Son Altesse le prince Mahmoud Hadj Boikiah, lié dans un profond divan en Nubuk, importé France et créé spécialement à son intention par le décorateur Chaude Dalle, fixait d’un regard avide la glace sans tain qui le séparait de la pièce voisine.
Deux personnages s’y trouvaient : le Premier aide de camp, Hadj Ali, et la créature de rêve qu’il lui avait demandé d’amener à sa beach-house, miss Mandy Brown. Tiraillant nerveusement sa moustache tombante, il fixait les cuisses de la jeune femme, en partie découvertes par la dentelle noire. Chaque fois que Mandy Brown bougeait. Mahmoud apercevait une bande de chair au-dessus des bas et l’ombre plus haut. Lui qui traitait d’habitude les femmes comme un soudard se sentait étrangement timide devant elle.
Machinalement, sa main gauche appuya sur la tête de Peggy Mei-Ling, agenouillée devant lui, enfonçant encore plus son érection dans sa bouche soumise. Se méprenant sur ses intentions, elle accéléra sa fellation. Aussitôt, Mahmoud tira sur les cheveux
— Attends, idiote, ce n’est pas pour toi.
Peggy, installée sur un coussin de soie, retira sa bouche, tout en continuant à caresser la hampe. Elle trempa sa main droite dans une petite coupe d’or remplie de cocaïne en poudre. Puis, elle commença à masser le gland gorgé de sang, faisant pénétrer ta drogue. Grâce à cette astuce dangereuse, Mahmoud pouvait conserver une érection pendant des heures. Il se moquait de jouir. Ce qu’il aimait, c’était profaner tous les orifices d’une femme du membre puissant auquel il devait son surnom.
Apaisé par la cocaïne, sûr de ne pas exploser prématurément, il appuya sur un bouton et la conversation de la pièce voisine lui parvint. Les Coréens de Samsung avaient ainsi truffé sa villa de systèmes audio et vidéo qui multipliaient son plaisir.
Mandy Brown avait d’abord été impressionnée par le luxe inouï de la pièce où elle se trouvait. De l’or partout, des meubles Boulle contrastant avec la moquette blanche, des peaux de panthères jetées à terre, les murs tendus de soie, la table basse au piètement fait d’un énorme bloc de malachite. C’était kitch et somptueux. En arrivant, Al Mutadee Hadj Ali lui avait tout de suite précisé
— Le Pengiran Hadj Mahmoud a beaucoup de goût. Tout est venu de Paris, créé par le décorateur Claude Dalle.
Tout était dédié au sexe, également… Les tableaux n’auraient pas déparé l’enfer du Louvre. Hadj Ali lui avait fait également visiter la salle de bains où les robinets étaient remplacés par des phallus d’or… Maintenant, elle s’ennuyait, étonnée que le Brunéien ne se jette pas sur elle.
— Qu’est-ce qu’on fait ici ? demanda-t-elle.
— Nous attendons quelqu’un, annonça le Premier aide de camp.
— Qui ?
— Un des hommes les plus puissants du Sultanat, fit-il avec emphase. Il vous a remarquée à la soirée et souhaiterait vous connaître.
— Ah bon, fit-elle, blasée. J’espère qu’il va se dépêcher. J’ai sommeil.
Elle soupira, ce qui eut pour effet de gonfler encore plus sa poitrine. Hadj Ali se força à détourner le regard. Combien de temps le prince Mahmoud allait-il le torturer ? Bien entendu, il avait l’interdiction absolue d’effleurer Mandy Brown, même en pensée.
Trente secondes plus tard, la porte s’ouvrit sur le prince Mahmoud. En chemise brodée et pantalon collant qui soulignait plus qu’il ne dissimulait une érection impressionnante. Avec son faciès prognathe, ses yeux fous et sa moustache de Mongol, il était assez repoussant. Pas pour Mandy Brown qui lui jeta un regard amusé.
— Mais c’est mon douanier !
Hadj Ali se leva vivement et dit d’une voix mal assurée :
— Miss Brown, je vous présente Son Altesse le Pengiran Mahmoud Bolkiah.
Calmement, Mandy tendit sa main à baiser. Mahmoud la prit, sans trop savoir qu’en faire.
Il venait tout juste d’interrompre la gâterie prodiguée par la Chinoise et ne rêvait que d’une chose : défoncer la beauté qui se trouvait en face de lui. Tirée en avant, Mandy Brown fut obligée de se lever. Sentant que les événements risquaient de s’accélérer, Hadj Ali s’éclipsa discrètement.
Mahmoud esquissa un sourire, sans lâcher la main de Mandy. Hésitant entre se conduire en gentleman ou en voyou. La deuxième tendance l’emporta. Passant le bras autour de la taille de Mandy Brown, il voulut la serrer contre lui… La main droite de la jeune Américaine fila comme un trait entre leurs deux corps et ses doigts se refermèrent comme des pinces autour de l’érection moulée par le pantalon. Les yeux bleus flamboyaient.
— Ecoute bien, gros singe, siffla Mandy. Je vois bien que tu as envie de me baiser, depuis que tu es descendu de ton arbre. Seulement moi, j’ai mon mot à dire. Alors, cool down !
Le prince Mahmoud sentit le sol se dérober sous ses pieds. Jamais on ne lui avait parlé de cette façon et les ongles de Mandy enfoncés dans sa chair la plus sensible lui faisaient un mal de chien. Dans un sursaut d’orgueil, il lâcha la main de Mandy pour plaquer la sienne sur la poitrine moulée par la dentelle noire.
Mandy baissa la tête, ses dents s’enfoncèrent dans le poignet de Mahmoud et elle serra de toute la force de ses mâchoires. Le Brunéien poussa un hurlement, repoussa Mandy et recula d’un pas. Mourant d’envie de la violer, mais dompté. Mandy lissa sa robe, se rassit sur le cuir blanc, croisant les jambes avec une lenteur sadique, pour exciter encore un peu plus Mahmoud.
— Bon, fit-elle, on se calme.
— I am sorry, bredouilla Mahmoud, partagé inégalement entre la fureur, la frustration et la honte.
Il fut récompensé par un sourire éblouissant de Mandy Brown.
— Ah, c’est bien mieux, commenta-t-elle. Tu commences à marcher sur tes pattes de derrière. Bientôt, tu vas être parfait. D’abord, quand on fait la cour à une dame, on lui offre un petit cadeau. Ou même un gros.
Le prince Mahmoud se détendit d’un cran. On se retrouvait en terrain connu. Le dragon pouvait être amadoué.
— Certainly, fit-il. It is a very good idea.
Il traversa la pièce, prit un coffret de laque aux coins renforcés d’or, l’ouvrit et le présenta à Mandy. Il était plein de montres Cartier constellées de diamants, dont la moins chère valait trente mille dollars. Les Philippines à qui il les offrait se roulaient par terre de bonheur. Il farfouilla un peu et en sortit la plus luxueuse qu’il posa sur le poignet de Mandy.
— This is for you.
Mandy Brown secoua légèrement son bras, comme pour se débarrasser d’un insecte, faisant tomber la montre à terre, sur l’épaisse moquette. Elle se leva et repoussa le bijou du bout du pied jusqu’au sol de marbre rose. Posant ensuite le talon de son escarpin dessus, elle l’écrasa avec application jusqu’à ce qu’il ne reste plus que quelques ressorts et des petits diamants épars.
Sous l’œil médusé de Mahmoud…
— Quand tu auras un cadeau décent, tu me l’apporteras, lança Mandy Brown glaciale. Ça, c’est pour les bonnes. Maintenant, je veux retourner chez ma copine.
— Non, fit Mahmoud d’une voix étranglée, vous restez ici.
Mandy haussa les épaules.
— OK, si tu veux, mais tu ne me baises pas.
Pleine de défi, elle se dirigea vers le grand lit Tiffany dans l’alcôve et s’allongea dessus, la tête calée sur les coussins. Prenant une télécommande, elle alluma la télé Samsung. Bien entendu, c’était un film porno… Résignée Mandy soupira
— Shit, toujours le même script.
Quand elle releva la tête, Mahmoud était nu ! Il s’était dépouillé de ses vêtements à une allure record. Précédé d’une érection fabuleuse, il marcha vers le lit. Mandy tourna la tête, émettant un petit sifflement.
— Tu sais que tu as vraiment l’air d’un animal, dit-elle. Mais je ne sais pas lequel, je ne vais pas assez au zoo.
Une lueur meurtrière passa dans les yeux du prince brunéien. Mandy savait ne pas dépasser les limites. Le membre tendu de Mahmoud était à quelques centimètres de son visage. Elle allongea la main, l’enserrant cette fois avec douceur. Un sourire salace éclaira son visage faussement enfantin.
— Dis donc, ta mère s’est fait sauter par un cheval.
— Ça va chercher dans les dix pouces[26] cette bête-là.
Ses doigts commencèrent à aller et venir le long de la colonne rigide. De plus en plus vite. Mahmoud voulut se dégager, mais il était tenu comme dans un étau. La main démoniaque lui donnait de plus en plus de plaisir. Mandy savait comment parler aux hommes. A une certaine fixité dans le regard, au gonflement du membre entre ses doigts, elle sentit qu’il allait éjaculer.
C’était le moment de décocher sa flèche de Parthe.
— Essaie de te retenir, dit-elle gentiment. Sinon, tu ne pourras pas me baiser et, maintenant, j’en ai très envie…
Tout en parlant, elle accélérait encore sa masturbation. Mahmoud explosa entre ses doigts avec un glapissement frustré.
Le prince Mahmoud était parti comme un fou, après s’être rhabillé en un clin d’œil. Mandy Brown, assez contente de sa performance, regardait sur le Samsung un film d’anticipation, allongée sur le grand lit Tiffany acheté chez Romeo. Se demandant quelle allait être la suite des événements. Impossible de prévenir Angelina ou Malko, il n’y avait pas de téléphone. Elle ne pouvait même pas quitter la pièce. La baie vitrée était fixe et la porte était fermée de l’extérieur.
Et soudain, elle s’ouvrit. Mandy se redressa, croyant qu’il s’agissait de Mahmoud. Ce n’était qu’une Chinoise en sari, maquillée, avec une bouche très rouge. Elle tendit la main à Mandy.
— Bonsoir, je m’appelle Peggy. Je suis aussi une invitée du prince Mahmoud. J’ai vu comment tu l’as traité. C’est dangereux, tu sais, il est tout-puissant.
— Comment ça, tu as vu ? demanda Mandy. On était seuls !
Peggy désigna la grande glace pendue au mur, juste en face du canapé.
— C’est une glace sans tain. J’étais de l’autre côté.
— Ah, le porc ! grogna Mandy.
Dissimulant sa satisfaction d’avoir enfin en face d’elle la mystérieuse Peggy qui semblait très à l’aise.
— Tu n’es pas enfermée, toi ? demanda-t-elle.
Peggy eut un sourire dominateur.
— Non. Mais il sait que je ne me sauverai pas. J’ai même un téléphone.
Tous les voyants rouges s’allumèrent chez Mandy. Peggy était donc complice, pas victime.
— D’où sors-tu ? demanda-t-elle.
— De Hong-Kong, expliqua Peggy. Je suis actrice. J’étais venue ici juste pour un week-end, mais le prince Mahmoud m’a demandé de rester… Je trouve que tu as été méchante avec lui.
— Méchante avec ce singe lubrique ! s’exclama Mandy. J’aurais dû lui arracher la queue. Enfin, la prochaine fois, il va être plus gentil. Dis-moi, on ne peut pas sortir d’ici ?
— La porte est fermée, expliqua la Chinoise. Nous sommes dans la beach-house du prince Mahmoud, sous la garde des gurkahs qui ont l’ordre de ne pas nous laisser sortir. C’est dans le contrat. D’où viens-tu ? De Singapour ?
— Non, de Londres, fit Mandy. Quel contrat ?
— Celui qu’ils établissent avec Khoo, le Chinois. Ce n’est pas lui qui t’a amenée ici ? C’est rare qu’ils fassent venir des filles d’aussi loin… Mais dans ce cas, on doit très bien te payer… ajouta-t-elle avec une nuance d’envie dans la voix.
Mandy Brown haussa les épaules.
— Je ne connais pas de Khoo. C’est un autre type, un dénommé Al Mutadee Hadj Ali, qui m’a amenée ici. J’étais à une réception au Country Club
— Ah bon, fit-elle. Alors, c’est encore mieux pour toi. Si c’est le prince Mahmoud qui t’a remarquée, il va faire des efforts pour t’avoir. Tu sais, il a un argent fou… Et puis, il adore les femmes. Il en fait venir sans arrêt de partout. S’il est amoureux de toi, il te fera l’amour trois ou quatre fois par jour. Il n’a que ça à faire. Et quand tu partiras, tu seras couverte de bijoux.
Mandy Brown lui jeta un coup d’œil intrigué.
— Tu ne lui suffis pas ?
Peggy Mei-Ling eut un sourire humble.
— Il ne se sert de moi que rarement. C’est un autre membre de l’entourage du Sultan qui m’a installée ici. Le Premier aide de camp. Je m’ennuie, il ne vient pas souvent car il a beaucoup de travail au palais… Tu sais jouer au back Gammon ou au gin-rummy ?
— Ouais, fit Mandy.
— On jouera… Il y a des cassettes aussi.
Elle lui en montra une pile, derrière la télé et le magnétoscope Samsung dans un coin. Mandy commençait à réaliser qu’elle était vraiment prisonnière ! Peggy lui adressa un sourire chaleureux.
— Je suis contente que tu sois arrivée, tu as l’air sympa… Et puis, ne t’en fais pas, tu repartiras bientôt. Tandis que moi…
— Quoi ?
Peggy changea d’expression.
— J’ai peur, avoua-t-elle. Ils m’ont mêlée à une histoire très dangereuse. A chaque instant, je me dis qu’ils vont me mener à la plage et me tuer… Ils ont fait ça un jour pour une fille qui avait mordu au sang le prince Mahmoud, pendant qu’elle le suçait. Une Philippine droguée. Ils l’ont tuée à coups de bâton et ils ont jeté son corps dans la mer. C’est plein de requins.
Mandy Brown sentit un frisson glacial descendre le long de sa colonne vertébrale.
— Tu plaisantes ou quoi ?
— Non, ici, c’est comme l’enceinte du palais. Off limits. Même les ambassadeurs n’y ont pas accès. Le Sultan est très strict et personne ne se hasardera à le défier. Même si ta copine cherche à te retrouver, on lui dira que tu as quitté le pays. Le chef de la police est le cousin du Sultan. Il n’y a aucune autorité indépendante…
Mandy Brown s’assit, les jambes coupées. Elle avait « tamponné » sa cible, mais comment allait-elle en sortir ? Pour la première fois, elle eut vraiment peur. C’était bien d’avoir retrouvé Peggy. Mais si c’était pour finir avec les requins…