Le vertige a commencé dès l'escalier. Plus je gravissais les marches, plus mon estomac se nouait, plus ma tête tournait. J'avais du mal à glisser la clef dans la serrure tant mes mains tremblaient. Pendant longtemps, je suis restée sur le pas de la porte, à ne pas oser rentrer. J'imaginais la voix de Frédéric, nasillarde, moqueuse. « Ridicule ! Totalement ridicule ! » J'ai eu honte. Et si on me voyait, pétrifiée sur mon propre palier ? Je suis entrée précipitamment, comme si on m'avait poussée.
C'était chez moi. Ma maison. Mes meubles. Mes objets. Mes rideaux. Ma télévision. Mon ordinateur. Il n'y avait rien d'effrayant, finalement. J'ai fini par sourire, soulagée. De quoi avais-je eu peur ? C'était idiot. Tout ça, c'était du passé. Tout ça, c'était fini. Allez, Pascaline, secoue-toi un peu, reprends-toi, non, tu ne vas pas partir, pas question, c'est ton appartement, tu resteras ici, et tu y seras très contente. Ça faisait du bien de se parler ainsi.
Avec une fausse énergie joyeuse, je me suis ébrouée, en chantonnant à voix basse un vieil air de Joe Dassin. On ira, où tu voudras quand tu voudras… Toute ma vie, sera pareille à ce matin, aux couleurs de l'été indien… Toujours avec la même gaieté forcée, j'ai plié mes vêtements, rangé des assiettes, des verres, passé l'aspirateur. Plus je m'activais, plus je me sentais maîtresse de moi-même, muée en une sorte de forteresse auréolée de bravoure.