CHAPITRE IX QUAND UN FLIC DEVIENT MOUTON

Tout se tient, Béru ; tout se tient ! dis-je en portant un toast muet à la vieille dame moisie.

L’importante impotente grimace dans son fauteuil. Son parchemin facial se craquelle un peu plus. Son menton pend comme la rallonge d’une table dont on a mal assuré la tirette. Une langue écumeuse coule sur ses lèvres décolorées. C’est une performance d’être gâteux à ce point !

— Qu’est-ce qui se tient ? grommèle le Lardé en rajustant la patte de sa bretelle à l’aide d’une épingle dite de sûreté (particulièrement indiquée pour soutenir un pantalon de flic).

Le sais-je vraiment, ce qui se tient ? Ou ne fais-je que le subodorer ? Moi, vous me connaissez ? Il m’arrive fréquemment de flairer les choses, de supposer leur agencement bien avant de comprendre à quoi il rime. Le mieux, pour que j’y voie clair, est d’expliquer au Dévoué ce que je n’ai pas encore bien saisi. Ainsi se constituent des vérités, mes fils. Car, la réalité, c’est souvent un rêve qu’on force à atterrir.

— Il y a dans ce bled une organisation dont les activités m’échappent. Elle a établi une filiale en France. Nous pouvons dire d’ores et déjà que, côté français, Moïse Assombersaut et sa dentiste en faisaient partie. Côté Britanoches, on peut inscrire sur nos tablettes la Veuve Frottfor, son valet de chambre, le dénommé Hébull-Degohom tueur de son état, le Juge, ainsi que le journaliste de l’auberge de La Licorne d’Abondance et de la Livre dévaluée.

— Pourquoi lui ? s’étonne le Copieux.

— Parce que, mon Biquet, c’est ce brave garçon qui a affranchi l’organisation à propos de notre débarquement. Nous nous sommes pointés à Swell-the-Children à l’instant précis où l’on venait de décider l’assassinat du lord-maire. Ces tristes « sirs » ont projeté de me neutraliser tout en me faisant porter le bitos, tu piges ?

Sa Rondeur évasive du chef.

— J’te dis pas ; mais c’est quand même osé de choisir un commissaire principal comme pigeon.

— Au moment du meurtre ils ignoraient mon job ; souviens-toi ! j’avais dit au zig de l’hôtel que j’étais journaliste à la feuille locale d’Embourbe-le-Petit.

— Exaquete ! approuve le Touffu-de-la-Coiffe.

— Ils ont dû avoir les jetons en découvrant ma véritable fonction par la suite. Mais il était trop tard ! il ne leur restait plus qu’à jouer le jeu jusqu’au bout en attendant de pouvoir m’effacer, chose qui devait s’opérer aujourd’hui. Tu me files toujours le dur ?

— Yes, sœur.

— Tu peux être certain que si leurs matuches me repiquent, ils ne me feront pas de cadeau : ce sera le défouraillage à bout portant car ils rêvent de me voir allongé sur le carreau de la morgue.

— C’est pas encore tout de suite, rassure le Terre-neuvas de la rousse ; faudrait qu’ils m’assaisonnassent préalablement.

Je lui donne une tape affectueuse sur la bajoue.

— Tu sais que ça doit remuer dans le secteur et que tu es d’ores et déjà suspecté de complicité. On découvrira que tu as loué une chignole et des gens l’auront vue se diriger par ici, car il y a toujours des dégourdis pour apercevoir ce qui devrait passer inaperçu.

Le Mastar s’octroie trente et une secondes de gamberge.

— J’ai prévu une planque pour toi dans la maison, déclare-t-il. Et une fameuse !

— Je t’écoute.

— Dans le plumard à Mémère. Elle glatouille tellement qu’elle sera bien incapable de te dénoncer.

Je mate la momie et un long frisson me parcourt l’échine à la perspective de partager, fût-ce pour mon salut, le pageot de cette honorable personne.

— Un peu fragile, ta cachette. Et puis tu oublie mon clodo. Il ne faut pas qu’on le repique non plus. Or on ne peut se mettre à bivouaquer à plusieurs sous l’édredon de Madame…

— Alors ? fait Glandouillard.

— Bouge pas, je me paie un bol de réflexions…

— Moi, je sais, déclare Marie-Marie qui, par extraordinaire, s’est fait oublier jusqu’à présent.

— Cause toujours, soupire le Gros.

— Je sais, répète-t-elle avec un sourire extatique.

Tonton Bérurier se fâche :

— Ben, dégoise, quoi, au lieu de nous émotionner les trompes d’Eustache.

— Oh, dis, parle-moi pas sur ce ton, m’n’onc’, s’emporte la môme. T’as intérêt à la mettre en veilleuse si tu veux pas que je raconte certaines choses à tatan Berthe quand c’est qu’on rentrera à tome.

Faut admirer le blêmissage du Gros. Il a la trogne zébrée de blanc et de jaune, comme un citron mal pelé.

— T’y raconterais quoi, hé, Pimbêche ?

— Comment t’est-ce tu comportes avec les dames sitôt qu’elle a tourné le dos.

— Et comment je comporte, miss Peau-d’hareng ?

— Oh, dis, faut que j’te rafraîchis la mémoire, tonton ? La cousine Plantin, ça te rappelle rien ? Et l’horrible grosse vache d’ici dont à laquelle tu fais pousser des clameurs que j’en ai du mal à m’endormir. J’suis sûre que ça l’intéresserait, tant’ Berthe, ce mic-mac.

Le Bouffi en grelotte de rage. Il lève une main plus épaisse qu’une porte de réfrigérateur sur sa nièce.

— Tu ferais ça, dis, punaise !

Elle ne cille pas et le brave avec le sourire funeste des délateurs.

— Touche-moi seulement et tu verras bien, m’n’onc’.

Vaincu, Tonton Béru donne libre cours à son impuissance.

— Le jour que j’ai recueilli c’te mauviette, j’eusse mieux fait de m’engager dans les troupes Vieille-Cong, déclare-t-il. Peau de sauss était sa grand-mère, peau de sauss elle est aussi.

Je me permets d’interrompre cette scène familiale.

— Allons, Marie-Marie, raconte-nous ton idée. Il a raison, ton tonton : on n’est pas ici pour jouer aux devinettes.

Elle devient grave, balance un instant et déclare en s’approchant de moi.

— Je te le dis rien qu’à toi, à l’oreille, ce gros sac à nouilles a pas besoin de savoir.

Elle me chuchote le texte ci-dessous :

— Y a qu’une route pour viendre ici. Donc on n’a qu’à faire le pet. Sitôt qu’on apercevra du vilain, toi et le vieux crado, vous vous mettez une peau de mouton sur le dos, y’en a plein dans la remise. Même que vous pourriez tout de suite vous en attacher une pour être paré. Si les roycos se pointent, vous foncez dans le petit enclos de derrière, là où ce que se trouve le troupeau. Je te parie de calcif à m’n’onc’ qu’une fois à quatre pattes au milieu des brebis c’est tintin pour vous voir.

— Quelle connerie et raconte ? s’inquiète le pauvre tuteur.

— C’est pas une connerie, Gros. Tu sais qu’elle a du chou, ta nièce ?

Le Majestueux pousse un sourire qui enrhume la centenaire.

— Mam’zelle Lagrinche, déclare-t-il, ce qui lui manque, c’est pas l’intelligence, mais le savoir-vivre. Elle respecte rien. À force d’être si nique, la jeunesse commence à donner de la bande, San-A. Les mouflets voudront une pension avant d’avoir commencé à bosser.

— Montre un peu tes peaux de mouton, Marie-Marie.


Dans la brumasse du soir qui tombe, les feux de plusieurs voitures ballottent sur le sentier orniéreux.

— Acré ! lance Béru, dont c’est le tour de quart (à ne pas confondre avec le quart de tour !).

Je secoue Sam Gratt qui somnole sur une chaise devant un verre de bière vide.

— Grouillez-vous, Pépère, v’là les archers de la reine !

— Que Dieu la protège ! déclare solennellement le pochard.

— Et nous avec, par la même occasion, amen ! terminé-je.

Suivant les conseils de Marie-Marie, nous nous sommes collés l’un et l’autre une peau de mouton sur le dos, les pattes étant fixées à chacun de nos membres. La gosse nous drive vers l’enclos où une vingtaine de bêtes bêlent mornement à la nuit. Elles se précipitent sur nous, espérant qu’on leur apporte de la tortore. Rapidos on se met à quatre pattes, le Vieux et moi.

Comprenant que nous leur avons donné un faux espoir, les moutons retombent dans leur torpeur chevrotante. Ils nous acceptent sans difficulté. Reste plus qu’à attendre la suite des événements, mon colonel. Des éclats de voix me parviennent, ponctués de claquement de portes. Au bout d’un quart d’heure, des torches électriques sortent de la maison et commencent à zigzaguer dans les pourtours. L’une d’elle se dirige vers nous. Son faisceau se promène sur le troupeau. Il va, vient, s’éloigne pour plonger à nouveau dans notre direction. Un instant je crois qu’on nous a repérés car la lumière reste fixée sur nous. Et puis elle nous abandonne définitivement. Le moutonnement des moutons nous a sans doute sauvé la mise.

Des appels gutturaux retentissent. Durant plus d’une heure la sarabande des torches se propage dans la campagne. Enfin le rassemblement s’effectue. Une période de silence succède aux battues. À nouveau des portières claquent, des moteurs ronflent, La caravane d’autos s’éloigne.

— Ohé, fiston, fait Sam Gratt, vous n’avez pas des crampes, vous ?

— Taisez-vous ! intimé-je sourdement, ils ont peut-être laissé une permanence…

Un nouveau quart de plombe passe. L’odeur de suint des moutons commence à me filer mal au crâne. M’est avis que la nuit nous a beaucoup aidés à tromper les roussins…

— San-Tonio ! Vous pouvez radiner !

La gentille voix de Miss Tresse éclate à nos oreilles, plus mélodieuse que toutes les trompettes des archanges.

— Allons-y, mister Sam ! dis-je à mon compagnon de misère.

Nous nous relevons en geignant.

— Par tous les démons de l’enfer, mes os craquent comme la mâture d’un vieux rafiot ! déclare le chemineau.

Nous claudiquons jusqu’à la maison.

J’y trouve une Marie-Marie aux yeux pleins de larmes.

— Qu’est-ce que tu as, mon chou ?

— Ils ont embarqué m’n’onc’, me dit-elle. Ah ! les vaches, si tu les aurais vu, San-Tonio : des brutes ! Plus ils trouvaient rien, plus ils mécontentaient. Ils ont relevé les empreintes de l’auto…

— Malédiction, fais-je !

— … reusement, je les avais essuyées avant qu’ils arrivent ! continue la gamine.

Je la stoppe.

— Tu as pensé à ça, toi ?

— Ben ouais.

— Toute seule ?

— Tu te figures pas que c’est ma pauvre gonfle de tonton qu’aurait z’eu c’t’idée.

Elle secoue la tête.

— Y’en avait qu’un qui causait français. Pas très bien d’ailleurs. Il faisait que dire à m’n’onc’ que son tailleur était riche, et il répétait en gueulant comme un centaure ! « Voulez-vous coucher avec moi ce soir, mademoiselle, je ne connais pas Paris. C’est un très jolie ville. J’aime très beaucoup la tour Eiffel. » Complètement déplafonné, ce gus, ou alors il voulait faire croire aux autres qu’il parlait not’ langue. ».

— Et ensuite ?

— Ben, t’as vu, ils ont dragué partout dans la maison et à l’estérieur, sans rien trouver. À la fin, ils ont ordonné à m’n’onc de les suivre.

— Ils lui ont mis les menottes ?

— Non.

Je réfléchis.

— Ils l’ont emmené pour enregistrer sa déposition.

— Tu crois ?

— Probablement. On ne peut rien prouver contre lui, mens-je. Mais je me dis in petto que si les poulardins sont venus ici, c’est parce qu’ils savent que je me suis servi de l’auto louée par Béru.

Une nouvelle lueur zigzague dans le sentier.

— Vingt-deux, les revoilà ! m’exclamé-je.

La gamine file sa pipe à l’extérieur.

— Non, ça c’est Honnissoy qui rentre de son travail à vélomoteur.

Tiens, voilà qui m’intéresse. Car, tandis que je bêlais parmi les ovidés j’ai préparé un petit plan d’action, le rôle de fugitif ne me seyant pas mieux que celui de prisonnier.

San-A., mes polissonnes, c’est avant tout un baroudeur.

Alors il va barouder.


Aimable jeune fille au demeurant que cette miss Honnissoy. Un peu copieuse, convenons-en, puisqu’aussi bien on pourrait confectionner trois personnes normales en taillant dans son académie. Sur son vélomoteur, elle ressemble quelque peu à un hippopotame femelle déguisé en girouette ; pourtant on voit au rayonnement de ses bajoues, à l’éclat de ses grands yeux glauques, à la violette peinte sur sa bouche en forme d’anus que l’amour vient de labourer ses sens. Regardons la réalité en face (ce qui n’est guère difficile en l’occurrence, la jouvencelle faisant cent soixante de large) : Bérurier, l’intrépide, l’a révélée. Avant la venue du glorieux, elle végétait dans ses ternes besognes subalternes, ne connaissant en fait d’évasion que l’harmonium de m’sieur le pasteur. Entre sa vieille maman en mal de caveau et les armures de l’hostellerie de « la Licorne d’abondance et de la livre dévaluée », Honnissoy menait une vie végétative, une vie embryonnaire, une vie d’infusoire.

Désormais, grâce à Dieu (et un petit peu à Alexandre-Benoît) la chère fille connaît l’extase et ses limites. Elle a percé le grand mystère animal. Elle est initiée à la sublimation des instincts. Le Gravos a fécondé un être nouveau dont l’épanouissement appartient aux phénomènes de la nature. Il a su trouver dans ces dédales de viandasse la corde du trou du luth et percuter de son marteau magique les délicates plaques du vibraphone secret. Qu’il en soit remercié, le chérubin rose. Sa hardiesse, ses efforts et sa technique ont porté leur fruit. Dorénavant, la gente Honnissoy n’est pucelle que vous croyez. Elle se désempale du vélomoteur et s’avance vers le seuil de l’ancestrale demeure. Marie-Marie se jette dans ses bras pour la bisouille d’accueil.

— Où qu’est mon Jules ? demande la femme de chambre (et particulièrement de celle de Gros).

Car, depuis quarante-huit plombes, elle s’est mise au français de bas en haut et sous la braguette de Béru a fait, du nord au sud de sa personne, des progrès spectaculaires.

— Les matuches viennent de l’alpaguer ! soupire ma minuscule collaboratrice.

— Ah ! les tantes ! fait Honnissoy.

Elle m’avise et ses grosses joues montgolfieuses tremblotent d’émotion.

— Ça y est, vous avez pu décambuter, Mec ? me demande-t-elle.

— Vous parlez donc français ! m’ébahis-je.

— Je avais studié juste un petit vers l’école laborieuse-t-elle, car, sortie du français béruréen, elle estropie le français académique. Il est Alexandre-Binoite de m’apprendre. Alors commako, ces carnes l’ont emballé ?

— Pas pour longtemps, j’espère… On ne peut l’accuser que de complicité d’évasion, et encore faudra-t-il qu’on le prouve. Ne vous tracassez pas pour Béru, il est malin.

— Ce est un homme très beaucoup intelligent, s’extasie Honnissoy. Il a pas de la mortadelle dans le caberlot, Cézigue-pâteux !

Un chant altier retentit. On s’effare, on s’affaire. Renseignement pris, il s’agit du vieux Sam qui vient de lamper une boutanche de scotch, histoire de se remettre de ses émotions. Vu son état de faiblesse, les effets de l’alcool ont été immédiats et il est blindé comme un porte-avions. Il brame à tue-tête le fameux air de la garde écossaise intitulée : « Du vent dans les jupes » et dont je vous donne hâtivement la traduction :

Si j’l’avais pas vu

J’l’aurais pas cru

Que la Margaret avait du poil occulte.

Je ne vous reproduis pas toute la chanson, car mon éditeur m’accuserait de faire du remplissage.

J’explique à la brave servante les circonstances de mon évasion. Mais elle ne paraît pas émue le moins du monde par la présence chez elle de Sam Gratt.

Elle le connaît bien. C’est un vieux gredin qui passe le plus clair de son temps en prison.

— Quoi est-ce votre projet ? questionne-t-elle.

Je mets la main sur l’un de ses jambons supérieurs. Ma dextre s’y enfonce mollement comme une jatte de crème fraîche.

— Chère miss Honnissoy, attaqué-je, je sais que vous avez fait beaucoup pour nous, sans crainte de vous compromettre…

Elle batifole des ramasse-miettes !

— Il est votre ami faire merveilleusement beaucoup à moi aussi, dit-elle pudiquement.

Son émotion lui suinte du glandulaire.

— Vraiment, c’était bien ? m’intéressé-je.

— Formide ! répond-elle chastement. Tu parles d’un composteur, mon neveu ! Y pleure pas le coup de reins, ton pote. Oh ! c’numéro de clarinette, ma douleur ! Un vrai intrépide de sommier il est, Julot.

Marie-Marie juge opportun d’intervenir :

— Faites vos besoins devant moi du temps que vous y êtes ! s’emporte miss Tresses. Sans charre, j’sus mineure, quoi, merde ! Ah ! ce qui sont dégueu, les adultes. Quand j’entends ces converses, je voudrais me fout’ un bloc de pierre sur la tronche pour m’empêcher de grandir !

— Ben quoi, écrase, môme, j’avais pas maté que t’étais à promiscuité ! s’excuse Honnissoy.

Elle se racle la gargante :

— Vous étiez de causer à moi ? me dit-elle.

— Je vais avoir besoin de votre collaboration pleine et massive comme un ouihadegol[18], dis-je solennellement.

On ne peut rien entreprendre de valable sans un brin de solennité au départ et à l’arrivée. Tenez, si notre président ne commençait pas ses discours par Françaises, Français, je vous parierais son prochain septennat contre ma vie éternelle qu’il n’aurait pas une écoute aussi assidue. De même, on ne jouerait pas la Marseillaise à la fin, quatre-vingts pour cent des conospectateurs ne s’apercevraient pas que la locution est terminée.

Non, croyez-moi ! la solennité c’est la gelée brillante qui nappe la terrine pour la rendre plus appétissante, car les hommes aiment mieux absorber ce qui est joli plutôt que ce qui est bon !

— Je suis pour votre disposition, m’assure la douce damoiselle.

— Merci, Bérurier vous rendra au centuple ce que vous ferez pour moi.

— Oh. je sais !

— Cause-z’y plus de tonton, sinon on va tomber en digue-digue, siffle la féline Marie-Marie.

— Honnissoy, vous connaissez très bien le dénommé Rot Harryclube, journaliste de son état, qui habite l’hôtel ?

— Bien sûr.

— Est-il ici, présentement ?

— Je l’ai vu tout à l’heure, en compagnie du juge Stance Assofy.

— Parfait, il faudrait que j’aie une conversation avec cet aimable jeune homme, de toute urgence, aussi compté-je sur vous pour me ménager un rendez-vous. Il y a le téléphone au village, je pense ?

— Oui, à l’auberge.

— Foncez-y, ma jolie. Appelez Harryclube et annoncez-lui que vous avez une information de la plus haute importance à lui communiquer à mon sujet. Dites-lui de venir tout de suite et recommandez-lui de venir seul. Je compte sur votre diplomatie féminine.

Elle me virgule une bouffissure en forme de sourire, remonte l’oreiller de la centenaire et ré-acalifourchonne son vélopéteur.


— Alors, Honnissoy ?

De la buée lui sort encore des naseaux. Faut dire que la nuit est fraîche. La dévouée jeune fille sent la graisse humide. Elle pose sa petite veste à col de lapin anémié et se laisse tomber sur une chaise. Son fantastique postère déborde du siège et festonne sur les pieds de celui-ci.

— Il arrive.

— Comment a-t-il réagi ?

Elle hoche le potiron.

— Il ne pas être seul, il dit qu’il est venant.

— Il a paru intéressé ?

— Très beaucoup. Tout de suite.

— Parfait. Lorsqu’il arrivera vous le conduire ? ; dans une chambre du premier étage où je me trouverai déjà. Soyez désinvolte. Ayez l’air de vouloir vous isoler pour que madame votre mère et la petite n’entendent pas la conversation. Vous voyez ?

I see.

Je soulève le vieux Sam qui ronfle.

— Quant à lui, nous allons le boucler provisoirement dans la pièce voisine pour qu’il cuve en paix.

Deux minutes trente plus tard, une paire de phares irise la buée de la fenêtre.

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