Anna, 14-1-92. Gisele, 28-9-94. Marie, 2-2-95. Sabrina, 18-5-95, Adeline, 9-7-97, Olivia, 12-2-98, Rebecca, 30-4-98…

Sept prénoms féminins qui parlaient d'eux-mêmes, comme la date de leur mort. Je les faisais défiler d'un clic de souris. Je les regardais. Je m'imprégnais d'eux. Ça me suffisait. Sept prénoms, sept visages, sept vies. Sept morts. Leurs sept initiales réunies formaient de jolis mots. Rosagam, Amorags, Sagamor. Je préférais « Sagamor » pour sa sonorité douce au départ, puis sa fin brutale, grave. Je l'aimais parce qu'il était composé de « saga » pour l'histoire, puis d'amour et de mort. C'était ainsi que je voyais ces sept jeunes filles. Sept histoires d'amour et de mort.

J'ai ressenti le besoin d'aller voir les immeubles où les meurtres avaient été commis, comme si je souhaitais nimber de ma présence ces lieux contaminés par un seul et même homme, comme si je voulais les relier, les uns après les autres, telles des perles sur le même fil d'un collier. Voir les immeubles insufflait quelque chose de concret à ces prénoms, a ces dates. Je ne savais pas où ces jeunes filles avaient été enterrées. Je ne pouvais pas me rendre sur leurs tombes. Alors il m'a semblé que je devais aller sur les lieux de leur mort.

Trouver les adresses sur Internet avait été facile. Si un site ne donnait pas les informations que je souhaitais, je les trouvais sans peine en surfant sur un autre. Tout y était, le nom de la rue, le numéro, l'arrondissement. Six adresses que j'ai enregistrées dans un fichier. Qu'allais-je en faire ? J'ai pensé qu'il fallait procéder par ordre chronologique. Anna avait été le premier meurtre. Je n'avais pas besoin de retourner rue Dambre. Ce serait donc Gisèle.

Pendant quelques jours, j'ai hésité. Puis j'ai décidé de ne pas aller visiter ces endroits. À quoi ça servirait ? À rien. J'ai effacé d'un coup les adresses de la mémoire de l'ordinateur. Mais je les avais mémorisées malgré moi.

Et je savais, au plus profond de moi-même, qu'il faudrait que j'y aille. Un jour ou l'autre.

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