Comme on était vraiment rincés, les trois, fous de sommeil, nous avons décidé d'aller en écraser quelques heures au bureau, manière de récupérer.
Je trouve une immense photographie sur mon bureau, le super-poster. Ça représente un œil. Une note de Mathias est trombonée après. Je lis : C'est là le maximum que j'ai pu obtenir, j'espère que cela pourra vous être utile.
Je fais un dernier effort pour examiner l'œil béant comme l'au-delà qui m'est proposé. En vague, en flou, en ténu, en ectoplasmique, on distingue un bout de visage dans l'iris. Un visage qu'il me semble reconnaître. J'ai un coup de chaleur dans le poitrail, au niveau de mister Guignol.
— Pinuche !
La Vieillasse qui déjà roupillait se ranime comme le général Franco pendant sa longue croisière en agonie.
— Moui ?
— Regarde au centre de cet œil, tu reconnais ?
Il pousse la conscience jusqu'à chausser ses besicles monobranches dont un verre est remplacé par du scotch :
— On dirait…
— Qui donc ?
— Le docteur Franck Rèche ? Mais je peux me tromper.
— Oui, fais-je, on dirait le docteur Franck Rèche, mais on peut se tromper. Nous verrons ça quand nous aurons récupéré. Il aura vraiment tout eu, ce pauvre toubib : les Arabes, les juifs, les communistes, sa femme, les nazis, le fisc. Il ne lui manquait plus que d'avoir les poulets.
Un immense cri me tait.
Renseignement pris, c'est Claudette qui vient d'arriver au moment où Alexandre-Benoît Bérurier posait sa robe.