Chapitre 4

Le père d'Angélique, le baron de Sancé, était mort l'année passée, au cours de l'hiver qui avait précédé son départ pour Marseille. Aussi, à l'annonce d'un tel visiteur, se dressa-t-elle sur son canapé, n'en croyant pas ses oreilles. L'homme qui franchissait les marches du perron, avec son habit brun et ses gros souliers boueux, avait la même allure que son père. Elle le regarda venir à travers la galerie, reconnut ce visage taciturne et boudeur des garçons de Sancé. Un de ses frères ? Gontran ?... Non, Denis.

– C'est toi, Denis ?

– Bonjour, fit-il.

Elle l'avait laissé militaire, et assez bien placé, dans une garnison aux environs de Paris. Tout à coup elle le retrouvait en hobereau de province avec déjà la démarche lourde et la mine soucieuse du baron Armand. Il tournait un pli entre ses doigts d'un air embarrassé.

– Voici. J'ai reçu un ordre de M. de Marillac, le gouverneur de la province, qui me priait de te rendre visite. Alors je suis venu.

– Décidément on n'agit plus que par ordre dans cette famille. C'est charmant !

– Dame, la situation est plutôt difficile.

– Que se passe-t-il donc ?

– Tu le demandes, toi qui as eu toute la police du royaume à tes trousses et qu'on a ramenée sous escorte ainsi qu'une criminelle ! Tout le pays en parle !

– C'est entendu. Mais que se passe-t-il d'autre ?

Denis s'assit d'un air accablé.

– Oui, c'est vrai, tu ne sais pas et je vais te le dire puisque c'est pour cela que M. de Marillac m'a envoyé vers toi, afin que « cela t'amène à faire de saines réflexions ». Ce sont ses termes. Voilà.

– Mais quoi donc ?

– Ne t'impatiente pas. Tu sauras toujours assez tôt. C'est assez horrible. La honte accable notre famille. Ah ! Angélique, pourquoi es-tu partie ?

– On n'a tout de même pas osé s'attaquer à ma famille parce qu'il m'avait plu de partir en voyage sans demander l'autorisation du Roi ?

– Non. Ce n'est pas directement à cause de cela. Mais si tu avais été là !... L'affaire a eu lieu quelques mois après ton départ. On ne savait pas très bien pourquoi tu étais partie, mais le Roi était d'une humeur redoutable. Moi je ne prenais pas cela trop au tragique. Je me disais : « Angélique s'en est tirée de bien d'autres. Si elle a commis une sottise, elle est assez belle pour savoir la réparer. » Ce qui m'ennuyait le plus, je te l'avoue, c'est que je ne savais pas où te trouver pour t'emprunter de l'argent. Justement, je m'étais mis dans la tête d'acheter une charge vacante au régiment des gardes de Versailles. Je comptais sur toi pour m'aider de ton influence et... de ces deniers. Comme l'affaire était déjà très avancée, je suis allé trouver Albert car je savais qu'il avait fait son chemin à la Cour de Monsieur. J'ai été bien inspiré. J'ai trouvé mon Albert cousu d'or. Il m'a dit que Monsieur était fou de lui et le comblait de bienfaits : donations, charges, et même il venait de se faire octroyer les bénéfices de notre grande abbaye de Nieul. Une idée qu'il avait en tête, cet ambitieux, depuis longtemps. Avec cela il se sentait à l'abri de la pauvreté jusqu'à la fin de ses jours, le madré ! Il pouvait bien m'allonger quelques centaines de livres, à moi pauvre militaire qui n'avais ni la tête ni les talents de plaire aux hommes. Il ne s'est pas trop fait prier et j'ai pu acheter ma charge. J'ai pris mon cantonnement à Versailles. Pour nous autres officiers, c'était plus brillant qu'à Melun, plus sévère aussi. On devait être sans cesse en parade pour complaire au Roi. Mais il y avait quand même les fêtes, la Cour, le jeu. Il y avait aussi d'autres choses moins plaisantes auxquelles nous étions trop souvent mêlés à mon gré : mater l'agitation des maçons et des artisans... On faisait de grands travaux à Versailles, te souviens-tu ?

– Je me souviens.

La voix monocorde du jeune homme recréait un décor oublié : la clarté des pierres aux blocs amoncelés, crissant sous les scies géantes, l'enchevêtrement des échafaudages dressés autour des deux ailes du château qu'il fallait étendre, ce bruit de chantier bourdonnant qui ne s'arrêtait jamais et rejoignait au fond du parc les galants promeneurs : cris, chocs des marteaux, grincements des tombereaux, raclements des pelles... Une véritable armée fourmillante d'ouvriers.

– On avait eu le tort d'en recruter beaucoup de force, comme pour l'armée. On les parquait sur place. On ne les laissait pas voir leurs familles, de peur qu'ils ne reviennent pas si on les lâchait. Alors beaucoup étaient mécontents. Cela s'est aggravé lorsque à l'été le Roi a entrepris de faire creuser une pièce d'eau vers la forêt, juste en face du grand escalier qui domine l'Orangerie. La chaleur était affreuse... Les moustiques des marais se sont mis de la partie, les fièvres. Les hommes crevaient comme des mouches... On nous a requis pour les enterrer. Et puis un jour...

Denis décrivait la convulsion soudaine qui avait saisi les esclaves. Des contremaîtres jetés du haut des échafaudages. Des hordes en souquenilles, poinçon, marteau au poing, envahissant les parterres, les Suisses assassinés sauvagement. Par bonheur un régiment défilait sur la place d'Armes. Immédiatement on avait fait ranger les soldats en ordre de bataille et ils étaient montés vers le château. La réduction de l'émeute avait pris deux heures. Deux heures dans l'éclatement des mousquets, la chaleur, les cris de haine et d'agonie. Les misérables, repoussés, barricadés à nouveau dans leurs échafaudages basculaient des blocs de pierre et les précipitaient d'une hauteur de quatre étages et des soldats mouraient, écrasés comme des punaises. Mais les mousquets visaient juste. Bientôt des corps jonchèrent le sable blanc.

Aux balcons donnant sur le midi, Mme de Montes-pan et ses dames regardaient, pâmées.

Enfin, les travailleurs se rendirent. Le lendemain à l'aube, les meneurs furent conduits à la lisière des bois, juste en face du château près de la pièce d'eau commencée, pour y être pendus. C'est alors, au moment où on lui passait la corde au cou que Denis le reconnut : Gontran ! Gontran, leur frère ! Le front ensanglanté, l'œil farouche, ses pauvres vêtements déchirés, tachés de peinture, ses mains calleuses, corrodées par les acides, Gontran de Sancé de Monte-loup, leur frère l'artisan !

Le jeune officier avait hurlé : « Pas lui ! » Il s'était jeté devant l'aîné, le couvrant de son corps. On ne pouvait commettre ce sacrilège : pendre un Sancé de Monteloup !

Les hommes le croyaient devenu fou. Sur les lèvres de Gontran il y avait un bizarre sourire, moqueur et las.

On était allé chercher le colonel. Avec beaucoup de difficulté Denis, haletant, avait essayé de lui expliquer que ce rebelle, aux poings liés au dos, était de son nom et de sa race, son propre frère, né du même père et de la même mère, frère aussi de la marquise du Plessis-Bellière. Le nom célèbre joint à la ressemblance évidente des deux frères, et peut-être aussi le maintien arrogant, hautain du condamné – un maintien de noble – étaient parvenus à convaincre le colonel et à le décider à surseoir à l'exécution. Cependant on ne pouvait pas trop longtemps contrevenir aux ordres qui étaient qu’avant le coucher du soleil tous les mutins devaient avoir payé leur geste insensé. Denis avait jusqu'au soir pour obtenir la grâce du Roi.

Lui, obscur officier, aller jusqu'au Roi ! Il ne connaissait personne.

– Si tu avais été là, Angélique ! Deux mois auparavant tu étais à la Cour, le Roi ne voyait que par toi, tu n'aurais eu qu'un mot à dire. Pourquoi mais pourquoi avais-tu disparu, en pleine ascension, en pleine gloire ! Ah ! si tu avais été là !

Une fois encore, Denis avait songé à Albert, celui dont la fortune semblait pour l'heure la mieux assurée. Joindre le Jésuite Raymond eût pris trop de temps et puis les Jésuites, si leur pouvoir est grand, n'aiment pas l'improviser. Or, le colonel avait dit : au coucher du soleil. Denis avait galopé à franc étrier jusqu'à Saint-Cloud. Monsieur était à la chasse et naturellement son favori l'accompagnait... Denis avait galopé derrière la chasse. Le temps d'atteindre Albert et il était midi. Il avait fallu convaincre Monsieur de se passer quelques heures de son compagnon, ce qui avait pris encore un certain temps.

– Il s'y connaît Albert en sourires, en chatteries, pis qu'une femme. Je les regardais jouer de l'œil et de leurs manchettes de dentelles, et je pensais à Gontran au pied de son arbre. Il me dégoûte, Albert, tu sais, mais il faut reconnaître qu'il n'a pas été lâche. Tout ce qu'on pouvait faire, il l'a fait. À Versailles, où nous sommes arrivés dans la soirée, il a frappé à toutes les portes. Il abordait tout le monde. Il ne craignait rien, ni d'importuner, ni de supplier, ni de flatter, ni de recevoir des rebuffades. Mais il fallait faire antichambre, attendre ici, attendre là. Je regardais le soleil descendre... Enfin M. de Brienne a bien voulu nous écouter. Il s'est absenté un moment. Puis il est revenu en nous disant que nous aurions peut-être des chances d'aborder le Roi lorsqu'il sortirait de son cabinet, où il recevait aujourd'hui les principaux échevins de Paris. Nous avons attendu avec les courtisans, dans le Salon de la Guerre, au bout de la Grande Galerie... tu connais ?

– Je connais.

La porte s'ouvrant, le Roi paraissant grave, majestueux, tandis qu'à sa vue les murmures se taisent, les fronts s'inclinent, les dames ploient en révérences dans un froissement de soie.

Le jeune Albert se précipitant à genoux, pâle, dramatique :

– Pitié, Sire, pitié pour mon frère Gontran de Sancé !

Le regard du Roi est lourd. Il sait déjà qui sont ces deux jeunes hommes et pourquoi ils sont là en suppliants. Pourtant il interroge :

– Qu'a-t-il fait ?

Ils baissent la tête.

– Sire, il se trouvait parmi ces hommes qui hier se sont révoltés et qui pendant quelques heures ont semé l'inquiétude dans votre palais.

Le Roi a une moue ironique :

– Un Sancé de Monteloup, un noble de vieille souche, parmi des maçons ! Quelle histoire me contez-vous là ?

– Hélas, Sire, elle est vraie. Notre frère a toujours eu d'étranges folies en tête. Pour peindre, et malgré la fureur de notre père qui l'a déshérité, il s'est fait artisan.

– Étrange folie, en effet.

– Notre famille l'avait perdu de vue. Ce n'est qu'à l'instant où on allait le pendre que mon frère Denis l'a reconnu.

– Et vous avez contrevenu aux ordres d'exécution ? demande le Roi, tourné vers l'officier.

– Sire... c'était mon frère !

Le Roi demeure glacé. Chacun sait quel fantôme passe et repasse entre les acteurs de ce drame, un nom qu'on ne prononcera pas, une silhouette légère et hautaine de femme, triomphale, parure de Versailles, et qui a disparu, s'est enfuie, laissant le roi atterré, blessé. Il ne peut pas pardonner. Quand il parle enfin, sa voix est sourde :

– Messieurs, vous appartenez à une famille turbulente et altière, que nous ne nous félicitons pas d'avoir parmi les nôtres. Vous portez dans vos veines le sang des grands féodaux pleins d'orgueil qui ont tant de fois ébranlé notre royaume. Vous êtes de ceux qui ont trop souvent tendance à se demander s'il faut oui ou non obéir au Roi et qui décident parfois que ce sera : non. Nous connaissons l'homme que vous nous demandez d'absoudre. Un être dangereux, impie, violent, qui s'est abaissé jusqu'aux esprits simples pour mieux les entraîner au mal et aux désordres. Nous avons fait prendre des renseignements sur lui. Quand nous avons appris son nom et sa filiation, quelle stupeur ! Un Sancé de Monteloup, dites-vous ? En quoi l'a-t-il prouvé ? A-t-il servi dans nos armées ? A-t-il payé l'impôt du sang que tout homme issu de noble race doit au royaume ? Non, il a dédaigné l'épée pour prendre le pinceau du peintre et le burin de l'artisan, s'avilir, rejeter les responsabilités qu'il devait à son nom et renier ses ancêtres en se commettant avec des esprits grossiers et en les préférant à sa caste. Car c'est ce qu'il déclara : qu'il préférait s'entretenir avec un maçon qu'avec un prince. Si nous avions acquis la certitude que cet homme au destin inexplicable était un malade un être débile, souffrant d'une tare qui le portait à des excès, à des vagabondages... Cela se rencontre dans les meilleures familles. Mais non... Nous l'avons entendu... Nous avons voulu l'entendre... Il nous a paru intelligent, volontaire, animé d'une étrange haine... Nous avons reconnu ce ton altier, plein de rancœur, bravant le Roi...

Louis XIV s'interrompit. Malgré sa maîtrise il y a dans son expression quelque chose d'indéfinissable qui fait peur. Une douleur profonde. Les yeux gris d'Albert de Sancé qui prennent en s'écarquillant une clarté virant –au vert, lui rappellent un autre regard. Il dit d'une voix sourde :

– ... Il a agi comme un fou, il doit payer sa folie. Qu'il meure du supplice infamant réservé aux misérables. Pendu ! Ne rêvait-il pas de pousser l'insolence jusqu'à se faire entendre du Parlement et le pousser à nous imposer l'ostracisme de manouvriers, comme jadis Étienne Marcel imposa, par la force et l'émeute, celle des corporations à notre ancêtre Charles V ?...

Ceci était pour les échevins de Paris, venus ce jour même présenter des revendications populaires, auxquelles le Roi ne voulait pas donner suite.

Le Roi passa, la main sur le pommeau d'or de sa canne d'ébène.

Le jeune Albert de Sancé avait eu une inspiration suprême.

– Sire, avait-il crié, levez les yeux. Vous verrez au plafond de Versailles le chef-d'œuvre de mon frère l'artisan. Il l'a peint pour votre gloire...

Un rayon rouge du soleil couchant venait des fenêtres et illuminait, là-haut, le dieu Mars dans son char tiré par les loups.

Le Roi, immobile, restait songeur. L'expression de la beauté qu'il aimait, dut le rapprocher un instant du révolté aux mains calleuses qui l'avait bravé, lui faire découvrir, fugitif, un monde où la noblesse humaine prenait d'autres perspectives. Et puis son esprit pratique s'en voulut brusquement de faire disparaître l'ouvrier capable de faire surgir de telles merveilles. Les vrais artistes, ceux qui allaient au-delà des recettes apprises, étaient rares. Pourquoi le responsable des travaux de Versailles, M. Perraut, ne l'avait-il pas averti du talent de celui-ci qu'on venait de condamner sans jugement ? Dans l'effroi causé par l'émeute, devant la colère du Roi, personne n'avait osé intercéder pour le mutin. Le Roi dit brusquement :

– Il faut surseoir à l'exécution. Nous voulons examiner le cas de cet homme...

Il se tourna vers M. de Brienne, lui dicta un ordre de grâce. Les deux frères, toujours à genoux, l'entendirent commenter.

– ...Il faudrait qu'il travaillât dans les ateliers de M. Le Brun.

Les deux frères coururent à travers les jardins obscuris jusqu'à la pièce d'eau d'où s'exhalaient les miasmes mortels, jusqu'à la lisière des bois où tournoyaient les pendus.

Ils arrivèrent trop tard. Gontran de Sancé de Monteloup était mort à la branche d'un chêne, en face du château de Versailles, falaise blanche immuable dans le crépuscule.

On entendait croasser des crapauds.

Les deux frères avaient dépendu le corps. Albert était allé chercher un carrosse, son valet et son cocher. À l'aube, l'équipage avait pris la route du Poitou. Ils galopèrent sans arrêt sous le soleil de flamme de l'été, sous la clarté bleue des nuits, dévorés de la hâte de pouvoir coucher dans la terre de leurs aïeux ce grand corps abattu, aux mains désormais inertes et stériles, comme si la terre du pays pouvait seule guérir ses blessures, apaiser son chagrin amer dont l'expression demeurait sur son visage tuméfié.

Gontran l'artisan ! Gontran le peintre ! Qui voyait des farfadets dans les bassines de cuivre de Monte-loup, et qui écrasait des cochenilles rouges et des terres jaunes pour en enduire les murs, et qui se grisait du vert des feuilles comme d'un élixir capiteux.

Gontran et son âme sauvage, secrètement somptueuse !

Pleurant comme des enfants, Albert et Denis l'avaient enterré, près de l'église du village de Monteloup, dans le tombeau de la famille.

– Et ensuite je suis venu au château, dit Denis. Tout était mort, plus un bruit dans la maison, plus un enfant. Il y avait seulement dans la cuisine la nourrice Fantine, avec ses yeux de braise, et tante Marthe, toujours la même, obèse, bossue, devant son éternelle tapisserie. Deux vieilles fées, égrenant des pois en marmonnant.

« Alors je suis resté. Tu sais ce que notre père a écrit dans son testament : « L'héritage sera pour le fils qui reprendra la terre... » Pourquoi pas moi ? J'ai repris les mulets, je suis allé voir les fermiers, et puis je me suis marié... Avec Thérèse de La Mailleraie. Pas de dot, mais un bon renom, et gentille. Nous allons avoir un enfant pour la récolte des pommes.

« Voilà, conclut le nouveau baron de Monteloup, ce que M. de Marillac voulait que je te fasse savoir. Pas mon mariage, je veux dire, mais l'affaire de Gontran. Afin que tu réfléchisses et que tu comprennes mieux ce que tu devais au Roi, après tant d'offenses de ta part et de celle de notre famille. Mais je pense…

Il observa le visage de sa sœur, son aînée aussi, dont il avait eu toujours une certaine peur, devant sa beauté, son audace et le mystère de ses disparitions successives. Aujourd'hui encore elle était revenue et de nouveau différente, étrangère. La fine ossature de sa mâchoire apparaissait sous la ligne affinée des joues. Elle était blême et rigide, frappée au cœur par le récit qu'elle venait d'entendre. Denis, à la fois se réjouit et trembla.

Angélique serait toujours la même, pensa-t-il, mais ce n'étaient pas des jours de paix qui se préparaient pour elle.

– M. de Marillac te connaît bien peu, murmura-t-il. M'est avis que s'il te voulait soumise, il a commis une erreur en te faisant savoir qu'un Monteloup avait été pendu au nom du Roi.

Загрузка...