J’aime notre secret. Notre amour secret. Mais pour combien de temps ? Combien de temps tiendra notre secret ? Cela fait déjà un an. Je promène ma main sur ta peau soyeuse en me demandant si tu désires vraiment que la vérité se sache. Je sais ce qui en découlerait. Comme une odeur de pluie portée par le vent. Je sais ce que cela voudrait dire pour toi ; pour moi. Mais je sais aussi que j’ai profondément et douloureusement besoin de toi. Tu es l’être que j’attendais. Cela m’effraie, mais c’est ainsi. C’est toi que j’attendais.
Comment tout cela va finir ? Qu’adviendra-t-il de mes enfants ? Quelles seront les conséquences pour eux ? Comment trouverons-nous une façon de vivre ensemble ? Quand ? Et où vivrons-nous ? Tu dis que tu n’as pas peur que le monde sache. Mais tu n’ignores pas à quel point cela est plus facile pour toi que pour moi. Tu as ton indépendance, tu gagnes ta vie, tu es ton propre maître. Tu n’as pas la bague au doigt. Pas d’enfants. Tu es libre. Et moi ? Regarde ma situation. Mère au foyer. Celle qui fait l’affaire en petite robe noire.
Je ne suis pas retournée dans mon village natal depuis si longtemps. Dans la vieille maison de pierre, perdue dans la montagne. Les souvenirs ne meurent pas. Les chèvres bêlant dans le champ brûlé de soleil, les oliviers, ma mère étendant les draps sur le fil à sécher le linge.
La vue sur le mont Aigoual. Les pêches et les abricots que mon père aimait caresser de ses mains calleuses. S’ils étaient encore de ce monde, s’ils savaient, si ma sœur savait l’étrangère que je suis devenue depuis que j’ai épousé un Parisien, je me demande ce qu’ils en penseraient. Pourraient-ils jamais comprendre ?
Je t’aime je t’aime je t’aime.