À l’instar de mes prédécesseurs, je décrète Bokonon hors la loi

J’écrivis mon allocution dans une pièce simple et dénudée située au bas d’une tour. Elle ne contenait rien d’autre qu’une table et une chaise. Et mon allocution, une fois écrite, était simple, dépouillée et ne contenait pas grand-chose non plus.

C’était un discours où perçaient l’espoir et l’humilité.

J’avais trouvé impossible de ne pas m’appuyer sur Dieu. N’ayant jamais eu besoin d’un tel soutien auparavant, je n’avais jamais songé qu’il existait.

Désormais, je m’apercevais qu’il me fallait croire en lui, ce que je fis.

En outre, j’allais avoir besoin du soutien de certaines personnes. M’étant fait communiquer la liste des invités aux cérémonies, je vis qu’on n’avait pas convié Julian Castle ni son fils. J’envoyai sur-le-champ des estafettes les inviter. Ils en connaissaient plus sur mon peuple que personne d’autre, à l’exception de Bokonon.

Quant à Bokonon :

J’envisageai de lui demander de participer à mon gouvernement, offrant ainsi une sorte de jubilé à mon peuple. Et je songeai à donner l’ordre qu’on déboulonne tout de suite, dans la liesse générale, le sinistre croc qui pendait devant le palais.

Puis je compris qu’un jubilé devrait offrir au peuple quelque chose de plus que le retour au pouvoir d’un saint, et qu’il faudrait donner à tous des monceaux de bonnes choses à manger, des logements décents, de bonnes écoles, une bonne santé, une meilleure vie et du travail pour ceux qui en voudraient – toutes choses que Bokonon et moi étions bien incapables de leur procurer.

Le bien et le mal devaient donc demeurer séparés : le bien dans la jungle et le mal au palais. Si modeste qu’elle fût, c’était là la seule distraction que nous puissions offrir au peuple.

On frappa à la porte. Un serviteur m’annonça que les invités commençaient à arriver.

J’empochai mon allocution et montai l’escalier en colimaçon de ma tour. Je débouchai sur les remparts les plus élevés de mon château et je posai mon regard sur mes invités, mes serviteurs, mon escarpement et ma mer tiède.

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