Le service de frappe

Debout sur son bureau dans l’antichambre directoriale, la secrétaire du Dr Breed suspendait au plafonnier un lampion de Noël en forme de cloche, plissé en accordéon.

— Écoutez, Naomi, s’écria le Dr Breed, nous n’avons pas eu d’accident fatal depuis six mois ! N’allez pas tout gâcher en tombant à bas de votre bureau.

Miss Naomi Faust était une vieille dame enjouée et desséchée. J’imagine qu’elle avait servi le Dr Breed toute sa vie, à lui et à elle.

— Je suis indestructible, dit-elle en riant. Et même si je tombais, les anges de Noël me rattraperaient.

— Il arrive qu’ils ratent leur coup, dit le Dr Breed.

Deux guirlandes de papier, plissées en accordéon elles aussi, pendaient du battant de la cloche. Miss Faust en tira une, qui se déplia avec un bruit de colle pour former une longue banderole sur laquelle était inscrit un message.

— Tenez, dit Miss Faust en tendant l’extrémité libre au Dr Breed, tirez à fond et punaisez le bout au tableau d’affichage.

Le Dr Breed obéit, en prenant du recul pour déchiffrer le message.

— Paix sur Terre ! lut-il à voix haute, du fond du cœur.

Miss Faust descendit de son bureau avec l’autre guirlande, qu’elle déploya. Celle-ci disait : « Aux hommes de bonne volonté. »

— Ma parole, dit le Dr Breed avec un petit gloussement, mais même Noël est lyophilisé maintenant ! C’est très gai, très gai.

— Et j’ai aussi pensé aux chocolats pour les employés du service de frappe. Vous êtes fier de moi, j’espère !

Le Dr Breed se toucha le front, consterné de sa distraction.

— Mon Dieu ! Ça m’était complètement sorti de l’esprit !

— Nous ne devons jamais l’oublier, dit Miss Faust. C’est devenu une tradition – le Dr Breed et ses chocolats pour le service de frappe. (Elle m’expliqua ce qu’était le service de frappe, situé au sous-sol du laboratoire.) Les employées y sont à la disposition de quiconque a accès à un dictaphone.

D’un bout à l’autre de l’année, dit-elle, ces filles écoutaient les voix sans visages des savants qui leur faisaient porter des disques de dictaphone par des estafettes. Une fois par an, elles sortaient de leur blockhaus pour aller chanter un hymne de Noël et recevoir leurs bouchées au chocolat du Dr Breed.

— Elles servent la science, elles aussi, témoigna le Dr Breed, même si elles n’y comprennent pas un traître mot. Que Dieu les bénisse, toutes tant qu’elles sont !

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