329, le jour du dimanche, après l'octave de la Nativité de la bienheureuse vierge Marie, sur la place du marché du bourg de Carcassonne. (Doat, op. cit.).


216 On sait que le bras séculier ne pouvait et ne devait tenir aucun compte de cette charitable recommandation.

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