Quelques mois s’étaient écoulés depuis le jour où Laila avait pu rencontrer Peter pour la première fois depuis toutes ces années. Elle se rappelait encore ce qu’elle avait ressenti en le voyant pénétrer dans la salle des visites. Il était si beau, il ressemblait tellement à son père, en plus svelte, comme elle.

Et elle avait enfin pu retrouver Agneta. Elles avaient toujours été proches, mais s’étaient séparées par nécessité. Sa sœur lui avait fait le plus grand des cadeaux. Elle avait pris son fils sous son aile et lui avait donné un refuge et une famille. Il avait été en sécurité chez eux en Espagne, pendant que Laila conservait tous les secrets.

À présent elle n’avait plus à se taire. C’était tellement libérateur. Il faudrait encore un moment, mais son histoire serait bientôt racontée, tout comme celle de Fille. Elle n’osait pas encore se dire que Peter était hors de danger. Mais Fille était recherchée par la police, et elle était trop futée pour s’attaquer à lui maintenant.

Elle avait fouillé au plus profond de ses sentiments pour voir s’il en restait pour Fille, la chair de sa chair. Mais non. Cette enfant avait été une créature étrangère dès le début. Elle n’avait pas été une partie d’elle ni de Vladek, contrairement à Peter.

Elle allait peut-être pouvoir sortir de la prison maintenant, si elle arrivait à les convaincre que son histoire était véridique. Elle n’était pas sûre d’en avoir envie. Elle avait passé une si grande partie de sa vie ici que cela n’avait plus d’importance. L’essentiel était que Peter et elle puissent garder le contact, qu’il puisse venir ici de temps en temps, peut-être même accompagné de ses enfants un jour. C’était suffisant pour que la vie vaille le coup d’être vécue.

Un coup discret frappé à sa porte la tira de ses pensées heureuses.

— Entre ! lança-t-elle, un sourire aux lèvres.

La porte s’ouvrit et Betty apparut. Elle se tut un instant.

— Oui ? finit par dire Laila.

Betty tenait quelque chose à la main, et en regardant de plus près, Laila sentit son sourire s’effacer.

— Tu as reçu du courrier.

La main de Laila était secouée d’un tremblement incontrôlé quand elle saisit la carte postale. Pas de message, et l’adresse imprimée en bleu. Elle la retourna. Un matador mettait à mort un taureau.

Laila garda le silence quelques secondes. Puis un long cri lui monta à la gorge.

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