On n'a que l'âge de ses jarretières, comme dit Béru, n'empêche que je me sens vachement atteint au ciboulot par ce nouvel épisode. Cette fois, je m'enfonce dans le surnaturel ; pas celui qui revient au galop, l'autre !
Que j'aie des crises d'envoûté, passe encore. On peut espérer en faire cesser la cause et donc les effets ; mais que je me mette à voir à distance des scènes qui se sont passées à des centaines de kilomètres de moi, que ma volonté réveille ma mère au point qu'elle décroche son téléphone avant qu'il ne sonne, voilà qui me donne de sérieuses raisons d'avoir les jetons.
Je retrace mon coup de turlu à M. Blanc, sans y changer une syllabe, et le voilà qui se foisonne l'astrakan sur sa poitrine de champion du monde de boxe catégorie mi-lourds. Cézigueman, tu lui rases la boule et les poils de corps, t'obtiens ta doublure pour ton manteau d'hiver.
— Ne dramatisons pas, réfléchit-il.
— Non, conviens-je : ne dramatisons pas. Tu admets néanmoins qu'il y a comme un défaut dans mon bulbe, non ?
— Tu avais peut-être un don naturel que les mystérieux événements dont tu ne conserves pas le souvenir ont mis en évidence. Te voilà à l'orée d'une nouvelle carrière, mon vieux ! Médium ! Tu seras chié sur une scène, avec un turban !
Et il se rendort, étant un homme sain, peu apte aux nuits blanches et aux vilaines pensées horizontales, si nocives et rongeantes.
Moi je continue d'agiter tout ce bigntz dans le shaker de ma tronche. Drôle de cocktail, mon pote ! Je suis happé par un courant perfide qui m'entraîne irrésistiblement ! Ah ! comme je regrette l'époque de la castagne franche et massive, quand il fallait se sortir de béchamels cloaqueuses par la force et la ruse. Ne suis plus qu'un petit bout d'homme ballotté qui finira par couler à pic dans d'insondables mistouilles.
Comme tous les insomniaques, je me réveille tard. Le sommeil a fini par avoir raison de mes tourments aux premières lueurs discernables de l'aube, et j'en écrase comme un rouleau compresseur anéantissant de fausses montres Cartier.
Le bruit d'une porte, brutalement fermée. J'ouvre un vasistas. M. Blanc vient d'entrer dans la chambre, retour de quelle expédition ? Il est frais, fourbi, parfumé Prisunic par-dessus son odeur de noirpiot. Il coule un regard dans ma direction, aperçoit mon lampion déballé et vient se poser sur le bord de mon pieu comme un cormoran sur la jetée.
— Quelle heure as-tu ? je demande pâteusement.
Il hausse les épaules.
— Moi, j'ai pas d'heure, mon vieux, c'est un truc pour les chefs de gare. On se dirige sur midi, ça, c'est sûr. Je vais t'en apprendre une qui finira de te réveiller.
— Vas-y.
— Les Délices, le cabaret où nous étions hier soir a sauté. Une charge terrible. Trente-quatre morts (dont notre vedette, la môme Kamala), plus une cinquantaine de blessés !
Il avait raison, mon pote : une nouvelle de ce tonneau, ça réveille.
— La taule a pété dix minutes à peine après notre départ, mec. On s'y serait attardés, on valdinguait dans les nuages car, d'après ce que j'en sais, l'engin a explosé dans le coin où nous nous trouvions.
J'en frissonne rétrospectivement.
— Et tu dis que la môme Kamala Safez est morte ?
— Rectifiée net ! Elle buvait un pot à deux tables de celle que nous occupions. Paraîtrait qu'elle a été ouverte en deux du nombril au nez.
— Comment as-tu appris tout ça ?
— Figure-toi qu'en me réveillant, ce matin, l'envie m'a prise d'aller discuter avec elle. Ton numéro de la nuit me turlupinait. Je me suis dit que j'allais le lui faire à la séduction, car j'ai eu l'impression de lui plaire. Je suis descendu pour demander le numéro de sa chambre et me faire annoncer. C'est alors que le concierge m'a appris l'attentat de la nuit. Je me suis rendu sur les lieux ! Tu verrais ce désastre ! L'immeuble éventré, lui aussi : plus de vitres dans la rue, des bagnoles tordues. Les pompiers continuent de fouiller les décombres. J'ai lié connaissance avec un journaliste français dépêché sur les lieux. Je lui ai montré ma carte de flic et il m'a balancé tout ce qu'il avait déjà appris.
— Tu peux me commander du caoua ?
Il va au téléphone et appelle le room service.
— Tu veux un déjeuner complet ? Ils ont des petits pains noirs aux raisins, servis avec du beurre salé, du tonnerre.
— D'accord.
Jérémie commande deux déjeuners complets, n'ayant aucune difficulté stomacale à faire rebelote en ma compagnie.
Il tire les rideaux et un jour nordiquet, couleur d'acier neuf, entre dans la chambre. Un temps comme ça, t'as envie de te chier quelque part.
J'évoque la môme Kamala, sa danse, son chant, sa sensualité, son charme.
M. Blanc s'arrête devant un grand miroir pour contempler le négatif de son image.
— J'ai envie de me laisser pousser la moustache, il fait.
— Si elle ne ressemble pas à des poils de cul, essaie toujours, un coup de Gillette est vite donné.
Il ne relève pas l'ingentillesse de mon propos, preuve qu'il a l'esprit ailleurs car, lui, les alluses à sa couleur, ras le bol ! Et dans un sens on le comprend.
— C'est curieux, mon vieux, tu vois, cette gonzesse, depuis le départ je flaire deux choses essentielles à son sujet. La première, c'est qu'elle jouait un rôle dans tes pertes de mémoire et tes hallucinations ; la seconde, c'est que ce rôle elle le jouait à son insu.
— Comment cela se pourrait-il ?
— Je l'ignore. Mais je suis convaincu que, dans l'avion, c'est elle qui t'a déconnecté. Elle a été chargée d'opérer et on l'avait sacrifiée.
— Tu penses que mon épisode de l'avion et l'explosion du cabaret sont liés ?
— Toi, tu en doutes ?
— Non.
— Ben alors pourquoi moi je devrais en douter, grand con ? Parce que je suis nègre ?
On nous sert nos briquefeustes opportunément avant que la converse tourne vinaigre. Comme il est impoli de jacter la bouche pleine, nous clapons en silence. Juste qu'à un moment, je balance à Jérémie :
— Cesse de faire claquer tes babines, bordel ! Je te le répète chaque fois que nous sommes à table !
Il me répond qu'il me sodomise, ce qu'à Dieu ne plaise, car une chopine comme la sienne doit drôlement t'intimider le fondement !
Un long silence nous sépare. Puis, le grand diable demande :
— Tu as des projets ?
— Ouais.
Je m'enfonce le reste du café.
— On peut connaître ? insiste-t-il.
— Bien sûr, mon grand, dans les branches de ton fromager géant t'es pas confortable pour apprécier la situation.
— T'es une sous-merde, comme vous tous ! déclare-t-il. Putain ! Attends qu'on soit devenus opérationnels, nous autres gorilles, et tu verras un peu ce travail ! On vous fera marcher au pas !
— Quand ces temps viendront, je rétorque, y a lurette qu'on aura aménagé les galaxies et qu'on vous aura laissé la planète Terre pour la finir !
Et puis j'éclate de rire. Mon premier instant de détente depuis des lustres.
— C'est bien pour dire de déconner, hein ? lui dis-je. Je t'adore, fais pas cette gueule ! Voilà ce que je te propose, mon cher Watson. Primo : perquisition discrète dans la chambre de feue la môme Kamala. Deuxio : on prend le chemin de Damas ! C'est là-bas que tout est arrivé, c'est là-bas que nous devrons trouver la solution.
Il opine.
— Exactement ce que je t'aurais proposé, mon vieux Nostradamus.
Dans la chambre au lit non défait flotte le parfum ardent de la pauvre vedette déchiquetée. Elle avait beau être née quai de Bercy, la gosse, côté chiftirs elle avait définitivement franchi la grande bleue. Ses fringues de scène ne sont que paillettes, aigrettes, plumes et strass. La haute pacotille, façon joaillier cairote des souks. Côté fringues de ville, ça se présentait un tantisoit mieux, néanmoins, y avait des écarts fâcheux : bijoux tarabiscotés, détails de la toilette un brin à côté de la plaque pour faire vraiment chic parisien.
— Curieux que les perdreaux berlinois ne soient pas encore là, note M. Blanc.
— Ils prennent leur temps, expliqué-je. Eux agissent avec méthode ; mais ils vont venir, rassure-toi.
On s'attelle au boulot. Recherches minutieuses. La manière qu'on est entrés, tu t'en gaffes ? J'ai beau patiner un peu de la gamberge, je sais toujours utiliser mon sésame ; de ce côté-là, pas de soucis à avoir.
Une fois à pied d’œuvre, je donne un cours express de perquise à mon sombre ami.
— Dans un cas comme celui-ci, fiston, ne perds pas ton temps à palper le linge. S'il y a de l'insolite, ça se trouve dans une cache savante : valise ou trousse de toilette truquées, voire appareil photo, séchoir à cheveux, etc.
— En somme, demande mon disciple, nous cherchons quoi ?
Pas une arme, elle n'en avait nul besoin. Des documents ? Trop risqué ! Des adresses ? Elle avait dû les apprendre par cœur…
— L'astuce gonflante, mon pote, c'est justement de ne rien chercher de précis. Il faut chercher pour trouver, piges-tu ?
Et on est lancé comme deux insectes sur un pot de miel. Lui, il est kif le jardinier en train de tailler sa haie avec un sécateur. Clic, clac ! Il se déplace en une sorte de glissement silencieux. Moi, c'est au pêcheur de truites que je m'apparente. Je contemple, j'avise, je me dis : « Peut-être là ». Je lance ma cuiller. Je ferre. Rien ! Voyons ailleurs !
On opère avec promptitude, mais sans se presser, ce qui est la meilleure manière de rendre la promptitude efficace.
Nous sommes au plus fort de nos recherches quand ce que je redoutais se produit, un bruit de pas retentit dans le couloir. Mon quatorze ou quinzième sens (j'en possède tellement !) m'avertit que c'est pour ici.
La pestouille va démarrer ! Va falloir se payer une séance sévère avec les confrères berlifleurs. Les Teutons, tu les connais ? Méthodiques à se gratter sous les couilles ! C'est leur force. Chez eux, ça remplace l'esprit. Grâce à cette obstination appliquée à tout, leur chierie de mark grimpe comme une mayonnaise caritative.
On va se faire gauler comme des noix !
Regard instinctif à la fenêtre : huitième étage en plein jour, c'est pas bon pour les bronches.
Je claque des doigts.
— Hein ? me fait M. Blanc, lequel est perdu dans la penderie.
Je lui montre la lourde et murmure dans un souffle :
— Les Polizists.
Bien que ne parlant pas le boche, il saisit.
Il n'a pas une seconde de réflexion, pas un millième. Prompt comme l'éclair, il dégrafe son futal, le tombe ; idem du slip tango bordé de noir qui doit faire pâmer la tendre Ramadé, le soir à la chandelle. Voilà qu'il s'empoigne l'asperge. Un chibre de seigneur ! Un produc de films « X » le verrait, il engagerait Jérémie pour assurer les gros plans dans l'amant de Lady Chatte-Early, faisant du veinard jardinier un ancien de l'armée des Indes.
La différence qu'il y a entre le goumi de Messire Bianco et la lance d'arrosage des pompelards de Champerret, c'est que la lance des pompelards est effilée du bout ! On entend grommeler une clé dans la serrure, et puis la porte est poussée et voilà trois personnes nouvelles en prise directe avec le paf à M. Blanc. Un énorme poulet avec un manteau de cuir noir et un large feutre qui mettrait en érection le président Mitterrand grand amateur de couvre-chefs à la con ; un autre drauper, long et aussi sympa qu'un crachoir de sanatorium en fin de journée ; lui aussi porte un cuir et se coiffe d'un feutre. Et puis il y a un groume poupin, blondasse, taches-de-rousse avec un regard émouvant de petit cochon aux yeux bleus.
Les arrivants s'arrêtent, pétrifiés devant ce spectacle d'un Noir athlétique en train de se tailler un rassis devant un compagnon blasé.
Alors là, il est parfait, M. Blanc ! Inouï de culot, bien que sans culotte.
Il se lâche le mandrin et fonce sur le groupe. Il vocifère dans sa langue maternelle. Bien que ne la parlant point encore, j'en perçois le sens profond, tant le ton et la mimique sont éloquents. Et les autres aussi, pigent.
— Non, mais qu'est-ce qui vous permet d'entrer chez les gens sans frapper, bande d'abrutis ! En voilà des façons ! Je veux parler au directeur, moi ! qu'est-ce que c'est que cet hôtel de merde !
La queue dodelinante, il les course dans le couloir, jusqu'aux ascenseurs.
Les Chleuhs, croyant à une méprise du concierge battent tu sais en quoi ?
Bon !
— Rapporte-moi mon bénoche et mon slip ! crie Jérémie. On va se tailler par la sortie de secours !
Je ramasse ses hardes et on part comme des lavements à bout de résistance dans un escadrin de dégagement.
Au quatrième étage, on télescope une vieille lingère et sa corbeille pleine de limouilles fraîchement amidonnées.
Magnanime, M. Blanc lui tend la main pour l'aider à se relever, mais la pauvre dame, miro comme une plaque d'égout, lui saisit la trompe ; à moins que, friponne malgré son âge et sa chute, elle ne profite de cette ultime occasion de sa vie de palper un goumi de coloured man en mettant à profit une situation qui, initialement, lui était contraire, comme me le faisait remarquer M. Raymond Barre l'autre matin, au défilé de la C.G.T. Les gonzesses, même bourrées d'ans et de varices, sont viceloques, si tu savais !
Mais brèfle, on lui fait lâcher prise et on continue notre dévalation jusqu'à son terme.
Un taxi passait, je le hélai. Il condescendit à nous conduire à l'aéroport où nous prîmes un vol pour Bruxelles, d'où nous ralliâmes Paris.
Je précise qu'avant de débarquer dans notre brûlante capitale, Jérémie Blanc avait réintégré son slip et son pantalon.
C'est seulement quand nous sommes dans sa cuisine où Ramadé fait cuire un mouton à la broche à même le carrelage, qu'il murmure :
— Mais, au fait !
Et qu'il sort de sa poche la boucle d'un ceinturon de dame. Babiole spectaculaire, grande comme une assiette à escargots, mais beaucoup plus ouvragée.
Ça représente un soleil dont le centre est en fausse topaze et les rayons en vraie matière plastique rouge. La boucle est épaisse de deux centimètres. Quand tu la secoues, ça produit un bruit, preuve qu'elle est creuse et receleuse d'un objet.
— J'étais aux prises avec ce machin quand les bourdilles allemands sont arrivés, raconte mon copain.
On le tourne sur toutes les coutures sans parvenir à l'ouvrir.
— Ne l'abîmez pas, supplie Ramadé quand elle nous voit l'attaquer à l'ouvre-boîtes, c'est très joli, je pourrai m'en servir de bijou.
— Ça ferait effectivement un beau chaton pour une bague ! ricané-je.
Le mouton grésille et ses chairs léchées par les flammes sont toutes en cloques, comme la cuisinière, laquelle attend son énième chiare.
— On est cons ! exclame soudain M. Blanc ; ça se dévisse !
Il prend la boucle entre ses larges mains auxquelles il imprime un mouvement contraire, et poum ! ça ouvre !
On pousse un gémissement d'allégresse (ce qui est parfaitement réalisable) en constatant que la boîte contient une enveloppe pour cartes de visite.
Assez épaisse.
A l'intérieur se trouvent quatre photographies d'un format modeste et inusité (8 X 5 environ). Les quatre clichés représentent le même monsieur occupé à se faire faire des gâteries par la même dame. La dame, c'est la très regrettée diva Kamala Safez.
A en croire ses différentes attitudes, on peut supposer qu'elle savait faire encore mieux pour le bonheur d'un homme que chanter et danser. La première image la montre nue et de dos (guitare somptueuse) en train de chipolater le levier de force du type. Sur le deuxième, le bonhomme est penché en avant, les cannes en « V » renversé, et mamz'elle le feuillederose comme un grand. Sur le troisième, il occupe la même posture, de trois quarts à l'objectif, et elle lui astique le nerf de naguère d'une main, cependant qu'elle mobilise deux doigts (dont le médius) de l'autre pour les lui encastrer dans l'oeil de bronze. La quatrième et dernière, plus orthodoxe que les précédentes, est l'embrocage en levrette de la chanteuse par le valeureux partenaire. Il convient maintenant de te fournir le descriptif de ce dernier, car nous sommes une maison sérieuse dont la réputation n'a pas été dénichée dans un paquet de lessive.
Le dividu en question est dans la farce de l'âge ; disons la quarantaine.
Arabe à n'en pas douter. Musclé et grassouillet en même temps. Disons encore musclé, mais on voit clairement les nouvelles mesures auxquelles devra se résoudre son tailleur d'ici peu de temps. Il est plutôt bel homme.
Un peu déplumé du frontal et frisotté de la nuque. Il porte une fine moustache à la Craque Câble. De longs cils… Attends que je tourne une phrase ciselée, comme dans du jury Fémina : « De longs cils recourbés ombragent son regard velouté, noir comme Lejay-Lagoutte ». Il est très velu. Bien dimensionné du braque, et il porte une chevalière à chaque main : complètement camée à la gauche, très solitaire à la droite.
— Qu'est-ce que vous avez trouvé ? s'inquiète Ramadé, surprise par notre attention silencieuse.
Jérémie planquouze vivement les photos.
— Documents top secrets ! fait ce grand pudique.
Sa bonne femme hausse les épaules.
— Il n'est pas joli de mentir à sa douce épouse, roucoule-t-elle.
M. Blanc clape à vide et yoyotte des carreaux.
— Lorsque tu me mens, ton nez bouge ! assure Ramadé.
Et lui, le fin limier, baiser canard, de s'empoigner le tarbouif à pleine pogne pour vérifier le bien fondé.
Ramadé le confond.
— Tu vois bien que tu me mens puisque tu touches le nez !
En chef généreux, je vole au secours de mon pote :
— Ma chère amie, dis-je, au lieu de le tourmenter vous devriez apprécier sa délicatesse. Nous découvrons des photographies pornographiques et il vous respecte trop pour accepter de vous les montrer.
— Qu'est-ce que c'est, pornographique elle demande la chère compagne de Jérémie.
— Votre question indique votre inaptitude à voir, fais-je.
Elle n'insiste pas et nous sert du mouton carbonisé arrosé d'une sauce tellement pimentée qu'elle attaque l'acier suédois le plus solide.
Comme ses chiares non scolarisés jouent les petits pélicans sur le rivage du brasier, elle continue de dépecer l'ovin embroché à leur intention et ça se met à claper et mandibuler d'importance en ce logis dont j'espère que le propriétaire n'est point trop vétilleux.
Au bout d'un tronçon de bidoche dévoré comme une cuisse de chrétien par un lion de Néron, M. White murmure :
— Les photos ont été prises à l'insu du sale fornicateur.
— Crois-tu ?
— En bordure de chaque image, il y a du flou. On devait braquer l'objectif derrière un trou.
— Montre un pneu !
Il me tend l'enveloppe de ses doigts graisseux et je contrôle l'exactitude de ses dires.
— Par contre, fais-je, Kamala savait qu'on opérait le reportage, car elle a veillé à ce que son partenaire se trouve chaque fois dans un axe propice.
— Il y a peut-être eu des chiées de photos prises et a-t-on sélectionné les plus éloquentes ?
— C'est également admissible, mais je ne le pense pas. quand on aperçoit la partie face de la môme au lieu de sa partie pile, on sent qu'elle est attentive. Sur le cliché où elle se laisse fourrer à la paresseuse, par exemple, c'est tout juste si son regard n'est pas planté dans celui de l'objectif ! Navré de te décevoir, grand, je sens que tu aimerais ménager la mémoire de la malheureuse, mais le fait qu'elle fût détentrice de ces clichés ne plaide pas pour son innocence. Coup organisé, fiston ! On a flashé ce mec afin d'avoir barre sur lui. Il est probable qu'on escomptait le faire chanter.
Je lui rends l'enveloppe qui ressemble à un cornet de frites belges après usage.
— Confie-les à Mathias et demande-lui de découvrir qui est le joyeux tringleur. Surtout ne les touche pas avant de t'être lavé les mains. Les empreintes que tu as apposées sur l'enveloppe sont suffisamment riches pour que tu n'aies pas à les reproduire sur les jolies images de première communiante.