Chapitre 2

Quand le Kitty Hawk atteint enfin le point d’amerrissage du vaisseau, le sous-marin russe est déjà sur place et la silhouette du paquebot brésilien se dessine à l’horizon. Le porte-avions prend position à un kilomètre de l’appareil extraterrestre dont la coque passe toujours par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Le sous-marin russe stationne à peine un peu plus loin, à l’opposé du vaisseau.

Celui-ci est aux deux tiers immergé mais la houle découvre par intervalles la quasi-totalité de sa partie supérieure. Frank, Clete ainsi qu’un jeune pilote de la Navy prennent place à bord d’un hélicoptère SH-60F Seahawk et s’en vont le survoler.

— T’as vu cette ligne ? Quel aérodynamisme !

Clete a dû hurler pour couvrir le bruit du rotor. Frank opine :

— Sûrement un module d’approche, hurle-t-il en retour. Depuis que le vaisseau a été repéré dans l’atmosphère, le NORAD n’a cessé de scruter les deux à la recherche du vaisseau mère. De même, la NASA met la dernière main aux préparatifs de lancement d’Atlantis. Aucune navette américaine ou russe n’étant pour le moment en orbite, le prochain vol programmé se trouvait en effet être celui d’Atlantis, mais seulement dix-huit jours plus tard.

La coque du vaisseau semble faite d’une seule pièce. À tout le moins, elle n’est constituée ni de plaques métalliques comme celle du Kitty Hawk, ni de tuiles en céramique comme les navettes spatiales. La tête présente quatre rectangles réfléchissants – des hublots ? – et on distingue sur le flanc des marques verdâtres qui pourraient former une inscription, quoiqu’il soit difficile de s’en assurer avec ces perpétuels changements de couleur.

— Je te parie qu’ils voient les infrarouges, s’époumone Clete. Il est probable que ce bidule continue de changer de couleur quand nous on le voit noir.

— Possible, concède Frank. Mais…

— Regardez ! leur crie soudain le pilote.

Un tube cylindrique sortant du vaisseau se dresse lentement vers le ciel. À son extrémité, une lumière jaune clignotante : clic ! pause. Clic ! clic ! pause. Clic ! clic ! clic !

— Ils comptent, commente Clete.

Mais la séquence suivante comporte cinq clics au lieu de quatre et celle d’après, sept. Puis le même enchaînement se répète à plusieurs reprises, d’une manière cyclique : un-deux-trois-cinq-sept… Un-deux-trois-cinq-sept…

— Les nombres premiers ! s’exclame Frank. Est-ce que cet hélico possède un projecteur ? demande-t-il au pilote.

Celui-ci lui fait signe que non.

— Ramenez-nous immédiatement à bord. Vite !

Le pilote acquiesce de la tête avant d’effectuer un virage sur l’aile avec son appareil. Au passage, Frank jette un coup d’œil au sous-marin russe : le voilà qui renvoie le signal !

S’avisant que le pilote a un casque de radio, Frank lui crie :

— Dites au Kitty Hawk d’allumer ses projos et de leur renvoyer leur signal – les nombres premiers de un à sept – à plusieurs reprises.

Le pilote relaie le message et au bout d’un temps qui lui paraît une éternité, Frank aperçoit enfin les signaux d’un gros projecteur placé juste au-dessous de l’antenne radar. Quelques secondes plus tard, le fanal dépassant du vaisseau s’éteint subitement.

— On a fait une gaffe ? s’interroge Clete.

Le Seahawk se pose sur le pont du porte-avions. Frank en descend, suivi de Clete, comme la vitesse du rotor décroît. Le souffle des pales fait voler leurs cheveux. Ils s’éloignent vivement de l’appareil, la tête rentrée dans les épaules. Le capitaine (un grand type dans les cinquante balais, le crâne rasé) les attend à l’entrée du kiosque.

— Les Russes répètent toujours le message, leur annonce-t-il.

Frank fronce les sourcils, perplexe. Pourquoi diable les aliens ont-ils cessé leurs signaux ? En reproduisant ceux-ci, ils leur ont pourtant démontré que les hommes aussi connaissaient les nombres premiers et…

Pas du tout : ils leur ont tout au plus prouvé qu’ils étaient capables d’imitation.

— Essayons de compléter la séquence, déride-t-il.

— Balançons-leur les cinq nombres premiers suivants, approuve Clete.

Le capitaine décroche l’interphone et approche le micro de ses lèvres :

— Ordre de continuer la séquence. Envoyez les cinq nombres premiers suivants.

— Bien, capitaine, fait une voix brouillée par les parasites. Euh… C’est quoi, déjà ?

Le capitaine interroge Frank du regard. Le conseiller du Président fait entendre un grognement écœuré alors que Clete lève les yeux au ciel.

— Onze, treize, dix-sept, dix-neuf et vingt-trois.

— Bien, capitaine, fait le matelot après que l’officier lui a répété les nombres au micro.

— On ferait bien de monter, suggère Clete.

— Où se trouvent les commandes du projecteur ? demande Frank au capitaine.

— Suivez-moi.

Il les conduit à l’escalier tournant en métal qui mène au poste radio. Frank repère aussitôt le matelot qui actionne le projecteur, un tout jeune homme aux cheveux blonds coupés à ras.

— Les aliens ont repris leurs signaux, leur indique-t-il. La séquence comportait dix nombres.

À ces mots, un sourire radieux éclaire le visage de Frank.

— Ça y est, le contact est établi.

— Les Russes reprennent la même séquence, constate le capitaine en regardant par le hublot.

— Et ce foutu paquebot qui se rapproche toujours, ajoute Frank en désignant l’horizon.

Le fanal jaune recommence à clignoter : un, quatre, neuf, puis les flashes se succèdent à un rythme si rapide que Frank renonce à les compter.

— Des nombres carrés, traduit Clete. Carré de un, de deux, de trois, de quatre.

— Montrez-leur le carré de cinq, commande Frank au jeune marin. Ça fait vingt-cinq.

Le garçon obtempère en comptant tout haut.

— Seigneur, murmure Clete en pointant l’index vers le hublot. Seigneur…

Sous les yeux des témoins stupéfaits, le vaisseau extraterrestre s’arrache lentement de l’eau et s’immobilise à vingt mètres au-dessus des vagues. Sa coque ruisselante est maintenant d’un vert uniforme ; ses quatre réacteurs provoquent d importants remous à la surface de l’océan. Avec la même lenteur, il amorce un déplacement horizontal qui le conduit à quelques brasses du sous-marin russe. Là, il s’arrête à nouveau, sans doute pour ne pas balancer ses rejets sur le submersible. Il s’approche ensuite du paquebot (avec des jumelles, Frank aperçoit des passagers sur le pont de celui-ci, l’œil rivé à l’objectif de leurs caméscopes et appareils photo) puis il revient vers le Kitty Hawk et s’arrête à cinq mètres du bout de la piste d’envol.

— Qu’est-ce qu’il fabrique ? s’écrie Frank.

Clete hausse les épaules, mais le matelot s’autorise un avis :

— On dirait qu’il attend la permission de se poser, monsieur. Frank lance un regard surpris au jeune homme. Apparemment, il l’a jugé un peu vite.

— Le petit a raison, Frankie, acquiesce Clete. Ils ont pigé que ce rafiot était destiné à transporter des engins aériens. Ils ont vu décoller notre hélico et il suffit de regarder les avions sur la piste pour comprendre qu’ils obéissent aux lois de l’aérodynamique.

— Comment leur faire savoir qu’ils peuvent se poser ? s’interroge Frank.

— À question claire, réponse limpide. Redonnons-leur la liste des nombres premiers, suggère Clete. Si elle est correcte, cela voudra dire « oui ». Si elle comportait une erreur, mettons que ce serait « non ».

Le matelot se tourne vers son capitaine, attendant qu’il lui confirme l’ordre, puis il presse de façon répétée le bouton commandant les signaux lumineux. Par le hublot, Frank voit le vaisseau remonter le pont au ralenti. Au même moment, l’interphone émet un bip. Le capitaine décroche le combiné.

— Ici Raintree. J’écoute. Une voix enrouée lui répond :

— Capitaine, le sous-marin russe nous a adressé un message radio demandant l’envoi immédiat d’un hélicoptère pour conduire trois de leurs observateurs à notre bord.

Le capitaine se tourne vers Frank qui s’est brusquement renfrogné.

— Pas question de…

— N’oublie pas qu’ils ont choisi les eaux internationales, le coupe Clete. Tu n’as pas le…

— Je sais, je sais. C’est d’accord, capitaine.

— Veuillez faire le nécessaire, Mr Coltrane, dit le capitaine avant de raccrocher.

— Qu’on apporte du matériel vidéo sur le pont, reprend Frank. Je veux que la scène soit filmée dans ses moindres détails.

Le capitaine acquiesce de la tête puis décroche derechef l’interphone.

— Descendons, propose alors Clete.

Le capitaine Raintree, Frank et Clete empruntent à nouveau l’escalier de fer, franchissent la porte du kiosque et sortent sur le pont. Le vent est faible et le ciel dégagé. Le vaisseau poursuit sa descente.

— Merde, s’exclame le capitaine.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demande Frank, assez fort pour couvrir le grondement des réacteurs.

— Il va se poser au beau milieu de la piste. Après ça, impossible de faire décoller un de nos avions.

Frank hausse les épaules.

— Il se met là où il y a de la place, pardi.

Entre-temps, un Seahawk s’est approché du sous-marin russe et s’est immobilisé au-dessus du kiosque. De loin, on aperçoit un homme grimpant à une échelle de corde.

— Voulez-vous qu’on leur diffuse l’hymne américain, monsieur ? demande le capitaine à Frank.

— Il n’existe pas d’hymne onusien ?

— Pas à ma connaissance, monsieur.

— Personne n’aurait la musique du générique de Star Trek, par hasard ? plaisante Clete. Je disais ça pour rire, précise-t-il devant l’air interloqué du capitaine.

— On pourrait leur faire une haie d’honneur, propose le capitaine.

— En présentant les armes ? Jamais de la vie ! s’insurge Frank.

Le vaisseau finit par se poser avec un fracas métallique. Frank sent vibrer le pont sous ses pieds.

— On va jeter un coup d’œil ? demande Clete.

— L’appareil est peut-être radioactif, remarque le capitaine. Je suggère qu’un de mes hommes l’inspecte d’abord avec un compteur Geiger.

Comme Frank fait un signe de tête affirmatif, il transmet l’ordre par interphone.

— Tu crois qu’ils vont sortir ? reprend Clete.

— Je n’en sais rien, avoue Frank. L’attraction terrestre pourrait leur rendre tout mouvement impossible, même avec des scaphandres.

— Dans ce cas, pourquoi seraient-ils venus se poser sur le Kitty Hawk ?

— Peut-être avaient-ils le mal de mer, à force de se faire rouler par l’océan…

L’hélicoptère s’éloigne maintenant du sous-marin russe afin de regagner le Kitty Hawk.

Clete désigne à son ami l’inscription sur la coque du vaisseau – un trait horizontal autour duquel s’entortillent des motifs en spirale. Mot, idéogramme ou dessin purement abstrait ?

Un marin équipé d’un compteur Geiger surgit aux côtés du capitaine qui lui fait signe de procéder à l’inspection. Le gars a l’air tendu, néanmoins c’est d’un pas ferme qu’il s’avance vers le vaisseau.

— Capitaine, ce navire pourrait-il nous conduire à New York ? demande Frank.

— Tu veux les emmener voir Cats à Broadway ? rigole Clete.

— Pas à Broadway, mais au siège de l’ONU, lui rétorque Frank.

— Pas de problème, assure le capitaine. On ira où vous voudrez. L’hélicoptère vient de se poser. Trois Russes – deux hommes et une femme – en descendent en même temps que le pilote et se dirigent droit vers le capitaine américain.

— Sergei Korolov, se présente leur chef, un type râblé d’une trentaine d’années. Je suis en quelque sorte le second du Suvorov. Valentina Danilova, médecin du bord, et Piotr Pushkin, officier radio, ajoute-t-il en désignant ses compagnons. Ni l’un ni l’autre ne parle anglais.

— Génial, marmonne Frank. Frank Nobilio, conseiller scientifique du président des États-Unis. Cletus Calhoun est astronome et le capitaine Raintree commande ce bâtiment.

— Il est évident que le vaisseau ne s’est posé sur votre bâtiment que faute d’avoir pu le faire sur le nôtre, reprend Korolov. Selon les termes des lois internationales régissant le sauvetage en mer, il nous revient de droit puisque nous sommes les premiers à l’avoir rejoint.

— Nous n’avons pas l’intention de nous approprier ce vaisseau, Mr Korolov, soupire Frank. Au contraire, je voudrais le conduire à New York, au siège de l’ONU.

— Il faut que j’en réfère à notre capitaine qui, à son tour, devra en référer à Moscou. Il n’est pas…

— Tout est normal, capitaine, indique le marin avec le compteur Geiger.

— Parfait. Souhaitez-vous approcher, docteur Nobilio ?

— Et comment ! Allons… Grand Dieu !

Une partie de la coque du vaisseau est en train de coulisser. Fermée, l’écoutille était impossible à détecter. Ouverte, elle laisse apercevoir un réduit aux parois grises – un sas, selon toute vraisemblance – au milieu duquel se dresse une forme… Une forme qui n’a rien d’humain.

— Bon sang, fait le capitaine dans un souffle. Si cette… chose transporte des germes, je vais devoir faire stériliser ce navire.

— C’est à moi qu’il appartient d’en décider, capitaine, lui réplique Frank d’un ton catégorique.

— Mais…

— La ferme.

Frank fait quelques pas en direction du vaisseau, le cœur battant à tout rompre.

Un extraterrestre… Un vrai, un authentique alien.

Comme il fallait s’y attendre, il ne présente aucune des caractéristiques (hypertrophie crânienne, yeux globuleux, corps chétif) dépeintes par les soi-disant observateurs des « petits hommes verts ». Frank a toujours vu dans le caractère convenu de ces descriptions la preuve définitive que les OVNI n’étaient pas d’origine extraterrestre, sans parler des assertions grotesques d’un Packwood Smathers. Au contraire, il n’est qu’à la regarder pour voir que cette créature a évolué dans un tout autre système.

Sa taille est d’environ un mètre soixante-dix pour un poids que Frank estime à soixante-cinq kilos. Elle possède quatre membres, tous attachés à l’épaule. Les deux plus longs – le gauche et le droit – reposent sur le sol tandis que l’antérieur et le postérieur, plus courts, pendent le long du corps. De forme hémisphérique, la tête est surmontée d’une touffe de filaments blanchâtres qui se meuvent indépendamment du vent. Sur le devant de la tête, deux cercles réfléchissants qui pourraient être des yeux. Juste au-dessous, un orifice qui a tout l’air d’une bouche. La peau de la créature est gris bleuté et son vêtement – une sorte de gilet à poches multiples – brun foncé.

— Pas de scaphandre, remarque Clete qui a rejoint Frank. Il respire le même air que nous et la gravité n’a pas l’air de le gêner.

À son tour, la créature se met en mouvement. Ses membres latéraux, pourvus de trois articulations, lui permettent des enjambées de près de deux mètres. Quoiqu’elle ne manifeste aucune hâte, il ne lui faut que quelques secondes pour franchir la moitié de la distance qui la sépare de Frank. Puis elle s’arrête net, alors qu’il lui reste encore une quinzaine de mètres à parcourir : une invitation on ne peut plus claire à approcher. Comme rien dans son attitude n’indique qu’elle a l’intention de l’enlever à bord de son vaisseau, Frank s’avance, immédiatement suivi de Clete. Les Russes faisant mine de les imiter, Frank se retourne vers eux :

— Pas plus d’une personne. Pas question de lui tomber dessus tous en même temps.

Korolov adresse quelques mots à Pushkin et Danilova qui retournent aussitôt auprès du capitaine Raintree, visiblement déçus.

Les trois hommes s’avancent vers l’alien mais arrivés à trois mètres de celui-ci, Clete leur fait signe de s’arrêter.

— Nous n’avons aucune notion de son espace vital, explique-t-il. À cette distance, la peau de la créature apparaît sillonnée de lignes entrecroisées qui dessinent des losanges. Détail cocasse, un rectangle qui a tout l’air d’un pansement adhère à un côté de sa tête, à croire qu’elle a reçu un coup. Curieusement, cette marque de vulnérabilité leur rend la créature à la fois plus proche et moins impressionnante.

Frank suppose qu’elle les observe, bien que l’absence de pupilles empêche de dire où se porte son regard.

Comment procéder ? Frank envisage un moment de reprendre le signe de Rencontres du troisième type, mais cette idée en fait naître une autre, meilleure. Levant la main devant son visage, il dresse d’abord un doigt, puis deux, puis trois, puis cinq auxquels il ajoute deux doigts de son autre main, soit un total de sept.

L’alien soulève alors son bras antérieur et fait voir une main de forme circulaire, plantée de quatre doigts de même longueur. Si aucun ne semble faire office de pouce, les premier et troisième doigts sont opposables entre eux, de même que les deuxième et quatrième.

La créature dresse un doigt, puis deux, puis trois. Ramenant alors sa seconde main devant elle, elle montre d’abord deux doigts (ce qui fait cinq), puis les deux autres (soit sept en tout).

Frank se demande tout à coup s’il n’a pas commis une bévue, si la créature ne va pas déduire de cet échange que la communication humaine est purement gestuelle.

— Frank, dit-il alors en se touchant la poitrine.

— Frank.

Un imitateur hors pair : on aurait vraiment dit la voix de Frank.

Mais non, il est probable qu’une de ses poches contient un appareil enregistreur.

Frank pointe l’index vers son interlocuteur, sans être sûr qu’il comprenne – pour percevoir le sens de ce geste, peut-être est-il nécessaire d’avoir manié la lance dans un passé lointain –, mais l’autre réagit presque immédiatement en ouvrant la bouche. Celle-ci combine une ouverture externe horizontale avec une couche de tissus internes qui s’écartent dans le sens de la hauteur, dessinant des rectangles de dimensions variables.

— Hask, laisse-t-il tomber.

La voix est chaude et grave. Une voix masculine, décide Frank, quoique rien dans l’aspect extérieur de la créature n’indique à quel sexe elle appartient. À peine audible au départ, elle a pris de l’ampleur en cours d’émission.

Frank n’en est pas plus avancé pour autant : « Hask » est-il le nom de la créature ou celui de sa race ? À moins que le mot n’ait un tout autre sens, comme « bonjour » ?

— Clete, reprend-il en désignant son ami.

L’alien répète après lui. Il est désormais clair que le son ne sort pas de sa bouche mais de sa poitrine. On distingue à travers une de ses poches les contours d’un petit objet rectangulaire dont le sommet est visible sous le rabat. Selon toute évidence, c’est de là que provient le son.

La créature désigne Frank et prononce son nom, cette fois avec la bouche, puis celui de Clete. Elle se tourne ensuite vers le Russe.

— Sergei, dit celui-ci.

— Sergei, reprend l’appareil dans la poche de la créature. Quelques secondes plus tard, cette dernière répète à son tour :

— Sergei.

— Hommes, indique Frank avec un geste qui les englobe tous les trois.

— Une minute, proteste Sergei. Je vois une objection à ce que le contact soit établi en anglais.

— Écoutez, ce n’est vraiment pas le moment…

— Au contraire. Vous…

— Faites pas chier, le coupe Clete. C’est le docteur Nobilio le responsable et…

— Niet.

— Pour l’amour du ciel, soupire Frank, cessons de nous chamailler. Songez que nous sommes filmés.

Comme le Russe se cantonne dans un mutisme rageur, Frank se retourne vers la créature, lui désignant tour à tour chacun des membres de leur groupe, puis il répète :

— Hommes.

— Tosok, fait l’autre en se touchant la poitrine.

— Tosok, répète Frank. Hask.

— Hommes, dit Hask. Frank. Clete. Sergei.

— Ce coup-ci, on tient le bon bout, jubile Clete.

Загрузка...