11

Erlendur approcha la voiture de la petite maison peinte en blanc recouverte de tôle ondulée et éteignit le moteur. Il resta assis dans le véhicule et termina sa cigarette. Il essayait de ralentir un peu sa consommation et parvenait à descendre à cinq par jour quand les choses se passaient bien. Celle-là portait le numéro huit de cette journée et il n’était pas encore trois heures.

Il sortit de la voiture, gravit les marches menant à la maison et appuya sur la sonnette. Il attendit un certain temps mais rien ne se produisit. Il sonna à nouveau mais il n’y eut aucun résultat. Il se colla à la fenêtre et vit le manteau vert, le parapluie et les bottines. Il sonna pour la troisième fois, blotti sur le pas de la porte en essayant de se protéger de la pluie. Tout à coup, la porte s’ouvrit et Elin le dévisagea.

– Laissez-moi tranquille ! Allez-vous-en ! Du balai !

Elle s’apprêtait à claquer la porte mais Erlendur la bloqua avec son pied.

– Nous ne sommes pas tous comme Runar, dit-il. Je sais que votre sœur a été traitée de façon injuste. Je suis allé parler avec Runar. Ce qu’il a fait est inexcusable mais on ne peut plus rien y changer maintenant. C’est un pauvre vieillard qui ne comprendra jamais en quoi ce qu’il a fait était mal.

– Voulez-vous me laisser tranquille !

– Il faut que je vous parle. Si je ne peux pas le faire de cette façon, alors je devrai vous faire amener au commissariat pour interrogatoire. Je souhaite éviter d’en arriver là. (Il sortit la photo prise dans le cimetière de la poche de son imperméable et l’introduisit dans l’entrebâillement de la porte.) J’ai trouvé cette photo chez Holberg, précisa-t-il.

Elin ne lui répondit pas. Un long moment s’écoula. Erlendur tenait la photo dans l’entrebâillement, mais ne voyait pas Elin qui continuait à appuyer sur la porte. Petit à petit, il sentit que l’étau qui lui enserrait le pied se relâchait et Elin attrapa la photo. Bientôt, la porte fut grande ouverte. La femme rentra dans la maison en tenant la photo à la main. Erlendur entra et referma doucement derrière lui.

Elin disparut à l’intérieur d’un petit salon et, pendant un instant, Erlendur se demanda s’il devait enlever ses chaussures toutes trempées. Il s’essuya précautionneusement les pieds sur le paillasson, passa devant une petite cuisine proprette et un bureau et rejoignit Elin dans le petit salon. Des tableaux, des broderies dans des cadres dorés étaient accrochés aux murs de la pièce et un petit orgue électrique se tenait dans un coin.

– Cette photo vous dit quelque chose ? demanda-t-il.

– Non, je ne l’ai jamais vue, répondit-elle.

– Votre sœur a-t-elle été en contact avec Holberg après… l’événement ?

– Pour autant que je sache, elle ne l’a jamais été. Jamais. Vous vous imaginez bien.

– Il n’y a pas eu d’analyses de sang pour découvrir s’il était bien le père ?

– Dans quel but ?

– Cela aurait corroboré le témoignage de votre sœur. Et prouvé qu’il s’agissait d’un viol.

Elle leva les yeux de la photo, le dévisagea un bon moment avant de dire :

– Vous êtes bien tous les mêmes, vous, les flics. Vous n’avez pas le courage de faire votre boulot.

– Comment ça ?

– Vous n’avez pas lu le dossier, n’est-ce pas ?

– Dans les grandes lignes, si. Je crois.

– Holberg n’a pas nié le fait qu’ils aient eu des rapports sexuels. Il était plus malin que ça. Il a contesté le fait qu’il y ait eu viol. Il a affirmé que ma sœur était consentante. Il a déclaré qu’elle l’avait excité et invité chez elle. C’était son argument principal. Que Kolbrun avait eu des rapports avec lui de son plein gré. Il faisait l’innocent. Il jouait l’innocent, cette ordure.

– Mais…

– La seule chose que ma sœur avait en sa possession était sa petite culotte, continua Elin. Elle ne portait que peu de traces physiques de l’agression. Elle n’était pas forte et n’avait pas été capable d’opposer beaucoup de résistance. Elle m’a confié qu’elle était presque paralysée de peur quand il s’est mis à la tripoter dans la cuisine. Il l’a forcée à le suivre dans la chambre à coucher et c’est là qu’il a fait ce qu’il voulait faire. Par deux fois. Il l’a maintenue en dessous de lui et est resté collé à elle jusqu’à ce qu’il soit en mesure de recommencer. Il lui a fallu trois jours pour rassembler son courage et se rendre à la police mais l’examen médical qu’elle a subi à ce moment-là n’a servi à rien. Elle n’a jamais compris pourquoi il s’était attaqué à elle. Elle se reprochait de l’avoir incité à faire ce qu’il avait fait. Elle se disait qu’elle l’avait peut-être même encouragé dans ce sens au moment où ils s’étaient retrouvés après la fermeture du bal. Qu’elle avait dit quelque chose ou fait des allusions qui avaient éveillé son désir. Elle s’accusait elle-même. J’imagine que ce sont des réactions fréquentes.

Elin se tut un instant.

– Quand elle s’est enfin décidée, elle est tombée sur Runar. J’y serais bien allée avec elle, mais elle ressentait une telle honte qu’elle ne m’a raconté ce qui s’était passé que bien longtemps après. Holberg l’avait menacée. Il lui avait dit que si elle faisait quoi que ce soit, il reviendrait pour lui faire du mal. Lorsqu’elle s’est adressée à la police, elle croyait qu’on la protégerait. Qu’elle serait sauvée. Qu’ils s’occuperaient d’elle. Ce n’est qu’après que Runar l’eut renvoyée chez elle, après s’être moqué d’elle, lui avoir pris sa petite culotte et dit d’oublier toute cette histoire qu’elle s’est confiée à moi.

– La petite culotte n’a jamais été retrouvée, dit Erlendur. Runar a nié…

– Kolbrun affirmait la lui avoir remise et ma sœur ne mentait jamais, pour autant que je sache. Je ne sais pas ce qui protégeait cet homme. Je le vois parfois se promener ici, dans le village, au supermarché ou à la poissonnerie. Une fois, je lui ai hurlé dessus. Je n’arrivais pas à me contrôler. J’avais l’impression qu’il y prenait du plaisir. Que ça le faisait sourire. Kolbrun m’avait parlé de ce sourire moqueur sur son visage. Il a déclaré ne jamais avoir eu entre les mains la moindre petite culotte et que le témoignage de Kolbrun était si embrouillé qu’il l’avait crue sous l’emprise de l’alcool. Voilà la raison pour laquelle il l’avait renvoyée chez elle.

– Il a fini par avoir un blâme, commenta Erlendur, mais cela n’a pas eu la moindre conséquence sur sa carrière. Runar recevait constamment des blâmes. Il était connu pour être un véritable bourreau dans la police, mais il avait quelqu’un qui étendait au-dessus de lui une main protectrice jusqu’à ce qu’il devienne finalement indéfendable et qu’on le force à partir.

– Il n’y avait pas assez d’éléments pour envisager une action en justice, comme on disait alors. Ce que Runar disait était vrai, Kolbrun n’avait plus qu’à oublier tout ça. Évidemment, elle avait hésité trop longtemps et elle avait été assez stupide pour nettoyer son appartement de fond en comble, y compris ses draps, elle avait détruit toutes les preuves. Elle n’avait conservé que sa petite culotte. Elle avait tout de même essayé de conserver au moins cette preuve-là. Comme si elle croyait que ça suffirait. Elle voulait effacer cet événement de sa vie. Elle ne voulait pas vivre avec ça. Comme je l’ai déjà dit, elle ne portait pas beaucoup de traces physiques de l’agression. Elle avait juste une blessure à la lèvre parce qu’il lui avait mis la main devant la bouche et un mince filet de sang était visible dans l’un des yeux.

– Est-ce qu’elle s’en est remise… ?

– Jamais. C’était une femme extrêmement sensible, ma sœur. Une grande âme et une proie facile pour ceux qui lui voulaient du mal. Comme Holberg. Comme Runar. Ils ont tous les deux obtenu d’elle la même chose. Chacun d’eux l’a agressée à sa manière. Et ils ont déchiqueté leur proie.

Elle regardait le sol.

– Les monstres, conclut-elle.

Erlendur laissa un moment s’écouler avant de continuer.

– Quelle a été sa réaction quand elle s’est rendu compte qu’elle était enceinte ? demanda-t-il.

– J’ai trouvé qu’elle avait pris la chose de façon très raisonnable. Elle a tout de suite décidé de se réjouir de la venue de l’enfant en dépit des conditions et elle aimait Audur d’un amour authentique. Elles s’adoraient et ma sœur s’occupait exceptionnellement bien de sa fille. Elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour elle. La pauvre petite fille.

– Donc, Holberg savait qu’il était le père ?

– Bien sûr qu’il le savait, mais il soutenait que non. Il niait tout en bloc. Disait qu’il n’avait rien à voir avec elle. Accusait ma sœur d’être une Marie-couche-toi-là.

– Il n’y avait aucune relation entre eux à cette époque, pas même à cause de la petite, à moins que… ?

– Une relation ! Jamais. Comment pouvez-vous imaginer une chose pareille ? C’était absolument impossible.

– Il est donc peu probable que ce soit Kolbrun qui lui ait envoyé la photo ?

– Non, non, c’est absolument inimaginable. Inconcevable.

– Dans ce cas, il a dû la prendre lui-même. Ou bien, quelqu’un qui avait connaissance de l’affaire la lui a fait parvenir. Peut-être a-t-il lu l’avis de décès dans les journaux. Est-ce que quelqu’un a publié dans la presse des articles à la mémoire d’Audur ?

– Son décès a été annoncé dans le Morgunbladid et j’y ai aussi publié un petit éloge funèbre. Peut-être qu’il l’a lu.

– Est-ce qu’Audur est enterrée ici, à Keflavik ?

– Non, ma sœur et moi sommes originaires de Sandgerdi et non loin de ce village se trouve un petit cimetière. Kolbrun voulait qu’elle soit inhumée là-bas. Cela s’est passé en plein hiver. C’était à croire qu’ils n’allaient jamais réussir à creuser la tombe.

– Le certificat de décès précise qu’elle est morte des suites d’une tumeur au cerveau.

– C’est l’explication qu’on a donnée à ma sœur. Mais elle est morte, tout simplement. La mort nous l’a enlevée, notre petite brindille, et nous n’avons rien pu faire. Elle n’avait même pas quatre ans.

Les yeux d’Elin quittèrent la photo pour regarder Erlendur.

– Morte. Tout simplement.

Le noir s’était installé dans la maison et les mots murmurés à travers l’obscurité étaient chargés de questions et de douleur. Elin se leva doucement, alluma la lumière blafarde de la lampe à pied, se dirigea vers le couloir, puis vers la cuisine. Erlendur l’entendit ouvrir le robinet, faire couler de l’eau dans un récipient, la verser, ouvrir une boîte, et il sentit l’odeur du café. Il se leva pour examiner les tableaux qui ornaient les murs. C’étaient des dessins et des peintures. Un dessin d’enfant au pastel était serti dans un fin cadre noir. Il trouva enfin ce qu’il cherchait. Elles étaient au nombre de deux, probablement prises à deux ans d’écart. Des photos d’Audur.

La plus ancienne avait été faite chez un photographe professionnel. En noir et blanc. La fillette n’avait pas plus d’un an et était assise sur un gros coussin, joliment habillée, avec une robe, une barrette dans les cheveux et tenant dans une main un petit anneau. Elle était à demi tournée vers le photographe et affichait un sourire qui laissait apparaître quatre petites dents. Sur l’autre photo, elle avait environ trois ans. Erlendur s’imagina qu’elle avait été prise par sa mère. La photo était en couleur. La petite fille se trouvait dans un bosquet d’arbustes et le soleil l’éclairait directement. Elle était vêtue d’un épais pull-over rouge, d’une jupe courte, de socquettes blanches, de chaussures noires ornées de jolies boucles. Elle regardait l’appareil avec des yeux malicieux. Cependant, l’expression de son visage était sérieuse. Sans doute n’avait-elle pas voulu sourire.

– Kolbrun ne s’en est jamais remise, dit Elin qui était revenue à la porte du salon. Erlendur s’étira.

– Il n’y a probablement rien de pire, dit-il en prenant la tasse de café. Elin se rassit dans le sofa avec sa tasse, Erlendur reprit sa place face à elle en buvant son café à petites gorgées.

– Si vous avez envie de fumer, je vous en prie, ne vous gênez pas, précisa-t-elle.

– J’essaie d’arrêter, dit Erlendur en faisant de son mieux pour ne pas avoir l’air de s’excuser et il pensa à la douleur qu’il ressentait à la poitrine. Il chercha à tâtons le paquet tout chiffonné dans la poche de son imperméable et en prit une. La neuvième de la journée. Elle poussa le cendrier vers lui.

– Non, continua-t-elle, il n’y a probablement rien de pire. Heureusement, son agonie a été de courte durée. Sa tête s’était mise à la faire souffrir. Ça ressemblait à des céphalées mais le médecin qui la suivait n’a jamais parlé d’autre chose que de migraine enfantine. Il lui avait prescrit des cachets mais ils n’ont eu aucun effet. Ce n’était pas un bon médecin. Kolbrun m’a confié que son haleine sentait l’alcool et cela l’inquiétait. Et puis, tout s’est passé si vite. L’état de la petite continuait à empirer. Il a été question d’une tumeur cutanée que son médecin aurait dû remarquer. Des taches. A l’hôpital, ils ont appelé ça des taches de café. Localisées principalement sous les bras. Pour finir, elle a été hospitalisée ici, à Keflavik, et ils ont conclu qu’il s’agissait d’une sorte de tumeur du système nerveux. En fait, il s’agissait d’une tumeur au cerveau. Tout cela s’est déroulé sur une période d’environ six mois.

Elin marqua une pause.

– Comme je l’ai déjà dit, Kolbrun n’a plus jamais été la même après tout ça, soupira-t-elle. Je n’imagine pas que quiconque puisse se remettre de tels malheurs.

– Le corps d’Audur a-t-il été autopsié ? demanda Erlendur devant les yeux duquel apparut le petit corps éclairé par un néon sur une table d’acier glaciale avec une entaille en forme d’Y sur la poitrine.

– Kolbrun ne voulait pas en entendre parler, poursuivit Elin, mais ce n’était pas à elle d’en décider. Elle était hors d’elle quand elle a compris qu’ils l’avaient ouverte. Elle était folle de douleur, évidemment, après la mort de l’enfant et rien ne pouvait la raisonner. Elle ne pouvait accepter l’idée qu’on aille ouvrir sa petite fille. Elle était morte et rien ne pouvait y changer quoi que ce soit. L’autopsie a confirmé le diagnostic médical. Ils ont découvert une tumeur maligne au cerveau.

– Et votre sœur… ?

– Elle a mis fin à ses jours trois ans plus tard. Elle a sombré dans une dépression chronique incurable et a dû s’en remettre au corps médical. Elle a effectué un séjour à l’hôpital psychiatrique de Reykjavik pendant un certain temps puis elle est rentrée à la maison, à Keflavik. J’ai essayé de m’occuper d’elle comme je pouvais mais on aurait dit qu’elle s’était éteinte. Elle n’avait plus aucun désir de vivre. Audur lui avait apporté la joie de vivre, malgré les conditions effroyables de sa conception. Mais la petite avait disparu.

Elin regarda Erlendur.

– Vous vous demandez probablement comment elle s’y est prise.

Erlendur ne lui répondit pas.

– Elle s’est allongée dans la baignoire et s’est ouvert les poignets des deux côtés. Pour le faire, elle avait acheté des lames de rasoir pour la première fois de son existence.

Elin se tut, l’obscurité du salon les enveloppait tous les deux.

– Vous savez ce qui me vient à l’esprit quand je pense à son suicide ? Ce n’est pas le sang dans la baignoire. Ni l’image de ma sœur allongée dans l’eau rougie par le sang. Ni les entailles. Je m’imagine Kolbrun en train d’acheter les lames au magasin. De rassembler l’argent pour les lames de rasoir. De compter les couronnes.

Elle fit une pause.

– Vous ne trouvez pas que l’esprit humain fonctionne d’une manière étrange ? demanda-t-elle, comme si elle se parlait à elle-même.

Erlendur ne savait pas quoi répondre.

– C’est moi qui l’ai découverte, reprit Elin. Elle avait préparé les choses dans ce sens. Elle m’avait appelée la veille au soir en me demandant de venir chez elle. Nous avons discuté quelques instants. J’étais toujours sur le qui-vive à cause de sa dépression mais on aurait dit que ça s’était amélioré les derniers temps. Comme si la brume était en train de se dissiper. Comme si elle redevenait capable d’affronter la vie. Je n’ai rien discerné dans sa voix qui aurait laissé supposer qu’elle était sur le point de se suicider ce soir-là. Bien au contraire. Nous avons parlé de l’avenir. Nous avions l’intention de partir faire un voyage toutes les deux. Lorsque je l’ai trouvée, elle semblait paisible comme je ne l’avais pas vue depuis longtemps. Paisible et résignée. Pourtant, je sais bien qu’elle était loin d’être résignée et que son âme ne trouvait pas la paix.

– Je dois encore vous poser une question, ensuite, ce sera terminé, dit Erlendur. Il faut que j’entende votre réponse.

– Oui, de quoi s’agit-il ?

– Avez-vous des informations sur l’assassinat de Holberg ?

– Non, je ne sais rien.

– Et vous n’y avez joué aucun rôle, que ce soit de façon directe ou indirecte ?

– Non.

Ils se turent quelques instants.

– L’inscription qu’elle avait choisie pour sa fille mentionnait un ennemi, reprit Erlendur.

– Préserve ma vie d’un ennemi terrifiant. C’était elle qui avait choisi cette phrase, même si elle ne se rendait jamais sur la tombe de la petite, répondit Elin qui se leva pour aller jusqu’à un charmant placard vitré dont elle ouvrit un tiroir pour en tirer une petite boîte noire. Elle l’ouvrit à l’aide d’une clef, souleva quelques enveloppes et prit une petite feuille de papier.

– J’ai trouvé ça sur la table de la cuisine le soir de sa mort mais je ne suis pas sûre qu’elle aurait souhaité que je le fasse graver sur sa pierre tombale. J’en doute. J’ai l’impression de ne pas avoir mesuré les souffrances qu’elle endurait avant de tomber sur ce message.

Elle tendit la feuille à Erlendur et il lut les trois premiers mots du psaume qu’il avait trouvé dans la Bible plus tôt dans la journée : Écoute, ô, Dieu.

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