Chapitre XVI

Carl van Haag tournait machinalement sa cuillère dans sa tasse de café, écoutant le récit de Malko. La véranda embaumait, le ciel était immaculé et il faisait déjà une chaleur de bête, bien qu’il ne soit que sept heures du matin. Le Sud-Africain abandonna sa cuillère et dit posément :

— Je crois que vous avez gagné le jackpot. J’envoie immédiatement un rapport au NSC. Il faut détruire ce nid de vipères. Les faits sont assez graves pour justifier une action de commando. Seulement ce genre de décision doit être prise au plus haut niveau.

— Il faudrait d’abord s’assurer que ceux que nous cherchons sont bien là, remarqua Malko.

— Je mets immédiatement deux de mes adjoints en planque, dit le major. Ce sont des Noirs, ils se feront moins facilement repérer. Phuku Close est facile à surveiller.

— Comment comptez-vous agir ? demanda Malko.

Le major écarta une guêpe trop gourmande.

— Comme l’année dernière au Lesotho. Après avoir eu la confirmation que ces salauds sont bien là. Une trentaine d’hommes suffiront, mais il faut avertir les Botswanais.

L’année précédente, un commando sud-africain avait attaqué et détruit une base terroriste de l’ANC au Lesotho.

— Peut-être que ce Marcello ne m’a pas tout dit, remarqua Malko. Je vais lui rendre visite, en attendant que vous ayez la réponse de Pretoria. Retrouvons-nous pour faire le point au déjeuner.


* * *

C’est en arrivant auGaborone Sun que Malko réalisa qu’il ignorait où demeurait l’Italien ! Une seule personne pouvait l’aider : Carol. La réception était déserte. Il la contourna, poussa une porte et aperçut des cheveux roux. Carol se leva aussitôt, sexuelle en diable dans sa robe de toile rouge ultra-moulante, vint embrasser Malko et mit le verrou à sa porte…

— J’espère que tu viens pour une bonne raison, fit-elle avec un sourire trouble.

— Je veux savoir où habite Marcello, dit-il.

— Tu as viré ta cuti ?

Elle avança la main pour s’assurer du contraire.

— Non, dit-il, mais c’est important.

— Il habite quelque part du côté de Sobuza Road, dans le quartier des ambassades. Une villa jaune. Il a une Jaguar noire…

— Merci, dit Malko.

Il s’apprêta à sortir. Carol lui barra le chemin, appuyée à la porte, le bassin en avant, ses yeux verts arborant une expression sans équivoque. Décidément, elle confondait le yoga et le kamasoutra. Avec une lenteur calculée, elle commença à défaire les boutons du bas de sa robe, découvrant un charmant triangle de nylon blanc.

Sans un mot, elle le fit glisser le long de ses jambes. Puis s’appliqua à mettre Malko en condition. Lorsqu’il la prit, elle poussa un « ah » rauque et ses ongles s’enfoncèrent dans sa nuque. Ce fut une étreinte rapide et exquise. Quand, à peine rajusté, Malko referma, la porte du bureau, Carol se baissait pour récupérer son slip tombé dans la corbeille à papiers. Dehors, il faisait horriblement chaud et le bitume de Nyerere Drive semblait fondre sous le soleil.


* * *

Marcello Dente lisait unPenthouse, allongé au bord de sa piscine – luxe inouï à Gaborone – lorsqu’il entendit du bruit derrière son portail. Son doberman se mit aussitôt à gronder.

— Il y a quelqu’un ? cria l’Italien.

Pas de réponse. Il allait reprendre sa lecture lorsqu’il vit une silhouette surgir en haut de son mur d’enceinte, près du portail, en train de l’escalader tranquillement !

L’homme se laissa tomber dans son jardin. Un métis, petit et trapu, le béret enfoncé jusqu’aux oreilles.

— Hé, attention au chien ! cria Marcello.

Déjà le doberman se ruait vers l’intrus, écumant, les babines retroussées. Le Noir demeura accroupi. D’un geste fulgurant, il arracha une machette de sa ceinture et balaya l’espace, à l’horizontale, juste au moment où le chien arrivait. L’aboiement se transforma en gargouillis. Il s’écroula, les pattes secouées par les sursauts de l’agonie, la tête presque détachée du corps ! Dans un flot de sang.

Marcello Dente se dressa d’un bond, l’estomac noué. Déjà deux autres hommes franchissaient le mur à leur tour. Ils ouvrirent le portail et une femme se glissa à l’intérieur : Wanda, avec un pantalon moulant et un T-shirt noirs. Le directeur des jeux courait déjà vers son living où se trouvaient toutes ses armes. Il ne put pas l’atteindre. Le premier intrus lui avait barré le chemin et le fit tomber d’un croche-pied. La pointe de la machette se posa sur sa gorge.

— Lyle, attends ! cria la femme.

Marcello Dente ivre de terreur sentit ses sphincters se relâcher, Wanda s’approcha de lui, avec un sourire ironique :

— Marcello, relève-toi.

La machette s’éloigna et l’Italien se redressa, essayant vainement de reprendre son sang-froid. La métisse lui lança d’un ton ironique :

— Tu n’es pas content de me voir… Tu me cherchais pourtant hier soir…

— Moi ! Je te cherchais ? fit-il d’une voix étranglée.

Elle le gifla à toute volée.

— Menteur ! Salaud de Blanc ! Ce n’était pas ta voiture, cette nuit dans Phuku Close ?

Marcello Dente ne répondit pas.

Les trois Noirs observaient la scène, muets comme des statues. L’Italien regarda le portail. Wanda secoua la tête :

— N’essaie pas de fuir, ils te tueront avant. Nous avons à parler. Viens plutôt à l’intérieur…

Elle le poussa vers le living-room moderne. Wanda regarda autour d’elle, les objets d’art, les canapés profonds, les poufs et la grande table de marbre et l’inévitable magnétoscope Akaï glissé sous la télé avec une pile de cassettes porno importées en fraude.

La métisse se rapprocha de Marcello et demanda d’un ton presque enjoué :

— Dis donc, ce n’est pas sur cette table que tu m’as baisée pour la première fois ?

L’Italien ne répondit pas, sa pomme d’Adam jouant au yo-yo dans sa gorge.

— Couche-toi là, intima Wanda.

Comme il n’obéissait pas, Lyle, de la pointe de sa machette, força l’Italien à s’étendre à plat dos sur la table. Le marbre était glacial contre ses omoplates, mais il avait encore plus froid à l’intérieur. Il réussit à articuler :

— Tu veux me parler…

Maintenant, il était complètement allongé, et deux des terroristes maintenaient immobile son torse et ses jambes. Sa tête pendait à l’extérieur, et il devait faire un effort pour la garder horizontale. Ses vertèbres devinrent très vite douloureuses.

— Pourquoi étais-tu à Phuku Close, cette nuit ? demanda Wanda.

— Je te cherchais…

— Menteur. Dis-moi vite la vérité ou je te tue.

Marcello Dente avala sa salive, croisa le regard de la métisse et commença à tout déballer. Lorsque Wanda fut certaine qu’il avait tout dit, elle fit signe à Lyle qui sortit de sa poche un morceau de fil de fer barbelé terminé par deux poignées. Marcello poussa un rugissement de terreur et tenta de se relever. Aussitôt, la pointe de la machette s’enfonça dans son ventre.

Il retomba sur le dos. Lyle lui tira la tête en arrière crochant dans ses cheveux. L’Italien poussa un nouveau hurlement et Wanda lança un ordre en sotho. Lyle regarda autour de lui, vit une corbeille de fruits. Il y prit une petite orange et d’un geste sec, il enfonça le fruit dans la bouche de l’Italien avant de nouer une serviette par-dessus, pour maintenir le fruit en place.

Les deux autres Noirs s’étaient installés sur lui, l’immobilisant totalement. Quand les premières pointes du fil de fer entamèrent sa gorge, il poussa un grognement déchirant.

Lyle et Wanda se mirent alors à lui scier littéralement la gorge, appuyant de toutes leurs forces. Le sang gicla, inondant le cou et le torse. Peu à peu, les barbelés s’enfonçaient dans la chair. Wanda se pencha vers Marcello dont les spasmes s’affaiblissaient déjà.

— Tu n’aideras plus jamais ces salauds de Sud-Afs !

Il y eut un gargouillement horrible et des bulles s’échappèrent de la blessure. Le barbelé venait d’entamer le larynx. La tête de Marcello semblait prise de la danse de Saint-Guy. Le sang coulait partout. Soudain, un jet saccadé jaillit à l’horizontale, éclaboussant Lyle. Le barbelé venait d’atteindre une des carotides. L’Italien se vidait à grands jets. Il eut quelques brefs soubresauts, un râle affreux et il cessa de bouger. Le fil de fer barbelé avait disparu dans l’horrible entaille qui allait d’une carotide à l’autre.

— Partons ! dit simplement Wanda.

Elle trempa un doigt dans le sang, puis écrivit sur le marbre les trois lettres ANC.

Avant de sortir de la pièce, Lyle cueillit dans la coupe de fruits une superbe pomme et mordit dedans.

Wanda éprouvait une sorte de griserie morbide. C’était la première fois qu’elle se vengeait physiquement de quelqu’un. Elle aurait pu exécuter Marcello d’un coup de machette, mais tenait à inspirer la terreur. Elle regarda le ciel bleu et se dit que ce n’était qu’un début.


* * *

Depuis vingt minutes, Malko zigzaguait dans les avenues calmes du quartier des ambassades. Chaque villa était isolée au milieu d’un immense jardin et on ne voyait âme qui vive. Il était passé devant l’ambassade US et la résidence de l’ambassadeur, avait tenté de se renseigner, mais personne ne semblait connaître Marcello Dente.

Enfin, au bout d’une allée bordée d’acacias, il aperçut devant un portail blanc, la Jaguar noire. Le portail était entrouvert. Malko le poussa et entra. S’arrêtant net. Ce qu’il vit n’avait rien de rassurant : le cadavre d’un chien égorgé. Il sortit son Browning et se rua à l’intérieur de la villa. Un bruit le figea à l’entrée du living. Des gouttes qui coulaient régulièrement et s’écrasaient sur le marbre. Comme un robinet qui fuit. Seulement, ce n’était pas un robinet, mais la gorge de Marcello Dente. Un essaim de mouches couvrait déjà l’affreuse blessure et l’odeur fade du sang donnait la nausée. L’Italien avait les yeux ouverts et semblait reposer sur une dalle de morgue. Il défit la serviette qui le bâillonnait. Impossible de retirer l’orange : les dents du mort étaient profondément incrustées dedans.

— Quels sauvages ! murmura Malko pour lui-même.

Wanda et ses amis s’étaient vengés, apparemment, sûrs de l’impunité.

Il entreprit une fouille complète de la maison, et dans la chambre, tomba sur plusieurs photos de Marcello en compagnie de Wanda, sublime dans un maillot de panthère. Elles avaient été prises au bord d’une piscine ombragée d’arbres tropicaux et on apercevait dans le fond des bungalows. Une autre attira son attention. Le couple enlacé devant un monstrueux baobab, au milieu d’une savane aride. Il prit les deux photos. Les autres documents ne présentaient aucun intérêt.

Il ressortit, retrouvant la Sierra transformée en four et fila vers Kaunda Road. Gaborone n’était qu’une ébauche de ville, avec ses cabanes et ses villas disséminées dans la verdure, entrelardées de larges espaces non construits, désertiques. Seul, le minuscule Mail piétonnier avait un peu d’animation.

Pourvu que le NSC réagisse vite, se dit Malko. Parce que leurs adversaires, eux, ne perdaient pas de temps.


* * *

Viktor Gorbatchev était en train d’examiner les rapports de la semaine, quand sa secrétaire lui annonça un coup de fil urgent. Normalement, le rezident ne parlait à personne, sauf annoncé à l’avance. Mais le nom de code précisé le forçait à prendre cet appel. Il décrocha avec regret, sentant venir les problèmes. C’était son premier poste en Afrique et il en avait déjà assez.

— Ici, le Deuxième Secrétaire, annonça-t-il.

Étant donné qu’ils ne devaient plus se parler, il fallait une raison grave pour que son correspondant enfreigne les règles de sécurité les plus élémentaires. Gorbatchev l’écouta attentivement, dessinant des avions sur son sous-main, de plus en plus contrarié. Puis il laissa tomber :

— Je dois envoyer un télex à la Centrale. J’aurai une réponse demain.

— Demain, je risque d’être mort, fit la voix à l’autre bout du fil.

— Vous avez été très imprudent, reprocha le rezident. Les conséquences sont déjà graves.

— Je ne discuterai pas de cela au téléphone, fit sèchement son interlocuteur. Entrez immédiatement en contact avec le Directorate.

— Il est quatre heures du matin, là-bas, plaida Gorbatchev, je ne peux joindre personne pour l’instant.

— Alors, agissez vous-même et rendez compte ensuite.

— Impossible.

Long silence lourd de menaces du bout du fil. Si les Services botswaniens écoutaient, ils devaient bien s’amuser. Finalement, l’interlocuteur de Gorbatchev dit lentement :

— Bien, camarade. Voilà donc ce que je vais faire.

Quand il commença à l’expliquer au rezident, le Soviétique sentit le sang se retirer de son visage. C’était l’incident diplomatique assuré, avec des conséquences incalculables. C’est pour le coup qu’il se ferait sacquer. Il était pris entre Charybde et Scylla.

— Vous avez perdu la raison ! protesta-t-il d’un ton moins assuré. Nous sommes du même bord.

— On ne dirait pas, fit son interlocuteur. Sinon, vous accéderiez immédiatement à ma demande. Dans quelques heures il sera trop tard.

— Mais ce que vous proposez ne peut être que temporaire !

— J’ai une solution pour la suite. Bien, je ne veux pas discuter. Je raccroche. Vous faites ce que vous voulez. Si, dans une heure la situation est toujours la même, je mettrai en jeu le processus que nous venons d’évoquer. Salut, Camarade.

Gorbatchev regarda le récepteur muet comme s’il allait encore lui parler puis raccrocha lentement, le cerveau en ébullition. Son interlocuteur venait de commettre la faute suprême : défier le KGB. Seulement, il était impossible de le laisser exécuter ses menaces. Il appela sa secrétaire, qui entra aussitôt. Une grosse Ukrainienne dont le mari dirigeait le Service de Sécurité de l’ambassade.

— Je vous dicte un télex pour Moscou, dit-il. Vous l’envoyez en priorité codé. Ensuite, vous donnerez les instructions correspondantes à Sergeï.


* * *

Carl van Haag regarda sa montre avec impatience. Il était presque midi et on se serait cru en plein désert du Kalahari. Le moindre souffle de vent soulevait une poussière jaunâtre au goût âcre qui pénétrait aussitôt dans les poumons, déclenchant une toux incoercible. Sa Range-Rover se trouvait à l’entrée de Phuku Close, à une cinquantaine de mètres du bâtiment repéré par Malko. Ce dernier venait de rendre compte du meurtre de Marcello Dente au major, et les deux hommes avaient décidé d’aller relever les adjoints du Sud-Africain, en planque depuis le matin.

Malko contemplait le bâtiment bas où se trouvait peut-être Joe Grodno. En l’attaquant les Sud-Afs prendraient un sacré risque politique. Le Botswana n’était pas un pays ennemi. Il était plongé dans ses pensées lorsque le major lui donna un coup de coude. Une Mercedes noire aux vitres fumées s’approchait dans un nuage de poussière. Elle passa devant eux et ils virent que le chauffeur était un Blanc. Un fanion rouge flottait, bien visible sur l’aile avant gauche : le drapeau soviétique.

— Bon sang, qu’est-ce qui… s’exclama van Haag.

La Mercedes s’arrêta devant le bâtiment au toit de tôle ondulée. Le chauffeur descendit et ouvrit la portière à un homme chauve de haute taille qui pénétra dans le jardin. Carl van Haag grommela :

— God verdomp ! C’est Gorbatchev, le rezident du KGB !

— Il a un statut de diplomate ? demanda Malko.

— Oui. Deuxième secrétaire de l’ambassade. Qu’est-ce qu’il vient faire ?

— Remonter le moral de notre ami Grodno, fit ironiquement Malko.

Van Haag était blanc.

— Mais pourquoi de cette façon ostentatoire ! Ils sont fous.

Ils eurent la réponse très vite. Le Soviétique avait pénétré dans le bâtiment. Il n’y resta que quelques instants. Malko et Carl van Haag le virent ressortir, accompagné de deux personnes : un homme et une femme. On les distinguait mal, car ils étaient entourés d’une véritable muraille humaine de Noirs.

La Mercedes acheva son demi-tour dans la voie étroite et vint se garer tout près.

Gorbatchev ouvrit lui-même la portière arrière de la voiture. La femme y entra la première. Malko retint une exclamation de surprise. Elle ressemblait furieusement à Gudrun Tindorf, la terroriste allemande ! Quant à l’homme qui s’engouffrait maintenant dans la limousine, il n’y avait aucun doute : c’était Joe Grodno.

Le rezident prit place à son tour dans la Mercedes qui démarra immédiatement et prit de la vitesse. À son allure pataude, Malko se dit qu’elle était sûrement blindée… Lorsqu’elle passa devant eux, Malko vit nettement le profil de la femme : c’étaitbien Gudrun Tindorf.

Le véhicule disparut au coin de Kaunda Road, le fanion rouge flottant ironiquement au vent. Médusé, Carl van Haag ne réagit pas.

Ainsi Gudrun Tindorf avait réapparu, saine, sauve et hors d’atteinte ! Malko en aurait avalé sa chevalière ! L’Allemande avait déjoué tous les barrages sud-africains !

— Décidément, lâcha-t-il, plein d’amertume, ils auront toujours une longueur d’avance. Gudrun Tindorf et ses alliés ont vite réagi à la découverte de leur planque.

— Suivons-les, dit Malko.

Le major van Haag semblait détruit. Mécaniquement, il mit en route et sortit de Phuku Close. La Mercedes avait disparu. Ils tournèrent dans Kaunda Road, puis tout de suite dans South Ring Road, le plus court chemin pour gagner l’ambassade soviétique.

— Et s’il les conduit à l’aéroport ? demanda van Haag.

— S’ils ne sont pas là-bas, dit Malko, on ira voir.

Tandis que la Range fonçait entre les villas élégantes de South Ring Road, Malko remâchait sa rancœur. Gudrun Tindorf avait échappé aux Sud-Africains, Joe Grodno les narguait, Wanda s’était évanouie dans la nature et les assassins de Johanna et de Ferdi couraient toujours.

Ce qu’on appelle un bilan positif.

Ils arrivèrent enfin à Tawana Close, tournèrent dans le petit chemin et s’arrêtèrent sur le rond-point en face de l’ambassade soviétique. Aucune trace de la Mercedes ! Ou elle se trouvait déjà à l’intérieur, ce qui était peu probable, ou sa destination n’était pas l’ambassade soviétique.

— À l’aéroport, dit Malko.

Carl van Haag avait à peine terminé son demi-tour que le long capot noir de la Mercedes au fanion rouge surgit dans Tawana Close, venant de Sobuza Road.

La voiture défila devant eux très lentement et Malko jeta un coup d’œil machinal à l’arrière.

Il n’y avait plus que deux personnes : le rezident du KGB et Joe Grodno !

Les grilles de l’ambassade s’ouvrirent électriquement et la voiture s’y engouffra. Carl van Haag stupéfait tourna la tête vers Malko :

— Mais où est-elle passée ?

Malko ne comprenait pas non plus. Qu’était-il arrivé entre le moment où ils avaient perdu la Mercedes de vue et son arrivée à l’ambassade ? La voiture n’avait pas eu le temps matériel de passer par l’aéroport. Donc, elle avait déposé Gudrun Tindorf quelque part en ville.

Pourquoi ?

Carl van Haag tapa violemment sur son volant.

— Il faut la retrouver, puisque ce salaud est hors de portée maintenant !

— Bonne idée, approuva Malko. Mais où et comment ?

Gudrun Tindorf n’était sûrement pas partie au hasard. Carl van Haag ne répondit pas.

— Je vais vous déposer auGaborone Sun, dit-il, j’ai des messages à envoyer. Je vous rejoins après.

Quelques minutes plus tard, Malko descendit de la Range-Rover, morose et perplexe. Il passait devant la réception quand l’employée l’appela :

— Il y a quelqu’un qui vous demande au bar.

Malko s’y dirigea. Une femme installée sur un des hauts tabourets du bar. De trois quarts, en train de fumer une cigarette. Elle tourna la tête et lui adressa un sourire chaleureux.

C’était Gudrun Tindorf.

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