Le dîner fut exquis, le bon J.B. Chesterton-Levy n’y participa pas car il avait une soirée à San Francisco où son jet privé l’emporta. Il nous laissa en gage la belle Angela qui nous coupa le souffle à tous dans une robe moulante en lamé argent qui lui donnait l’apparence d’une sirène. Assis sur un oreiller de duvet, Béru la gratifia de moult compliments, nonobstant son prose aux dimensions de lessiveuse. Elle eut le bon goût d’en sourire et de pousser son devoir d’hôtesse jusqu’à me faire du pied sous la table, ce qui me porta à la reconnaissance.
Le Mastard souffrait un peu moins, Ramadé nous ayant conseillé une décoction dont je te donne la recette pour le cas où il t’arriverait de confondre un basic-instinct-corrosif avec du papier chiottes Lotus. Tu épluches trois bananes, tu les écrases dans un mortier avec un oignon frais, un jaune d’œuf et une aubergine. Tu y ajoutes un verre d’huile d’olive et un verre d’urine de chienne. Une fois que le tout est parfaitement mélangé, tu étales la pommade sur les parties affectées et tu te mets à genoux pendant une heure devant le patient. Ce délai passé, les douleurs s’atténuent et le voilà en route pour la guérison !
N’ayant pas de chienne à disposition, nous compensâmes par de la pisse de chien additionnée d’urine de chatte, et cette entorse à l’ordonnance de Ramadé fut parfaitement tolérée. Le Français qui est ingénieux de tempérament, use souvent de tiers procédés compensateurs lui permettant de retomber sur ses pattes.
Donc, pour en revenir à ce début de chapitre, le repas du soir fut à marquer d’une paire blanche comme disent les prostiputes noires. Jus-je-zan : huîtres pochées au caviar (il y avait tellement de caviar dans chaque coquille qu’on ne voyait plus l’huître !), rosbif sauce Cumberland livré avec des truffes en croûte, testicules de coq en gratin, délice aux fruits rouges. Le tout était arrosé de Dom Pérignon, de Château Talbot et d’un Sainte-Croix-du-Mont de chez Brun Camille 1955 dont on pressentait le cousinage d’esprit avec Yquem.
Exténués par le voyage à longue portée, nous gagnâmes rapidement nos appartements, sans gâcher un aussi beau sommeil par un moka quelconque.
Une fois dans mes draps frais, je crus m’endormir, mais au moment de lâcher la rampe de ma lucidité, il se fit en moi l’un de ces sots déclics qui vous déprogramment sec et, en très peu de temps, vous rendent votre couche insupportable (de logarithmes).
J’eus la sensation confuse d’une présence dans ma chambre. J’allumai : personne ! cependant, cette impression d’insolitude perdura. Mon cerveau fut marqué fortement par la photographie de Martine Fouzitout que m’avait remise Grace, la servante du bon père Machicoule. J’en fus troublé au point que je me levai pour l’aller prendre dans mon veston.
Je me mis alors à la contempler ardemment pour tenter de percer l’énigme que cette fille constituait pour moi, sans que je pusse m’en expliquer la raison.
Son regard, sur le cliché, me lançait un appel, A moi ! A moi qui ne l’avais jamais connue, ignorant son existence jusqu’à ces tout derniers jours.
Qui était-elle, cette ancienne étudiante baisée par son prof surdimensionné ? Une nympho ? Une follingue ? Comment s’était-elle procuré autant d’argent en Californie, au point de se constituer une collection de dessins de maîtres ?
Prostitution ?
J’examinai son corps quelconque, sa gueule de fille triste, sans grande grâce ; rien en elle ne provoquait le désir ; il existait à Los Angeles des milliers de pétasses autrement sexy qu’elle ! De plus, qu’allait-elle fiche dans l’Utah, le premier vendredi de chaque mois ? La source de ses mystérieux revenus s’y trouvait-elle ?
Une fois encore, je tentai de lire les lettres tracées sur le panneau indicateur de l’arrière-plan ; mais il était dans l’ombre déchirée d’un arbre et je ne parvenais pas à en capter les caractères.
Comme je dors nu, je pris un peignoir éponge dans la salle de bains et descendis au rez-de-chaussée avec l’espoir de dénicher une loupe dans la bibliothèque.
Je joue de chance car il y en a une, superbe, à manche d’ivoire, sur le cuir de Cordoba du bureau. J’allume la lampe à col de cygne. Lumière halogène, crue et intense. Le panneau, derrière la loupe, se fait très présent sur la photo. Je distingue la seconde lettre qui est un « o ». Nom composé. La dernière du premier mot un « e », ou un « c », voire peut-être un autre « o ».
Au comble de ma perplexité, je perçois un glissement soyeux derrière moi. Il s’agit de la survenance inopinée (mais ça peut changer) de Miss Angéla. Elle a troqué la robe-fourreau en lamé contre un pyjama de soie saumon à la coupe délectable. Le bas est un short qui lui arrive au-dessus des genoux, tandis que la veste descend plus bas. Cette dernière est fendue de chaque côté, sous les bras, jusqu’au niveau de la poitrine, ce qui exerce, lorsqu’elle se déplace, un harmonieux flottement du vêtement de nuit.
— Quel merveilleux vigile ! m’exclamé-je ; je vous ai réveillée ?
— Il y a dans ma chambre un cadran qui bipe lorsqu’une pièce du bas est occupée après minuit.
— Décidément, vous êtes l’ange gardien de cette somptueuse demeure ! Je me suis permis de pénétrer dans cette bibliothèque car j’avais besoin d’une loupe, dis-je en lui désignant la photo.
— Que faites-vous, si ce n’est pas indiscret ?
— Je tente de déchiffrer un nom, mon cœur.
Encuriosée, elle se penche ; alors, avec l’ongle de mon auriculaire, je lui désigne le panneau illisible.
— Dans quel Etat ? demande-t-elle ?
Bouaff ! J’ai un sein gauche à elle contre mon oreille droite à moi. C’est doux, c’est chaud et ça sent ineffablement bon.
— Utah, je bredouille.
Qu’heureusement il n’y a que deux brèves syllabes à articuler.
— Ce banc me dit quelque chose, reprend Angela.
Et moi, pendant ce temps, je laisse aller ma main qui ne m’a rien demandé, sous le flottant du short.
Téméraire, l’Antonio, comme toujours. Le Bayard du fouinozoff.
Le banc de fer forgé qu’elle visionne est en forme de nacelle, les extrémités de son dossier représentent deux têtes de biche.
— Je sais ! s’écrie ma compagne.
Mon médius n’est plus qu’à deux millimètres de son clito, mais elle fait mine de rien.
— Que savez-vous ? ai-je le temps de questionner, avant de saisir son sein avec ma bouche à travers la soie de son pyje.
— C’est le banc des amoureux, explique Angela, il est célèbre dans l’Ouest. A la fin du siècle passé, il était déjà en place. Deux amants qui s’adoraient, apeurés par l’avenir qui ne pouvait que les désunir, décidèrent de se donner la mort afin de disparaître en pleine félicité. Ils s’achetèrent deux revolvers et allèrent s’asseoir sur ce banc. Ils appliquèrent chacun le canon de son arme sur sa tempe, l’homme compta jusqu’à trois et ils tirèrent en même temps. Ils moururent simultanément.
« Depuis lors, ce banc est devenu le lieu de pèlerinage de ceux qui s’aiment. Ils vont s’y asseoir côte à côte, se jurent amour et passion, et la légende affirme que leur union reste heureuse. »
— C’est très beau, fais-je en caressant les lèvres de sa chatte. Et il se trouve dans quel bled, ce fameux banc si romantique ?
— A Morbac City.
Je reprends la loupe et, effectivement, quand on sait le nom que je cherchais, on finit par le détecter sur le cliché.
Je m’attarde sur le visage de Martine. S’agissait-il d’un « pèlerinage » ? Elle avait une gueule si désenchantée ! L’homme dont la main est posée sur son genou était-il son amant ? Pourquoi ne le voit-on pas ? J’imagine que c’est lui-même qui a pris la photo avec un appareil à déclenchement retardé, monté sur trépied, et qu’il aura mal cadré la future photo. Il a une main de plouc, ce gus, large, rude, velue, avec des ongles plus ou moins nets, taillés en carré. Pas du tout la paluche du gazier pour lequel tu te pralines le chignon à force de trop d’amour !
— Une amie à vous ? me demande Angela.
— Non : au vieux mec à la grosse queue que j’accompagne.
— Il est venu la chercher ?
— Elle est morte. Avant de défunter, elle a testé en sa faveur.
— Riche ?
— Une bicoque à Venice.
Elle ne comprend pas trop bien pourquoi je détaille cette image avec tant d’intérêt, mais en femme bien élevée, quoique américaine, s’abstient de m’en demander davantage.
Pour couper court, je fais sauter le bouton de son « short de pyjama ». Le menu vêtement glisse sur ses jambes lisses comme la goutte d’une bougie sur la bougie. D’un mouvement doux, elle caresse ma nuque ; généralement, ce sont les hommes qui ont ce geste pendant que les gonzesses leur pompent le nœud. Ça marque la reconnaissance. Et puis il permet de contrôler le rythme, d’infléchir ou d’augmenter la vitesse de la gloutonne.
Je quitte le fauteuil pour l’enlacer, passe mes mains sous sa veste flottante. Là, j’ai touché le gros lot, mon petit ! Fermeté et velouté se conjuguent. Les loloches ont « de la main ». Nous échangeons un lent et ardent baiser. Pas du tout du baiser de fête foraine, espère ! On parvient à faire un nœud avec nos deux langues, ce qui est peu commun. Ensuite, on est obligés de le délier avec les doigts.
Lorsque j’ai repris ma respiration, je murmure :
— C’est la divine surprise, Angela, car je n’avais pas l’impression d’être votre genre, tant vous me battiez froid.
— A cause du boss. Il ne peut supporter une collaboratrice qui regarde un homme ou, a fortiori, lui sourit.
— Il est jaloux ?
— Terriblement, mais pas de la manière que vous pouvez croire. Son brain-trust doit lui rester exclusif, au même titre que sa brosse à dents ou son stylographe.
— J’ai rencontré d’autres hommes comme lui. Donc, en son absence, vous vous défoulez ?
Elle rebiffe :
— Je ne suis pas une refoulée !
— Je veux dire que vous envoyez la ceinture de chasteté aux pâquerettes ?
Mais à quoi bon bavasser ? N’avons-nous pas mieux à faire, Césaire ?
— Où allons-nous ? demandé-je. Dans votre chambre ou dans la mienne ?
— On reste ici.
Comme cette décision me surprend, elle ajoute :
— Toutes les chambres sont équipées de vidéos enregistreuses.
— Charmant.
— Le boss a un goût marqué pour le voyeurisme.
— Alors, il doit être empêché du calbute !
— Oh ! non, laisse-t-elle échapper, ce qui en dit long comme le Chili sur ses relations avec le fameux produc.
Elle rougit de sa bévue, ce qui lui va bien.
Moi, pratique, de dégager les objets disposés sur le burlingue. Je place ensuite le vaste sous-main de cuir dans le sens de la longueur afin de lui constituer un matelas, puis réquisitionne le coussin d’un fauteuil en guise d’oreiller. Toujours veiller à ce qu’une dame ait ses aises quand elle se trouve « en délicatesse » avec toi. Les mecs qui niquent une sœur dans la paille d’une grange ou sur une fourmilière voient leur cote baisser à toute pompe. Panard, pas panard, leurs partenaires détestent emmagasiner des brins de paille dans leur chatte ou se faire piquer les noix à l’acide formique par des bestioles aventureuses.
Lorsque la couche est prête, j’y fais s’allonger Angela. Je reprends ma place dans le solide fauteuil recouvert cuir, place les pinceaux de ma dernière conquête sur chacun des deux accoudoirs et y vais de mon Te Deum.
Les Etats-Unis d’Amérique étant ce qu’ils sont, elle devient francophile.
Bon, je te concède que c’est souvent gênant, mais j’aime les gerces bruyantes en amour, à condition toutefois que ça ne soit pas du chiqué.
La vache ! Elle doit pas se faire reluire souvent avec une telle intensité, la chérie ! Ça rameute dans Malibu ! Elle peut pas contenir, Gégèle ! Son panard, faut qu’elle le crie au monde, comme un coq crie l’aurore ! Quel merveilleux chant de liesse ! C’est la nature tout entière, immense et radieuse, qui s’exprime par sa gorge. Pour une simple minouche, tu te rends compte ?
J’ai pas le temps de sauter dans le train en marche ! Elle arrive déjà à destination. Cesse de spasmer, de s’ pâmer, de hurler.
— Véry bioutifoulesque ! déclare Bérurier, depuis la lourde.
Il se pointe, tel un jouteur, la lance en avant. Lui, la chair fraîche l’attire comme une charogne le chacal. Son panais grand sport délivre des acquiescements prometteurs avec sa grosse tête casquée.
— J’ m’ croive dans un film dont j’ai visionné sur Canal plus : « Le con, la broute et l’ trou rond. » Pas triste ! Une superbe production. T’arrivais pas à compter les bites, comme dans l’T.G.V. t’arrives pas à compter les poteaux. Et ces petits culs esquis ! L’ marché aux frometons en n’Hollande, quand ils les empilent pour faire des pyramides. Tu n’ finis pas, mad’m’selle, Antoine ? Just’ un’ régalade à la menteuse ? C’est pas ton style, mec ! Si tu permettrais, j’y donn’rais estrêment volontiers des nouvelles d’ Coquette ! D’autant qu’ tu l’as préparée d’ première pour un emplâtrage mémorab’.
D’un haussement d’épaules, je lui indique qu’il peut jouer son va-tout avec mon absolution.
Dès lors, il écarte le fauteuil pour prendre sa place. Sa rude main en berceau fait sautiller son membre qui n’est pourtant pas à ranimer.
— Mande pardon, m’m’mzelle, roucoule le galant, je puis-je-t-il vous proposer un p’tit coup d’ c’t’ engin à soul’ver les camions ? Croiliez-moi, c’est pas du surgelé !
— Noooo ! crie Angela, brusquement déléthargée. Go out !
Le Mastard se tourne vers moi.
— Serait-ce-t-il qu’elle s’rait pas d’accord ? s’inquiète le cher homme.
— Il y a de ça, conviens-je. Elle te prie de sortir.
Il bougonne :
— Tu croives normal, Sana, qu’une morue t’chassasse en ayant les cannes à l’équerre et la moulasse plus espongieuse qu’ l’ marais Poitevin ? T’ sais qu’y ne savent pas vivre, ces Ricains. C’ serait été une Française, comment qu’elle allait m’étouffer l’ mandrin ! Jamais z’une qu’aye refusé effrontément ; même celles qui m’ redoutaient les dimensions acceptaient qu’ nous fissions un bout d’essai, au beurre ou à la margarine !
Son courroux est si vif qu’Angela s’emporte de toute urgerie dans ses terres. La domesticité stagne dans le couloir, inquiète. Elle lui explique que Bérurier a tenté d’abuser d’elle mais que, heureusement, je suis héroïquement intervenu pour la sortir des étreintes du gorille rendu fou, probablement, par son allergie aux plantes tropicales.
Bruce, le majordome, demande s’il doit appeler la police, mais Angela dit que non : la crise est passée ; elle s’enfermera dans sa chambre.
Heureusement, le Gros n’a pas perçu les accusations de la perfide.
Ecœuré, il décide de confier ses « tourments charnaux » à la poupée gonflable dont sa chambre est également pourvue et qui l’excite à outrance car il lui trouve un air de ressemblance avec Mme « Gorgina du Foie ».
On pouvait espérer que la nuit s’écoulerait calmement après les aventures et avatars ci-dessus narrés, mais ouichtre, comme on dit en Auvergne. Fume, mon con ! Tu connais la loi des chéries ? Eh bien, ça !
Dès lors que je me faufile dans les bras de Morflé (comme dit le Puissant), des hurlements made in ce dernier me désenchevêtrent. L’œil cloaqueux, la bouche amère, le sexe brimbalant, je me rue jusqu’à l’appartement de mon pote, fais sauter d’un coup des pôles le délicat verrou de bronze ouvragé et pénètre en trombe (d’Eustache) dans la chambre.
Il livre un dur et singulier combat, le gros bougre ! Pas contre des moulins à vent, à l’instar de Don Quichotte, mais contre une « partenaire à vent ». En loque-hure-rance, la poupée gonflable qu’en désespoir de cause il projetait d’étreindre.
Je comprends illico (et je devrais dire plutôt dard-dard) l’ampleur de la catastrophe. L’énormité du pénis engagé dans le charmant robot a détraqué celui-ci. L’appareil s’est emballé, happant la virilité de mon pote à tout berzingue, testicules compris. Le levier de commande est resté dans la main du forcené. Il tente désespérément de crever sa maîtresse de caoutchouc, mais ledit est de qualité plus que supérieure !
Et la vaginalité artificielle de la poupée s’active comme les pales d’un mixeur au plus fort de sa puissance. Ça pue le cramé, la surchauffe, le cochon brûlé. Alexandre-Benoît n’a plus la force de crier. Il vagit ! Moi, je ceinture sa partenaire en folie. Je tire, mais la queue du Mammouth suit.
Une fois de plus, c’est la grosse rappliquade du personnel, du majordome, puis d’Angela. Bruce qui comprend la nature de l’accident regrette que le gars chargé de l’entretien des poupées soit en vacances aux Caraïbes.
Existe-t-il un service de dépannage à Los Angeles ?
Pinuche radine à son tour, alerté par la brouhahance générale. Tu connais son calme, à César ! Il considère la scène tragique : ce pauvre Bérurier, totalement soulevé de terre et qui pend par la queue, comme un fruit.
— Il faudrait un couteau bien affûté pour pouvoir lui trancher le sexe au ras du ventre ! préconise le vieux zob défraîchi.
— Non on on on !… lâche Bérurier en s’évanouissant.
Alors, mézigue, brusquement l’idée (en anglais idea).
Je prends en bouche un téton de Miss Hévéa et tente de le cisailler avec mes dents. Ça ne fait que produire un crissement insupportable à l’ouïe (et aussi à Louise, l’une des femmes de chambre, laquelle se calfeutre les portugaises).
Mes incisives tentent d’inciser, en vain ! Puissance de l’incident qui renouvelle le gag de « l’apprenti sorcier ». L’homme dévoré par sa créature ! Je finis par renoncer, mais une autre idée (en anglais, toujours idea) succède à la première.
— Ton briquet ! enjoins-je à la Pine, vite !
Il court le quérir dans sa chambre proche.
J’actionne la molette : flamme de quarante centimètres ! Je place ladite sous les miches rebondies de la poupée gonflable. Au bout d’un peu, le caoutchouc brunit. Et soudain, c’est l’explosion. Terrible ! A quel gaz était-elle gonflaga, cette poupée d’amour ? Le souffle nous couche sur la moquette qui, heureusement, est épaisse comme une tranche de pudding. La poupée perfide n’est plus qu’un petit tas de préservatifs déchiquetés et son appareillage tordu semble dérisoire parmi ces reliefs.
Bérurier gît dans les décombres. Pénible à regarder, sa chopine n’est plus que la trompe sanguinolente d’un éléphant qui se la serait fait happer par un caïman. Pourra-t-on la lui récupérer ? Prions ! En tout cas, elle ne sera pas opérationnelle avant lurette !
— Allez lui chercher du vin rouge, beaucoup de vin rouge ! ordonne Pinaud à Bruce. Ainsi que du sucre, beaucoup de sucre. Il boira une partie du vin et nous sucrerons l’autre dans un vase afin qu’il puisse prendre un bain de sexe. Il s’est déjà soigné ainsi lors d’une éruption d’herpès et deux blennorragies, c’est miraculeux !
Le Mastard rouvre les yeux ; probablement parce que son subconscient a capté le mot « vin » ?
Apercevant Angela, il l’apostrophe :
— Tu voyes, salope, où c’ qu’ ça mène quand tu r’pousses l’homme au lieu d’ l’ morfler dans les miches comme eusse fait un’ dame d’ la bonne société ?
Puis, à moi.
— Si tu voudras qu’ j’ t’ dise, grand, moi et l’Amérique, on n’est pas compatibes. Ils ont des idées dont j’ te jure ! Comme leur combine d’ vouloir m’ greffer un cul d’ singe, j’ t’ d’mande un peu ! Si j’ les aurais laissés faire, j’aurais l’air malin, maint’nant !
C’est là que la capiteuse sonnerie du téléphone retentit dans l’immense demeure et qu’on vient me prévenir que la communication est for me.
— J’écoute ?
Une voix amoindrie murmure :
— Mister San-Antonio ?
— Tout à fait. Qui est à l’appareil ?
— James Smith.
— Quelque chose qui ne va pas ?
— Je viens d’en prendre plein la gueule !
— Une mauvaise nouvelle ?
— Une grêle de coups de matraque.
— D’un flic ?
— Non ; de deux types en smoking. Vous pouvez venir ?
— Bien sûr. Où êtes-vous ?
— Résidence Tequila, sur Sunset Boulevard, très près de Beverly Hills. Faites vite !
— Le temps de sauter dans mon pantalon d’abord, puis dans une bagnole ensuite et je me pointe !
Taudis, tôt fait !
Angela à qui je demande de me prêter le chauffeur, me dit qu’elle va me piloter elle-même, à bord de sa vieille Mercedes décapotable, parfaitement entretenue.
Chemin faisant, elle m’annonce qu’elle va faire jouer l’assurance pour la bite de Béru, la maison qui a équipé les chambres en poupées gonflables est responsable et devra casquer. Selon elle, une bite pareille doit valoir plus d’un million de dollars.
Je lui assure que nous n’avons pas l’esprit chicanier et que nous ne répondrons pas à l’hospitalité par un procès.
Elle me rétorque que je suis un gentleman et que je pourrais être anglais.
Je lui réponds que je préfère n’être qu’une imitation de gentleman et rester français car, entre nous, l’Angleterre, de nos jours, hein ? Y a plus de quoi pénétrer nuitamment dans la case de la mère Zabeth number two pour la regarder roupiller.
Elle en convient.