Chapitre V

Trouver une plus sale gueule entre le tropique du Cancer et le tropique du Capricorne eût demandé de longues et patientes recherches.

Basun Nicoro, grand patron de la police burun- dienne, alliait la servilité de vingt ans de colonialisme à la puissance toute neuve de son poste. Impeccablement vêtu d’une tunique de tergal presque blanc qu’il changeait deux fois par jour parce qu’il transpirait, les mains manucurées et les cheveux défrisés à prix d’or, il s’efforçait d’avoir l’air d’un gentleman, mais toutes ses tentatives dans ce sens étaient vouées à l’échec à cause de son physique.

On aurait encore passé sur les cicatrices tribales fendant les deux joues ; sur la taie recouvrant l’œil droit, reste du bon vieux trachome des familles, aussi. Mais l’expression de la bouche épaisse et l’œil gauche était proprement répugnante. Un mélange de méchanceté, d’avidité et de lâcheté en proportions idéales. Passé directement d’indicateur à commissaire principal de Bujumbura, Nicoro effrayait même ses subordonnés.

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