XVII

— Je n'ai pas tout, messieurs, loin de là, disait le Dr Cauvert en secouant bras et mains comme s'il avait voulu se défaire d'une nuée de moucherons. Pensez que cet orphelinat, comme on disait alors, a été fondé en 1864 ! Alors pensez, pensez !

L'homme s'agitait de manière étonnante, allant par petits bonds ou pas rapides alternés, rejetant sa tête pour écarter de longues mèches blanches, avec une vivacité qui lui ôtait dix ans. Cela faisait bien longtemps, leur avait-il expliqué en les accueillant avec chaleur, qu'on ne s'était pas intéressé à ses registres. « Une mine, expliquait-il, si vaste et riche que je n'aurai pas assez de mon existence pour l'exploiter. Rendez-vous compte, huit cent soixante-seize vies d'enfants, de leur naissance ou petite enfance jusqu'à leurs dix-huit ans ! Et ces vies d'orphelins, mon père en a consigné chaque détail, soir après soir. Trente-huit années, trente-huit volumes ! »

Puis le médecin avait paru s'apercevoir qu'il n'avait pas encore invité ses hôtes à s'asseoir, ni ne leur avait proposé à boire sous la chaleur de trente-trois degrés qui régnait à Nîmes. Il débarrassa deux chaises des livres qui les encombraient puis courut presque à la cuisine pour rapporter des boissons.

— Dynamique, constata Veyrenc.

— Très, répondit Adamsberg. On imagine plutôt un psychiatre installé sans bouger, économisant gestes et paroles.

— Peut-être n'était-il pas ainsi avec ses patients. Il avait l'air heureux de nous accueillir comme s'il n'avait vu personne depuis des lustres.

— Peut-être est-ce le cas.

Froissy leur avait envoyé un court message pendant leur voyage : Dr Roland Cauvert, enfant unique, célibataire, sans enfants, 79 ans. Livre en préparation : « 876 orphelins : 876 destins ».

Suivi d'un texto de Voisenet, à 14 h 20 :

Arrivé, commissaire.

Où ? avait demandé Adamsberg.

À Sens.

— Il n'a pas traîné, avait commenté Veyrenc.


— Vous verrez, messieurs, vous verrez ! s'enflammait le Dr Cauvert, tous bras ouverts. Que la « miséricorde » me donne encore cinq ans et sortira de mes mains l'ouvrage le plus définitif jamais écrit sur la pédopsychiatrie des esseulés. J'ai déjà mes analyses sur la trajectoire quotidienne de sept cent cinquante-deux d'entre eux, manquent cent vingt-quatre. En y ajoutant bien sûr les effets de groupes, les paradoxes et similitudes, les synthèses et les vies d'adultes quand j'ai pu les repérer, unions, professions, aptitudes à la paternité. Ah oui, une œuvre qui le ferait sortir de sa tombe et s'incliner bas.

— Qui ? demanda Veyrenc qui savait la réponse.

— Mon père ! dit le docteur en éclatant de rire. De l'eau fraîche, du jus de pomme ? Je n'ai rien d'autre. Car vous vous en doutez, mon père, à tant s'occuper de ces gosses en détresse, ne m'a pas beaucoup vu. Moi, son seul enfant, je suis passé inaperçu. Invisible ! Il ne s'est jamais rappelé un seul de mes anniversaires. Grâce soit rendue à la miséricorde — il rit de nouveau —, j'avais ma mère, ma sainte mère. Glaçons ? Moi, je n'ai pas voulu d'enfants. J'ai vu trop d'orphelins pour croire en la pérennité d'un père, vous pensez. Enfin, dit-il en leur tendant leurs verres, ce n'est pas l'objet de votre visite. Allez-y messieurs, fouillez, piochez, servez-vous dans la vaste marmite où baignent ces malheureux ! Quels noms, quelles années m'avez-vous dit ?

— Deux, docteur. En 1943, à onze ans, le jeune Albert Barral est entré…

Le Dr Cauvert eut un nouveau rire, mais cette fois court et mordant.

— Le petit Barral, nom d'un chien ! Barral, Lambertin, Missoli, Claveyrolle, Haubert !

— Claveyrolle nous intéresse aussi.

— Toute la clique alors ! La pire qu'ait connue mon père en trente-huit ans de carrière. La seule qu'il n'a pas pu abattre, les seuls qu'il a voulu exclure. Le diable était entré dans leur âme. Formule prohibée pour un pédopsychiatre mais c'était ce que disait mon père, et quand j'étais petit, je croyais que c'était vrai. Il a tout essayé. Les discussions innombrables, l'écoute, la compréhension, les médecins, les médicaments, mais aussi les punitions, les privations, les suppressions de promenades. Tout. Est-ce que les jeux étaient faits ? Est-ce que les choses auraient tourné autrement sans ce petit salaud de Claveyrolle ? Parce que c'était lui, la tête, l'inspirateur, le meneur, le dictateur de sa troupe, appelez cela comme vous voudrez. Il y en a toujours un. Mais que je suis sot ! Marie-Hélène m'a apporté de la tarte Tatin à la cannelle ! Et il est seize heures ! Cette femme est un don du ciel.

Le docteur repartit à bonne allure vers sa cuisine, excité par la perspective de cette tarte.

— Claveyrolle et Barral. Des blaps, dit Adamsberg.

— Ne t'avance pas à dire cela à un psychiatre.

— Il a lui-même traité Claveyrolle de petit salaud, et dit que le diable était entré dans leur âme. Je l'envie, ce doc. Il a l'air d'aimer ardemment la vie. Je ne suis pas certain d'être comme cela. Une tarte Tatin ne me mettrait jamais dans cet état-là.

— Il est un peu fou, Jean-Baptiste. Imagine, être le fils invisible de son père parfait. Vouloir, aujourd'hui encore, se grandir auprès de lui. C'est pour cette raison qu'il fait tout cela.

— Il n'a peut-être jamais quitté l'orphelinat, au fond.

Cauvert revint, allègre, servit la tarte et tendit leurs assiettes à ses hôtes. Lui-même mangea debout, à grands coups de dents.

— Vous avez de la chance, mon père avait constitué un dossier spécifique sur la bande de Claveyrolle. Quelle ordure. Je m'en souviens comme si j'y étais. Impossible de le foutre à la porte — enfin, de le transférer. Avec la guerre et l'afflux d'orphelins, les places étaient chères. Et vous pensez bien que les autres orphelinats ne tendaient pas les bras à des petits gars comme ça. Il a semé la terreur à La Miséricorde. Missoli et Torrailles à sa suite. J'avais cinq ans de moins, mais il ne m'approchait pas. Le fils du directeur, ça, on n'y touchait pas. Quiconque m'adressait la parole était traité de fayot et menacé par la troupe des brutes. Je ne me suis pas pris une seule baffe, c'est vrai, mais je ne me suis pas fait un seul camarade. Malheureux, hein ? Bonne, cette tarte ?

— Parfaite, dit Veyrenc.

— Merci, commissaire.

— C'est lui, le commissaire, dit Veyrenc en désignant Adamsberg du pouce.

— Ah pardon ! Je n'imaginais pas. Pas d'offense, hein ?

— Aucune, dit Adamsberg en se levant, la station assise ayant déjà trop duré pour lui. Votre père avait donc rassemblé des documents sur la bande de Claveyrolle ?

— Faites-moi plaisir d'abord, commissaire : qu'est devenu Barral ? Claveyrolle, je le sais : professeur de dessin. Professeur, ironie du sort. Mais c'est vrai qu'il avait du talent, surtout pour caricaturer les enseignants et dessiner des femmes à poil sur les murs de la cour. Une fois — vous verrez cela dans le dossier —, il a réussi à s'introduire dans le dortoir des filles et il y a peint sur tous les murs. Quoi ? Une cinquantaine de sexes masculins. Mais Barral ?

— Courtier en assurances.

— Ah, un homme rangé, donc. À moins qu'il ne fût un escroc, bien sûr. Marié, Barral ?

— Divorcé, il a eu deux enfants. Pour Claveyrolle, deux divorces et pas d'enfants.

— Une stabilité affective difficile à trouver, c'est le cas de bien d'entre eux. Comment fonder une famille quand vous ne savez pas même ce que c'est ?

Et comme Veyrenc l'avait prédit, le docteur Cauvert, dès qu'il abordait son sujet, redevenait calme, et même concentré, presque triste. Peut-être avait-il appris à rire excessivement et se réjouir d'une tarte pour oublier de temps à autre ces huit cent soixante-seize vies broyées qu'il avait suivies pas à pas.

— Ils se sont vus toute leur vie.

— Ah tiens ? La bande ne s'est pas brisée à l'âge mûr ?

— Non, elle se reconstituait dans le pastis, pour deux d'entre eux au moins.

— Et puis ils sont morts, dit Veyrenc.

— J'aurais dû m'en douter. Vous êtes flics après tout. Donc il y a des morts. Que s'est-il passé ?

— Ils sont décédés le mois dernier à huit jours d'intervalle, dit Adamsberg. Tous les deux des suites d'une morsure de recluse. L'araignée.

Le visage du Dr Cauvert s'était figé. Sans un mot, il empila les assiettes, rassembla les verres, puis abandonna sa tâche de diversion et tira de son étagère un dossier cartonné, d'un bleu passé. Il le déposa avec gravité sur la table, entre les deux enquêteurs, sans les quitter du regard. Une large étiquette y était collée, refixée de multiples fois, après tant d'années d'usage. Elle portait un titre calligraphié à l'encre : La Bande des recluses. Dessous, en plus petit : Claveyrolle, Barral, Lambertin, Missoli, Haubert & Cie.

— Qu'est-ce que cela veut dire ? demanda Adamsberg après une bonne minute de silence.

— Cela veut dire : « Qui a vécu par la recluse périra par la recluse. » Non ?

— On ne peut pas périr d'une recluse, dit Veyrenc.

— Non, mais avec elle, on peut blesser sauvagement. Ce fut une de leurs occupations favorites, parmi leurs diverses brutalités, et sans compter les harcèlements sexuels.

Cauvert sortit du dossier une série de photos de tout jeunes garçons qu'il étala sur la table en les faisant claquer, comme on abat des cartes.

— Voici leur œuvre, dit-il avec dégoût. Onze gosses, onze victimes de leur cruauté et de leurs recluses. Ces quatre-là, dit-il en montrant des photos du doigt, ont reçu des morsures blanches. Ces deux-là, des demi-morsures. Mais ici, vous pouvez voir sur le bras du petit Henri un disque violacé d'environ neuf centimètres de diamètre. Il en a guéri, comme celui-ci, Jacques. Mais sur ces cinq-là, voyez les dégâts.

Adamsberg et Veyrenc se passèrent les cinq photos tour à tour. Un garçon d'environ quatre ans, amputé de la jambe, un autre du pied.

— Ces deux-là ont été mordus en 1944. Louis et Jeannot, quatre et cinq ans. À cette date, on n'en était qu'aux tout débuts de la pénicilline. Et le premier stock d'ampleur a été livré aux soldats, dirigé sur la Normandie lors du débarquement. Il n'a pas été possible de soigner les enfants, de sauver leurs membres de la gangrène. Il a fallu couper. Mon père est allé en justice. Claveyrolle, Barral et Lambertin ont passé huit mois en maison de redressement. Ce qu'on nommait « le cauchemar des recluses » s'est effacé un temps. Et quand ils sont revenus, ils ont remis ça.

Grave, le docteur distribua de nouveau les trois verres qu'il remplit de jus de pomme.

— Désolé, dit-il en les tendant à ses hôtes, les glaçons ont fondu.

Il avala son verre d'un coup et revint aux photos.

— Ici c'est Ernest, sept ans. Une plaie de presque dix centimètres de longueur et cinq de large. Cette fois, on est en 1946, on a pu sauver son bras. 1946 encore, c'est le tour du petit Marcel, onze ans, il a le tiers du visage emporté. Guéri lui aussi, mais défiguré. Sa cicatrice était hideuse, celle d'Ernest aussi. Enfin Maurice, en 1947, douze ans, mordu au testicule gauche. Il n'en est resté qu'une petite bille, voyez. La nécrose a gagné la verge, le garçon est devenu impuissant. En 1948, fin des attaques à la recluse. Claveyrolle se tourne vers le harcèlement sexuel. Avec les autres bien sûr. Il était à la tête de huit petits salopards qui suivaient leur héros comme leur ombre.

Adamsberg reposa sans bruit les photos abominables des enfants blessés.

— Comment s'y prenaient-ils, docteur ?

— Ils sortaient la nuit et n'avaient que l'embarras du choix pour attraper leurs bestioles : les combles, les communs, la grange, le bûcher, le hangar à outils. Elles étaient assez nombreuses en été. D'après ce qu'on a su, ils les attiraient avec les insectes qu'ils avaient collectés, des mouches et des grillons surtout, qu'ils étalaient au sol à un endroit propice. Vous savez que la recluse apprécie les cadavres d'insectes ?

— Non, dit Veyrenc.

— Eh bien si, et ça leur facilitait la tâche. Ils déversaient leur récolte de mouches et ils attendaient, avec leurs lampes de poche.

— Et comment faisaient-ils pour les attraper sans se faire mordre eux-mêmes ? demanda Adamsberg, à la façon naïve dont l'eût fait Estalère.

Le Dr Cauvert le regarda, perplexe.

— Vous n'avez jamais attrapé d'araignées ? dit-il.

— Des crapauds seulement.

— Eh bien, vous prenez un verre et un carton. Vous piégez la bête sous le verre, vous glissez le carton par-dessous et le tour est joué.

— Simple, acquiesça Adamsberg.

— Pas tant que cela. Les recluses sont très méfiantes. Ils n'en ont pas capturé tellement, onze en quatre années. C'était déjà bien trop. Ils choisissaient ensuite leur victime et, à la nuit, ils coinçaient l'araignée dans la chemise ou le pantalon. Et ce qui devait arriver arrivait. Acculée, l'araignée mordait. Les immondes petits salauds. Quand je pense qu'ensuite, ça a donné des cours de dessin, ça a démarché en costume-cravate.

— Vous n'essayez pas d'adopter le point de vue du médecin avec eux, docteur ? questionna Veyrenc.

— Non, dit sèchement Cauvert. N'oubliez pas que je les ai connus, et leurs victimes aussi. J'ai haï la Bande des recluses de toutes mes forces. Mon père a pris les mesures qu'il pouvait. Augmenter la surveillance aux portes du dortoir, faire secouer les habits tous les matins, fermer les communs. Mais cela ne suffisait pas. Ils étaient malfaisants, fiers de l'être, orgueilleux de leur virilité et grisés de leur toute-puissance au sein de La Miséricorde. Et ils parvenaient à leurs fins car le sadisme procure quantité d'énergie et d'idées. L'extinction des feux était à 9 heures : comment parvenaient-ils à sortir le soir ? Certains ont même été vus la nuit en ville. Ils y avaient été à vélo, le local avait été forcé. Je vous laisse le dossier complet, faites-en une copie et prenez-en grand soin. Si l'une de ces petites victimes, messieurs, s'est finalement vengée d'eux dans son grand âge, œil pour œil dent pour dent, recluse contre recluse, eh bien foutez-lui la paix. Voilà tout ce qui me plairait.


Adamsberg et Veyrenc remontèrent la longue rue de l'Église sans dire un mot, trop stupéfaits pour parler sur-le-champ des recluses, celles d'aujourd'hui et celles d'hier, qui venaient de faire leur jonction à soixante-dix années d'intervalle.

— Elle est jolie, cette petite rue, observa Veyrenc, lointain.

— Très jolie.

— Tu vois cette niche, au-dessus de cette porte ? Avec la sculpture d'un saint à l'intérieur ? Danglard dirait que c'est du XVIe siècle.

— Sûr qu'il le dirait.

— Il dirait aussi que la pierre est très usée, mais tu reconnais un chien à ses côtés. C'est saint Roch, celui qui protège de la peste.

— Sûr qu'il le dirait. Et je demanderais, pour lui faire plaisir : « Pourquoi saint Roch est-il représenté avec un chien ? »

— Et il t'expliquerait que saint Roch ayant attrapé la peste, il se réfugia dans une forêt pour ne contaminer personne. Mais le chien du seigneur local lui apportait chaque jour quelque nourriture volée. Et il guérit.

— Est-ce qu'il protégeait des morsures de recluse aussi ?

— Certainement.

— Et que dirait Danglard des morsures de recluse ?

— Sachant ce que l'on sait à présent, il serait sacrément embarrassé.

— Sacrément dans la merde, veux-tu dire. Car il y a bien une affaire de recluses, oui ou non ?

— Oui.

— Et qui partait de ce rocher, Louis. De cet orphelinat. Crois-tu que Danglard ravalera son erreur ?

— Il va devoir ravaler beaucoup plus que cela. J'ai su quelque chose, hier.

— Que tu ne m'as pas dit.

— Danglard a eu l'intention d'aller s'ouvrir de son problème au divisionnaire Brézillon, afin de faire fermer officiellement la route de la recluse.

Adamsberg s'arrêta net et se tourna vers Veyrenc.

— Qu'est-ce que tu dis ?

— Ce que tu as entendu.

— Voir Brézillon ? Et pourquoi pas me faire suspendre, tant qu'à faire ? Avec un blâme pour incompétence ? dit Adamsberg d'une voix rapide, la lèvre supérieure agitée d'un spasme de stupeur et de colère.

— Ce n'était pas son but. Il estimait que la Brigade risquait de dériver. Il en a parlé à Mordent. Qui en a parlé à Noël. Et Mordent et Noël — Noël, parfaitement, notre brute personnelle — ont débarqué dans le bureau de Danglard, dont Noël a fracassé l'ordonnance en assenant sur la table un violent coup de poing. On raconte que des pages du Livre ont voltigé. Que Noël a menacé — tu connais son tact — de séquestrer Danglard dans son bureau s'il s'avisait de faire le moindre pas en direction du divisionnaire.

— Qui te l'a dit ?

— Retancourt.

— Mais pourquoi ? Pourquoi Noël et Mordent ont-ils pris ma défense ?

— Instinct de protection du groupe face à la haute hiérarchie. Défense de la Brigade, défense du territoire. On peut ajouter à cela une note poétique.

— Tu crois que c'est vraiment le moment, Louis ?

— On sait Mordent tout à fait contre une enquête sur la recluse. On le sait aussi tout à fait passionné des contes de fées. Eh bien crois-moi, il y a tant d'improbable et d'irréel dans l'affaire de notre recluse qu'elle touche au conte de fées.

— De fées ?

— Les contes de fées sont par essence cruels, c'est à cela qu'on les reconnaît. Et quelque chose, sans qu'il le sache, séduit Mordent dans cette affaire.

— Mais pas Danglard. Il a commencé par diviser la Brigade, puis tenté de me faire mettre aux fers. Louis, Danglard est-il en train de devenir un blaps ?

— Non. Il a peur.

— De quoi ?

— De te perdre peut-être. Et dès lors, de se perdre. Il a pensé vous sauver tous les deux.

— Mais cette peur, si c'est bien cela, dit Adamsberg en serrant de nouveau les lèvres, l'a transformé en traître.

— Ce n'est pas ainsi qu'il le voit.

— Ne me dis pas alors qu'il devient tout bonnement con ?

Veyrenc hésita.

— Je me trompe peut-être, reprit-il. Ce doit être une peur plus profonde encore.

Загрузка...