Chapitre III

L’étonnement de Malko était tel qu’il mit une bonne seconde à retrouver la parole. Entre-temps, la Noire s’était glissée dans la chambre, disparaissant à ses yeux. Johanna avala sa salive, toujours écarlate, et bredouilla :

— Je ne m’attendais… Qu’est-ce… Quelle surprise !

— Pour moi, c’en est une agréable, dit Malko revenu de sa stupéfaction. J’espère que vous allez me permettre de vous offrir un verre.

Johanna baissa la tête, muette, visiblement en proie à un horrible dilemme : si elle acceptait, Malko découvrirait probablement des choses intéressantes sur elle, et si elle refusait il en imaginerait de pires. Finalement, elle ouvrit un peu plus la porte et dit :

— Ici, alors, ce sera mieux…

Évidemment, une collaboratrice d’un service où l’on ne trouvait que de solides Afrikaaners en compagnie d’une Noire d’ébène, cela risquait de faire jaser.

Malko pénétra dans la petite entrée et aussitôt, de la tête, Johanna lui désigna la salle de bains. Ils y pénétrèrent et la jeune femme referma la porte. Elle aussi semblait avoir retrouvé ses moyens.

— Je croyais que vous étiez parti vous coucher ?

— Effectivement, fit Malko, mais je n’arrivais pas à dormir. J’ai pris ma voiture et j’ai roulé un peu au hasard. J’ai échoué auCarlton. Là, j’ai vu votre amie et je l’ai suivie. Elle a une allure exceptionnelle.

— C’est une de mes meilleures informatrices, trancha un peu sèchement Johanna. Je me dois de la voir avec le maximum de discrétion. Bien entendu, elle ignore ce que je fais réellement.

— Bien entendu, renchérit Malko.

Leurs deux histoires étaient à peu près aussi vraisemblables l’une que l’autre. Il n’eut pas l’inélégance de demander à Johanna quelle couverture elle utilisait envers la Noire. La suite des événements le lui dirait probablement.

— Sortons d’ici, dit-il, elle va se douter de quelque chose.

La Noire attendait, enfoncée dans un profond fauteuil, les jambes croisées, l’air boudeur, animale et butée. Elle avait posé sa capeline sur le lit et regardait à travers la baie vitrée le building éclairé qui faisait face auCarlton. Elle jeta à Malko un regard dépourvu d’aménité.

— Shona, fit Johanna, je te présente un ami, Malko. Il t’a remarquée dans le hall et t’a trouvé très belle.

Shona eut une moue signifiant qu’elle s’en moquait comme de son premier boubou. Afin de détendre l’atmosphère, Malko alla au mini-bar, en sortit une bouteille de Moët et Chandon et des verres. Le bruit du bouchon fit à peine sursauter Shona, qui, en revanche, vida sa coupe d’un trait. Assise sur le lit, Johanna se demandait visiblement comment sortir de ce guêpier.

Malko continua à remplir les verres, tentant d’entretenir une conversation exsangue. Johanna ne répondait que par monosyllabes et Shona admirait la vue, d’ailleurs superbe des buildings illuminés dedowntown Johannesburg. Les deux femmes l’intriguaient. Sans ses lunettes, Johanna paraissait nettement moins sévère. Quant à Shona, c’était un animal sexuel comme il en avait rarement rencontré, charnelle et vénéneuse à souhait. Murée, hélas dans un mutisme à peu près total… Ce n’est qu’à la fin de la deuxième bouteille de Moët qu’elle bâilla, découvrant un palais corail qui évoqua pour Malko un sexe de femme, et laissa tomber :

— J’ai faim, Jo, on va bouffer ?

C’était la première phrase complète qu’elle articulait et Malko sauta sur l’occasion.

— Je crois qu’il y a un excellent restaurant au premier étage. Laissez-moi vous y inviter.

Johanna hésita puis se dit que c’était sûrement le meilleur moyen de le faire sortir de cette chambre.

— Très bien, dit-elle, mais rapidement, car j’ai beaucoup de choses à discuter avec Shona…

Celle-ci se leva et s’étira comme une lionne, déhanchée, boudeuse, les reins creusés, ses seins pointus sous le nez de Malko. Elle sortit la première et Johanna en profita pour glisser à Malko :

— Ferdi ne connaît pas ce « contact ». Nos services sont très compartimentés.

— Bien entendu, dit Malko.

Elle ne soutint pas son regard et il se dit que, maintenant, il avait barre sur elle.

Sans doute payé au pourcentage, le maître d’hôtel boutonneux et blanc ne cessait de remplir les trois verres. Un vin du Cap, léger et pétillant, qui se buvait comme de l’eau, mais n’en avait pas les mêmes effets. Depuis un bon moment, Malko ne pensait plus à Gudrun Tindorf, mais à la façon dont il pourrait mettre la succulente Shona dans son lit. Il en savait peu sur elle. Divorcée, un enfant, mannequin, née dans un petit village du Transvaal, irrémédiablement idiote et imbue d’elle-même. Totalement inculte et préoccupée d’une chose : elle. Comme il n’y avait pas de glace à proximité, elle passait son temps à contempler son reflet dans la lame des couteaux… Pourtant, le vin l’avait dégelée : elle bougeait et elle parlait !

Johanna, les pommettes roses et les yeux brillants, la couvait des yeux. Elle aussi avait largement profité du vin du Cap. Chaque fois que le regard de Malko tombait sur elle, le sien dérapait, gêné. Mais elle ne semblait plus décidée à s’en débarrasser. Lorsqu’il eut payé l’addition, c’est tout naturellement qu’il leur prit le bras et se dirigea vers les ascenseurs, suivi par les regards admiratifs et envieux de tous les mâles du restaurant. Pas un mot ne fut échangé dans l’ascenseur. Malko sentait contre son bras le poids d’un sein de Shona et, appuyée à sa hanche, celle de Johanna.

À peine furent-ils dans la chambre que Shona se précipita vers la radio et la tripota jusqu’à ce qu’elle trouve de la musique pop. D’un geste vif, elle se débarrassa de ses escarpins rouges et annonça :

— J’ai envie de danser.

Et soudain, elle se métamorphosa. Toute sa froideur, sa raideur fondirent en trois ondulations. Elle dansait comme un cobra ondule : avec une grâce féline, coupée de brusques détentes, les bras levés, pivotant, virevoltant, sans s’occuper de Malko et de Johanna. Chacun dans un fauteuil, ils la regardaient. Un spectacle hors du commun, extraordinairement sensuel. Johanna avait les yeux fixes, croisant et décroisant ses jambes nerveusement, glissant parfois un regard inquiet vers Malko. Ce dernier dénicha une ultime bouteille de Moët dans le mini-bar et fit le service. Johanna se remit à boire.

Sans cesser de danser, Shona vida sa coupe puis la jeta sur la moquette. Son expression avait changé. Ses yeux se posaient sans cesse sur Johanna avec un sourire ambigu et même parfois sur Malko.

La musique s’arrêta. Shona se laissa tomber à genoux sur la moquette, riant nerveusement. Puis, d’un geste fluide, elle fit passer son chemisier par dessus sa tête, révélant son impressionnante poitrine. Sa peau était couverte de gouttelettes de transpiration. Elle tourna lentement la tête vers Johanna et lança de sa voix de petite fille :

— Essuie-moi !

Comme un zombi, Johanna se leva, fila dans la salle de bains, revint avec une serviette et la passa sur le torse de Shona. Celle-ci se balançait les yeux clos à la façon d’un cobra endormi par un charmeur de serpents. Elle se remit soudain debout, ouvrit son zip et fit glisser sa jupe à ses pieds, révélant le buisson de son ventre un peu plus foncé que sa peau. Bien campée sur ses jambes écartées, elle lança à Johanna :

— Continue !

Johanna ne bougea pas, clouée par le regard de Malko. Ce dernier, sans perdre une seconde, s’empara de la serviette et commença à la passer lentement sur les cuisses de la Noire. Elles avaient la consistance du marbre. Il continua, le sang tapant dans ses artères, suivant le contour des reins creusés, du ventre et du sexe. Shona l’écarta sèchement :

— Je n’aime pas qu’on me touche là.

Il n’insista pas, s’attardant sur les jambes. Shona se laissa faire, les mains sur les hanches, ses lèvres épaisses retroussées sur ses crocs blancs. Puis, d’un geste elle repoussa Malko. Sans changer de position, elle dit :

— Viens maintenant.

Son regard semblait hypnotiser Johanna. Celle-ci plissa son visage, comme si elle luttait contre elle-même. Malgré l’alcool, elle n’avait pas oublié la présence de Malko.

Comme elle ne bougeait pas, Shona lança méchamment :

— Tu préfères que ce soit lui ?

Cette fois, Johanna se décida. À la stupéfaction de Malko, elle se laissa glisser de son fauteuil directement sur la moquette, à quatre pattes et rejoignit Shona. Sa tête se trouvait exactement à l’aplomb de l’arche de ses cuisses. Lentement, Johanna leva la tête, jusqu’à ce que sa bouche atteigne la fourrure sombre et s’y enfouisse. Shona eut un bref frémissement et ses mains se posèrent sur les épaules de la Sud-Africaine.

Peu à peu, celle-ci s’anima, les mains crispées sur les splendides fesses d’ébène. Les traits de Shona s’amollissaient. On n’entendait plus que leurs respirations saccadées, courtes, coupées parfois d’un bref gémissement. Malko avait l’impression qu’il allait exploser mais n’osait pas interrompre cette scène magique. Soudain, Shona poussa un feulement rauque, ses genoux plièrent, sa bouche resta ouverte et elle s’abattit lentement en arrière, retenant contre elle la tête de Johanna toujours enfouie dans son ventre. Les deux femmes demeurèrent foudroyées. Isolées dans leur plaisir. Jusqu’à ce que Shona rouvre les yeux. Elle les posa sur Malko avec une expression tellement chargée d’érotisme qu’il eut l’impression que ses vêtements tombaient d’eux-mêmes de son corps.

Il s’agenouilla près du visage de Shona. La Noire allongea lentement la main et saisit son sexe, l’approchant de sa bouche. Il était si excité qu’il manqua hurler quand elle l’engloutit doucement. Johanna avait relevé la tête et observait la scène avec un mélange de stupéfaction et de dégoût. Shona s’interrompit et attirant la tête de sa partenaire vers son visage, murmura quelques mots à son oreille. Puis elle reprit sa fellation. Presque aussitôt, Malko sentit la bouche de Johanna effleurer sa poitrine, s’attardant au mamelon, avec une habileté que n’aurait pas reniée une grande hétaïre. En peu de temps, les deux femmes, sans un mot, l’eurent amené à l’extrême limite du plaisir. Pour Shona, cela ressemblait à un jeu, mais Johanna paraissait plus réticente. Pourtant leurs bouches se retrouvèrent à plusieurs reprises autour de son sexe. Il n’en pouvait plus. Johanna était la plus proche, mais quand il l’approcha elle le repoussa doucement.

— Pas moi, murmura-t-elle.

Shona avait roulé sur le dos. Il s’empara d’elle sans aucun mal et aussitôt, ses jambes remontèrent pour se nouer dans son dos. Apparemment elle n’était pas sensible seulement aux caresses de son amie.

— Doucement, dit-elle.

Malko se contrôla. À genoux près d’eux, Johanna lui caressait le dos, les reins, embrassait Shona. Celle-ci commençait à onduler sous Malko de plus en plus vite. Il sentit une main se glisser entre eux et la Noire eut un sursaut. Il ne pouvait plus se retenir. Shona vint au-devant de lui, arc-boutée, et, brutalement, hurla. Sa bouche chercha la sienne. Il crut que c’était pour un baiser ; ses dents se refermèrent sur la lèvre inférieure de Malko et le mordirent au sang !

Coupant net son orgasme.

Il s’arracha à elle, roula sur la moquette. Aussitôt, Johanna prit sa place, se frottant à la Noire comme une chatte en chaleur. Les deux femmes ne s’occupaient plus du tout de lui. Il les vit s’enrouler, s’emmêler dans des étreintes bicolores, se donnant mutuellement du plaisir. Il n’en pouvait plus et peu à peu s’assoupit à même la moquette.

Lorsqu’il se réveilla, Johanna avait disparu, Shona était toujours sur la moquette, à plat ventre, le visage dans un oreiller, les reins cambrés, les jambes légèrement ouvertes. Instantanément, Malko fut la proie d’une formidable érection. Doucement, il la rejoignit. Elle frémit à peine lorsque Malko la pénétra. Elle était brûlante, pleine de miel. Il la prit longtemps et finit par exploser. Poliment, elle se cambra puis se retourna vers lui, le visage gonflé de plaisir :

— On va dormir maintenant, non ?

— Où est Johanna ?

Elle eut un geste vague.

— Partie, elle ne reste jamais.

Avec des gestes de noyée, elle se hissa sur le lit et s’y laissa tomber. Malko la contempla longuement, ne parvenant pas à trouver le sommeil. Quelle étrange rencontre. Ainsi, la pulpeuse Johanna était lesbienne et amoureuse d’une Noire. Sans sa quête de Gudrun Tindorf, il ne l’aurait jamais deviné.

À son tour, il bascula dans le sommeil.


* * *

Le soleil entrait à flots dans la chambre. Shona émergea de la salle de bains torse nu, vêtue de sa jupe rouge et de ses escarpins. Hiératique. Elle vint s’asseoir sur le lit :

— Bien dormi ?

Comme s’ils s’étaient toujours connus. Il allongea la main pour lui caresser la poitrine, mais elle se déroba avec un sourire trouble.

— Fini. Tu as eu de la chance de connaître Johanna. Je ne fais jamais cela comme ça, pour m’amuser.

— Ah bon, fit Malko, un peu déçu. Et si j’ai envie de te revoir ?

— Tu lui demandes. Ou tu viens ici le soir. J’y suis souvent. Si tu as des amis que ça intéresse.

Ainsi, la maîtresse de l’assistante de Ferdi était pute ! C’était complet. Malko pensa tout à coup à quelque chose. Se levant, il alla prendre dans sa veste la photo de Gudrun Tindorf.

— Tu connais ?

Shona examina le document d’un œil distrait et hocha la tête :

— Oui, je crois.

Malko crut que son cœur allait s’arrêter.

— Où l’as-tu vue ?

Le visage de la Noire se ferma aussitôt.

— Qu’est-ce que ça peut te foutre ?

— C’est une copine.

— Une copine. (Elle eut un ricanement d’une vulgarité étudiée.) Unehoer[7] oui, elle tapine tout le temps au bar du premier. Allez, faut que je m’en aille. Tu n’as pas cent rands que je prenne un taxi…

Avec ça, elle pouvait faire le tour du Transvaal. Malko lui en tendit deux cents et du coup, elle redevint chatte, lui offrant sa bouche.

— Alors, peut-être à un de ces jours.

Elle remit son chapeau, son chemisier et disparut. L’excitation de Malko n’était pas retombée. Ainsi, le tuyau des Services hollandais était bon. Il était bien sur la piste de Gudrun Tindorf.


* * *

La réunion se terminait. Malko en avait mal à la tête d’avoir regardé des photos de femmes réunies par la police sud-africaine pouvant être Gudrun Tindorf. Ferdi avait vidé ses archives en vain. Johanna lui avait froidement serré la main comme si rien ne s’était passé. Elle se tourna vers son chef et demanda :

— Colonel, je peux accompagner M. Linge jusqu’au garage ?

— Bien sûr, dit Ferdi. J’ai une autre réunion dans cinq minutes. J’espère que nous allons déboucher sur quelque chose.

— Moi aussi, dit Malko.

Grille, carte magnétique. L’ascenseur. Ce n’est que dans le garage que Johanna demanda d’une voix calme :

— Que faisiez-vous hier soir auCarlton ?

— Je vous ai dit…

— Don’t bullshit me[8], fit-elle d’une voix douce. Vous connaissez mes petits secrets. Je veux connaître les vôtres. Vous savez quelque chose que vous ne nous avez pas dit, n’est-ce pas ?

— Oui.

Elle hocha la tête.

— Bien. Je veux être dans le coup.

— Pourquoi ?

— Pour Shona. Je dirai que c’est elle. Cela me permettra de la voir d’une façon plus officielle.

Au moins, elle était franche.

— Promis, dit Malko.

Elle griffonna un numéro qu’elle lui tendit.

— C’est chez moi. Ne parlez pas trop, je suis sur écoute. Si vous me dites que vous avez envie de boire un verre avec moi, je comprendrai. Vous y retournez ?

— Oui. Ne me suivez pas.

— Non. Mais n’oubliez pas.


* * *

Malko inspecta du regard le restaurant argentin empuanti de la fumée des churrascos cuits en pleine salle et se dirigea vers le bar du premier attenant au restaurant où il avait dîné la veille avec Johanna et Shona. Une hôtesse se dressa devant lui.

— Sir, vous êtes seul ?

— Oui, dit Malko.

Elle eut un sourire d’excuse.

— Donnez-moi votre nom et revenez dans vingt minutes environ. Toutes les tables sont occupées.

— Mais je cherche quelqu’un…

Le sourire s’accentua. Inflexible. Derrière elle, Malko aperçut des tables, des lumières tamisées, un grand piano à queue servant de bar. Le pianiste égrenait une musique romantique à souhait.

— Désolée, je ne peux pas vous laisser entrer. Sinon, je ne pourrais pas vous faire sortir. Donnez-moi votre nom. À tout à l’heure.

Elle avait déjà remis la cordelière de velours rouge séparant la salle de l’entrée. Ce n’était pas le moment de faire un scandale… Malko se tordit le cou, sans rien voir. Fou de rage, il se replia sur les banquettes du hall d’où il pouvait surveiller la porte du bar. Les vingt minutes écoulées, il revint et cette fois, l’hôtesse l’accueillit avec un grand sourire :

— J’ai une place pour vous maintenant, Sir.

Il la suivit à travers les tables bourrées jusqu’à un tabouret vide en face du piano à queue.

— Une vodka, demanda Malko.

Une demi-douzaine d’hommes et de femmes étaient déjà installés autour du piano où un grand garçon blond officiait. Malko parcourut lentement la salle du regard et crut que son cœur allait s’arrêter. La dernière personne avant le pianiste était une femme. Sa veste de cuir noir était posée sur ses genoux et son sac, à côté d’elle, sur le piano. Elle portait un chemisier rouge, avait des cheveux noirs, une bouche charnue, un profil régulier. Elle tourna la tête pour prendre des allumettes et il vit ses yeux. Bleus. Superbes…

Une fraction de seconde plus tard, l’inconnue s’était retournée. Cependant, la conviction de Malko était faite.

À côté de lui se trouvait Gudrun Tindorf, la terroriste responsable de l’explosion de Church Street.

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