Al Mutadee Hadj Ali attendait à côté du téléphone, fixant machinalement les boiseries dorées de son bureau. La nuit était tombée depuis longtemps. Dès le matin, il s’était lancé à la recherche du traître de l’International Bank of Brunei. Grâce aux informateurs de la Special Branch, cela avait été relativement facile de le localiser. Une Chinoise dont il ignorait jusqu’à ce jour le nom et l’existence. Mais qui avait le pouvoir de faire basculer sa vie… Au lieu de la faire arrêter séance tenante, il avait donné l’ordre de la suivre, afin de faire d’une pierre deux coups : elle les mènerait sûrement à l’agent de la CIA. Il ne resterait plus que Mandy Brown. Quand « Sex-Machine » s’en serait fatigué, les hommes de Michael Hodges s’en occuperaient. D’une façon un peu sophistiquée pour ne pas faire hurler l’ambassadeur des Etats-Unis. Ensuite, la vie reprendrait son cours.
Le téléphone vert, celui réservé aux communications de sécurité, se mit à sonner. Le cœur battant, le Premier aide de camp décrocha. Il aimait toujours entendre la voix au calme rassurant de Michael Hodges. Dévoué comme un labrador.
— Tout s’est bien passé ? demanda-t-il.
Quasiment certain de la réponse. Au blanc qui suivit, il sentit tout de suite que les nouvelles n’étaient pas bonnes. Pour qu’un homme comme le mercenaire britannique hésite à parler…
— Non, Pengiran.
Nouveau blanc. Le Premier aide de camp sentit sa chemise se coller à sa peau. Depuis le matin, tout marchait mal. Il n’avait pas trouvé l’agent de la CIA au Sheraton comme il le pensait. Une seule personne pouvait l’avoir prévenu : Angelina auprès de qui il s’était vanté la veille au soir… Pris d’une rage aveugle, il cria dans l’appareil.
— Que s’est-il passé ?
— Il a échappé à mes deux hommes, expliqua le mercenaire. L’un d’eux est grièvement blessé, la hanche fracturée. Il l’a renversé avec sa voiture avant de s’enfuir.
— Où est-il ?
— Il s’est réfugié chez l’ambassadeur. Avec la Chinoise de la banque.
Hadj Ali eut l’impression que son sang se figeait dans ses veines.
— Elle avait les documents ?
— Nous l’ignorons, répliqua le mercenaire. Mais c’est probable. Sinon elle ne lui aurait pas donné rendez-vous.
Tout cela parce que cette garce d’Angelina l’avait prévenu ! Hadj Ali alluma une cigarette, fixant le téléphone rouge devant lui. Où était le Sultan ? Sans doute dans sa chambre en train de jouer avec ses maquettes d’avion. Ou en route pour le palais de la Seconde épouse… Il écrasa sa cigarette à peine entamée dans le cendrier.
— Mr Hodges, ordonna-t-il, foncez chez l’ambassadeur des Etats-Unis. Liquidez l’agent des Américains et cette Chinoise et récupérez les documents.
Il y eut un grand blanc, puis la voix quand même altérée du mercenaire lâcha
— Impossible, Pengiran !
— Pourquoi impossible ? hurla le Brunéien, au comble de la fureur. Cet homme est un criminel. Je vous ferai couvrir par Sa Majesté… L’ambassadeur des Etats-Unis est son complice.
— On ne peut rien faire, répéta le mercenaire, têtu, il est protégé par l’immunité diplomatique. Nous devons attendre qu’il sorte.
— Ce sera trop tard, il faut les liquider tout de suite.
— Je ne peux pas, Pengiran.
C’était clair. Le Brunéien sentit qu’il ne ferait pas céder Michael Hodges par la menace. Il essaya autre chose.
— Mr Hodges, dit-il, si cette affaire éclate, vous savez ce que vous risquez ?
— J’ai obéi aux ordres, cingla le mercenaire. Je n’ai pas peur. Moi je n’en ai tiré aucun profit. Et je trouverai toujours l’occasion de me sauver… Je suis désolé.
Brutalement, le Premier aide de camp raccrocha sans lui laisser le temps de continuer. Réalisant qu’il était en train de tisser la corde pour se pendre.
Fébrilement, il composa le numéro de Guy Hamilton. Cela sonna longuement puis la voix pâteuse du Britannique fit « allô ».
— C’est moi, Hadj Ali, annonça le Premier aide de camp. Il faut que je vous parle immédiatement. Pouvez-vous venir au palais ?
— Je ne me sens pas bien, balbutia l’ancien patron du MI 6. Que se passe-t-il ? Toujours ce bastard d’agent des Américains ? Il faut le liquider.
— Michael Hodges refuse. Donnez-lui des ordres vous-même. Si vous pouvez le trouver.
— Je m’en occupe. Je vous rappelle.
Hadj Ali raccrocha et alluma une autre cigarette. La pluie tapait sur les vitres blindées et le Palais était silencieux. Il réalisa qu’il allait être en retard à un cocktail au Jerudong Country Club où Angelina l’attendait. Il eut le temps de fumer un demi-paquet de cigarettes avant que le téléphone ne sonne.
— Nous avons un sérieux problème, annonça Guy Hamilton. J’ai parlé à Michael, je pense qu’il a raison. Il ne peut pas faire ce que vous lui demandez. Cela déclencherait un incident diplomatique de première grandeur avec les Etats-Unis. Sans garantie de succès. Il vaut mieux agir demain.
— Ce sera trop tard.
Hadj Ali se retrouvait seul et bien seul. L’ambassadeur des Etats-Unis allait demander une entrevue officielle au Sultan, via le ministère des Affaires étrangères. II pouvait gagner un peu de temps, pas beaucoup, mais il lui était impossible d’empêcher le Sultan de rencontrer le diplomate. Si ce dernier venait avec les chèques, la carrière et peut-être la vie d’Al Mutadee Hadj Ali étaient terminées. Il lui restait une possibilité : s’enfuir tout de suite à Singapour où se trouvaient ses affaires. Avec ce qu’il avait volé, il pouvait vivre tranquille le restant de ses jours. Seulement il craignait le poids financier du Sultan de Brunei. Si ce dernier se déchaînait, personne n’oserait lui tenir tête…
Etourdi, il regarda sa montre. Angelina devait l’attendre.
La rage le saisit à nouveau. Si elle n’avait pas prévenu l’agent des Américains, tout serait en ordre…
Il quitta son bureau, laissant tout allumé, sans prendre le « bip » sur lequel l’appelait le Sultan.
Le temps d’arpenter les couloirs semés de gurkahs en tenue verte, il sautait dans sa Ferrari grise et prenait la route de Jerudong.
Angelina Fraser était super sexy dans une jupe de cuir blanc bien ajustée sur ses fesses nerveuses et un pull de même couleur moulant sa poitrine aigue. Les cheveux tirés, on ne voyait que sa grosse bouche et ses yeux à l’expression provocante. Un verre de Dom Perignon à la main, elle bavardait près du buffet avec le jeune ambassadeur allemand. Hadj Ali eut brutalement chaud au ventre en la voyant. Elle était toujours aussi désirable, en dépit de ce qu’elle lui avait fait…
Le sourire éblouissant qu’elle lui adressa le mit en transes. Sans doute pour s’amuser, elle portait des bas noirs à couture, moulant ses jambes un peu fortes de cavalière et ses habituels escarpins de douze centimètres.
— Ali, tu es en retard !
Elle lui prit la main et la serra très fort, les yeux dans les yeux. Le Brunéien s’aperçut qu’elle ne portait pas de soutien-gorge. Les pointes de ses seins se dessinaient sous la laine et cela augmenta son désir. Au garçon penché sur lui, il réclama
— One orange juice special.
C’est à dire 10 % de jus d’orange et 90 % de Johnny Walker… Quand il y avait des étrangers à Jerudong on servait de l’alcool, mais les pengirans n’en buvaient pas officiellement.
On lui apporta son breuvage qu’il vida presque d’un coup son estomac s’enflamma. Discrètement, l’ambassadeur d’Allemagne s’éloigna. Aussitôt, Angelina minauda, le frôlant de sa hanche gainée de cuir,
— Je croyais que tu n’allais pas venir… Tu n’as plus envie de moi ?
Il l’aurait bien prise séance tenante pour lui prouver le contraire. Le contraste de la jupe blanche et des bas noirs l’affolait. Ce soir, elle semblait particulièrement chargée d’érotisme.
— Emmène-moi, dit-elle, c’est mortel ici. Il paraît que le Sultan ne viendra pas. Tu peux disparaître.
De fait, la plupart des invités étaient en train de s’éclipser. Ils montèrent au premier où l’orchestre philippin jouait languissamment pour un parterre clairsemé.
Il se fit servir un second « special orange juice »qu’il but aussi vite. La tête commençait à lui tourner. Tantôt, il avait envie d’étrangler Angelina, tantôt de la violer sur-le-champ. Mais il n’arrivait pas à déconnecter la machine infernale qui faisait tic-tac dans sa tête. Il était probablement en train de vivre ses dernières heures de liberté.
— Tu viens ? insista Angelina.
— Allons chez toi, dit-il.
Elle ne protesta pas. Ils prirent chacun leur voiture. Vingt minutes plus tard, ils stoppèrent devant la maison des Fraser. Arrivé dans le living, Hadj Ali se jeta sur Angelina. Elle savait éveiller le désir d’un homme, rien qu’avec ses yeux. Hadj Ali posa une main entre les genoux et remonta le long des bas. La jupe était si étroite qu’il avait du mal à progresser et cela fit pouffer Angelina. Elle la fit glisser vers le haut et Hadj Ali découvrit qu’elle n’avait rien dessous.
Elle libéra son érection et se mit à le masturber presque avec fureur, comme elle le faisait parfois.
— Ça m’excite ! murmura-t-elle, tu ne peux pas savoir.
Elle avait une voix rauque de salope en manque et son ventre dégoulinait de miel. Malgré tout, Hadj Ali pensait au Sultan et avait du mal à maintenir son érection… Pourtant, ce ventre offert l’excitait, mais Angelina refusait d’ôter sa jupe. Il voulut le faire à sa place, mais elle se déroba en riant, murmurant
— Soumets-moi.
Elle se pencha et saisit une cravache noire dissimulée derrière le divan, la tendant à son amant. Un de ses fantasmes favoris, quand elle était très excitée. En même temps, elle roula sur le ventre, offrant sa croupe gainée de cuir blanc à la cravache, les jambes écartées autant que le permettait la jupe étroite, guignant Hadj Ali du coin de l’œil. Ce dernier n’hésita qu’une seconde. Une façon comme une autre de se défouler.
Craaac ! La cravache cingla le cuir et Angelina eut un sursaut. Jamais il n’avait frappé aussi fort. D’habitude, c’était presque une caresse.
— Doucement ! demanda-t-elle.
Sans l’écouter, Hadj Ali redoubla. Le cuir noir fouettait le cuir blanc, sans arrêt et Angelina roulait sur le lit, tentant de protéger sa croupe, offrant parfois son ventre et même ses cuisses à la cravache. L’ambiance avait brusquement changé. Hadj Ali ne voyait plus que cette croupe qui frémissait sous ses coups et le regard trouble d’Angelina. La jeune femme avait les larmes aux yeux, mais en même temps une sensation étrange embrasait son ventre. Parfois, quand elle chevauchait un pur-sang et qu’elle le cravachait pour aller encore plus vite, elle sentait le miel couler de son ventre, sans pouvoir se retenir. Là, c’était elle le pur-sang…
Soudain revenue sur le dos, les jambes ouvertes, repliées, elle supplia le Brunéien.
— Prends-moi, maintenant ! Prends-moi !
Hadj Ali avait les yeux injectés de sang. Le Johnny Walker faisait son effet et tout se mélangeait dans sa tête. Essoufflé, il se laissa tomber à côté d’elle sur le lit, en pleine érection. Angelina le saisit aussitôt, reprenant sa masturbation. Elle répéta les yeux mi-clos
— Baise-moi, baise-moi avec ta grosse queue.
— Salope ! siffla le Premier aide de camp.
Elle sourit, ravie. Pour elle c’était le plus beau compliment. Celui que lui faisaient tous ses amants. Hadj Ali effleura le sexe inondé. Curieusement, au lieu d’en être excité, il en éprouva une sorte de dégoût. Cette femelle en chaleur qui le suppliait de s’enfoncer en elle, et en même temps l’avait trahi le faisait disjoncter. Il se pencha sur elle
— Tu as répété à ton ami de la CIA ce que je t’avais dit ? demanda-t-il.
Angelina entrouvrit les yeux, étonnée qu’il pose une telle question à cet instant précis.
— Qu’est-ce que ça peut faire ! Viens !
Hadj Ali fut submergé brutalement par la haine. Angelina ne pensait qu’à son plaisir ! Alors qu’elle avait peut-être détruit sa vie à lui.
Retournant la cravache, il enfouit brutalement le pommeau d’argent entre les cuisses gainées de nylon noir, poussant vers le haut. Quand le métal toucha son sexe, Angelina sursauta mais ne se referma pas. Parfois, aussi, son amant s’était amusé ainsi, dans son sexe ou dans ses reins. Elle poussa un petit cri quand la grosse boule d’argent ciselé la pénétra. C’était plus froid et plus dur qu’un homme mais l’idée de faire l’amour avec une cravache l’excitait prodigieusement…
Hadj Ali regardait fixement la tige noire disparaître au milieu de la jupe blanche. Il arriva au fond, toucha la paroi de la matrice et la jeune femme poussa une exclamation.
— Arrête ! Tu me défonces. Tu es au fond.
Il retira un peu la cravache et commença à la remuer d’un mouvement circulaire, comme pour agrandir encore le sexe béant. Angelina râlait de plaisir, secouant son membre de plus en plus vite. Son corps se tendit en arc, elle jouissait à nouveau. Elle avait envie de ce sexe qu’elle tenait, mais en même temps, ce viol brutal et inhumain la comblait.
Hadj Ali se servait de la cravache comme d’un sexe, la retirant puis enfonçant brutalement la boule d’argent jusqu’au tréfonds du ventre de sa partenaire. Le sang tapait dans ses tempes. Il sentait qu’il allait jouir… Le mouvement de son poignet s’accéléra, le pommeau cognait de plus en plus fort. Angelina criait, sans qu’il sache si c’était la douleur ou l’excitation. Et puis, le sperme jaillit de lui, avec un plaisir si aigu qu’il eut l’impression de ne jamais en avoir éprouvé de semblable.
Ce fut plus fort que lui.
Quand il sentit la semence monter de ses reins, il enfonça la cravache de toutes ses forces, comme si c’était son propre sexe. Le pommeau rencontra une résistance, mais, arc-bouté, Hadj Ali poussa encore. Angelina hurla, d’une façon horrible, ses mains, lâchant le sexe en train d’éjaculer, se nouèrent autour du manche de la cravache, essayant de l’arracher de son corps.
Devenu fou furieux, Hadj Ali, secoué par son orgasme, se mit à enfoncer la cravache comme on donne des coups de poignard. Finalement, le manche disparut de trente centimètres et Angelina poussa un cri d’agonie, se tordit une dernière fois, puis demeura en chien de fusil, les mains crispées sur le manche, les yeux vitreux, secouée par les spasmes de l’agonie.
Le sang coulait le long de ses jambes, imprégnant le couvre-lit, tachant la belle jupe blanche.
Hagard, Hadj Ali se releva, se rajusta, jetant un dernier coup d’œil au cadavre. Le manche de ha cravache émergeait des jambes disjointes comme un obscène serpent noir. Angelina ne bougeait plus.
Il se dit fugitivement qu’on pourrait peut-être la sauver. Le temps de se rajuster, il s’enfuit et courut jusqu’à sa voiture.
Au volant de sa Ferrari grise, il mit le cap sur Tutong, il avait besoin de rouler… A cette heure tardive, il n’y avait personne sur la route et il monta à près de 200… Le croisement avec la route côtière arrivait et il fut tenté de ne pas ralentir… Mais il n’était pas suicidaire. Il freina. La voiture se mit presque en travers et il négocia le virage. Il continua jusqu’à la mer et stoppa, descendant de voiture. La brise de la mer de Chine était presque fraîche et le vent dissipa le brouillard qui noyait son cerveau…
Appuyé à l’aile de sa Ferrari, il se mit à réfléchir. La mort d’Angelina allait déclencher un scandale, mais il pouvait s’en sortir.
Il restait la menace de l’agent de la CIA. S’il ne la bloquait pas, il était perdu.
L’ambassadeur des Etats-Unis attendait patiemment au bout du fil. Depuis le début de la matinée, il tentait d’obtenir un rendez-vous avec le Sultan. Il était déjà passé par le ministère des Affaires étrangères qui s’était déclaré d’accord sur le principe mais avait demandé qu’il s’arrange avec le Palais pour les détails techniques… Malko se trouvait en face de lui en train de boire une tasse de café pas assez sucré et tiède, essayant d’oublier la vision d’horreur qu’il avait découverte un peu plus tôt. Sur le chemin de l’ambassade, il avait voulu s’arrêter pour prévenir Angelina qu’il avait enfin récupéré les photocopies des chèques. La porte de la maison de la jeune femme était ouverte. Une domestique venait de trouver le corps.
Interrogée, elle avait raconté que sa maîtresse était rentrée en même temps qu’un homme qui venait souvent. Le Pengiran Al Mutadee Hadj Ali. Confirmation pour Malko qui n’ignorait pas que la jeune femme dînait avec lui.
Mais pourquoi l’avait-il tuée ?
Surtout de cette façon horrible. Cela ressemblait à une vengeance sexuelle. Il était ressorti de la villa, bouleversé, horrifié. Depuis la résidence de l’ambassadeur ils avaient été suivis par des hommes de Michael Hodges, qui n’avaient rien tenté.
Peut-être à cause des quatre « Marines » d’escorte. Et maintenant, Malko ne craignait plus d’être mis hors circuit : l’ambassadeur était en possession des preuves compromettant Hadj Ali.
L’ambassadeur, toujours au téléphone, lui adressa un signe discret.
— On va vous passer le Pengiran Al Mutadee Hadj Ali, venait d’annoncer une voix suave.
Evidemment, tous les rendez-vous étaient pris par le Premier aide de camp du Palais… Quelques cliquetis et il entendit la voix jeune et claire de Hadj Ali. Très affable.
— Monsieur l’ambassadeur, que puis-je faire pour vous ?
— Pengiran, j’ai demandé une audience à Sa Majesté le Sultan de toute urgence, expliqua Walter Benson. Le ministre des Affaires étrangères m’a donné son accord, il me reste à arranger avec vous la date et l’heure.
— Parfait, Excellence, approuva le Brunéien. Sa Majesté le Sultan va partir en Europe, voulez-vous que nous fixions une date pour son retour ? Disons-le…
Le diplomate le coupa.
— Impossible, Pengiran. Je dois voir Son Altesse avant son départ. Il s’agit d’une affaire extrêmement importante et urgente.
— Puis-je vous demander de quoi il s’agit, afin que j’en avise Sa Majesté ?
Le ton commençait à se tendre.
— Certainement, répliqua Walter Benson. J’ai de nouveaux éléments sur l’affaire des vingt millions de dollars. Je pense même l’avoir résolue.
Silence au bout du fil puis le Premier aide de camp remarqua d’une voix assez caustique
— Je ne sais pas si Sa Majesté a envie de discuter de ce problème tant que le principe du remboursement n’est pas accepté par vous. Sa Majesté a de nombreuses occupations.
— Je vous ai dit avoir de nouveaux éléments, fit sèchement l’ambassadeur des Etats-Unis. Précisément les chèques tirés par Sa Majesté qui montrent de toute évidence qui en est le bénéficiaire. Si je ne pouvais rencontrer Sa Majesté je me verrais obligé de les communiquer à Son Excellence le ministre des Affaires étrangères…
Autrement dit, le frère du Sultan. C’était tomber de Charrybe en Scyhla… Hadj Ali comprit que le baroud d’honneur était terminé. Il reprit son ton le plus mondain pour affirmer
— Je vais soumettre dans ce cas une demande d’audience à Sa Majesté pour demain. Je vous rappellerai dans la journée.
Il raccrocha, le cerveau en bouillie. L’étau se resserrait. Il ne lui restait plus qu’une carte désespérée à jouer : le chantage. Mais il n’avait plus une minute à perdre. Il appela sa secrétaire.
— Si Sa Majesté me réclame, dit-il, faites-lui savoir que j’ai dû me rendre à Jerudong pour une affaire urgente qui me prendra une heure environ.
A cette heure, le Sultan dormait encore dans son lit de cinq mètres sur cinq. Insomniaque, il se levait toujours tard, sauf les jours de réception officielle.
Il composa le numéro intérieur de la Special Branch et demanda Michael Hodges. Le Britannique s’y trouvait.
— Aucune nouvelle encore, annonça-t-il. Mes hommes surveillent l’ambassade américaine.
— Très bien, fit Hadj Ali, distraitement. Rejoignez-moi au garage, je vous emmène à Jerudong. Nous avons un problème à régler.