La chaleur poisseuse de Nairobi, après le froid humide de l’Autriche, créait une sorte de cocon tiède, amollissant, engourdissant, contrastant avec le froid glacial régnant dans la Buick envoyée à l’hôtel Serena par le chef de Station de la CIA de Nairobi, Mark Roll. D’un œil distrait, Malko regardait défiler les propriétés magnifiques de Muthansa road, des villas cossues entourées de végétation luxuriante, refuge de tous les ambassadeurs un peu argentés et de quelques autres qui l’étaient moins. On se serait cru en pleine jungle alors qu’on n’était qu’à la périphérie chic de Nairobi. Il aperçut au passage un drapeau américain planté au centre d’une immense pelouse : la résidence de l’ambassadeur. Et, un peu plus loin, un drapeau grec : c’est là qu’il avait récupéré, quelques années plus tôt, Àbdullah Ocalan, le leader kurde du PKK, qui pourrissait désormais dans une île-prison turque.
Grâce à la rapacité des Services kenyans...
La limousine tourna à droite, découvrant les hideux bâtiments des Nations-Unies, et, en face, un majestueux building blanc planté au milieu d’une immense pelouse et séparé de la route par de hautes grilles noires : la nouvelle ambassade américaine, isolée dans ce quartier résidentiel. Les Américains avaient de bonnes raisons d’être prudents : la précédente, érigée en pleine ville, avenue Jomo Kenyatta, avait été transformée en un tas de gravats par une puissante explosion en 1998, entraînant la mort de deux cent quatre-vingt-dix Kenyans et de onze Américains. Un des premiers attentats d’Al Qaida.
Lorsque Malko s’était rendu pour l’affaire Ocalan à Nairobi, les diplomates américains s’étaient réfugiés dans deux immeubles jumeaux en brique rouge de Crescent street, où ils étaient entassés comme des sardines. Désormais, avec ce bunker ultramoderne, tout était rentré dans l’ordre.
La Buick, après avoir franchi trois portiques, une barrière escamotable et avoir été inspectée par un vigile qui avait passé un miroir sous la carrosserie, s’était enfin arrêtée devant le bâtiment principal, face à celui de l’US AID. Malko dut encore passer sous un portique magnétique surveillé par une Noire superbe, sanglée dans un uniforme impeccable. Tout y passa : ceinture, chevalière, montre, stylo. Si Mark Roll n’était pas arrivé, elle l’aurait probablement déshabillé...
Mince, de petite taille, un petit bouc noir bien taillé, le chef de Station de la CIA ressemblait à un instituteur, il s’excusa d’emblée.
— J’aurais dû venir vous chercher hier soir à Jomo Kenyatta, mais je suis resté coincé dans les embouteillages... Ici, c’est épouvantable : les rues sont défoncées et il y a de plus en plus de voitures. Heureusement, il n’y a presque plus de touristes depuis les troubles de l’année dernière...
À la suite d’une élection présidentielle, les Kenyans avaient contesté les résultats à l’africaine, en se massacrant joyeusement...
— La grand-mère de Barack Obama n’attire pas les touristes ? demanda ironiquement Malko.
— Même pas, laissa tomber l’Américain. En plus, elle habite au diable. Depuis qu’Obama a été élu, les Kenyans la considèrent comme une icône. C’est elle, la seconde épouse de son grand-père, qui l’a élevé. Pourtant, il ne s’en occupe pas beaucoup. Il n’a même pas prévu de venir au Kenya. Il faut dire que cette grosse Noire, en boubou multicolore, ferait désordre à la Maison Blanche.
Malko ne fit aucun commentaire. Mark Roll avait dû voter Mac Cain... Ils venaient d’arriver à son bureau, au quatrième étage, dont les baies donnaient sur une mer de verdure. Des murs nus, à part la photo de Georges W. Bush et une grande carte du Kenya.
L’habituel café abominable les attendait. Mark Roll tira soigneusement sur le pli de son pantalon et laissa tomber.
— Je crois que vous connaissez bien le Kenya.
— Un peu, reconnut Malko. Du temps des Britanniques, c’était un beau pays...
Mark Roll ne releva pas cette remarque politiquement incorrecte et se versa un Coca.
— Moi, je n’y suis que depuis six mois, avoua-t-il, et ma femme s’y ennuie beaucoup. Une fois qu’on a fait le tour de tous les parcs d’animaux, il n’y a pas grand-chose à faire. Moi encore, j’ai du boulot... D’ici, je « traite » aussi la Somalie.
— Vous y allez ? demanda innocemment Malko. L’Américain eut un sursaut horrifié.
— Of course, no ! Aller là-bas, c’est suicidaire.
— Ah bon ! fit Malko, sans commentaires...
C’est justement pour s’occuper de la Somalie que la Station de la CIA de Vienne lui avait demandé de s’envoler pour le Kenya. Apparemment, ce n’était pas suicidaire pour tout le monde... Mark Rou regarda sa montre.
— On va y aller. On a rendez-vous avec quelqu’un qui connaît la Somalie beaucoup mieux que moi. Vous connaissez le restaurant « Tamarind » ?
— J’y ai été.
— C’est le meilleur de la ville, affirma avec enthousiasme le chef de station de la CIA, en enfilant sa veste.
Accroché à sa ceinture, Malko remarqua l’étui d’un petit « deux pouces ». En principe, dans un pays ami, les agents de la CIA n’étaient pas armés. Après tout, peut-être que le Kenya n’était pas ami à 100%...
Tandis qu’ils roulaient vers le centre, Malko se permit de demander.
— On m’a dit à Vienne que je devais m’occuper de la Somalie. C’est exact ?
— Tout à fait ! confirma Mark Roll. C’est pour cela que nous allons déjeuner avec « Wild Harry ».
— Pourquoi « wild » ?
— Il a passé sa vie à faire des trucs de folie. Sa dernière mission, c’était la Somalie. Il est parti en retraite, il y a presque un an. Seulement, Langley l’a repris sous contrat pour six mois.
— Ah bon ? fit Malko, surpris.
Ce n’était pas dans les habitudes de la CIA. Sauf, après le 11 septembre, lorsqu’on avait battu le rappel de tous les anciens d’Afghanistan et du Pakistan, ceux qui avaient vu des terroristes ailleurs qu’à la télévision.
— Vous n’avez pas assez de monde à Nairobi ? demanda Malko.
— Oh, si ! affirma Mark Roll. Seulement, « Wild Harry » est « spécial »...
— « Spécial » ?
L’Américain baissa la voix, comme pour avouer un secret honteux.
— « Wild Harry » est resté deux ans à Mogadiscio entre 2005 et 2006. Comme N.O.C.
— Qu’est-ce qu’il y faisait ?
— On lui avait donné une liste de « malfaisants » à récupérer, djihadistes, membres d’Al Qaida, islamistes somaliens. Il avait une couverture humanitaire, et quelques valises de dollars. Ce qui lui permettait d’acheter un certain nombre de warlords qui chassaient pour lui. Ensuite, quand on lui livrait les types, il n’y avait plus qu’à les exfiltrer vers un de nos navires, Bien entendu, c’était une « covert opération ». Moi, je n’aurais jamais pu faire ça.
Mark Roll ne semblait pas avoir réalisé que, depuis longtemps, on ne faisait plus la guerre en dentelles. Ils avaient atteint le centre avec ses buildings modernes et ses larges avenues noyées de verdure. Nairobi, bien que décati par la chaleur, le manque d’entretien et l’humidité, avait encore une certaine allure...
Les Kenyans, formés par les Britanniques, étaient plutôt soignés, portant costume et cravate, même en pleine saison humide.
La Buick s’arrêta sur une place, coincée entre deux énormes buildings. On accédait au Tamarind par une entrée discrète. Une grande salle à la décoration vaguement africaine où la plupart des tables étaient occupées par des expatriés. Un maître d’hôtel, noir comme de l’ébène, les conduisit à une table ronde, au fond de la salle.
— Tiens, « Wild Harry » est en retard, c’est rare, remarqua Mark Roll.
Il n’avait pas terminé sa phrase qu’un personnage surgit, venant du bar, et s’avança vers eux.
Un homme d’une cinquantaine d’années, corpulent, des lunettes, des cheveux en broussaille, boitant visiblement de la jambe droite. Un verre de Pimm’s à la main, reconnaissable à sa feuille de menthe. Malko remarqua que son regard pétillait d’intelligence. En dépit de son allure vaguement négligée, et de son côté « Gros Nounours », il dégageait quelque chose de puissant. Après avoir posé son verre, il tendit la main à Malko.
— Harold Chestnut. On ne s’est jamais croisés mais on aurait pu ! J’ai passé les trente dernières années de ma vie dans les coins les plus pourris de la planète. Y compris au Vatican...
— J’ai connu aussi le Vatican, remarqua Malko.
Instantanément, le personnage lui avait été hautement sympathique... . Il sortait nettement du monde des « case-officers » de la CIA qui ne pensaient qu’à leurs mutations et à leurs retraites.
Harold Chestnut s’assit et ramena à deux mains sa jambe sous la table, avec une grimace de douleur.
— Ces enfoirés de chirurgiens de l’US Navy m’ont saboté ! soupira-t-il. Il devait y avoir trop de houle...
— Qu’est-ce qu’ils vous ont fait ? demanda Malko.
Harold Chesnut eut un sourire sans complaisance.
— C’était à l’époque où je chassais le « terro » à Mogadiscio. J’en ai taxé un qui avait une mauvaise opinion de Guantanamo, et qui avait été mal fouillé... Alors, il m’en a mis deux dans la jambe... Les toubibs de la Cinquième Flotte m’ont bourré la jambe de fils en platine en me jurant que je courrai comme un lapin... Si c’était le cas, je les aurais rattrapés pour leur faire payer leurs conneries... En plus, maintenant, je déclenche tous les portails magnétiques et il faut que j’explique pourquoi...
Il éclata de rire. Anyway, cela vaut mieux que d’être dans un fauteuil roulant. Un Pimm’s ?
— Merci, déclina Malko, qui commanda un Strawberry Daiquiri.
Harold Chestnut eut un hochement de tête désapprobateur.
— Vous avez tort, c’est très rafraîchissant, à cause de la menthe.
— Il y a aussi de l’alcool, remarqua discrètement Mark Roll, qui venait de commander un jus de mangue.
« Wild Harry » sourit.
— Je n’ai jamais autant bu que dans les pays sans alcool, comme le Pakistan ou le Yemen ! Quand on empêche l’homme de boire, il redouble...
Visiblement, il n’était pas prêt à se laisser faire. Le chef de station n’insista pas et ils se plongèrent dans les menus.
— Je vous recommande les langoustes, proposa Harold Chestnut. Elles sont excellentes.
Ils suivirent son conseil et il recommanda un nouveau Pimm’s. Posant un regard vif sur Malko.
— Vous connaissez la Somalie ? demanda-t-il.
— J’y ai été du temps de Syad Barré et, brièvement, il y a deux ans.
« Wild Harry » hocha la tête.
— Il y a deux ans, c’était déjà chaud. Vous avez des couilles...
— Je ne suis pas resté longtemps, corrigea Malko.
— Vous auriez pu y rester définitivement ! fit Harold Chestnut avec un petit rire... Bon, on ne va pas jouer à se faire peur. Vous savez pourquoi vous êtes là ?
— Pas vraiment, reconnut Malko.
Harold Chetsnut émit un ricanement étouffé, avec un coup d’œil à Mark Roll.
— Ça ne m’étonne pas.
Malko n’eut pas le temps de lui demander la raison de son ricanement. Le maître d’hôtel venait de déposer devant lui une langouste qui semblait avoir grandi à Tchernobyl, tant elle était imposante... Par contre, celles de Malko et de Mark Roll étaient nettement plus modestes. « Wild Harry » était bien vu dans la maison... Tandis qu’il attaquait le monstre qui dépassait de son assiette, Mark Roll, visiblement désireux de reprendre la main, expliqua.
— Depuis fin 2007, nous n’opérons plus directement en Somalie. Trop dangereux. Lorsque nous avons réuni assez d’éléments sur un « suspect », nous frappons avec des missiles de croisière ou des drones. Quelques membres des Spécial Forces se trouvent à Moga, dans la « green zone », avec les Éthiopiens, et nous avons des bâtiments de la Ve Flotte au large, prêts à envoyer des hélicos.
La bouche pleine de langouste, « Wild Harry » lança, hilare.
— C’est moi qui ai mis en place tout cela...
Impavide, le jeune COS continua.
— Jusqu’à une période très récente, Langley ne souhaitait pas s’occuper de la question de la piraterie qu’elle considérait comme déconnectée du terrorisme. Les pirates étaient des criminels de droit commun, un point c’est tout.
— Ce n’est plus le cas ? demanda Malko.
Sans répondre, Mark Roll se pencha et sortit de sa serviette posée par terre une photo qu’il posa à côté de l’assiette de Malko : un homme en train de dormir dans un fauteuil, coiffé d’un keffieh rose, le torse bardé de cartouchières de toile.
— Qui est-ce ? demanda Malko.
— Un membre du mouvement Shebab. Un certain Hashi Farah. Je vous communiquerai sa fiche. Il a combattu en Afghanistan contre nous et a dirigé une milice importante à Mogadiscio. Considéré par Langley comme extrêmement dangereux.
— Où cette photo a-t-elle été prise ?
— À bord du MV Faina, le cargo ukrainien transportant du matériel de guerre, juste après qu’il eut été attaqué par un groupe de pirates venant d’Hobyo. C’est l’officier radio du Faina qui l’a prise et a pu la transmettre à son armateur qui nous l’a communiquée. Ce document est la preuve que le piratage du Faina a été organisé conjointement par les pirates et les Shebabs.
Un ange, un bandeau noir sur l’œil, traversa le restaurant. Malko avait compris.
— Donc, conclut-il, contrairement à l’opinion de l’Agence, il y a bien des liens entre les pirates somaliens et les Shebabs ? Ce n’est pas vraiment surprenant.
Un bruit de succion suivi d’un ricanement jaillit de l’autre côté de la table. « Wild Harry » venait d’aspirer la chair d’une des pattes de sa langouste géante et adressait un clin d’œil ironique à Mark Roll.
— Je l’avais dit ! Ils appartiennent tous au même clan, les Darods et au sous-clan des Majarteens, pratiquement sur le même territoire. En plus, les pirates gagnent beaucoup d’argent alors que les Shebabs n’en ont pas ; un Mongolien de quatre ans en aurait tiré la conclusion...
Il termina son troisième Pimm’s pour scander son affirmation. Mark Roll repoussa son assiette.
— Harold a raison. Désormais, nous sommes certains qu’il y a des liens entre pirates — certains groupes en tous cas — et les Shebabs...
— Et il va y en avoir de plus en plus ! compléta sereinement Harold Chestnut. Parce que les Shebabs sont en train de reprendre possession de toute la Somalie. Ils avancent le long de la côte et s’emparent de toutes les villes les unes après les autres, sans même tirer un coup de feu. Ils vont contourner la « green zone » de Mogadiscio et continuer plus au nord. Pour rejoindre ceux d’entre eux qui se trouvent déjà à Harardhere, à moins de cent kilomètres de Hobyo, une des places fortes des pirates.
Il rota légèrement et Mark Roll en profita pour soupirer.
— C’est, hélas, très possible...
— Donc, renchérit Harold Chestnut, les Shebabs vont pouvoir s’acheter des armes. Et le prochain stade, c’est qu’ils s’allient avec les pirates pour préparer un attentat spectaculaire, à l’aide d’un navire saisi par ces derniers. C’est le nouveau cauchemar de Langley...
Malko se dit que c’était tout à fait justifié.
— Vous avez remercié l’officier-radio du Faina, j’espère ? dit-il.
Mark Roll hocha la tête avec tristesse.
— Nous avons envoyé un message de condoléances à sa veuve. Hashi Farah l’a abattu pour avoir pris cette photo. Ce qui prouve bien qu’ils veulent garder secrets ces liens.
— Où se trouve le Faina, désormais ?
— En face de Hobyo, sous la garde du USS « Howard » qui a ordre de tirer à vue sur toute embarcation débarquant des armes. Nous nous demandons maintenant si la prise de ce navire n’était pas une « commande » des Shebabs, pour obtenir un armement qu’ils n’ont pas. Des chars T.72 par exemple, pour combattre ceux des Éthiopiens.
— Pourquoi ne pas donner l’assaut au Faina ? s’étonna Malko.
— On attend les Russes qui ont envoyé un destroyer. Et il y a vingt-six hommes d’équipage à bord.
— Et ce Hashi Farah, il est toujours à bord ?
— Nous l’ignorons. Il y a un va et vient incessant entre le Faina et Hobyo pour apporter des vivres et permuter les équipes de pirates ; il a pu très bien se défiler sans qu’on le repère, mais c’est secondaire.
— Que cherchez-vous exactement ? s’enquit Malko. Entre les navires de la Ve Flotte, les Éthiopiens, vos drones et les écoutes, vous devez être assez bien informés...
Mark Roll secoua la tête tristement.
— Non, justement. Les navires restent en mer et les écoutes techniques ne sont guère efficaces. Il faudrait aller sur le terrain.
— Quel terrain ? L’Américain eut un geste vague.
— Là où évoluent tous ces malfaisants...
— Pour quoi faire ? Il se gratta la gorge :
— Langley m’a assigné une mission précise : il faut, coûte que coûte, savoir ce que préparent les Shebabs en liaison avec les pirates, pour, éventuellement, les contrer. Qu’une énorme opération terroriste ne nous éclate pas à la gueule sans crier gare.
— Comment ?
— Harold avait un réseau là-bas. Il suffit de le réactiver...
Malko croisa le regard de « Wild Harry » qui, les mains croisées sur sa panse pleine de langouste, souriait aux anges, les yeux mi-clos. L’image même du bonheur.
— Mark, remarqua Malko sans élever la voix, il me semble qu’il y a à cette table quelqu’un de particulièrement qualifié pour cette tâche...
Harold Chestnut leva l’index droit, sans abandonner son sourire angélique.
— Erreur, je ne suis plus dans le coup... Malko se tourna vers Mark Roll.
— Je pensais que Harold avait repris du service...
— Comme « consultant », précisa suavement Harold Chestnut. Uniquement comme consultant. Désormais, je me consacre, avec ma copine, à la culture des roses. Nous fournissons d’ailleurs l’ambassade américaine.
— Des roses ? fit Malko, suffoqué.
— Eh oui ! Le Kenya est un gros exportateur de fleurs. J’ai ramené de Somalie Hawo, qui était mon interprète. Nous avons décidé de créer une petite affaire d’exportation qui ne marche pas mal. Elle va d’ailleurs nous rejoindre. La voilà.
Malko tourna la tête vers l’entrée du restaurant et aperçut une longue jeune femme à la peau café au lait, le visage fin, les yeux étirés, moulée dans un tailleur-pantalon extrêmement sexy qui soulignait une chute de reins à mourir et une poitrine aiguë. « Wild Harry » était déjà debout. Il baisa la main de la nouvelle arrivante en s’inclinant profondément.
— Je vous présente Hawo. Sans elle, je serais enterré à Mogadiscio.
Malko baisa, à son tour, la main de la Somalienne et ils se rassirent.
— Quel rôle m’attribuez-vous exactement ? demanda Malko.
C’est Harold Chestnut qui répondit avec un sourire en coin.
— Un rôle de premier plan, mon cher, digne de votre expérience et de votre réputation. Reprendre le flambeau à Mogadiscio.
Malko se tourna vers Mark Roll.
— Vous avez dit qu’il était suicidaire d’aller là-bas.
— Exact, reconnut Harold Chestnut, mais vous ne serez pas seul.
— Ah bon ?
— Oui, je suis prêt à être votre « coach ». J’ai encore quelques amis somaliens qui ne demandent qu’à gagner des dollars. Notamment un type qui m’avait beaucoup aidé. Ahmed Mohammed Omar. Un warlord. Désormais, c’est un honorable membre du Parlement somalien fantôme, mais il aime toujours autant le pognon... Grâce à lui, vous pouvez aller en Somalie et ne pas vous faire tuer dans les cinq minutes qui suivront votre arrivée. Apparemment, notre ami Mark a concocté un autre plan pour cela. Je n’y crois pas beaucoup, mais on peut toujours essayer... C’est lui le chef.
Satisfait, il commanda son quatrième Pimm’s.
Malko croisa le regard de Hawo qui s’était assise en face de lui. Elle souriait, avec visiblement un certain intérêt pour lui dans ses prunelles.
Pourtant, il se demanda s’il n’allait pas reprendre tout de suite l’avion.
On était en train de le transformer en kamikaze.