Chapitre XII

— On danse ?

Rugi ne tenait plus en place. Les énormes haut-parleurs crachaient du Kassav qui balançait vraiment et la jeune Africaine ondulait au fond de son fauteuil comme un cobra heureux, le regard allumé. Malko la précéda sur l’immense piste vide du Moonraker, la disco du casino Bitumani, qui l’avait surpris par son luxe. On ne se serait pas cru dans l’un des pays les plus pauvres du monde, mais plutôt en Europe, avec une décoration 1930, des sièges mœlleux, des éclairages sophistiqués et un disk-jockey qui dansait sur place dans son podium dominant l’ensemble.

À peine sur la piste, Rugi se frotta sans pudeur contre Malko, avec une telle maestria qu’elle lui imposa son rythme. Ses hanches rondes semblaient montées sur roulements à billes. Les rares clients de la disco se mirent à moudre de mauvaises pensées, fascinés par cette croupe qui se balançait à quelques mètres d’eux, provocante et somptueuse.

Malko ne tarda pas à ressentir les effets de cette sensualité naturelle. Instinctivement, son bras se referma autour de la taille de Rugi. La jeune Noire ne ralentit pas son balancement, se frottant sans pudeur à Malko.

— J’adore cette musique ! murmura-t-elle.

Leurs regards se croisèrent et il se dit qu’elle serait à lui avant la fin de la nuit. Puis, elle s’écarta un peu, comme pour se donner encore mieux en spectacle. Le ventre virevoltait, se creusait, s’offrait à la façon d’une danseuse orientale, mais sur un rythme plus sensuel, plus languissant. Deux autres couples les avaient rejoints, sur la piste, mais, à côté de Rugi, leurs évolutions semblaient maladroites et pataudes. Rugi sembla enfin s’apercevoir de l’effet qu’elle faisait à Malko. Fugitivement, elle appuya son ventre contre son sexe tendu.

— Vous n’êtes pas sage ! reprocha-t-elle.

Depuis une heure, Malko se détendait. Ils avaient dîné au Lagonda, le restaurant du Bitumani, cher et mal. Rugi avait fait succéder le Cointreau au vin blanc tiède. Malko avait forcé sur le café très sucré, en prévision d’une nuit agitée. Débarrassée de l’hypothèque Bambé, Rugi avait redéployé tous ses charmes. En dépit de sa complicité amoureuse avec Rugi, Malko ne cessait de penser à Bambé. Si sa manipulation échouait, il ne lui restait plus grand-chose à tenter. Même si elle réussissait, il avait en face de lui une montagne de difficultés. Rugi semblait bien loin de tout cela.

La musique s’arrêta et ils regagnèrent leur table, tout au fond, près des fenêtres donnant sur la baie. Rugi but un peu de Cointreau, suçant ensuite les petits cubes de glace, puis se tourna vers Malko.

— Que voulez-vous vraiment faire avec Hussein Forugi ?

La question directe le ramena sur terre.

— Je vous l’ai dit. Le faire parler.

— Il ne parlera pas, dit-elle. Vous le savez bien.

Elle fixait Malko avec insistance.

— Vous allez le tuer, n’est-ce pas ? lâcha-t-elle d’une voix calme.

— Je ne suis pas un assassin, protesta-t-il. J’ai seulement besoin d’obtenir une information sur une opération terroriste. Pas la peine de le tuer pour cela.

— Il voudra se venger.

— Je ne serai plus là. Et nous aurons mis Bambé en sûreté.

Rugi ne répondit pas.

La musique reprenant, elle abandonna brutalement le sujet, ondulant à nouveau sur son fauteuil.

Et tout à coup, la lumière s’éteignit.

Malko tâta machinalement la sacoche de cuir contenant le Colt 45 posée à côté de lui. Il entendit le rire de Rugi dans la pénombre.

— C’est une panne ! Ils vont mettre le générateur en route.

Le silence fut troublé par quelques interpellations, puis la musique reprit, nettement moins bonne. Un transistor mis en œuvre en toute hâte. Quelques bougies apparurent çà et là, diffusant une faible clarté. La discothèque étant pratiquement vide, cela n’avait guère d’importance. En tendant son verre de Cointreau à Rugi, Malko effleura involontairement sa poitrine. Elle eut un petit sursaut, posa le verre et se pencha sur lui, écrasant sa bouche contre la sienne, dardant une langue aigué et agile comme un petit serpent au goût de Cointreau. Sa main se posa sur le sexe encore gonflé de Malko. Trente secondes plus tard, ils étaient emmêlés comme deux boas constrictors en folie. Rugi se tordait au moindre contact, électrisée. Quand Malko glissa une main sous son pull, taquinant la pointe d’un sein, elle lui mordit la lèvre. Elle continuait à le malaxer fébrilement. Profitant de l’obscurité, elle fit glisser son zip et l’emprisonna entre ses doigts.

Il voulut lui rendre la pareille, mais se heurta au pantalon si étroitement serré qu’il dessinait la forme de son sexe. Lorsqu’il se mit à masser le point le plus sensible, Rugi sursauta et murmura d’une voix humide à son oreille :

— Arrête, tu vas me faire hurler !

Au moins, une Africaine qui n’avait pas été excisée…

Elle le masturbait à grands coups de poignet. Au risque de commettre l’irréparable. Malko mourait d’envie de goûter à sa bouche. Doucement, il inclina son visage vers lui.

Rugi se prêta d’abord à son caprice. Avec délices, il sentit sa bouche chaude se refermer sur lui, l’engloutissant d’un coup jusqu’à la luette. Mais elle se redressa aussitôt.

— Ce n’est pas bien de faire ça…

Ils se remirent à flirter. Malko fut obligé d’écarter les doigts qui l’agaçaient, car Rugi s’était mise en tête de le faire jouir…

— Partons, proposa-t-il. La lumière ne revient pas.

— Je voudrais encore danser, objecta Rugi. Nous avons toute la nuit.

La lumière et la musique revinrent d’un coup. Rugi avait l’air d’une folle, les yeux allumés, les lèvres gonflées. Malko se rajusta. Son regard balaya la piste et il aperçut deux hommes qui ne se trouvaient pas là avant la panne.

L’un était Eya Karemba, l’autre le policier en saharienne marron déjà repéré par Malko.


* * *

Rugi ne semblait pas avoir remarqué les deux policiers du CID. Replongée dans son rêve musical. Malko se pencha sur elle.

— Vous avez vu ces deux hommes. Là, au bord de la piste.

Elle tourna la tête dans la direction indiquée. Indifférente.

— Oui. Ce sont des gens du CID.

— Qu’est-ce qu’ils font là ?

— Ils viennent souvent le soir. Pour se faire offrir un verre ou draguer une fille. Venez danser.

Ils se retrouvèrent sur la piste. Malko ne quittait pas les deux hommes des yeux, tout son désir évanoui. Cette panne prolongée lui semblait brutalement suspecte. Les deux policiers avaient quitté le bord de la piste pour s’installer à une table. Rejoints par une des putes du Casino.

Rugi profita d’un slow tropical pour s’incruster de nouveau contre Malko, sans un mot. Son mont de Vénus pressait impérieusement son ventre en une invite muette. En quelques instants, il fut de nouveau en ébullition. Un peu plus tard, quand il l’entraîna vers la sortie, laissant un Cointreau à moitié plein, elle ne résista pas. Il se retourna.

Eya Karemba et son compagnon étaient demeurés à leur table.

À peine dans la 505, Rugi s’enroula autour de lui. Ses mains étaient partout, avec une douceur et une habileté diaboliques. Malko faillit en rater le pont sur la lagune. La jeune Africaine l’avait pratiquement déshabillé lorsqu’ils tournèrent autour du grand Cotton-tree pour enfiler Kissy Road aux boutiques closes.

— Tu continues tout droit jusqu’à la station Esso, dit-elle.

Ils étaient presque sortis de la ville, suivant une courte autoroute allant vers le sud-est, le long de la Sierra Leone. Un kilomètre plus loin, Malko aperçut la station Esso et ralentit.

— À droite.

Il s’engagea dans un chemin défoncé, bordé de modestes bungalows au toit de tôle. Rugi le fit se garer en face d’un jardinet. Un veilleur de nuit somnolait, assis par terre, un énorme gourdin sur les genoux. Ils pénétrèrent dans la maison et allèrent directement dans la chambre où un grand lit à même le sol tenait presque toute la place. Rugi enfonça une cassette dans une chaîne hi-fi Akaï et la musique de Toure Kunda s’éleva dans la pièce.

D’un même élan, elle ôta son pull, son pantalon et ses chaussures, ne gardant qu’un triangle de nylon. Face à Malko, elle commença à onduler dans une danse furieusement sensuelle.

— Déshabille-toi, dit-elle.

À peine fut-il nu qu’elle se frotta contre l’érection de Malko.

Il n’attendit pas la fin du disque, la repoussant sur le lit où elle tomba les jambes en équerre, dressées vers le plafond. Il s’enfonça dans un vrai pot de miel, d’un seul coup. Rugi se cambra en arc-de-cercle sous lui et jouit avec un long feulement qui se transforma en une sorte de toux. Puis elle retomba, avec un sourire ravi.

— Ah, ce que j’avais envie de toi ! soupira-t-elle.

— Je croyais que les Africaines préféraient les Noirs, remarqua-t-il.

Elle l’embrassa.

— Ils n’ont pas des yeux comme les tiens. Quand je les ai vus, je ne pouvais pas cesser de les fixer. J’étais fascinée. Je m’étais juré de t’avoir dans mon ventre.

Tout en parlant, elle le caressait doucement. Malko oublia provisoirement ses soucis. Il avait l’impression d’être au fond de l’Afrique avec une créature primitive… Rugi ne quittait pas son sexe des yeux, comme si elle guettait ses progrès. Bientôt, il eut retrouvé toute sa raideur. Elle s’agenouilla. Malko s’attendait à ce qu’elle le prenne dans sa bouche, mais elle étendit le bras, vers une étagère au-dessus de son lit et ramena un objet oblong et noir.

Un superbe olisbos en ébène, poli par l’usage. Les yeux de Rugi étincelaient…

— Tu ne m’en veux pas ? demanda-t-elle. Je l’aime, c’est mon amant le plus fidèle… Je voudrais que tu te caresses.

Elle-même noua les doigts de Malko autour de la colonne de chair. Puis, le regard fixe, elle enfonça avec lenteur l’énorme olisbos entre ses cuisses jusqu’à ce que seuls les testicules d’ébène émergent de son ventre. C’était hallucinant, elle semblait possédée, le regard flou, pourtant fixé sur Malko… Elle entreprit d’entrer et de sortir l’engin de son corps, avec douceur, de toute la longueur, dans un mouvement tournant qui frottait contre son clitoris.

C’était fascinant de voir ces vingt-cinq centimètres d’ébène disparaître dans le ventre de Rugi. Celle-ci arborait une sorte de grimace mécanique, crispée de plaisir et de douleur à la fois.

— Caresse-toi et regarde-moi ! ordonna-t-elle.

À la fois un ordre et une supplication. L’érotisme de son attitude poussait Malko à se dépasser. Rugi haletait. Ses gestes devenaient fébriles, l’olisbos entrait et sortait de son sexe comme un piston de locomotive. Malko put presque deviner à la seconde près quand elle allait jouir, à la dilatation de ses pupilles. Rugi poussa un feulement rauque, sa main resta crispée sur l’olisbos, le ventre secoué de frémissements. Au moment précis où la semence de Malko jaillissait.

Un voile passa sur ses yeux, elle se laissa glisser en arrière, comme morte, l’engin toujours enfoncé dans son ventre. Les pointes des seins tendues. Ce n’est que plusieurs minutes plus tard qu’elle se redressa, comme si elle émergeait d’un coma…

Lentement, elle arracha l’olisbos brillant de son ventre et le remit en place.

— Dans ma « Bondo Society[37] », dit-elle, il nous arrive de nous réunir et de nous faire jouir ainsi. C’est moi qui donne le signal. L’onde mentale est si forte que j’arrive à les faire jouir en même temps que moi…

Malko s’était remis à penser au lendemain. Vingt-quatre heures pour tout organiser. À condition que Bambé tienne sa promesse. Avec les Africains, on ne pouvait jamais prévoir. Ils avaient tous une double personnalité : un vernis civilisé et, profondément, les habitudes ancestrales où le temps ne comptait pas…

— Tu viendras demain avec moi chez Bambé ? demanda-t-il.

Rugi secoua la tête.

— Ce n’est pas utile. Elle t’obéira. Je lui ai donné des ordres.

— Des ordres ?

— Oui, elle fait partie de la même « Bondo Society » que moi, elle doit m’obéir. Sans cela, jamais elle n’aurait accepté de t’aider…

Malko allait la remercier lorsqu’il entendit une voiture s’arrêter devant la porte. Rugi écoutait aussi.

— Tu attends quelqu’un ? demanda Malko.

— Non, fit-elle. Ce n’est pas un voleur, en tout cas, ils n’ont pas de voiture. De toute façon, il y a le garde avec un bâton…

Un coup de feu l’interrompit. Elle se dressa avec un cri de terreur.

Malko, nu, bondissait déjà sur sa sacoche, en arrachant le Colt. Il y eut un bruit violent de bois brisé. On venait d’enfoncer la porte.

— Ne bouge pas, cria-t-il, repoussant Rugi dans un coin de la chambre.

L’arme braquée sur le couloir, il attendit quelques secondes, entendit le bruit d’une voiture qui redémarrait. Puis le silence retomba. Comme s’ils avaient rêvé. Il se sentait idiot avec son arme braquée sur du vide. La posant une seconde, il passa un pantalon tandis que Rugi se drapait dans un gara, muette de terreur.

Malko avança dans le couloir et aperçut dans l’encadrement de la porte la tache plus claire de la nuit. Toujours personne. Rugi abritée derrière lui, il progressa jusqu’à la porte du bungalow. Elle avait été ouverte d’un coup de pied, la serrure pendait, arrachée. Seul signe de violence… Il avança encore et regarda dehors. Pas de voiture, à part la sienne. Intacte. Derrière lui, Rugi appela :

— Sheka !

Pas de réponse. Malko distingua alors une silhouette allongée dans l’ombre, près de la maison.

Rugi rentra et revint avec une lampe électrique. Le faisceau éclaira le veilleur de nuit pauvrement vêtu qu’ils avaient aperçu en entrant. Son visage n’était plus qu’une masse sanglante. Il avait reçu un projectile de gros calibre en plein front qui lui avait fait exploser la tête. Il serrait encore, dans sa main droite, son énorme gourdin…

— Mon Dieu, on l’a tué ! gémit Rugi, c’était le gardien… Ce devaient être des voleurs.

— Pourquoi ont-ils battu en retraite ?

Colt au poing, Malko scrutait l’obscurité. Cette bizarre agression avait sûrement un but. Lequel ? Pas une lumière dans les bungalows voisins. Leurs occupants devaient se terrer, terrifiés.

Rugi fit demi-tour pour revenir dans la chambre. Elle s’immobilisa soudain avec un hurlement strident qui glaça le sang de Malko. Son regard suivit le faisceau de sa lampe.

La lumière éclairait un objet posé par terre dans le couloir qu’ils n’avaient pas remarqué dans leur précipitation. Comme un morceau de réglisse, long de quelques centimètres… Malko se pencha et voulut le ramasser. Rugi l’écarta avec un hurlement terrifié.

— N’y touche pas !

Ce n’était quand même pas une machine infernale ! Malko arrêta son geste, mais comprit soudain de quoi il s’agissait.

C’était un doigt humain, tranché net. En un éclair, la vision du cadavre d’Eddie Connolly lui revint en mémoire… Il lui manquait le petit doigt de la main droite… Rugi tremblait comme une feuille. Il dut la pousser pour qu’elle consente à rentrer, rasant le mur pour passer le plus loin possible du macabre débris… De retour dans la chambre, elle lui fit face.

Détruite. Son teint était gris, ses cheveux semblaient s’être aplatis. Sa bouche tremblait, ses prunelles étaient dilatées comme celles d’une droguée.

Malko voulut la prendre dans ses bras, mais elle fit un bond en arrière.

— Ne me touche pas.

— Pourquoi as-tu si peur ?

Elle secoua la tête, murée dans sa terreur.

— Tu ne peux pas comprendre, tu es un Blanc… C’est un signal de mort. Va-t’en. Quitte cette maison, je t’en prie. Tu me mets en danger…

Malko se rhabilla. Debout dans un coin, Rugi le fixait comme s’il était le diable. Tremblante, les yeux hors de la tête. Il remit son arme dans la sacoche et proposa :

— Ta porte a été forcée. Tu ne veux pas venir avec moi au Mammy Yoko ?

— Non, je ne crains rien… Va-t’en.

Ils se toisèrent quelques instants. C’était fou, irrationnel. On ne voyait plus que le blanc des yeux de Rugi. Même son orgueilleuse poitrine semblait s’être affaissée. Ses lèvres bougeaient sans qu’aucun son ne sorte de ses lèvres. Elle avait la chair de poule en dépit de la chaleur humide qui régnait dans son bungalow non climatisé.

— Tu veux que je l’enlève ? demanda-t-il.

— Non ! N’y touche pas. Va-t’en.

Il traversa le couloir, évitant le doigt du mort, gagna sa voiture. Ce n’est que sur l’autoroute qu’il réalisa vraiment la terreur de Rugi et ce qu’il risquait. Ceux qui étaient venus avaient tué un homme juste pour déposer ce sinistre avertissement. Il scruta l’autoroute déserte à perte de vue.

Endroit rêvé pour une embuscade… Il posa le Colt à côté de lui sur le siège, verrouilla les portières. Dieu merci, il n’y avait pas de feux rouges. Il dévala Kissy Road à tombeau ouvert, puis Siaka Stevens Street, sans voir âme qui vive, piéton ou véhicule. Sa tension ne se relâcha qu’en entrant dans le parking du Mammy Yoko, dont le hall lui parut particulièrement accueillant.

Il mit la chaîne à sa porte et posa le Colt sur le lit jumeau. Encore choqué par ce qui s’était passé chez Rugi. Qu’allait-il arriver ensuite ?


* * *

Malko s’arrêta devant le bungalow de Rugi. De jour, il avait l’air encore plus minable. Il avait vainement attendu des nouvelles d’elle et s’était décidé à lui rendre visite, traversant toute la ville. Kissy Street grouillait d’animation, des chariots partout, des dizaines de marchands à même le trottoir, et ensuite l’autoroute encombrée de poda-poda, de bus et de camions surchargés.

Il traversa le jardin du bungalow. La porte était toujours défoncée. Dans le couloir, le doigt avait disparu. Il ressortit et vit un jeune Noir se balançant dans le rocking-chair, devant le bungalow voisin.

— Miss Rugi ? demanda Malko.

Gone, not here, fit le Noir.

Where ?

L’autre eut un geste vague, et retomba dans sa léthargie. Malko repartit vers le centre. Sans illusion.

Il fila à l’ambassade US et monta chez Jim Dexter qui écouta son récit avec attention.

— Ces types sont malins, dit-il. Une fille moderne comme Rugi est restée très plongée dans les superstitions, surtout à cause de son rôle dans les « Bondo society ». Le doigt coupé, cela signifie qu’un mort vous réclame… Non seulement vous allez mourir, mais votre âme ne trouvera pas le repos… Ces salopards font feu de tout bois. Mais ce ne sont pas les Iraniens qui ont trouvé cela…

— Où est-elle à votre avis ?

— Elle a dû aller consulter un sorcier dans son village pour qu’il entreprenne les cérémonies destinées à calmer l’âme du mort. Cela peut prendre trois jours ou trois semaines. Ne comptez plus sur elle… C’est quelque chose qu’on ne peut vaincre. En Afrique, chaque fois qu’on oublie la tradition, on se plante…

Il restait une question essentielle pour Malko. Bambé allait-elle remplir son contrat ? Rugi avait-elle eu le temps de la prévenir avant de partir ? Ses adversaires ne l’avaient-ils pas intimidée, elle aussi ?

Dans quelques heures, il allait être fixé.

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