Chapitre dix-huit

Les pas lents des noctambules grimpaient le pavé, entre la respiration calme des érables et celle ralentie des tilleuls. C'est sous la fresque rose du crépuscule que la Butte Montmartre brûlait de vie, par-delà les habitations grises et embrumées de l'étau parisien.

Piégé dans les artères bouchées de la capitale, je n'avais rejoint Sibersky qu'à vingt-deux heures, la nuque dure de tension. Au coup de frein près, j'avais manqué de percuter des véhicules, encore et toujours chahuté par ces voix d'outre-tombe. Là, quelque part dans ma tête, ma fille chantonnait, tandis que ma femme m'engageait à prolonger le combat de la vie. Ces paroles arrivaient, partaient, puis revenaient aussitôt, grandies de leurs glorieuses intentions. Elles voulaient le bien, ces voix, en définitive. Mais quand me ficheraient-elles la paix ?

Le lieutenant veillait à la terrasse de La Crémaillère, une fine oreillette soigneusement enfoncée dans le conduit auditif.

À deux reprises, je l'avais contacté sur son portable, à l'affût des nouvelles. Mais le loup mexicain se faisait toujours attendre.

Devant, sur la place éclairée, des rangées ordonnées de vendeurs déroulaient leurs étals d'insectes. Des spirales de mouches, des fractales de fourmis, des tourbillons de coccinelles, bondissant contre des parois translucides. S'éveillait un monde de vibrations, de craquettements, un grouillement contrôlé exposé à l'œil curieux de badauds ou d'experts passionnés venus dénicher la perle rare. Mantis religiosa, Morphos bleus, scarabées pique-prunes… L'extrémité gauche du marché assombrissait le tableau avec ses alignements écœurants d'araignées. Pattes velues, abdomens tendus. Dans ce foisonnement de mandibules, les visages des touristes se tordaient, certaines femmes, attisées d'une curiosité dangereuse, frôlant même la crise de nerfs.

— Où est Amadore ? demandai-je à Sibersky en commandant une bière.

Il considéra ma tenue passe-partout, fin pantalon beige, chemise unie et chaussures bateau, et répliqua :

— Dernière allée. Sanchez le tient à l'œil. Madison se balade sur le marché, à la recherche de ce Mexicain.

Il désigna mon portable.

— Del Piero a essayé de vous joindre avant d'appeler ici, il y a dix minutes. Vous n'avez pas répondu ?

Ma Leffe arriva. J'en liquidai la moitié d'un trait, histoire de compenser le comprimé. Un besoin irrépressible de saloperie dans mes veines.

— J'ai pas entendu, ça klaxonnait sec. Elle voulait quoi ?

— Juste savoir où nous en étions. On doit la tenir au courant après l'opération.

J'essuyai ce front ivre de sueur, écoutant à peine le lieutenant. Une fois mon verre vidé, mes doigts tremblaient un peu moins.

— Ce n'est pas trop votre style d'être en retard, piqua Sibersky. Vous semblez… nerveux. Quelque chose ne va pas ?

Il cherchait à capturer mon regard. Je me levai.

— C'est cette saleté… de chloroquine… Je me tords toute la journée sur le trône… Si tu permets, je vais inaugurer celui de ce café…

Je filai dans les toilettes pour m'y frapper le visage d'eau glacée. Mes yeux se levèrent vers le miroir face à moi, ces yeux d'apparence, las d'en avoir trop vu. Je m'enfermai dans un cabinet, déroulai de longues respirations, tentai de calmer mes mains, l'une massant l'autre. La fillette, les lacérations sur le frêne, l'assassin qui usurpe mon identité… Mon estomac me torturait, un manque atroce grossissait dans ma gorge. Les pilules… Cognant des deux poings sur le mur, je me relevai violemment. Si je devais veiller sur quelqu'un aujourd'hui, il s'agissait bien de moi.

La place vide de Sibersky me donna une grande claque. Volatilisé ! Je me ruai en bordure de terrasse, fouillai les alentours. Les peintres, sur la gauche. La houle moite des promeneurs, à front de rue. Les allées animées, plus en arrière. Mais pas de policier.

Mon portable vibra, je décrochai aussitôt.

— Madison a aperçu un type qui pourrait coller ! expliqua Sibersky. Genre Mexicain, moustache, des bagues plein les doigts. Il fout le camp en direction de l'église, à l'opposé de la place ! Je l'ai en visuel !

— Merde ! Il nous a repérés ?

— Je ne crois pas, il marche. Je le serre ?

— Non ! J'arrive !

Je m'élançai sur le pavé, à vive allure, contournant la place par une voie latérale. Mon cœur grimpa rapidement dans le rouge, ma glotte flamba sous mes exhalaisons brûlantes. Ces foutus cachets me bousillaient la cervelle et tout l'intérieur.

Sibersky progressait, en amont, dans cette grande voie rectiligne. Je courais toujours, dans l'ombre des façades, jusqu'à rejoindre le lieutenant dans la douleur du halètement trop court.

— Là-bas ! fit Sibersky, indiquant une silhouette cent mètres plus loin.

— Madi… son Sanchez ? Où… sont-ils ?

— Sanchez veille sur Amadore, Madison poursuit ses rondes, au cas où…

La forme s'évapora brusquement.

— Merde !

Sibersky s'envola au quart de tour, je lui accrochai les baskets, la respiration sifflante. Il me distança rapidement, cinq, dix, vingt mètres, survolant l'asphalte de cette foulée jeune et entraînée. Il bifurqua dans l'angle invisible d'une minuscule ruelle. Au fond, le Mexicain encombrait le passage de poubelles qu'il renversait avant de fuir encore. Le lieutenant inspirait fort, l'arme au poing, les bras vifs, le corps tendu dans sa course. Je traînais la langue mais tenais bon. Le second souffle arrivait, par-delà la douleur et le goudron des cigarettes. Mon rythme s'accéléra enfin.

Dans le goulot, des enfants se plaquèrent au mur, une femme rentra illico chez elle. Derrière un virage, la venelle se rétrécit en un étranglement de bitume. L'obscurité dévalait sale, grise, à l'image des murs de crasse. Sibersky avait gagné du terrain, le fuyard était tout proche, en lutte contre un grillage branlant. Son râle s'entendait distinctement à présent ; il se hissa du bout des doigts, grogna, roula de l'autre côté. Le lieutenant se précipita dans un cri, avala l'obstacle, dopé par la rage. Moi, je fonçai tout droit, la clôture se froissa sous le poids de mes cent kilos. Hurlements anonymes, passants qui s'égaillent, crissements de pneus.

Devant, une artère d'enseignes clignotantes, de pubs, de restaurants. En mire, les dômes limpides du Sacré-Cœur. De l'autre côté de la rue, deux hommes en cavale, dans les ténèbres d'un autre fil étroit. Je coupai tout droit, sans fléchir ni réfléchir, les dents serrées. Mes pieds enflaient, mes talons brûlaient. Plus loin, un gouffre de marches m'aspira alors que se battaient, dans sa pente, les deux êtres en furie. J'en vis un agripper le second, le fracasser contre une rambarde, le violenter encore avant que la chute l'avale. Le type aux bagues dévala six marches en gémissant. Tout là-bas, dans des grognements de fauves, le flic dominait, les deux genoux sur une échine brisée.

Je terminai la descente au ralenti, une belle bile aux lèvres, le corps en ruine. Je m'écrasai sur le sol, l'haleine dans celle de ce corps menotté, tandis que Sibersky récupérait contre un piquet, écroulé, les jambes écartées. Nous restâmes tous trois sans un mot, terrassés par le feu de nos poumons, comme des bêtes agonisantes.

Après que j'eus recouvré un semblant de calme et deux ou trois neurones encore vaillants, j'empoignai l'homme par la peau du dos et le soulevai.

Dans ses yeux mauvais, il me fumait d'un air de défi, avec le sourire de ceux qui haïssent, puis me cracha à la figure, proférant un morveux hijo de la perra ! Je lui envoyai mon poing dans la poitrine, le meilleur des coupe-sourire.

— C'est… certainement pas le moment de m'énerver ! rageai-je en le secouant avec générosité.

La fouille corporelle révéla un cran d'arrêt, une barrette de shit et trois mille euros en liquide…

— Bien, Umberto… Valdez ! J'ai quelques petites questions à te poser et je n'ai pas trop le temps. Alors j'espère que tu seras…

Un autre coup lui fit manger son rictus.

— … coopératif.

— Va te… faire… foutre… s'étrangla-t-il dans une rafale de postillons.

Il parlait avec cet accent de général de guérilla, sa bouche se déformait sous les r roulant dans sa gorge.

Je lui saisis les cheveux et lui relevai la tête, sous le regard ahuri de Sibersky.

— Raconte-nous ce que tu fichais à cette bourse !

Il ricana encore, par-delà la douleur.

— Promenade… Qu'est-ce qui m'en empêche ?

Je me tournai vers le lieutenant.

— T'as pris ta caisse ?

— Je suis venu avec celle de Madison.

— Parfait ! Appelle Madison et Sanchez. Dis-leur que le mec s'est tiré et qu'ils peuvent rentrer chez eux !

Le lieutenant écarquilla les yeux.

— Mais…

— Fais ce que je te dis, putain ! Ce salopard, on va le saigner !

Je m'essuyai encore le front et ajoutai :

— Pendant ce temps-là, je vais chercher ma voiture. Attends-moi avec cet enfoiré en haut de l'escalier !

Sibersky entraîna Valdez dans un coin et m'agrippa la chemise.

— Vous êtes hors de vous ! Qu'est-ce qui vous prend ?

— Surveille-le et ferme ta gueule !

Je réapparus quinze minutes plus tard, derrière mon volant, tendu à me rompre les nerfs. Sibersky comprima Valdez à l'arrière et s'assit à ses côtés.

— Sanchez et Madison, c'est réglé ? envoyai-je en lorgnant dans mon rétroviseur.

— Oui. Ils ne sont au courant de rien, mais…

— À partir de maintenant, plus la moindre question. OK ?

— Je… vous fais confiance… répondit-il sans grande assurance.

Le Mexicain commençait à se trémousser.

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? brailla-t-il. Eh, hombre ! Où que tu m'emmènes ? Et toi, tu dis rien ? Et mes droits ?

— Tes droits, on s'assoit dessus ! répliquai-je, la risette mauvaise.

Je démarrai en trombe, la main caressant un sac à dos plein de surprises.

Il me fallait un endroit isolé. Le panneau déchetterie, à proximité de la porte de la Chapelle, tombait idéalement. Je remontai donc l'avenue du même nom et obliquai dans une rue sans vie, surchargée de préfabriqués et de petites entreprises, qui nous amena aux frontières du monstre d'ordures. Derrière, Valdez avait étrangement cessé de s'agiter.

Phares coupés, Maglite, sac à dos. En route. Mais Sibersky, sorti du véhicule tout en matant le Mexicain, m'arrêta.

— Qu'est-ce que vous faites ?

— Cet enfoiré va parler et tout de suite ! Reste ici, prends soin que personne ne me dérange !

Il m'agrippa par l'épaule.

— On ne peut pas faire ça ! Commissaire !

Je le repoussai avec fermeté.

— On n'a pas le temps ! Il doit cracher le morceau ! Illico ! Et dégage de mon chemin !

J'éjectai Valdez de la voiture et le propulsai devant moi. Sibersky resta appuyé sur le capot, le mot coupé.

— A quoi tu joues, hombre ? Tu veux me faire peur ? T'es flic ! Tu ne me feras rien !

— Tu ne sais pas de quoi je suis capable… murmurai-je au creux de son oreille. J'ai plus rien à perdre, plus rien du tout… Par contre toi, tu vas perdre tes couilles.

Après que nous eûmes franchi la barrière de sécurité, je l'entraînai dans l'alignement des bennes, lui, ordure parmi les ordures. Je l'aplatis contre une tôle luisante d'huile, les watts de ma torche dans ses yeux.

— Tes insectes, tu te les procures comment ?

— Va te faire foutre ! Connard !

Mon poing percuta son flanc gauche, il se plia en deux avant de cracher un rire infâme.

— T'as l'air salement perturbé, h ombre ! C'est quoi ton problème ? Tu te cames ? Les camés, je les sens à des kilomètres, tu sais ! Eh, lieutenant ! Ton collègue, il se came !

Il tendit encore son regard de raclure, embrasé d'une haine d'instinct envers les flics. Ses fossettes crevaient de cicatrices, tirant cette peau volcanique brûlée par le soufre des bagarres.

Je le forçai à s'asseoir et ôtai mon sac à dos. J'en sortis deux mouchoirs que je lui engouffrai dans la bouche. Il hurlait étouffé, crachant une fureur sourde, lorsqu'un triple tour de chatterton le musela pour de bon.

— Si tu te décides à jacter, tu feras oui de la tête…

Il soufflait par le nez, son front haut plissé de colère, tapant des talons avec la hargne des taureaux fous. Je m'assis sur ses cuisses, mon nez à deux centimètres du sien. Sous ces rectitudes de métal, ses genoux craquèrent.

— Tu vois, il a été démontré par des médecins spécialistes de la douleur que la pire des souffrances physiques est la suffocation sèche. Quand tout l'organisme réclame l'air, avec la langue qui enfle dans la bouche, le cœur qui bat de plus en plus fort, jusqu'à exploser dans la poitrine. Brrr ! J'aimerais pas être à ta place.

Ma main se glissa avec prudence dans ma musette. Lorsque j'en extirpai un petit cercueil de Plexiglas, les yeux du Mexicain se révulsèrent.

— Tu la reconnais ? Latrodectus mactans, la veuve noire la plus dangereuse au monde. Un putain de concentré de venin. Je crois qu'elle n'a pas trop apprécié son enfermement. Elle semble… nerveuse. Bon… À moins que tu sois au courant, je vais t'expliquer ce que sa morsure va provoquer…

Je déboutonnai sa chemise, posai la boîte sur son torse et retirai un petit cadenas.

L'araignée se tassait sur elle-même, prête à bondir, les mandibules lourdes de poison.

— J'adore ! J'adore ces petites bestioles !!!

Mes mains volèrent au ciel, tandis que ses joues gonflaient de peur. Il me prenait pour un dingue. Tant mieux.

— Dix minutes après la morsure, tu vas ressentir une très grande douleur, d'abord dans la zone piquée, puis dans l'ensemble du corps. Contractions musculaires violentes, oppression thoracique, sympathique comme tout… Puis… Ils appellent ça des neurotoxines… Il paraît que ça paralyse un à un tes muscles respiratoires, lentement, très lentement. Tu sais à quoi ils comparent ça ? À un type essoufflé, qu'on mettrait sous l'eau et qui n'aurait pour respirer qu'une paille très fine ! Amusant, non ?

Je posai le bout des doigts sur la tirette. La tueuse aiguisa ses crochets.

— Dans moins d'une demi-heure, sans secours, t'es un homme mort. Ton cadavre croupira au fond de ces bennes. Je te laisse cinq secondes pour réfléchir. À cinq, j'ouvre.

L'orage craqua au fond de ses rétines, des veines saillaient sur son front et ses tempes. A l'ultimatum, il n'avait pas réagi.

— T'es plus coriace que je le pensais… Mais tu sais pas à qui tu te frottes, face de pet.

L'araignée vit la trappe disparaître, palpa, puis s'aventura sur le territoire de poils, ses huit yeux décortiquant ces vibrations de poitrine. C'était un monstre de cauchemar, avec son thorax démesuré piqueté de taches rouges et ses pattes si crochues qu'elles donnaient l'impression d'aiguilles.

La panique retourna les tripes du Mexicain, une odeur de défécation flirta avec celle des ordures. Lorsqu'il secoua la tête pour indiquer qu'il abdiquait, le prédateur mordit au beau milieu du pectoral gauche. Le cri de Valdez transperça les épaisseurs de scotch.

J'écrasai l'horreur du pied, son corps se comprima tandis que ses pattes se rétractaient. Je m'accroupis, approchant mon visage de celui du Mexicain.

— Tu n'y croyais pas, fumier ? Petite frappe de mes deux !

Je le lâchai avec mépris, me rendant compte que je le serrais encore à la gorge.

— Maintenant, je vais enlever le scotch. Dis-moi ce que je veux entendre et j'appelle les secours. Tu gueules, je te bâillonne et te balance dans la benne, OK ?

Il acquiesça vivement. J'arrachai le chatterton ainsi qu'une bonne partie de sa moustache, puis retirai les mouchoirs de sa bouche.

Il cracha ses boyaux avant d'envoyer :

— Putain ! T'es un malade ! Me laisse pas crever ! Putain de merde !

— Je répète ma question. Tes araignées, tu te les procures comment ?

Il s'étouffa encore, les yeux fixés sur les deux minuscules points rouges de son torse.

Sanctus Toxici ! Le sanctuaire des poisons ! Un endroit, sous terre !

— Où ça, sous terre ?

— Putain ! Ils vont me faire la peau si je parle !!!

— Ce devrait être le moindre de tes soucis…

Il évalua rapidement la remarque, puis répondit :

— On dirait… une station de métro fantôme… Un tunnel de rails, sans accès extérieur, muré. Inaccessible… Mais y a un moyen de descendre. Un passage secret…

— Où ? Tu perds de précieuses secondes !

Il agita la tête. De grosses gouttes perlaient sur ses tempes brunies.

— Je sais pas exactement ! Le rendez-vous… dans la cave d'un bar africain… l'Ubus… Dans le vingtième… Après, ils te bandent les yeux… Tu dois marcher pendant plusieurs minutes…

Je collai mon front contre le sien.

— Et que trouve-t-on là-dessous ?

— Merde, connard ! J'ai pas le temps !

— J'attends !

Les mots se chevauchèrent dans sa bouche.

— Toutes sortes de bizarreries ! Des animaux venimeux, cobras, scorpions noirs, insectes dangereux ! Des drogues aussi, mais pas du classique… des substances à base de venin… Dans des passages annexes, ils font d'autres choses… Sorcellerie, magie noire, vaudou. À éviter…

Il se claqua la tête contre la tôle.

— Les secours ! Je t'ai tout balancé !

— Pas tout à fait. Tu as déjà refilé des moustiques infectés ?

— Quoi ?

— Paludisme, fièvre jaune ! Qui vend ça ?

Je le pressai par le col. Il accoucha.

— J'en ai seulement… entendu parler… Je sais pas… si c'est vrai… Ahrrr ! Putain ça… Ahrrr ! Ça commence ! Merde ! Me laisse pas crever !

Un œil sur ma montre.

— Six minutes. Ça agit plus rapidement que prévu… Bonne bébête ! Comment on entre là-dedans ?

— Sans moi… t'entreras… pas…

Je patientai sans piper mot. Ses lèvres se tordaient en huit désastreux.

— Dans le… bar… Demande… Opium. Parle du… baiser de l'araignée. C'est… un code…

— Ça se déroule quand ?

— Une fois… par mois… pendant… la lune nouvelle… Faut que… tu te magnes… C'est la dernière… nuit… avant le cycle suivant… Le bar… ferme… dans quatre heures… Hombre ! Merde !

— Ils vont me fouiller ?

Son souffle prenait le vent. Symptômes de la paille dans la bouche.

— Oui. S'ils ont… un doute… ton… tu disparaîtras… là-dessous…

Il s'effondra sur le côté, les dents serrées.

Je sortis une seringue de mon sac, mélange de sel de calcium et d'un sérum antilatrodecte, et enfonçai l'aiguille dans son épaule.

— Tu ne sentiras plus rien dans quelques minutes. Merci de ton aide… hombre…

Je secouai la barrette de shit devant son nez.

— Je veux bien oublier ça, en guise de remerciement et… en échange d'un petit service…

Il se redressa lentement, à moitié sonné.

— Et… mon fric… Rends… mon fric…

Je souris.

— Je le garde au chaud… On va t'emmener au 36, pour un interrogatoire dans les règles, et tu répéteras ce que tu m'as dit, mais… oublie ce qui vient de se passer. Tu as été coopératif, j'appuierai ta défense. Si tu me trahis, je laisserai avec plaisir ton adresse à l'Ubus, leur signalant que tu jactes avec les flics… et…

J'écrasai mon index sur la photo d'une femme, dans son portefeuille.

— … je saurai m'occuper d'elle aussi. Une petite araignée, et hop !

— Fils de… pute…

— Bien ! Je vois que tu retrouves tes capacités intellectuelles. Tu as bien compris ?

Il cracha sur le sol. Il avait compris…

Je reboutonnai sa chemise, récupérai dans un mouchoir l'araignée morte et me rapprochai de Sibersky, qui faisait les cent pas. Valdez tremblait sous ses chairs, le visage couleur paprika.

— Commissaire ! Qu'est-ce… commença le lieutenant.

— Dans la voiture ! On n'a plus beaucoup de temps ! Je vais tout t'expliquer en route mais… j'appelle Del Piero, qu'elle fasse des recherches sur Valdez. Contacte immédiatement Sanchez et demande-lui de rappliquer au bureau, d'urgence. On va avoir besoin de lui, et de personne d'autre…

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