Une sensation moelleuse. Celle de m’abandonner aux soubresauts d’un plongeoir particulièrement flexible. Je tressaute langoureusement. Un flou artificiel me sépare de la réalité. Je me rassemble pour le dominer et, miracle de la ténacité, y parviens.
J’arrive à ouvrir mes calbombes. J’aperçois une potence supportant une poche de sérum terminée par un tuyau transparent planté dans mon poignet. Mon épaule est plâtrée. Je gis sur un lit d’hôpital. Une forte dame platinée est couchée à mes pieds, en travers de ma couche. Elle soutient ses genoux pliés de ses mains potelées, tandis que mon cher Béru la besogne à grands coups de reins méthodiques, ce qui imprime à ma couche le mouvement de trampoline évoqué à quelques lignes de là. La forte personne portant une blouse blanche et empestant l’éther, j’en conclus (sans mérite) qu’il s’agit d’une infirmière de bonne rencontre que le Mastard a séduite en un temps record et qu’il honore de sa forte présence sur ma couche de souffrance.
La goulue, à chaque coup de boutoir, pousse un cri qui n’est pas sans rappeler celui de cette fameuse tennis-woman roumaine pour qui, toute balle renvoyée, constitue un orgasme dont elle rend compte au stade entier ainsi qu’à dix millions de téléspectateurs.
Ma sortie de vapes s’effectuant rapidement, je m’avise que les assauts violents (et répétés) du Gros entraînent mon lit à roulettes en direction de la porte où Pinaud fait le guet afin d’assurer un coït confortable aux deux partenaires.
C’est une grande première pour moi que d’être en état de boutoir. Je me fais l’effet d’un kamikaze pris au ralenti. Voyant se pointer la torpille, César exécute un gracieux mouvement de torero pour éviter la charge ; malheureusement deux personnes entrent à cet instant précis : un grand habillé de maigre et un gros habillé de police qui n’est autre que l’enfoiré de shérif avec qui j’ai des démêlés. Leur mauvais sort veut que ces deux tordus pénètrent dans la chambre juste comme Alexandre-Benoît émulsionne du flacon. Chez lui, l’éjaculation est typhonnante, le coup de prose libératoire équivaut à la puissance d’une locomotive haut le pied. Le plumard à armature de fer frappe les jambes des intrus et les écrase contre le mur, brisant un genou du shérif et une cheville du grand qui l’escorte.
Les amants de rencontre n’ont cure de leurs douleurs.
— I enjoy ! crie la femme.
— Haaarrrrwouhâââ hhhpppp bongu ! répond le Torrentiel en déflaquant à tout-va, qu’ensuite ça festonne aux barreaux de mon pucier. Cézig, en deux giclées, il te décore un arbre de Noël !
Son panais, qu’une fabrique de préservatifs utiliserait comme enseigne, demeure dans toute sa vigueur et goupillonne à tout-va.
Magine la scène, Arsène : moi et mon goutte-à-goutte dans ce lit de formule 1 ; Bérurier, dont la bite dodelinante salue la foule en délire après exploit, la grosse infirmière toujours écartelée par la jouissance et qui respire comme un alambic, Pinaud, épargné mais ratatiné dans un angle mort, le shérif et son compère criant de souffrance, toujours coincés par mon lit ! C’est pas dans le Journal Officiel que tu peux trouver ça !
Tu sais quoi ? L’humour primant tout, je me marre, insensible au mal qui me point. Je ris à m’en faire péter les cerceaux ; à m’en débrancher le perfuseur !
Tout ce tumulte en forme de brouhaha attire du trèpe, naturliche. Ça radine des quatre points cardinaux : infirmières, médecins, hommes de peine, filles de joie, femmes de charge, garçons de bains.
— Cache ton piano ! intimé-je-t-il à mon pote.
Il remise son zeppelin en peau de zob dans son hangar, aide la femme comblée à s’arracher de mon lit qu’il ramène à sa place initiale. Tourné ensuite vers la foule grondante et hospitalière, Béru déclare, « benoîtement » :
— Ben quoive ? Qu’est-ce v’s’avez à m’détroncher ? J’aidais maâme à pousser l’lit pour qu’a pusse nettoilier en d’ssous. Comme y a des roulettes, j’ai embardé et ces deux guignolets qu’entrent malincontreusement ! Visez-moi c’shérerif à la con, poule mouillée, qui bieurle comm’ un goret ! Ah ! les draupers, y sont douillets chez vous ; des vraies gamines !
Le personnel s’occupe des blessés et les évacue. La grosse dame baisée est mandée illico chez le dirluche pour une mise à pied consécutive à celui qu’elle vient de prendre de cette manière éhontée. Un docteur diplômé de partout prie Bérurier de quitter l’hôpital. On me laisse seul avec Pinaud.
Toujours calme, le Débris. Doux et bêlant, sourire miséricordieux comme en ont les saints sulpiciens. Il sort une Gitane neuve, mais je lui fais observer que nous sommes dans un hosto et qu’on va le jeter s’il fume. Docile, il remet sa cousue en fouille.
— Prends la chaise, lui dis-je et raconte-moi les épisodes que j’ai manqués pour cause d’inconscience. Pour commencer, où sommes-nous ?
— A la case départ, chevrote l’Ancêtre.
— Tu veux dire à Morbac City ?
— Exactement.
Alors il déballe de son ton monocorde (à violon). Y a de l’amidon dans son phrasé. Il cause à sa botte, César. Me confirme que la malheureuse Ivy a perdu la vie dans l’accident. Que Félix s’est écrasé la queue à environ cinquante centimètres des couilles ; perdant tout espoir d’obtenir le prix d’interprétation du film porno, son chibre ressemblant dès lors à la queue d’un phoque.
Et attends, Armand ; sais-tu ce qui a causé cette écrabouillassion ? L’objet lourd que transportait le petit Roy. Et devine, Hermine, ce qu’était ledit objet ? Tu donnes ta langue ? Ben donne-la ! Hmm, tu viens de boire du thé à la menthe, elle est chaude et parfumée !
La chose lourde en question n’est autre que le banc des amoureux qui avait disparu. C’est Petit Gibus, tout seul, qui l’a chouravé, en fin de nuit, dans le grand désert dès potron-minet (ou potron-jacquet). Il a scié sa base et hissé le banc sur la dépanneuse à l’aide de la grue. Il entendait le planquer pour, plus tard, rançonner la municipalité.
Afin de ne pas se faire gauler, suite à l’accident, il a demandé à Béru et Pinuche de l’aider à le placarder dans le ravin (une faille propice leur a servi de cachette naturelle). Je te dis qu’il arrivera, le môme ! Dans quel état, ça je peux pas le garantir, mais un garnement de sa trempe, aux U.S.A. devient fatalement Einstein ou Al Capone.
Quant à moi, j’ai l’épaule démise et la chair arrachée de la cuisse au thorax ; ce n’est qu’une plaie vive. Plus un traumatisme crânien ; merci, docteur ! Huit jours d’hosto en perspective ; j’ai gagné le caneton, hein ?
Baderne-Baderne puise à nouveau une sèche dans sa vague. Un simple « tsst tsst » de ma part la lui fait abandonner. Il est tellement distrait, le vieux lapin !
L’histoire de l’infirmière-chef culbutée ? Du Béru de la grande cuvée. La dame venait m’examiner pendant que mes Laurel et Hardy se trouvaient à mon chevet.
Le Mammouth a voulu lui demander conseil quant à la cicatrisation de son paf. Il lui a déballé le monstre, ce qui a complètement déboussolé l’excellente femme ; l’émoi de ladite s’est accru lorsque, manipulant l’objet pour le considérer sur toutes ses coutures, il a triplé de volume. Extasiée, elle continuait de le caresser en le déclarant guéri.
Mon gros opportuniste, ravi de la nouvelle, a proposé à la dame de l’étrenner, prétextant qu’en qualité d’infirmière cheftaine, elle se devait de connaître les performances d’une anomalie de nature que le hasard plaçait sur son destin. Il a déclaré que Pinaud ferait le vingt-deux pendant l’expérience. Comment refuser une offre aussi alléchante (mais non à lécher, car Bella Faulk possède une chatte très large compensée par une bouche de buveuse de gin-fizz) ?
La suite, tu la connais.
Maintenant, l’Ineffable passe aux conséquences de l’accide. Tu parles si l’enviandé de shérif fait un schproum du diable. Il voulait embastiller mes potes en attendant que je puisse l’être à mon tour, arguant que nous avons commis un délit de première importance en nous faisant véhiculer par un enfant de six ans. Les suites mortelles de ce méfait vont nous valoir d’être déférés devant le tribunal et nous encourons une peine de prison, plus des dommages et intérêts au pasteur, l’assurance considérant que sa responsabilité n’est pas engagée dans ce cas d’espèce. Si on y réfléchit, elle n’a pas tort. De plus, les parents du môme, contre lesquels le pasteur pourrait se retourner, n’ont pas un laranqué devant eux, la dépanneuse détruite constituant leur seule richesse. Conclusion, ça va être pour nos pinceaux, mes frères ! Belle équipée, non ? Si tu veux avoir la photo d’un authentique grand con, amène-toi avec ton Kodak !
On n’a pas fourré mes potes au trou parce que l’ambassade de France est intervenue, mais pour ce qui est des dédommagements, elle n’y peut rien, l’ambassade de France.
Et tu penses que l’affaire du plumard-torpille qui fait craquer les guiboles de la loi n’ajoute rien à mon look.
Paraîtrait qu’il y a des émeutes dans Morbac City, à ma santé ! Quand l’alcool du soir chauffe trop les oreilles, ça se rassemble devant l’hosto pour réclamer ma carcasse. La terrible image de la dame baisée en levrette et que je fais buter en l’enlevant, m’a mis la population à dos, et je serai lynché sitôt que je mettrai le pif dehors. Déjà que mes aminches sont lapidés ! Heureusement, ils ont pu se loger chez Bison-Bourré, l’Indien du motel dont un bungalow s’est libéré et dont la fille a pris ces messieurs à la chouette. Pour elle, la photo de ma pomme chaussant Ivy a été le meilleur des sauf-conduits.
Sale temps, pas vrai, mes lecteurs et trices chéris ?
Pour me tirer d’un tel mauvais pas, faudrait que j’aille à Lourdes à genoux.
Quoique la Vierge pyrénéenne n’apprécie pas chouchouille ce genre de tribulations. Elle préfère les paralytiques.
Dans le fond, je la comprends.