Dans le métro, en rentrant du bureau, j'étais assise sur la banquette. La voiture était pleine. Autour de moi, il y avait sept personnes. Nous étions huit, deux par banquette. J'ai levé les yeux. Sept femmes, et moi. Sept jeunes filles, toutes d'une vingtaine d'années, chacune plongée dans sa vie. L'une d'elle lisait un roman, l'autre un magazine ; une troisième avait des petits écouteurs dans les oreilles et balançait sa tête au rythme d'une musique qu'elle seule entendait. La quatrième regardait ses ongles, la cinquième somnolait. La sixième, tout contre moi, sentait un parfum sucré, celui d'Elizabeth. « Angel. » La septième griffonnait quelque chose sur un carnet. Sept femmes qui remplissaient chacune son espace sur la banquette. Sept cœurs, sept cerveaux, sept matrices, sept paires de poumons. Sept personnes.
L'homme avait anéanti tout ça. Je mesurais pour la première fois, de façon tangible, l'horreur de son geste. À cause de lui, la banquette m'a semblé dévastée. Vide des sept souffles que j'avais captés, vide des effluves de « Angel », vide d'un walkman, d'un petit carnet, d'un roman, d'un magazine. De tout ce qui tissait une vie au quotidien. De tout ce qui définissait et constituait un être humain. Ce n'étaient plus sept inconnues qui m'entouraient, mais sept cercueils.
Même si ce n'était pas mon arrêt, je suis descendue de la rame. J'ai dû attendre longtemps avant de pouvoir reprendre mes esprits.