Malko attendait au coin de Jalan Pretty et de Jalan Mac Arthur, juste en face du grand building moitié verre moitié céramique blanche qui abritait l’International Bank of Brunei. D’où il se trouvait, il surveillait l’entrée réservée du personnel de la banque qui venait de fermer ses portes. Déjà une trentaine d’employés étaient sortis. Michael Hodges n’avait pas encore eu le temps de réagir. Il espérait que Yé Yun Gi n’était pas la première suspecte. Vitres ouvertes, Malko transpirait dans la chaleur moite de la fin d’après-midi. Déjà les premières gouttes de pluie tombaient. II avait récupéré sa voiture après que l’embarcation de la princesse l’avait déposé au marché aux poissons, lui évitant de franchir l’immigration.
La nuit tombait rapidement. Il sortit de la voiture. Si seulement il avait su où habitait l’informatrice de Lim Soon. Il avait pensé lui téléphoner, mais c’était courir un risque supplémentaire… Les lignes pouvaient être sur écoute. Il avança jusqu’aux voitures garées en épi devant la banque dans Jalan Roberts. Des employés sortaient encore. Personne ne faisait attention à lui. Il regarda sa montre. Cinq heures vingt déjà. L’angoisse l’étreignit : et si Michael Hodges avait déjà trouvé la Chinoise ? Dix minutes s’écoulèrent encore. Plus personne. Enfin deux employées apparurent. L’une d’elles était Yé Yun Gi. Elle portait J. pantalon noir et un chemisier blanc. Elle se sépara de sa copine en face du Kampong Ayer. Aussitôt, Malko déboula derrière Yé Yun Gi et la rattrapa.
— Yé Yun !
Elle se retourna, muette de surprise, puis esquissa un sourire après un regard effrayé autour d’elle. Heureusement, la nuit était pratiquement tombée
— Comment… Qu’est-ce que vous faites demanda-t-elle.
— Il faut que je vous parle, fit Malko. C’est important. Venez.
Yé Yun Gi semblait clouée sur place. Médusée
— C’est dangereux, fit-elle à voix basse, si on nous voit…
— Bien, fit Malko, rendez-vous en face des British Airways, au coin de Sungai Kianggeh, je vous prendrai là.
Il fit demi-tour. Surtout ne pas effaroucher Ye Yun Gi. Sa dernière chance… Il mit bien cinq minutes pour s’extirper de l’embouteillage en face de l’embarcadère. La pluie commençait à tomber sérieusement… Lorsqu’il atteignit les British Airways, Yé Yun Gi, stoïque, était trempée comme une soupe. La Chinoise se glissa dans la voiture de Malko qui lui demanda aussitôt
— Où habitez-vous ?
— Assez loin, vers l’aéroport, Jalan Tasek Lam. C’est Lim Soon qui vous envoie ? Que se passe-t-il ?
Malko tourna dans Sungai Kianggeh, conduisant très lentement à cause de la pluie qui rendait pare-brise presque opaque. La jeune Chinoise semblait paniquée.
Maintenant, il fallait lui dire la vérité.
— J’étais à Limbang, fit-il et Lim Soon m’a remis les photocopies des chèques.
Un sourire éclaira le visage ingrat de Yé Yun
— C’était ce que vous vouliez ?
— Tout à fait. Vous avez été formidable.
Comme toutes les femmes pas très jolies, elle fondait facilement en compagnie d’un homme séduisant. Elle n’arrivait pas à détacher son regard des yeux dorés de Malko. Celui-ci en profita.
— Yé Yun, annonça-t-il, il est arrivé quelque chose terrible. On a tué Lim Soon.
Elle poussa un en de souris.
— Quoi, il est mort !
— Oui, avoua Malko, je n’ai rien pu faire.
Elle s’appuya au siège, décomposée.
— Mais vous…
— J’ai été sauvé in extremis, dit-il. C’est un peu compliqué, la princesse Azizah…
— Vous la connaissez ? s’exclama la Chinoise, admirative. Elle a un compte chez nous. Mais qu’est-ce qu’elle a fait ?
Elle est intervenue. Seulement c’était trop tard pour Lim et on m’a volé les chèques.
— My Lord ! murmura la Chinoise.
Malko se gara et passa un bras autour de ses frêles épaules. Elle fut soudain secouée de sanglots et tenta se dégager. Hystérique.
— Laissez-moi, c’est horrible, Lim est mort à cause vous. C’était comme un frère pour moi. Et qu’est-ce qu’il va m’arriver ? Ils vont découvrir que c’est moi. Je vais être expulsée, je ne trouverai plus de travail.
Elle pleurait à chaudes larmes, Malko tenta de la camer. Elle ouvrit la portière. De justesse, il la rattrapa, arriva à la faire rentrer dans la Toyota. La pluie tombait toujours à torrents. Silencieusement, se débattait, cherchant à s’enfuir. Ses lunettes tombèrent et elle en fut presque jolie, malgré ses cheveux en baguettes de tambour.
— Calmez-vous, dit Malko.
— Non !
Brusquement, elle se mit à le frapper, à le griffer, les yeux hors de la tête, donnant des coups de pied, hurlant en chinois et en anglais. En pleine crise de nerfs. Plusieurs fois, elle parvint à ouvrir la portière et il la força à la refermer. Si elle partait maintenant, il ne la reverrait jamais… D’un coup de poing, elle fit sauter le rétroviseur. Il fut obligé de la prendre à bras le corps et il sentit sous son bras un sein ferme. La ceinturant, lui parlant doucement, il tint bon, le visage écorché, jusqu’à ce qu’elle se calme peu à peu et qu’elle se mette à pleurer. Il commença alors à lui parler doucement.
— Lim Soon est mort, expliqua-t-il, et vous êtes en danger. Ils risquent de remonter jusqu’à vous. La seule chose qui vous mette à l’abri…
Elle renifla et tourna son visage rougi de larmes, parcouru de traînées de maquillage. Ses yeux étaient flous sans les lunettes et sa bouche gonflée par la fureur la rendait presque jolie…
— Quoi ? demanda-t-elle.
— II faut vous procurer une autre photocopie de ces chèques. Dès demain. Ensuite ce sera trop tard.
Yé Yun Gi eut un sursaut de tout son corps.
— Je ne peux pas, c’est trop dangereux…
De nouveau, elle voulait partir. Il la retint, commença à lui caresser les cheveux, effleurant parfois la poitrine. Discrètement. La tension se relâcha un peu.
— Ils vont me tuer comme Lim, gémit-elle.
— Non, pas si j’ai ces chèques, insista Malko.
Les phares des véhicules qui passaient les éclairaient. Pourvu qu’une voiture de police ne s’intéresse pas à eux… Malko observait Yé Yun, butée, le regard fixé sur le pare-brise. Il continua à lui parler, inlassablement, lui répétant les mêmes arguments. Il lui fallait ces chèques… Peu à peu, il la sentit moins hostile. Elle regarda sa montre et renifla.
— Elle est cassée, fit-elle. Vous me l’avez cassée.
— Vous en aurez une autre !
— II faut que je rentre chez moi, dit-elle.
Il se remit en route, roulant le plus lentement possible. Après qu’il eut traversé l’autoroute, elle le guida dans un chemin s’enfonçant en pleine jungle. Ils stoppèrent en face d’une maison de bois, avec une épicerie au rez-de-chaussée. Au moins, il saurait désormais où elle habitait.
— Alors ? demanda-t-il. Vous allez essayer ?
— Oui, dit-elle après un long silence. Mais je n’arrive pas à croire que je ne reverrai plus Lim Soon. Ils ne vont pas venir me chercher ici ?
— La meilleure façon de vous protéger, c’est de me donner ces photocopies, dit-il. Quand nous voyons-nous ?
— Demain.
— Où ?
— Je ne sais pas. J’ai peur.
Ça la reprenait. Malko pensa soudain au jour où Mandy Brown était arrivée à Brunei.
— Vous connaissez le parking de Jalan Cator ? demanda-t-il. Vous pouvez me retrouver demain sur la terrasse, après votre travail. Vers six heures… Personne ne vous remarquera et ce n’est pas très loin de la banque… De nouveau, une hésitation à n’en plus finir. Yé Yun Gi renifla et finit par dire de mauvaise grâce
— J’essaierai de venir.
Malko eut l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre.
— Il ne faut pas « essayer ». Il faut venir, insista-t-il.
Sinon, vous serez en danger de mort. Et moi aussi.
Elle lui jeta un regard ambigu.
— La princesse Azizah ne peut pas vous protéger ?
— Non, fit-il. Vous êtes la seule à pouvoir le faire.
Cinq secondes plus tard, elle courait sous la pluie. Les dés étaient jetés…
Le concierge du Sheraton était de nouveau souriant. Malko venait d’y débarquer, après le coup de fil de la princesse Azizah. Délicate attention, on lui avait attribué la même chambre. Il fila sous sa douche, après avoir appelé Angelina. Le mari de la jeune femme était toujours à Singapour et ils pouvaient dîner ensemble. Au téléphone, il ne s’était pas étendu sur l’incident de l’après-midi.
Le temps de se changer, il descendit au Maillet toujours bourré, le seul endroit de Bandar Sen Begawan où on servait de l’alcool. Tous les pétroliers étaient là éclusant des flots de Gaston de Lagrange. Il commanda une Stolychnaya et s’installa dans un coin tranquille. Les heures suivantes allaient être très longues. Maintenant, Hadj Ali était au courant pour les chèques. Sa réaction n’allait pas tarder. Dirigée contre Malko et contre Mandy Brown… Malko n’avait pas fini sa vodka qu’Angelina fit son apparition dans le bar, saluée par quelques regards envieux. Pour une fois, elle avait troqué ses bottes pour des escarpins qui la grandissaient et portait une robe au ras du cou moulante comme un gant.
— J’ai réservé ici. Cela vous convient ? demanda-t – il.
Ils passèrent dans l’Embassy Room, un restaurant sombre, chic et désert. Aussitôt, une nuée de petites Singapouriennes hyper-sexy s’affaira autour d’eux.
Il lui raconta son voyage à Limbang. Angelina Fraser était horrifiée. Elle but un peu de son Cointreau et dit d’une voix altérée
— Tu crois vraiment que c’est Hadj Ail qui est derrière tout cela ?
— J’en suis certain à 100 %, répliqua Malko, depuis que j’ai vu les chèques.
La jeune femme semblait profondément perturbée. Découvrir que son amant est un assassin ne fait jamais plaisir…
— C’est peut-être une coïncidence, dit-elle, mais il m’a appelée ce soir. Il voulait dîner avec moi. Il fait toujours cela quand l’Immigration l’informe que mon mari est en voyage.
— Il a sûrement envie de se détendre, maintenant qu’il a récupéré les chèques. Il n’a pas été vexé que tu refuses ?
— Je dois le retrouver après le dîner, avoua-t-elle. Il a terriblement insisté.
Ses sentiments étaient nettement ambigus, mais ce n’était pas l’affaire de Malko.
— Sauf miracle, fit-il, je n’ai plus rien à faire à Brunei. Tous mes efforts ont échoué. Il reste Mandy. Je ne peux pas l’abandonner.
— Il faut laisser la passion de Mahmoud s’estomper dit-elle. Tant qu’elle est sous sa protection, personne n’osera la toucher. J’espère, ensuite, qu’elle se fera directement conduire à l’ambassade. J’arriverai probablement à lui faire passer un message. Tu vas partir, alors ?
— Oui, dit Malko.
Il ne lui avait pas parlé de son dernier rendez-vous avec Yé Yun Gi. Par superstition. Et puis, elle était quand même la maîtresse de Hadj Ali. Comme si elle avait deviné ses pensées, elle remarqua :
— Je n’arrive pas à croire qu’Ali soit responsable de ces meurtres. C’est un garçon tellement charmant, cultivé pour un Malais, très occidentalisé, et adorable avec une femme.
— Il lutte pour sa peau, dit Malko. Si le Sultan découvre sa malversation, il est fini. Et il sera obligé rendre l’argent qu’il a volé. C’est dur après la situation qu’il avait. Il a été grisé…
Angelina baissa la tête et demanda
— Tu crois que c’est avec cet argent qu’il m’a offert cela ?
Elle étalait sa main devant lui où scintillait splendide émeraude de dix bons carats…
— Probablement, dit Malko. Je ne te l’avais jamais vue.
— Je la mets seulement quand mon mari n’est pas là.
— Tu es amoureuse d’Ali ?
— Je ne sais pas, dit-elle. Il m’a éblouie, et puis, il me voulait tellement ! Tu ne sais pas comment il m’a poursuivie. Jamais une étrangère, même femme de diplomate, n’avait été invitée aussi souvent.
J’ai eu des autorisations pour jouer au polo, monter les chevaux du Sultan. Il me téléphonait vingt fois par jour… La première fois, ça a été très romantique, il m’a fait l’amour dans sa voiture, tellement il était pressé. Le lendemain, j’ai reçu à l’ambassade douze douzaines de roses rouges. Il les avait fait venir par avion de Singapour…
— Eh bien, tu vas pouvoir continuer ta lune de miel, conclut Malko.
Angelina ne releva pas et ils terminèrent le repas, en silence. Quand ils se retrouvèrent dans le lobby, elle lui adressa un sourire gêné.
— J’essaierai de savoir quelque chose sur Mandy, demain, promit-elle
— Inch Allah, répliqua Malko.
Mandy Brown regarda la jungle qui défilait à toute vitesse de chaque côté de Tutong road, éclairée par les phares puissants de la Rolls blanche. Celle-ci fonçait à près de 160 km sur l’étroit ruban d’asphalte musique à tue-tête. Au volant, Son Altesse le prince Mahmoud baignait dans le bonheur, explorant de main droite les cuisses de Mandy Brown.
— Ralentis ! supplia celle-ci, tu vas nous tuer !
— J’ai envie de toi, fit Mahmoud, c’est pour ça je vais vite.
Ils avaient dîné dans un restaurant indien, le Tandoori, et il leur restait encore vingt bons kilomètres pour rejoindre Jerudong. Mandy mourait de peur. Il l’avait déjà prise avant le dîner en venant la chercher, mais de nouveau, il était comme un singe en rut. Elle décida, pour sauver sa vie, de prendre la situation en main.
Elle se pencha et posa la main sur son érection.
— Arrête-toi ! dit-elle. On va faire ça ici.
Mahmoud pila si brusquement que Mandy manqua passer à travers le pare-brise. Puis, d’un brutal coup de volant, il s’engagea dans un chemin filant dans la jungle et stoppa. Mandy était déjà au travail, penchée sur son membre énorme. Elle pouvait à peine en prendre le tiers dans sa bouche, mais, en quelques minutes, elle eut un véritable mât entre les mains. Mahmoud grognait comme un animal, fou d’excitation. Soudain, il se dégagea, sortit de la voiture, l’entraînant avec lui et ouvrit une des portières arrière.
Il l’agenouilla en travers de la banquette arrière et l’embrocha alors d’un seul élan. Mandy, qui ne s’était pas encore fait à ses manières de primate, hurla.
— Stop ! Tu vas me couper en deux !
Mahmoud n’en fut que plus excité. Arc-bouté sur elle, il se mit à la pilonner de ses vingt-cinq centimètres à un rythme dément. Mandy, les yeux fermés, s’imaginait prise par une créature de science-fiction.
— Mais non ! fit Mahmoud, encore fiché en elle, j’ai rait ça à des Philippines deux fois plus petites que toi. Et je te le referai souvent…
— Je veux retourner en ville, fit-elle. Je m’ennuie à Jerudong.
Pourtant, Mahmoud mettait le paquet ! Elle n’avait plus assez de doigts pour toutes les bagues qu’il lui avait offertes en quarante-huit heures. Il avait fait spécialement venir de Singapour un bijoutier qui avait présenté une sélection inouïe. Mandy en avait choisi pour un bon million de dollars et n’avait pas cillé… Plusieurs fois par jour, il parcourait la route de Jerudong à tombeau ouvert pour venir satisfaire ses fantasmes…
Au moins, Mandy Brown se sentait en sécurité. Michael Hodges était venu rôder à la beach-house à plusieurs reprises, mais elle savait qu’il n’oserait rien faire.
Mahmoud s’arracha d’elle avec un soupir et sauta à terre. Soulagé. Jamais il n’avait rencontré une Mandy Brown… Ils reprirent le chemin de Jerudong à une allure plus modérée.
— Je vais te construire un palais, annonça-t-il. A côté du mien. Tu vas adopter la religion musulmane.
Mandy Brown faillit pouffer en dépit de ses reins endoloris… Ça recommençait ! Décidément, elle plaisait aux musulmans. Elle guigna Mahmoud du coin de l’œil. Finalement, elle s’était accoutumée à sa mâchoire saillante et à son air de Gengis Khan. Bien sûr ce n’était pas un gentleman, même tropical. Juste une bête assoiffée de sexe. Mais Mandy, cela ne lui déplaisait pas trop. C’était bon pour son ego.
Elle repensa à Malko. Il fallait absolument lui faire savoir qu’elle n’était plus en danger, mais séquestrée.
Hadj Ali ne décolérait pas, se détendant en faisant un peu de manège. Angelina lui avait avoué la veille au soir avoir dîné avec Malko au Sheraton, avant de le retrouver chez elle, en fin de soirée. Le soulagement se mélangeait à l’angoisse chez lui, après le demi-succès de la mission de Michael Hodges. Son sort ne tiendrait qu’à un fil tant que l’agent de la CIA se trouverait à Brunei. II espérait que les consignes qu’il venait de transmettre allaient faire leur effet… En plus, il y avait Angelina, dont il était fou.
Il ralentit son trot, et sortit du manège pour galoper jusqu’au parking.
Il avait lancé ses gens sur les employés de l’International Bank of Brunei. Il fallait coûte que coûte trouver celui ou celle qui avait procuré les chèques à l’agent de la CIA. Sans Michael Hodges, il était perdu. A cette idée, ii en avait froid dans le dos… Arrivé au parking, il sauta à terre et monta dans sa Ferrari grise immatriculée à son prénom, Ali. Un des privilèges de sa charge. Il fit ronfler le moteur et partit en laissant la moitié des pneus sur le parking. Il emprunta l’éternelle route de Tutong, mit pleins phares et se lança. Son grand plaisir était de battre son propre record entre Jerudong et le palais. Il grignotait quelques secondes chaque jour. Un camion arrivait en face. Il donna un coup de phares, un de klaxon et le mastodonte plongea dans le fossé. Ses roues glissèrent et il se retrouva couché sur le côté…
Hadj Ali éclata de rire. C’était bon la puissance. Maintenant les habitants de Brunei le craignaient presque autant que le Sultan et ses frères. Ils ne s’arrêtaient pas pour se prosterner, mais s’écartaient tout aussi vite. Un jour, il en avait cravaché un violemment pour avoir frôlé de trop près sa Ferrari. Après tout, il était le neveu du Sultan.
Il faisait encore nuit quand le téléphone sonna dans la chambre de Malko. Surpris, il consulta sa montre avant de décrocher. Il n’était même pas six heures du matin !
— Malko ?
— C’était Angelina Fraser.
— Que se passe-t-il ?
La jeune femme mit plusieurs secondes à répondre.
— Hier soir, quand je t’ai quitté, j’avais rendez-vous avec Hadj Ali… Chez moi.
— Je sais, fit Malko. C’est pour ça que tu me téléphones à cette heure-ci ?
— Non, dit-elle. Il était furieux que nous ayons dîné ensemble. Dans sa rage, il m’a dit que ce serait la dernière fois, parce que tu allais être expulsé aujourd’hui…
Une coulée glaciale descendit le long de sa colonne vertébrale.
— Je te remercie, fit-il. Je vais essayer de prendre mes dispositions.
Il raccrocha. Trois minutes plus tard, il était habillé. Et une minute de plus, il descendait par l’escalier extérieur d’incendie qui débouchait sur le parking du Sheraton. Il se mit au volant de sa Toyota et s’éloigna vers le centre.
Walter Benson, l’ambassadeur des Etats-Unis, arborait une tête d’enterrement. Pendu au téléphone depuis qu’il avait trouvé Malko l’attendant dans l’antichambre de son bureau… Il tentait d’obtenir des informations sur l’expulsion par un de ses amis au ministère des Affaires étrangères.
Il raccrocha et fixa Malko, l’air grave.
— C’est vrai. Vous êtes sous le coup d’un arrêté, d’expulsion. Pour vous être immiscé dans les affaires intérieures du Sultanat, sans l’autorisation des responsables locaux de la Sécurité. Une équipe de la Special Branch vous guette au Sheraton, afin de vous emmener à la prison de Jarulong, en attendant qu’on vous mette dans un avion.