Chapitre 12

Desgrez se leva, salua la cour, remercia le roi au nom de son client, puis monta sur la petite estrade de deux marches d'où il devait parler.

En le voyant se dresser, très droit, très grave, Angélique avait de la peine à s'imaginer que cet homme vêtu de noir était le même long garçon au nez fureteur qui, le dos rond sous sa casaque râpée, s'en allait à travers les rues de Paris en sifflant son chien.

Le vieux petit greffier Clopot, qui avait « procuré » les pièces s'en vint, selon l'usage, s'agenouiller devant lui.

L'avocat regarda le tribunal, puis le public. Il semblait chercher quelqu'un dans la foule. Était-ce à cause de la lueur jaune des chandelles ? Angélique eut l'impression qu'il était pâle comme un mort.

Pourtant, lorsqu'il parla, sa voix était nette et posée.

– Messieurs,

« Après tant d'efforts déployés tant par l'accusation que par les jurés, au cours desquels votre science de la Loi n'a pu trouver d'égale que la hauteur de votre érudition classique – tout ceci, répétons-le encore avec force, avec le SEUL BUT d'éclairer la Justice du Roi, afin de faire jaillir toute la VERITE, vous avez, Messieurs, épuisé toute la lumière des astres pour dépeindre le présent procès. Après les clairvoyantes citations latines ou grecques de MM. les commissaires du roi, que reste-t-il à un obscur avocat dont c'est la première grande cause, pour découvrir encore quelques minces rayons susceptibles d'aller chercher toute la vérité enfouie au fond du puits de la plus atroce des accusations ? Cette vérité m'apparaît, hélas, tellement lointaine et si dangereuse à révéler que je tremble en moi-même et souhaiterais presque que cette pauvre flamme s'éteigne et me laisse dans l'obscurité tranquille où j'étais auparavant. Mais il est trop tard ! J'ai vu et je dois parler. Et je dois vous crier : Prenez garde, messieurs ! Prenez garde que le choix que vous allez faire n'entraîne votre responsabilité devant les siècles futurs. Ne soyez pas de ceux par la faute de qui les enfants de nos enfants, se tournant vers notre siècle, diront :

« C'était un siècle d'hypocrites et d'ignares. Car il y eut en ce temps-là, diront-ils, un grand et noble gentilhomme qu'on accusa de sorcellerie, pour la seule raison qu'il était un grand savant. »

L'avocat fit une pause. Il reprit plus doucement :

– Imaginez, messieurs, une scène des temps passés, à cette époque ténébreuse où nos ancêtres n'employaient que de grossières armes de pierre. Voici que, parmi eux, un homme s'avise de ramasser la boue de certains terrains, il la jette dans le feu et en extrait une matière tranchante et dure, inconnue jusqu'alors. Ses compagnons crient à la sorcellerie et le condamnent. Pourtant, quelques siècles plus tard, c'est de cette matière inconnue, le fer, que sont fabriquées nos armes. Je vais plus loin. Si, de nos jours, messieurs, vous pénétriez dans le laboratoire d'un fabricant de parfums, allez-vous reculer d'horreur en criant à la sorcellerie, devant l'étalage des cornues et des filtres d'où s'échappent des vapeurs qui ne sont pas toujours odorantes ? Non, vous vous trouveriez ridicules. Et pourtant, quel mystère se trame dans l'antre de cet artisan ! Celui-ci matérialise, sous forme de liquide, la chose la plus invisible qui soit : l'odeur. Ne soyez pas de ceux à qui l'on pourra appliquer la terrible parole de l'Évangile : « Ils ont des yeux et ne voient pas. Ils ont des oreilles et n'entendent pas. »

« En fait, messieurs, je ne doute pas que la seule accusation de se livrer à des travaux bizarres ait pu inquiéter vos esprits ouverts par l'étude à toutes sortes de perspectives. Mais des circonstances troublantes, une réputation étrange entourent la personnalité du prévenu. Analysons, messieurs, sur quels faits repose cette réputation, et voyons si chaque fait, détaché des autres, peut soutenir raisonnablement l'accusation de sorcellerie. Enfant catholique, confié à une nourrice huguenote, Joffrey de Peyrac fut précipité d'une fenêtre à l'âge de quatre ans par des exaltés, dans la cour d'un château. Il fut estropié et défiguré. Faudrait-il, messieurs, accuser de sorcellerie tous les boiteux et tous ceux dont la vue inspire la frayeur ? Cependant, bien que disgracié par la nature, le comte possède une voix merveilleuse, qu'il cultiva avec des maîtres d'Italie. Faudrait-il, messieurs, accuser de sorcellerie tous ces chanteurs au gosier d'or devant lesquels les nobles dames et nos femmes elles-mêmes se pâment d'aise ? De ses voyages, le comte rapporte mille récits curieux. Il a étudié ces coutumes nouvelles, il s'est plu à étudier des philosophies étrangères. Faudrait-il condamner tous les voyageurs et les philosophes ? Oh ! je sais. Tout cela ne crée pas un personnage des plus simples. J'en viens au phénomène le plus surprenant : cet homme, qui a acquis une science profonde et s'est enrichi grâce à son savoir, cet homme qui parle à merveille et chante de même, cet homme, malgré son physique, réussit à plaire aux femmes. Il aime les femmes et ne s'en cache pas. Il vante l'amour et il a de nombreuses aventures. Que parmi ces femmes amoureuses se trouvent des exaltées et des dévergondées, c'est là monnaie courante dans une vie libertine que l'Église certes réprouve, mais qui n'en est pas moins fort répandue. S'il fallait, messieurs, brûler tous les nobles seigneurs qui aiment les femmes, et ceux que poursuivent leurs amantes déçues, je crois, ma foi, que la place de Grève ne serait pas assez vaste pour contenir leurs bûchers...

Il y eut un remous d'approbation. Angélique était confondue par l'habileté de Desgrez. Avec quel tact il évitait de s'étendre sur la richesse de Joffrey, qui avait éveillé tant de jalousies, pour s'appesantir, en revanche, comme sur un fait regrettable, mais contre lequel les austères bourgeois ne pouvaient rien, sur la vie dévoyée qui était l'apanage des nobles.

Peu à peu, il réduisait le débat, le ramenait à des proportions de ragots de province, et l'on s'étonnerait bientôt d'avoir fait tant de bruit pour rien.

– Il plaît aux femmes ! répéta doucement Desgrez, et nous nous étonnons, nous autres représentants du sexe fort, qu'avec son triste physique les dames du Sud éprouvent pour lui tant de passion. Oh ! messieurs, ne soyons pas trop hardis. Depuis que le monde est monde, qui a su expliquer le cœur des femmes et le pourquoi de leurs passions ? Arrêtons-nous, respectueux, au bord du mystère. Sinon nous serions obligés de brûler toutes les femmes !...

L'intervention de Bourié, qui bondit de son fauteuil, coupa les rires et les applaudissements.

– Assez de comédies ! cria le juge dont le teint devenait de plus en plus jaune. Vous vous moquez du tribunal et de l'Église. Oubliez-vous que l'accusation de sorcellerie a été initialement lancée par un archevêque ? Oubliez-vous que le principal témoin à charge est un religieux, et qu'un exorcisme en règle a été pratiqué sur l'accusé, démontrant que celui-ci est un suppôt de Satan ?...

– Je n'oublie rien, monsieur Bourié, répondit gravement Desgrez, et je vais vous répondre. Il est bien vrai que l'archevêque de Toulouse a lancé la première accusation de sorcellerie contre M. de Peyrac, auquel l'opposait une longue rivalité. Ce prélat a-t-il regretté un geste, où, dans sa rancœur, il n'avait pas fait entrer assez de pondération ? Je veux le croire, car j'ai là un abondant dossier où Mgr de Fontenac réclame à plusieurs reprises que l'accusé soit remis à un tribunal ecclésiastique, et se désolidarise de toutes décisions qui seraient prises à son sujet par un tribunal civil. Il se désolidarise également – j'ai la lettre, messieurs, et je peux vous la lire – des faits et paroles de celui que vous appelez le premier témoin à charge, Conan Bécher, moine. Quant à ce dernier, dont l'exaltation peut paraître pour le moins suspecte à toute personne de saine raison, je rappelle qu'il est responsable de l'exorcisme unique sur lequel semble maintenant s'étayer l'accusation. Exorcisme qui eut lieu en la prison de la Bastille le 4 décembre dernier, devant les pères Frelat et Jonathan, ici présents. Je ne conteste pas la réalité de ce procès-verbal d'exorcisme, en ceci qu'il a été réellement dressé par ce moine et ses acolytes, à l'égard desquels je ne me prononce pas, ignorant s'ils sont crédules, ignorants ou complices. Mais je conteste la validité de cet exorcisme ! cria Desgrez d'une voix tonnante. Je ne veux pas entrer dans le détail des incongruités de cette sinistre cérémonie, mais je soulignerai au moins deux points : le premier, c'est que la religieuse qui, en l'occurrence, a simulé déjà en présence de l'accusé les symptômes de la possession, est cette même femme Carmencita de Mérecourt qui nous a donné tantôt un aperçu de ses talents de comédienne, et dont un homme du greffe peut témoigner qu'il l'a vue cracher au sortir de la salle le morceau de savon avec lequel elle simulait l'écume de l'épilepsie, procédé bien connu des « sabouleux » qui, dans les rues, cherchent à inspirer la pitié publique. Deuxième point : je reviens au poinçon truqué, cette aiguille infernale que vous avez refusé d'enregistrer comme n'étant pas appuyée par assez de preuves. Et pourtant, messieurs, si cela était vrai, si vraiment un fou sadique avait soumis un homme à semblable torture dans l'intention d'égarer votre jugement et de charger votre conscience de la mort d'un innocent ?... J'ai là une déclaration du médecin de la Bastille, faite quelques jours après l'affreuse expérience.

D'une voix saccadée, Desgrez lut un rapport du sieur Malinton, médecin de la Bastille, qui, ayant été appelé au chevet d'un prisonnier, dont il ignorait le nom, mais qui portait de grandes cicatrices au visage, avait constaté que celui-ci portait sur tout le corps de petites plaies envenimées qui semblaient avoir été faites par de profondes piqûres d'épingle.

Dans le grand silence profond qui suivit cette lecture, l'avocat reprit d'une voix grave et lente :

– Et maintenant, messieurs, l'heure est venue de faire entendre une voix grandiose et dont je suis l'indigne porte-parole, une voix qui, au-delà des turpitudes humaines, a toujours cherché à n'éclairer ses fidèles qu'avec prudence. L'heure est venue pour moi, humble clerc, de faire entendre à ce procès la voix de l'Eglise. Elle vous dira ceci :

Desgrez déploya une large feuille et lut :

– En cette nuit du 25 décembre 1660, dans la prison du Palais de justice de Paris, a été accomplie une cérémonie d'exorcisme sur la personne du sieur Joffrey de Peyrac de Morens, accusé d'intelligence et de commerce avec Satan. Attendu que, d'après le rituel de l'Eglise de Rome, les véritables possédés du démon doivent disposer de trois pouvoirs extraordinaires : 1) l'intelligence de langues qu'ils n'ont pas apprises ; 2) le pouvoir de deviner et de connaître les choses secrètes ; 3) les forces surnaturelles du corps ; avons soumis en cette nuit du 25 décembre 1660 comme étant seul régulièrement mandaté par l'official de Rome comme exorciseur pour tout le diocèse de Paris, néanmoins assisté en cela par deux autres prêtres de notre sainte congrégation, le prisonnier comte Joffrey de Peyrac aux exercices et interrogatoires prévus par le rituel. Dont il a résulté que l'exorcisé n'avait l'intelligence que des langues qu'il avait apprises, et nullement notamment de l'hébreu et du chaldéen que deux d'entre nous connaissent ; que cet homme est apparu fort savant, mais nullement devin ; qu'il n'a montré aucune force surnaturelle du corps, mais simplement des blessures provoquées par des piqûres profondes et envenimées, et des infirmités anciennes ; déclarons que l'examiné Joffrey de Peyrac n'est nullement possédé du démon... Suivent les signatures du révérend père Kircher, de la Compagnie de Jésus, grand exorciste du diocèse de Paris, et celles des révérends pères de Marsan et de Montaignat, qui l'assistaient.

On aurait entendu voler une mouche. La stupeur et le trouble de la salle étaient presque tangibles, et pourtant personne ne bougeait et ne parlait. Desgrez regarda le tribunal.

– Après cette voix, que puis-je ajouter ? Messieurs les jurés, vous allez prononcer votre verdict. Mais, au moins, ce sera en pleine connaissance d'une chose certaine : c'est que l'Église, au nom de laquelle on vous demande de condamner cet homme, le reconnaît innocent du délit de sorcellerie pour lequel on l'a traîné ici... Messieurs, je vous laisse en face de vos consciences.

Posément, Desgrez reprit sa toque, s'en coiffa et descendit les degrés de la petite estrade.

Alors le juge Bourié se dressa et sa voix aigre résonna dans le silence :

– Qu'il vienne ! Qu'il vienne donc lui-même ! C'est au père Kircher de témoigner de cette cérémonie secrète, suspecte sur plus d'un point, car elle avait été faite en cachette de la Justice.

– Le père Kircher viendra, affirma Desgrez d'une voix très calme. Il devrait être là. Je l'ai fait chercher.

– Eh bien, moi, je vous dis qu'il ne viendra pas, clama Bourié, car vous en avez menti, vous avez falsifié de toutes pièces cette histoire rocambolesque d'un exorcisme secret afin d'impressionner les juges. Vous vous êtes abrité derrière les noms de personnalités ecclésiastiques importantes afin d'emporter le verdict... La supercherie se serait découverte, mais trop tard...

Retrouvant son agilité coutumière, le jeune avocat bondit vers Bourié.

– Vous m'insultez, monsieur. Je ne suis pas, comme vous, un faussaire. Je me souviens du serment que j'ai fait devant le conseil de l'ordre du roi lorsque j'ai reçu ma charge d'avocat.

La salle recommença à manifester bruyamment. Masseneau, debout, essayait de se faire entendre. La voix de Desgrez domina encore :

– Je demande... je demande le renvoi de la séance à demain. Le révérend père Kircher ratifiera sa déclaration, j'en fais serment.

À ce moment, une porte claqua. Un courant d'air froid mêlé de flocons de neige jaillit d'une des entrées de l'hémicycle qui donnait sur la cour. Tout le monde se tourna vers cette ouverture, où venaient d'apparaître deux archers couverts de neige. Ceux-ci s'effacèrent pour laisser passer un petit homme trapu et noir, vêtu avec recherche, et dont la perruque et le manteau à peine mouillés prouvaient qu'il venait de descendre de carrosse.

– Monsieur le président, dit-il d'une voix rude, j'ai appris que vous teniez encore séance à cette heure tardive, et je n'ai pas cru devoir attendre pour vous porter une nouvelle que je crois importante.

– Nous vous écoutons, monsieur le lieutenant de police, répondit Masseneau étonné.

M. d'Aubray se tourna vers l'avocat.

– Me Desgrez, que voici, m'a fait demander de me livrer à des recherches dans la capitale pour retrouver un révérend père jésuite du nom de Kircher. Après avoir expédié quelques exempts aux différents endroits où il aurait pu être et où personne ne l'avait vu, je fus averti que le corps d'un noyé, trouvé pris dans les glaces de la Seine, venait d'être transporté à la morgue du Châtelet. Je m'y suis rendu, accompagné d'un père jésuite de la maison du Temple. Celui-ci a formellement reconnu son confrère, le père Kircher. Sa mort remonte sans doute aux premières heures de la matinée...

– Ainsi vous ne reculez même pas devant le crime ! hurla Bourié le bras tendu vers l'avocat.

Les autres juges s'agitaient, prenaient Masseneau à partie. La foule criait :

– Assez ! finissons-en !...

Angélique, plus morte que vive, n'arrivait même pas à discerner à qui s'adressaient ces huées. Elle porta les mains à ses oreilles.

Elle vit Masseneau se lever et fit effort pour l'entendre.

– Messieurs, la séance est reprise : le témoin capital de dernière heure annoncé par l'avocat de la défense, le révérend père jésuite Kircher, venant d'être trouvé mort, et M. le lieutenant de police en personne, ici présent, n'ayant pu découvrir sur lui aucun document témoignant d'outre-tombe ce que maître Desgrez nous a communiqué ; étant donné également que la personnalité seule du révérend père Kircher pouvait donner du poids à un prétendu acte dressé secrètement, le tribunal, dans sa sagesse..., considère cet incident comme nul et non avenu, et va simplement se retirer pour la délibération du verdict.

– Ne faites pas cela ! cria la voix désespérée de Desgrez. Remettez le verdict. Je trouverai des témoins. Le père Kircher a été assassiné.

– Par vous ! jeta Bourié.

– Maître, calmez-vous, dit Masseneau, faites confiance aux décisions des juges.

*****

La délibération dura-t-elle quelques minutes ou plus longtemps ? Il semblait à Angélique que ces juges n'avaient jamais bougé, qu'ils étaient là depuis toujours avec leurs bonnets carrés et leurs robes rouges et noires, qu'ils resteraient là toujours. Mais maintenant ils se tenaient debout. Les lèvres du président de Masseneau bougeaient. D'une voix tremblante, elles articulaient :

– Je requiers pour le roi, Joffrey de Peyrac de Morens, être déclaré et atteint de crimes de rapt, séduction, impiété, magie, sorcellerie et autres abominations mentionnées au procès, et pour réparation desquelles il sera livré entre les mains de l'exécuteur de la haute justice, mené et conduit par tous au parvis de Notre-Dame, et fera amende honorable en tête nue et pieds nus, la corde au cou, tenant un flambeau de quinze livres. Et, ce étant fait, il sera mené en place de Grève et brûlé vif sur un bûcher qui à ces fins y sera dressé, jusqu'à ce que son corps et ossements soient consumés et réduits en cendres, et icelles seront dispersées et jetées au vent. Et chacun de ses biens sera acquis et confisqué au roi. Et, avant d'être exécuté, il sera mis et appliqué à la question ordinaire et extraordinaire. Je requiers le Saxon Fritz Hauër être déclaré son complice et pour réparation condamné à être pendu et étranglé jusqu'à ce que mort s'ensuive à une potence dressée à cet effet en place de Grève. Je requiers le Maure Kouassi-Ba, être déclaré son complice et pour réparation être condamné aux galères à vie.

Près de la sellette d'infamie, la haute silhouette, appuyée sur deux cannes, vacilla. Joffrey de Peyrac leva vers le tribunal un visage livide.

– Je suis innocent !

Son cri résonna dans un silence de mort.

Alors, il reprit d'une voix calme et sourde :

– Monsieur le baron de Masseneau de Pouillac, je comprends qu'il n'est plus temps pour moi de protester de mon innocence. Je me tairai donc. Mais, avant de m'éloigner, je veux vous rendre publiquement hommage pour le souci de l'équité que vous avez cherché à maintenir dans ce procès dont la présidence et la conclusion vous ont été imposées. Recevez, d'un noble de vieille souche, l'assurance que vous êtes plus digne de porter le blason que ceux qui vous gouvernent.

Le visage rougeaud du parlementaire toulousain se crispa. Brusquement on le vit porter la main à ses yeux et il cria, en employant cette langue d'oc que seuls Angélique et le condamné pouvaient comprendre :

– Adieu ! Adieu ! frère de mon pays.

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