Quelques jours plus tard, à l'heure du déjeuner, j'étais revenue dans le quartier de l'Opéra. Sur la porte d'entrée de Gisèle, il y avait un code. J'ai attendu quelques minutes, puis j'ai profité de la sortie d'une dame pour entrer dans l'immeuble. Je me suis retrouvée dans un passage pavé, calme, où les bruits de la ville ne pénétraient pas. Les façades étaient anciennes, lézardées. Le soleil ne devait pas y briller souvent.
Quelque part, derrière une de ces fenêtres, l'homme avait tué pour la deuxième fois. Malgré la chaleur qui régnait sur la ville, j'ai frissonné. J'imaginais le piano de Gisèle qui résonnait dans la petite cour, des notes graves, limpides et gaies, comme elle. Comme ce qu'elle avait été avant de croiser l'homme, le dernier soir de sa vie.
— Vous cherchez quelqu'un ?
La voix m'a fait sursauter. Je me suis retournée pour découvrir un vieillard accoudé à sa balustrade, au premier. J'ai répondu que non. Je regardais l'immeuble, voilà tout. J'ai fait mine de partir. En sortant, j'ai senti ses yeux dans mon dos. Je me suis demandé s'il se doutait de la raison de ma venue. D'autres personnes s'étaient-elles rendues ici, dans ce petit passage silencieux, sur les traces de Gisèle, sur les traces d'un assassin ?
Une dernière fois, je me suis retournée avant d'ouvrir la porte cochère qui donnait sur la rue. Le vieil homme me regardait toujours, du fond de la petite impasse ombragée. Ses yeux avaient une expression curieuse.
J'ai eu honte, comme si le fait de venir ici, de contempler la dernière demeure de Gisèle, était un acte méprisable.