— Quelle aventure, Seigneur Jésus ! Quelle extraordinaire aventure ! s’exclame Félicie. Des nazis ! Après tout ce qu’on a vu pendant la guerre !
— Que veux-tu, M’man, le monde est ruisselant de connerie et de cruauté.
— Qu’en avez-vous fait, du faux Hitler ?
— On l’a ramené en France.
— Il est en prison ?
Je la rassure.
— Un farceur de cet âge et de cette envergure, ç’aurait été dommage…
— Et la jeune fille, cette demoiselle Rex qui vous l’a dénoncé ?
— Elle, on l’a laissée filer parce qu’elle était trop jeune pour la prison.
— Vous avez fort bien fait, Antoine.
Je rigole.
— Si tu avais vu la bobine du cousin Plantin quand on lui a appris que sa commune recelait les premiers éléments nazis français ! C’était Assombersaut et le directeur du journal d’Embourbe-le-Petit qui dirigeaient la section. Seulement Assombersaut n’était pas un pur, lui. Il voulait monnayer le secret. Les avertissements de ses supérieurs n’ayant pas suffi, on l’a liquidé, ainsi que sa rombière.
— Pourquoi l’a-t-on tuée dans la propriété de ce pauvre Évariste ?
— Ils lui ont dit que le maire voulait la voir d’urgence, pour la décider à les suivre et alors…
Un drôle de bruit m’interrompt. Ça vient de notre jardin.
— Mince, on dirait… fais-je à M’man.
Félicie a un sourire joyeux.
— En effet, mon Grand.
— T’as acheté tes poules pendant mon séjour en Angleterre ?
— Non, je n’ai acheté qu’un coq, Antoine. Un beau coq gaulois, mon chéri. Il chante toute la journée, si tu savais comme ce pauvre M. Langrené est content…
— Mais, et les œufs, M’man ? Tu disais…
La sainte femme hoche la tête :
— Oh, les œufs, tu sais, avec mon foie fragile…