17

Le couvent de Santa Maria d'Impruneta se trouvait à quatre milles de Florence. Suffisamment proche pour permettre aux nonnes de se réfugier dans l'enceinte de la cité en cas de danger, il était assez éloigné pour garantir leur tranquillité en toute circonstance.

Peu de gens savaient ce que dissimulaient ses murs épais et ses portes perpétuellement closes. Consacrer sa vie à Dieu signifiait refuser celle des hommes. Une fois franchi le seuil, il n'était plus possible d'en sortir. Quelques cachots creusés sous les entrailles du bâtiment principal venaient rappeler cette évidence aux plus rétives des novices.

Du haut d'une colline située à proximité, Machiavel observait les décombres noyés dans l'obscurité. Comme partout ailleurs, la guerre avait posé sa sinistre empreinte sur le lieu. Il y avait bien longtemps que les rares nonnes survivantes s'étaient enfuies. Le couvent ne celait plus aucun mystère. D'un des plus riches sanctuaires de la chrétienté, il ne restait plus que des ruines envahies par les ronces.

Seule la chapelle était encore debout, sans qu'on sache si cela tenait à quelque grâce divine, au talent d'un architecte d'exception ou simplement aux caprices du hasard. On eût dit l'épave d'un navire éventré par la tempête. Les moignons de poutres calcinées et les murs noircis témoignaient de la violence de l'incendie qui l'avait dévorée.

Machiavel et les siens surveillaient les lieux depuis bientôt trois heures. Rien n'indiquait la moindre présence humaine. Plongés dans l'obscurité, les vestiges paraissaient abandonnés aux chauves-souris affamées qui voletaient à la recherche de quelque insecte à se mettre sous la dent.

Allongé sur le ventre, Guicciardini s'étira en bâillant, les mâchoires grandes ouvertes.

- J'en ai vraiment assez! Nous sommes là depuis des heures et il ne s'est toujours rien passé. Tu es certain que c'est bien là, Niccolò?

- J'en suis sûr. J'ai déniché le rapport du capitaine du guet qui a retrouvé la nonne. Elle était toujours vivante quand il l'a ramenée ici.

- Et si Ficino s'était trompé? Si cette vieille histoire n'avait rien à voir avec les assassinats?

- Il a vu juste, j'en suis convaincu. Sinon, pourquoi se donneraient-ils la peine d'énucléer leurs victimes? Ils répètent le châtiment de la religieuse, comme s'ils voulaient la venger. Marco et Annalisa sont là.

- Ce couvent est à l'abandon depuis des années! répliqua Guicciardini. Où veux-tu qu'ils se cachent? S'il y avait quelqu'un, nous l'aurions vu depuis longtemps. On a encore le temps de rentrer avant l'aube, on ne va pas rester là toute la nuit!

- Au pire, nous aurons perdu notre temps. Il faut courir le risque. Je prends la première garde, reposez-vous.

Guicciardini se leva péniblement et alla s'allonger contre le tronc d'un chêne. Il détestait dormir à la belle étoile presque autant que de rester sobre. Pourtant, une minute plus tard, ses ronflements venaient rompre la quiétude du soir.

Lui aussi en quête d'une place confortable, Vettori aperçut Boccadoro un peu plus loin. Assise en retrait du groupe, les bras repliés sur ses genoux, elle frissonnait de froid. Il vint s'asseoir à côté d'elle et l'enveloppa dans sa couverture. Elle ouvrit les yeux et lui sourit tristement.

- Merci, c'est très gentil.

- Je t'ai dit que je prendrai soin de toi. A quoi penses-tu?

- À mon pays, à ma famille là-bas, au-delà des mers. Je me demande si je les reverrai ou si mon destin s'arrêtera demain. Vont-ils me tuer, Francesco?

- Pourquoi dis-tu ça? Nous ne te livrerons pas.

- Mais Annalisa et Marco? Je ne veux pas qu'il leur arrive la même chose qu'à Trevi et à Chiara. Je viens juste d'entrer dans vos vies et je n'y ai apporté que la mort et le malheur...

- Tu n'es pas responsable. Tu nous as mis au contraire sur la piste du moine. Si nous nous en sortons, c'est à toi que nous le devrons.

Vettori passa sa main autour de l'épaule de la jeune femme. Il la fixa intensément et constata qu'elle ne cherchait pas à fuir son regard. Ce qui se produisit ensuite échappa à toute logique. Comme dans un rêve, il vit la bouche de Boccadoro s'approcher de la sienne, sentit sa langue glisser entre ses lèvres.

La prostituée le repoussa doucement et l'allongea sur l'herbe. Ses doigts frôlèrent sa joue, longèrent son cou et s'attardèrent sur le torse du jeune homme. Vettori sentit la chaleur de la jeune femme l'envahir d'un coup lorsqu'elle s'étendit sur lui.

Perdant toute perception du monde extérieur, il s'abandonna entièrement au flot des multiples sensations qui l'envahissaient. Quand il ne put plus retenir son plaisir, il serra les dents pour ne pas hurler. Au-dessus de lui, Boccadoro gémit faiblement à son tour, puis son corps se relâcha peu à peu.

- Debout, Francesco! Vite!

Vettori se réveilla d'un coup. Ce n'était pas la main fine et délicate de Boccadoro qui lui secouait l'épaule, mais celle de Guicciardini. Il chercha à tâtons sa maîtresse, sans la trouver à ses côtés. Il préféra taire son aventure nocturne, conscient que son ami ne le croirait sans doute pas.

Le jour ne s'était pas encore tout à fait levé. Vettori s'assit en grelottant.

- Allez, dépêche-toi! chuchota à nouveau Guicciardini. Et ne perds pas de temps à te recoiffer!

- Quoi? Que se passe-t-il?

- Il y a de l'animation en bas, viens vite!

Guicciardini fit mine de s'éloigner, mais se retourna après quelques pas seulement.

- Dis donc, tu n'es pas frileux! On n'a pas idée de dormir nu en cette saison!

Vettori fit une moue dédaigneuse, ramassa les vêtements éparpillés autour de lui, puis rejoignit les autres en courant. Allongés à l'abri d'un buisson, ils observaient la chapelle du couvent.

- Qu'y a-t-il? demanda Vettori. Je ne vois rien.

- Tais-toi et ouvre les yeux.

Vettori scruta la semi-obscurité. Deux formes se mouvaient devant le bâtiment. Un hennissement s'éleva dans le silence du matin.

- Des chevaux! Ils n'étaient pas là hier soir. Qui les a amenés?

- Le nain. Il est arrivé il y a un quart d'heure.

- Mais où est-il passé?

- Il a disparu sous l'autel de la chapelle. Il doit y avoir un passage.

Gagné par une soudaine bouffée d'héroïsme, Vettori commença à s'agiter.

- Qu'est-ce qu'on attend? Si Annalisa et Marco sont là-bas, il faut aller les chercher tout de suite!

- Reste calme, Francesco. Le nain est venu avec deux chevaux. Il n'est pas seul à l'intérieur. Attendons encore un peu, ils vont bien finir par se découvrir.

La prédiction de Machiavel se réalisa plus vite encore qu'il ne l'avait imaginé. À peine eut-il fini sa phrase que deux silhouettes surgirent de la chapelle.

- Je ne vois pas le nain. Qui sont ces deux-là, alors?

- Regardez celui de droite! Quel colosse! Et moi qui pensais que Deogratias était un exemplaire unique dans toute la Création!

- Allez-vous enfin vous taire! ordonna Machiavel d'un ton ulcéré. Ils vont finir par vous entendre.

- C'est bon, ne t'énerve pas... Que font-ils à ton avis?

- Ils détachent les chevaux. Ils ont l'air de vouloir s'en aller. Vous distinguez le deuxième?

- Pas très bien, il fait encore trop sombre.

À cet instant, un mince rayon de soleil monta lentement de la ligne d'horizon et vint frapper la façade de la chapelle. Boccadoro et les trois garçons poussèrent en chœur une exclamation de surprise lorsqu'ils reconnurent la robe blanche et noire des dominicains.

- Le moine! Il est là, devant nous! Il faut l'arrêter, allons-y!

- Tu as vraiment envie de mourir aujourd'hui, Francesco! tenta de le raisonner Guicciardini. Ils ont laissé les otages. Ces bandits n'ont jamais eu l'intention de les libérer.

- Les voilà partis. Prenez vos armes.

Guicciardini tira deux dagues de sa ceinture. Il en

tendit une à Machiavel et offrit l'autre à Boccadoro, qui la refusa d'un signe de tête.

- Pourquoi n'en veux-tu pas? Tu en auras peut-être besoin.

- Non, je préfère ça, dit-elle en tirant de sa robe le couteau qui ne la quittait jamais.

- Allons-y! ordonna Machiavel. Et en silence!

Attentifs à ne pas faire d'autre bruit que celui produit par le frôlement de leurs chaussures sur le sol, ils descendirent prudemment jusqu'au seuil de la chapelle.

- Que fait-on maintenant? chuchota Guicciardini.

- J'y vais seul, dit Machiavel. Vous me rejoindrez si tout va bien.

Il disparut dans le bâtiment et réapparut une minute plus tard.

- La voie est libre, articula-t-il à voix basse. L'autel est ouvert sur l'arrière. Je vais descendre avec Ciccio. Francesco, il vaut mieux que tu restes ici avec Boccadoro.

- Les vies d'Annalisa et Marco sont en danger par ma faute, murmura la jeune femme. Il est hors de question que je vous attende dehors.

- Quelqu'un doit surveiller la sortie du souterrain. Le nain ne doit surtout pas nous échapper.

La mine fermée, Boccadoro fit disparaître le couteau dans un repli de sa robe.

- Puisque tout le monde semble d'accord... À vous l'honneur, messieurs.

Machiavel s'engagea le premier dans l'escalier obscur. Derrière lui, le souffle court, Guicciardini faisait de son mieux pour garder l'équilibre. Ils atteignirent un long corridor éclairé par des flambeaux. Après de longues minutes de cheminement, ils pénétrèrent dans une petite pièce voûtée.

Au centre, une grande table occupait presque tout l'espace. Le bois luisait sous la lumière des torches comme s'il avait été recouvert d'un vernis sombre. De larges bracelets d'acier étaient fixés aux quatre coins. Posés à même le sol, divers instruments pointaient leurs griffes menaçantes vers les intrus.

- La salle de torture...

- Pas étonnant que personne ne vienne les déranger! Reste à savoir si...

- Chut!

Machiavel posa sa main sur les lèvres de son ami. Un bruit de pas s'éleva des entrailles du souterrain.

Les deux garçons cherchèrent désespérément un endroit où se cacher.

Sans réfléchir, Machiavel ouvrit une porte et s'y engouffra.

- Les pas viennent de l'autre côté. Suis-moi!

Guicciardini eut à peine le temps de se réfugier dans le petit réduit que, déjà, le nain entrait dans la pièce. L'air circonspect, il décrocha une torche du mur et s'éloigna en direction de la sortie.

Guicciardini aspira avidement de profondes bouffées d'air.

- J'ai cru mourir! Jamais je n'ai retenu mon souffle aussi longtemps. Comment prévenir Francesco que le nain vient vers lui?

- C'est impossible. Essayons plutôt de retrouver Annalisa et Marco.

- Ils ne sont pas ici en tout cas.

Machiavel se retourna. La pièce dans laquelle ils s'étaient réfugiés servait de garde-manger. Des jambons et des saucissons pendaient de toutes parts. Dans un coin étaient alignées avec soin plusieurs dizaines de bouteilles de vin.

- Vin et jambon... tout ce que j'aime! Je pourrais soutenir un siège ici, s'il le fallait.

Guicciardini abandonna à regret les victuailles et suivit son ami dans l'unique partie du souterrain encore inexplorée. Ils se trouvaient dans un nouveau couloir, beaucoup plus large que le précédent. De chaque côté, des cachots étaient creusés dans la roche.

- Tu as vu, Niccolò? Toutes les portes sont entrebâillées, sauf celle-là.

La clé se trouvait sur la serrure. Machiavel fit lentement jouer le mécanisme et poussa la porte.

- Niccolò!

Annalisa se jeta dans ses bras.

- Je ne voudrais pas écourter ces retrouvailles, souligna Machiavel, mais je suggère néanmoins que nous partions d'ici très vite.

- Tu n'oublies pas un petit détail, Niccolò?

- Le nain?

- Il n'y a qu'une seule issue. Nous allons nous jeter sur lui.

- Nous n'avons guère le choix.

Machiavel empoigna une torche et se dirigea vers la sortie. Lorsque Guicciardini passa à son tour devant le dernier cachot, un cri strident jaillit des ténèbres, tandis qu'une figure grimaçante se jetait sur lui. La lame d'une dague étincela à la lumière des flambeaux.

Malgré son embonpoint, le jeune homme esquiva le coup avec agilité et se plaqua contre le mur. Emporté par son élan, l'agresseur trébucha et s'effondra à ses pieds. Guicciardini l'attrapa par le col et le projeta violemment contre la paroi.

- Espèce de bâtard! hurla-t-il en lui soulevant la tête. Que diable...

Il s'interrompit, car ce qu'il avait devant lui n'avait plus rien d'humain. Deux orifices vides, dénués de toute expression, le fixaient. Une longue balafre partait du coin de sa bouche et remontait jusqu'à la naissance de ses oreilles.

Elle gémit faiblement. Il n'y avait plus trace de sa langue.

- La nonne!

- Lâche-la, Ciccio. Elle n'est pas dangereuse.

- Que va-t-on en faire?

- Emmenons-la. C'est la preuve que nous cherchions. Il faut la conduire à Soderini. Annalisa lui fera une place sur son cheval.

Au rythme hésitant de l'aveugle, le petit cortège s'engagea dans le corridor qui menait à la sortie. Alerté par le tapage, le nain accourut jusqu'à eux.

Guicciardini brandit son épée et la fit tournoyer devant lui.

- Comme on se retrouve! Tu sembles moins sûr de toi, maintenant!

Guère impressionné par les gesticulations de son adversaire, le nabot fit une brève analyse de la situation. A quatre contre un, il n'avait pas l'ombre d'une chance, même face à des combattants aussi médiocres que ceux-là. Il marqua un temps d'hésitation, puis jeta sa torche à terre et s'élança en direction de la sortie. Guicciardini voulut le poursuivre, mais Machiavel l'en dissuada aussitôt: - Non, Ciccio, n'y va pas! Il aura tôt fait de te surprendre dans le noir. Francesco l'arrêtera en haut.

Sans se douter de ce qui l'attendait dehors, le nain déboula à toute allure du souterrain. Boccadoro poussa un cri de surprise en le voyant surgir de sous l'autel. Ébloui par la lumière du jour, il mit quelques secondes à la reconnaître.

- Nous avons remué tous les bas-fonds de la ville pour te retrouver et te voilà devant moi. Quel heureux hasard!

Il fit un pas en direction de la prostituée. Vettori s'interposa, l'épée en avant.

- Ce n'est pas une manière très galante de parler à une femme. Peut-être serait-il plus convenable que nous ayons une petite discussion tous les deux.

- Comme tu voudras, dit le nain en tirant une dague de sa ceinture. Après tout, peu importe dans quel ordre je m'occupe de vous.

Il esquissa soudain un sourire féroce.

- Attends un peu! Je te reconnais: c'est toi qui m'as pissé dessus l'autre soir. Il est grand temps de me donner réparation, mon garçon.

Oubliant provisoirement Boccadoro, il se précipita sur lui. Contraint de reculer sous la rafale de coups, Vettori comprit le danger qui le menaçait s'il ne parvenait pas à contrer cet assaut furieux. Encore deux pas et il se retrouverait acculé contre le mur de la chapelle. Il profita d'une estocade mal assurée pour se dégager et se jeta à son tour sur son adversaire, la lame dirigée droit sur son front.

À l'instant où il allait être touché, le nain fit un pas de côté. Emporté par son élan, Vettori le dépassa, le flanc découvert. La dague s'enfonça dans son bas-ventre.

Surpris par la rapidité du coup, le jeune homme poussa un cri de douleur et s'effondra. Une large auréole rougeâtre maculait le bas de sa chemise. Au prix d'un terrible effort, il parvint à se relever en grimaçant de douleur. Il tenta de se remettre en garde, mais dut s'appuyer sur son épée pour ne pas s'écrouler à nouveau.

D'un pas lent, le tueur s'avança vers lui, prêt à l'achever. Il fit glisser l'extrémité de son index sur la lame de son arme et contempla sa victime avec suffisance.

- Tu n'aurais pas dû t'en mêler. Je n'ai encore jamais perdu de duel.

- Il faut un début à tout, rétorqua Vettori, le visage contracté. Approche, tu vas voir!

- Comment vas-tu te défendre? À coups d'imprécations?

Tout en riant, le nain se prépara à frapper. Son sourire victorieux se transforma soudain en un rictus de stupeur. Il lâcha sa dague, qui tomba sur le sol dans un bruit sourd. Une gouttelette de sang s'échappa du coin de sa bouche, puis le liquide se mit à couler en un mince filet le long de son menton.

L'espace d'un instant, il se demanda pourquoi son corps ne lui répondait plus. Il ne ressentait rien et, cependant, toute son énergie s'était évanouie.

Une incroyable douleur lui vrilla brutalement l'omoplate et il tomba à genoux aux pieds de Vettori. Le soleil devint de plus en plus aveuglant, jusqu'à n'être plus qu'une boule de lumière.

Il comprit qu'il était en train de mourir et songea à toutes ses victimes. Avaient-elles ressenti le même calme profond durant leurs derniers instants? Il ne finirait pas ses jours dans un monastère à boire de l'alcool, entouré de femmes magnifiques, comme il se l'était promis.

Au fond, il se sentit soulagé. Cette fin-là ne lui aurait pas convenu.

Boccadoro se pencha sur le cadavre, empoigna le manche de son couteau, le retira d'un coup sec. Elle se précipita vers Vettori et l'aida à s'allonger sur le sol.

- Comment te sens-tu?

- Pas très bien.

- Laisse-moi voir.

Elle souleva doucement le pan de sa chemise.

- C'est grave?

- Pas trop, non. La lame a glissé et t'a juste arraché un peu de gras. Tu en seras quitte pour une belle cicatrice.

- Tu essaies de me cacher que je vais mourir, n'est-ce pas?

- Mais non, imbécile! dit la jeune femme en éclatant de rire. Si c'était vraiment le cas, je serais en train de pleurer.

Vettori parut ressusciter.

- Dois-je comprendre que tu tiens à moi?

- À toi de le deviner... dit-elle en se penchant sur lui.

- Oh, pute borgne, c'est impossible! Dites-moi que je rêve!

Guicciardini n'en revenait pas. Boccadoro était en train d'embrasser son meilleur ami.

- Niccolò, c'est un cauchemar, pas vrai?

- Je crains que non. Il ne te reste plus qu'à les trucider tous les deux...

- Ce n'est pas l'envie qui m'en manque! Comment le Seigneur peut-Il permettre des choses aussi répugnantes?

Tout sourire, Marco lui tapa dans le dos.

- Ton tour viendra aussi, Ciccio. Francesco, elle ne t'a pas encore étouffé, au moins?

Un peu gêné, Vettori se dégagea de l'étreinte de Boccadoro. Il releva sa chemise, exhibant fièrement sa blessure.

- C'est surtout cela qui me fait souffrir!

Guicciardini s'approcha et contempla la plaie d'un air narquois.

- Tu ne vas quand même pas essayer de nous faire pleurer pour si peu, quand même! Remarque, quelques pouces plus à gauche et tu perdais ta virilité! Tu l'as échappé belle!

Boccadoro se jeta dans les bras d'Annalisa, puis désigna la vieille femme:

- Et elle? Qui est-ce?

- La clé du mystère. Nous te raconterons en chemin.

- À ce propos, souligna Guicciardini, il serait peut-être temps de rentrer, non?

- Tu as raison, approuva Machiavel. Francesco, tu peux nous suivre?

Vettori secoua la tête, les dents serrées.

- Je vous retarderais. Partez devant, Ciccio et toi. Je vais rentrer avec les filles et la nonne.

- C'est plus raisonnable, Niccolò, acheva de le convaincre Annalisa. Mon oncle va bien m'attendre quelques heures de plus!

Machiavel baissa les yeux. Il n'avait pas encore osé annoncer la triste nouvelle à son amie. Il n'eut pas le cœur de lui voler ses ultimes heures d'insouciance.

- C'est d'accord. Nous avons un témoin qui pourra disculper Savonarole. Allons piéger ce moine maintenant. Quand vous arriverez à la maison, tout sera terminé. Ciccio, tu es certain de vouloir venir?

- Quelle question? Tu ne crois quand même pas que je vais te laisser t'amuser tout seul?

Загрузка...