Mais il arriva un jour – le jour justement de la première charrette – que MM. Polydore et Jean-Jean furent absents dans le même temps que M. Hilaire.
Virginie alluma aussitôt une lanterne, se fit ouvrir la trappe et descendit l’escalier à pic qui menait à ce sombre mystère.
Le désordre qui y régnait était inimaginable. Les caisses avaient été bousculées, certaines éventrées.
Le vin avait coulé des fûts, humectant le sol à faire croire à une crue extraordinaire de la Seine. Un tonneau de petit vin d’Anjou mousseux était vide. Un baril de harengs saurs répandait à demi son contenu sur ce sol fangeux.
Des jambons fumés avaient disparu, ou plutôt les os qui en restaient disaient assez qu’en dépit des bons repas de la salle à manger et des «en-cas» nocturnes de M. Hilaire, MM. Polydore et Jean-Jean avaient satisfait sur eux leur incroyable boulimie.
La lanterne, les soupirs et les sourdes exclamations d’horreur de Mme Hilaire se poursuivaient au milieu de tout ce ravage, quand soudain un bruit de voix se fit entendre du côté de la réserve!
Mme Hilaire s’arrêta, tremblante. Qui donc avait parlé?
Elle écouta encore, mais en vain, cette fois… Cependant, il n’y avait pas d’erreur. La chose était bien venue du fond de la cave, qu’une simple cloison de planches, fermée d’une porte épaisse, séparait de la réserve…
Mme Hilaire dut comprimer, d’une main lourde, les battements de son cœur.
Elle se glissa, avec des précautions infinies, jusqu’au fond du mystérieux souterrain…
Contre la porte de la réserve, on avait roulé deux grosses barriques! Pour empêcher de passer…
Chut! de nouveaux murmures!
Un soupir qui ne part pas de la gorge de Mme Hilaire!
Une voix de femme!
Vierge sainte! M. Hilaire cache une femme dans la réserve.
Tout s’explique!
Les «en-cas», toutes les douceurs que M. Hilaire transporte dans la cave, tout cela n’est nullement destiné à Polydore et Jean-Jean qui, elle a pu le constater, hélas! se rattrapent par ailleurs… Non! toutes ces douceurs sont pour la femme!
Quelle femme?
Une maîtresse de M. Hilaire! Enfer et damnation!
«Une de la haute», sans doute, puisqu’elle se cache comme une suspecte!
M. Hilaire a toujours eu du goût pour les femmes de la haute. Son dévouement à Mme la marquise du Touchais a paru souvent inexplicable à Mme Hilaire.
Et il faut que M. Hilaire y tienne, à cette femme, qui est dans la réserve, pour qu’il la fasse garder par ces deux monstres, par ces deux dogues insatiables qui lui coûtent les yeux de la tête et ruinent son commerce!
Ah! ah! en vérité! voilà donc toute l’histoire! Si Mme Hilaire ne reconnaissait plus M. Hilaire, qu’y avait-il d’étonnant à cela? C’était cette femme qui le lui avait changé! C’est pour elle que Mme Hilaire avait tant souffert, pour elle qu’elle avait été humiliée, menacée, froissée, ridiculisée devant tous! C’est à cause de cette femme que Mme Hilaire n’était plus maîtresse chez elle!
– Eh bien! on allait voir!
Résolue à se venger d’une façon éclatante et sachant que la vengeance est un plat qui se mange froid, l’épicière se hâta de regagner, sans faire le moindre esclandre, la lumière du jour.
Tout à coup, Papa Cacahuètes fit son entrée.
M. Hilaire n’était pas encore arrivé. Papa Cacahuètes alla saluer Mme Hilaire, et lui annonça que, passant par l’Hôtel de Ville, il avait appris avec joie que M. Hilaire venait d’être nommé inspecteur des prisons!
– Mes félicitations, madame! ajouta-t-il. Tous les jours votre mari monte en grade, acquiert une nouvelle fonction! La révolution rend hommage à ses grandes qualités de cœur et d’esprit!
– C’est bien parlé! approuva Jean-Jean qui venait d’arriver et qui avait entendu. Nous fêterons, ce soir, cette bonne nouvelle! On débouchera une ou deux bouteilles de champagne!
– Et on videra un flacon de vieux rhum de la Martinique! ajouta Polydore.
Mme Hilaire baissa les yeux pour ne pas montrer tout le courroux et toute la haine dont ils étaient pleins.
Tous ces misérables étaient les complices de son mari!
Enfin, l’épicier arriva et reçut sans trop d’étonnement la nouvelle de son élévation à une dignité aussi importante que celle d’inspecteur des prisons dans un temps où elles étaient pleines.
Le vaniteux commençait déjà à se faire aux honneurs!
Une autre nouvelle, apportée par son ami «le nouveau bougniat», l’homme aux joues noires et aux mains blanches, parut le toucher davantage.
Il frissonna de tout son corps en entendant «M. Frédéric» raconter avec une émotion nullement feinte la peine qu’il avait éprouvée en apprenant, quelques minutes avant son arrivée, que son prédécesseur, le brave «bougniat» qui lui avait si aimablement passé son fonds: «Planches de sapin, lattes et houille», avait été trouvé mort, le matin même, rue de Turenne, avec un grand couteau planté dans le dos.
Ce brave homme était, depuis longtemps, un ami de M. Hilaire et nous savons le service qu’il lui avait rendu le jour où le commissaire de la section de l’Arsenal s’était occupé de mettre en lieu sûr la famille du Touchais.
N’était-ce point terrible de se voir récompenser de ce service-là par un coup de couteau?
Peut-être avait-il laissé échapper une parole imprudente? malgré les recommandations extraordinaires de M. Hilaire…
– Peut-être ce coup de couteau n’était-il que de précaution? Oh! abominable, épouvantable Chéri-Bibi!
Sur ces entrefaites survint à son tour, bien pâle et bien défait, ce pauvre M. Barkimel. Il sortait du tribunal révolutionnaire et avait rencontré en route un collègue, lequel avait assisté à la cérémonie de la place de la Révolution et lui avait raconté comment était mort Tissier, l’ex-vice-président de la Chambre, condamné par M. Barkimel!
– Il n’y a pas à dire! exprima celui-ci avec une certaine mélancolie, ça fait quelque chose de se dire qu’on a fait tomber la tête d’un homme! Un homme qui, tout à l’heure, respirait comme vous et moi, parlait et tournait la tête!
– Ah! ah! tournait la tête! Bravo pour tourner la tête! Vous avez trouvé ça tout seul: tourner la tête! Évidemment, maintenant, il ne peut plus la tourner.
C’était l’horrible Mazeppa qui arrivait.
M. Barkimel, qui était cependant au courant des nouvelles mœurs hospitalières de M. Hilaire, n’avait pas encore eu l’occasion de se trouver en face de ce nouveau «pauvre». Il recula épouvanté. Mais le père Cacahuètes sortit soudain de son rêve pour présenter le jeune Mazeppa. «Mon secrétaire!» ajouta-t-il avec un rire inattendu qui lui racla la gorge et qui effraya les autres autour de lui, plus que tout le reste.
Il pénétra le premier dans la salle à manger, et on l’entendait rire encore là-bas, tout seul, et de quel rire!
M. Hilaire, lui-même, en était tout pâle.
Quant à «Monsieur Frédéric», le bougniat «à la manque», il s’enfuit, après s’être excusé auprès de Mme Hilaire de ne pouvoir accepter son invitation à dîner pour ce soir-là.
Mme Hilaire se disait en elle-même, tout au fond de sa malice avertie par sa récente découverte: «Jouez bien la comédie, mes bonshommes! Il va falloir s’expliquer tout à l’heure!» Et elle entra dans la salle à manger en donnant le bras à M. Barkimel et semblant ignorer tous les autres convives.
– Je ne sais pas ce qu’a Mme Hilaire, aujourd’hui, prononça la voix éraillée de Chéri-Bibi, qui était déjà attablé comme un malotru, mais elle a un petit air qui lui sied à ravir!
Mme Hilaire ne broncha pas. Elle attendait son tour!
La conversation roula dès l’abord sur la nouvelle de l’arrestation du baron d’Askof, que publiait en dernière heure le Journal des clubs. Et là-dessus, le père Cacahuètes s’étonna de ce que l’on continuât à ignorer la retraite où se cachait la famille Touchais.
– Elle ne doit pas en mener large, la belle marquise! exprima Virginie… Elle qui faisait tant la fière qu’on n’osait pas lui adresser la parole! Où peut-elle être, maintenant? Elle aura peut-être trouvé quelqu’un comme tant d’autres pour la cacher dans sa cave!
À l’audition de cette phrase prononcée d’une voix agressive, tous les appétits restèrent suspendus.
Hilaire frémit, ce qui n’échappa point à Mme Hilaire, laquelle jouit de ce trouble avec une férocité à peine dissimulée. Polydore et Jean-Jean se regardèrent.
Papa Cacahuètes pria Mazeppa d’aller lui faire une course et de ne revenir que lorsqu’il «le sifflerait».
Puis, il toussa, leva ses lunettes noires sur Mme Hilaire et lui demanda d’une voix qui tremblait un peu:
– Que voulez-vous dire? madame Hilaire. Il faudrait vous expliquer!
– M’expliquer! repartit la maîtresse femme, déjà rayonnante de l’effet produit, est-il besoin de m’expliquer! M. Hilaire sait parfaitement ce que je veux dire!
– Moi? protesta l’innocent Hilaire… Mais j’avoue que je ne comprends même pas pourquoi «Papa Cacaouettes» s’étonne de ce que tu viens de dire. Évidemment, cette dame peut être cachée dans une cave ou dans un grenier!
– Cave ou grenier! s’écria Mme Hilaire, ce n’est pas moi qui la plaindrai! Et si jamais on la pince, cette pimbêche, avec sa mijaurée de Lydie et sa vieille hypocrite de Jacqueline, je serai la première à crier bravo!
– Vous la détestez donc bien? demanda la voix sourde de Chéri-Bibi.
– Je vais vous expliquer! intervint M. Hilaire.
– Chut! gronda la voix de Chéri-Bibi, chut! monsieur Hilaire, n’interrompez pas Mme Hilaire! ça ne se fait pas dans le monde!
– Oh! sur ce chapitre, nous n’avons jamais été d’accord, continua Mme Hilaire. Il a beau être maintenant tout ce qu’il voudra, M. Hilaire regrette certainement le temps où il était le domestique de ces gens-là! Il me l’a dit! Il ne le niera pas! Et ça se dit républicain, révolutionnaire, et tout le tralala! Moi, je ne suis qu’une femme du peuple et j’ai plus de rancune!
– En voilà assez! s’exclama M. Hilaire…
Mais Virginie continua de glapir:
– Penses-tu! Il la saluait toujours jusqu’à terre! On aurait dit qu’il en était amoureux, ma parole! Si ça n’était pas à vous faire suer! Sans compter qu’elle n’était pas meilleure qu’une autre, la Cécily ! On a assez parlé d’elle à Dieppe quand elle avait ses rendez-vous, jusque dans les églises, avec le vicomte de Pont-Marie!
Là-dessus il y eût un silence! quel silence!
D’abord, la parole de Mme Hilaire semblait avoir frappé M. Hilaire à mort. Il ne remuait plus, ne donnait plus signe de vie.
Soudain une voix doucement éraillée, celle du marchand de cacahuètes, fit entendre:
– Je vois que vous ne l’aimez pas!
– Ah! non! explosa Virginie! Tenez, puisque je ne peux pas espérer qu’elle sera ma femme de chambre, je ne lui souhaite qu’une chose: c’est qu’elle soit prise, jugée et guillotinée!
Un bruit de vaisselle cassée souligna aussitôt l’importance d’un pareil souhait.
C’était Papa Cacahuètes qui venait de dégringoler sous la table avec son assiette.
Papa Cacahuètes avait cette habitude de manger souvent sous la table, comme un chien. Il se trouvait ordinairement à son aise, le derrière par terre et ne se mêlant le plus souvent à la conversation que par des grognements.
Mais, cette fois, on ne l’entendit pas grogner. M. Barkimel voulut rompre un silence redevenu insupportable:
– Madame, vous êtes une vraie citoyenne. Je puis vous dire, à vous, une chose qui vous réjouira: «On est sur le point de découvrir la retraite de la marquise du Touchais!»
– Il y a donc un bon Dieu? déclara Virginie.
Quelque chose remua sous la table et M. Hilaire, pour prouver peut-être, lui aussi, qu’il n’était point tout à fait réellement mort, fit un geste sur sa chaise. MM. Polydore et Jean-Jean se balancèrent sur la leur.
– Oui, expliqua M. Barkimel. La chose s’est passée en fin d’audience au tribunal révolutionnaire. On nous avait apporté à juger une petite ouvrière blanchisseuse qui n’était pas plus blanchisseuse que moi et qui n’est autre que la baronne d’Askof! la femme de l’ami du Subdamoun qui, lui-même, a été arrêté au café Werter.
«La baronne d’Askof, dont nous devions régler immédiatement le sort et qui avait peur, naturellement, d’être condamnée à mort et exécutée dès demain, nous a demandé si nous lui accorderions la vie sauve dans le cas où elle nous mettrait en mesure d’arrêter la marquise du Touchais, mère du Subdamoun!
«L’accusateur public prit sur lui de lui promettre ce qu’elle demandait si ces indications étaient sérieuses. Alors elle nous dit que la blanchisseuse qui l’avait recueillie, elle, la baronne, et cachée à tous sous cet accoutrement était l’ancienne blanchisseuse de la marquise et que cette blanchisseuse avait reconnu une chemise de la marquise dans le linge que lui avait donné récemment une cliente!
À ces mots, M. Hilaire parut se trouver mal sur sa chaise et puis tout à coup poussa un cri perçant. On s’inquiéta.
– Oh! ce n’est rien, dit-il, c’est passé! Un pincement au cœur!
La vérité était qu’il venait d’être bel et bien mordu à la jambe par cette chose qui était sous la table.
Il mesura du coup la gaffe qu’il avait commise en glissant dans le linge de la maison une chemise de la marquise et il comprit aussi que si cette gaffe avait les conséquences redoutables qu’il fallait dès maintenant prévoir, ce n’était pas sa femme qui serait dévorée par cette chose qui était sous la table, mais lui-même, M. Hilaire, tout commissaire de section et inspecteur des prisons qu’il était!
M. Barkimel, qui ne s’apercevait point du drame que ses paroles déchaînaient à ces côtés, continuait:
– L’accusée donna le nom et l’adresse de la blanchisseuse, rue aux Phoques.
– Rue aux Phoques! s’écria Virginie… mais c’est notre blanchisseuse!
– L’affaire fut un instant suspendue, reprit M. Barkimel, pendant qu’on envoyait là-bas le commissaire aux délégations judiciaires. Ce magistrat revenait bientôt nous annoncer qu’on avait trouvé la blanchisseuse de la rue aux Phoques pendue à l’espagnolette de sa fenêtre. Hein! qu’est-ce que vous dites de cela? Croyez-vous que ça se complique! Il avait d’abord cru à un suicide, à cause d’une lettre d’amour trouvée près du cadavre, mais il n’avait pas eu de peine à reconstituer le crime! Encore un coup des amis du Subdamoun qui avaient dû être avertis qu’on était sur la trace de la mère de leur idole! Ces gens-là ne reculent devant rien!
– Et qu’est-ce que vous avez fait de la baronne d’Askof? eut encore la force de demander M. Hilaire, lequel s’était pris à suer à grosses gouttes.
– Eh! bien, reprit M. Barkimel, nous nous disposions à la condamner à mort, puisqu’elle ne nous avait servi de rien, quand elle s’écria qu’elle se rappelait parfaitement les initiales du linge de la pratique au milieu duquel on avait trouvé la chemise de la marquise… Ces initiales étaient…
Mais il ne put en dire davantage. Un fracas effroyable éclata tout à coup dans la salle à manger. La lourde table avait été renversée d’un seul coup avec tout ce qu’elle supportait de vaisselle, de verrerie et de couverts, et était retombée sur les pieds de M. Barkimel qui se prit aussitôt à pousser des cris d’écorché.
Et de toute cette confusion sortait Papa Cacahuètes, qui s’excusait auprès de Mme Hilaire de s’être relevé un peu trop brusquement et d’avoir été, ainsi, la cause stupide de la catastrophe!
M. Barkimel, dégoûté décidément d’un dîner où il n’avait trouvé aucun plaisir et où il s’était fait à peu près écraser les pieds, prit congé d’une façon assez maussade et gagna la porte de la rue, soutenu par le jeune Mazeppa qui avait reçu l’ordre de le reconduire chez lui et «de le veiller comme son père».
De leur côté, sur un signe de Papa Cacahuètes, MM. Polydore et Jean-Jean avaient prétexté d’une grande fatigue pour descendre sans plus tarder dans la cave, où leur couchette les attendait.
De telle sorte qu’il ne resta plus dans la salle à manger que Papa Cacahuètes, M. Hilaire et Mme Hilaire.
Celle qui ne doutait plus de la personnalité que l’on cachait «chez elle» paraissait prête à éclater.
La face congestionnée, la gorge furieuse, les poings sur les hanches, elle attendait un mot qui serait, pour elle, le signe de l’explosion.
D’abord, Papa Cacahuètes dit, après avoir refermé fort précautionneusement la porte:
– Je ne crois pas que cet imbécile de Barkimel se doute de quoi que ce soit, sans cela il ne serait pas venu dîner ici de peur de se compromettre et il ne nous aurait pas raconté l’histoire!
– Je ne le crois pas, en effet, murmura M. Hilaire qui tremblait de tous ses membres.
– Comment voulez-vous qu’il s’en doute? commença d’éclater Virginie. Mais moi, je n’ai plus rien à apprendre.
– Madame Hilaire! interrompit Papa Cacahuètes en lui prenant le poignet dans l’étau de sa main de fer et en la faisant reculer jusqu’au fond de la pièce, Madame Hilaire, je vous aime bien, car je ne saurais oublier que vous êtes la femme de mon ami Hilaire! Laissez-moi donc vous donner le conseil de crier moins fort quand vous parlez de votre cave. Savez-vous que c’est un bienfait inimaginable pour M. Barkimel que son imbécillité et l’ignorance où il est encore de ce qui se trouve dans votre cave… Ceux qui l’ont su, madame, en sont morts… Le bougniat qui a précédé «Monsieur Frédéric» en est mort… Votre blanchisseuse en est morte…
Il la lâcha, Elle tomba sur une chaise, comme dégonflée tout à coup, et elle regardait le diabolique bonhomme avec des yeux hagards. Maintenant, Papa Cacahuètes reprit un peu plus tranquillement:
– Qu’est-ce que vous voulez que je fasse de vous, maintenant madame… maintenant que vous savez cette chose-là? C’est un secret dont vous n’êtes plus maîtresse! Un geste, un regard, peuvent nous trahir! Dans ces conditions, vous voyez bien qu’il faut disparaître!
– Mon Dieu! gémit M. Hilaire qui n’était point méchant, mon Dieu! ayez pitié d’elle!
Virginie fit entendre un soupir d’agonisante.
– Je vous donne la vie sauve, continua le vieillard, après réflexion, mais, je vous répète… il faut disparaître… et la meilleure façon que vous ayez de disparaître, pour moi, et pour tout le monde, est de descendre, à votre tour, dans votre cave, et de vous y enfermer avec la personne en question!
– Jam… mais elle n’acheva pas. Le flamboyant regard noir avait brûlé sa suprême résistance…
– Vous serez enfermée avec elle, madame Hilaire, et, comme cette dame, dans le triste état où elle est momentanément réduite, a besoin de petits soins, vous les lui donnerez! Vous les lui prodiguerez! Vous serez sa servante! son humble, son obéissante servante! Et vous lui dénouerez les cordons de ses chaussures! Je crois m’être suffisamment fait comprendre; c’est tout ce que je puis faire pour vous!
Il tourna la tête et dit à Hilaire:
– Mon ami, soyez donc assez bon pour mettre dans une valise tout ce dont Mme Hilaire peut avoir besoin pour son petit voyage!