22


Nina louait un petit appartement dans la rue Falkagata. Konrad appela chez elle en disant qu’il était en route, suivi par la police. Il parla avec son épouse, qui se trouvait là-bas, et lui demanda d’en informer leur fille. C’était fini. Il précéda Elinborg dans son véhicule jusqu’à Falkagata et se gara devant un petit immeuble. Ils entrèrent ensemble dans la cage d’escalier et montèrent au premier étage. Konrad appuya sur la sonnette et une femme de son âge vint ouvrir. Le regard qu’elle lança à Elinborg était terriblement inquiet.

— Vous êtes venue seule ? lui demanda-t-elle. Je n’ai aperçu aucune voiture de police.

— Oui, répondit Elinborg. Je ne m’attends pas à ce que vous me posiez de problèmes.

— Non, répondit la femme en lui serrant la main. Il n’y en aura aucun. Entrez.

— Est-ce que Nina est ici ? demanda Elinborg.

— Oui, elle vous attend. Elle et moi sommes heureuses que cela soit terminé, que cette partie de cache-cache soit terminée.

Les deux femmes entrèrent dans le salon, suivies de Konrad. Nina se tenait là, debout, les bras croisés, les yeux gonflés de larmes.

— Bonjour Nina, salua Elinborg en lui tendant la main. Je m’appelle Elinborg et je travaille dans la police.

Nina lui donna une poignée de main aussi molle qu’humide. Elle n’essaya pas de sourire.

— D’accord, répondit-elle. Mon père vous a raconté tout ce qui s’est passé ?

— Oui, il m’a donné sa version. Maintenant, nous devons vous entendre.

— J’ignore ce qui est arrivé, je ne me rappelle plus rien, répondit Nina.

— Je sais, ce n’est pas grave, nous avons tout notre temps.

— Je crois qu’il m’a droguée, vous avez trouvé de la drogue chez lui.

— En effet. Vos parents peuvent vous accompagner au commissariat, mais ensuite, nous devrons nous entretenir seule à seule. Vous comprenez ? C’est d’accord ?

Nina hocha la tête.

Elinborg jeta un regard vers la cuisine. L’odeur qui imprégnait cet appartement n’était pas sans rappeler celle qui planait chez elle : des senteurs épicées venues de mondes lointains, de plats tellement étrangers dont elle était pourtant si familière. Elle remarqua une terre cuite à tandoori posée sur le plan de travail à côté de l’évier.

— Moi aussi, j’aime beaucoup la cuisine indienne, remarqua-t-elle avec un sourire.

— Ah bon ? J’avais justement préparé un repas pour quelques invités le soir… le soir où… hésita Nina.

— Je vous ai rapporté votre châle, annonça Elinborg. Celui que vous portiez ce soir-là. L’odeur qui s’en dégageait m’a dit que vous étiez amatrice de plats indiens.

— Nous l’avons oublié, répondit Nina. Papa a pris ce qu’il voyait, mais j’ai oublié mon châle.

— Et votre t-shirt.

— Oui, et mon t-shirt.

— Il faut que nous parlions aux garçons, observa Konrad. Avant que tout ne se mette en branle, que tout ne soit révélé dans les médias.

— Vous pouvez le faire au commissariat, si vous le souhaitez, proposa Elinborg.

La famille se rendit en voiture jusqu’à le rue Hverfisgata. Cette fois-ci, c’était Konrad qui suivait la voiture d’Elinborg. À leur arrivée, Nina fut emmenée à la salle d’interrogatoire. Ses parents purent patienter dans le bureau d’Elinborg. La nouvelle ne tarda pas à se répandre que la police avait avancé dans l’enquête sur le meurtre de Thingholt, comme l’avaient désormais baptisé les médias, et les journalistes commencèrent à appeler. Une demande de placement en garde à vue fut envoyée à la cour de justice régionale. Konrad engagea un avocat ; il avait anticipé les choses et savait auprès de qui il souhaitait prendre conseil. L’avocat en question, réputé pour ses excellents résultats dans les affaires criminelles, avait laissé de côté ses autres obligations et était venu en même temps que le procureur de la police quand la demande de placement en garde à vue avait été envoyée. Le fils cadet du couple avait rencontré ses parents dans le bureau d’Elinborg, abasourdi par la nouvelle que sa mère lui avait annoncée au téléphone. Son incrédulité et sa surprise n’avaient pas tardé à laisser place à une violente colère, d’abord contre ses parents qui lui avaient caché toute cette histoire, puis envers Runolfur.

Elinborg plaignait terriblement Nina qui était assise, prostrée, dans la salle d’interrogatoire en attendant l’inéluctable. Elle n’avait franchement rien d’un assassin de sang-froid, mais ressemblait plutôt à une victime qui avait vécu une expérience traumatisante et s’apprêtait à connaître des heures difficiles.

Elle désirait ardemment s’exprimer, maintenant que la police avait découvert qu’elle connaissait Runolfur et qu’elle était la femme présente chez lui au moment de sa mort. Elle semblait soulagée de pouvoir enfin dire la vérité, de vider son cœur pour commencer le long processus qui l’amènerait à comprendre et à accepter.

— Connaissiez-vous Runolfur avant de le rencontrer ce soir-là ? demanda Elinborg une fois que, s’étant acquittée des formalités d’usage, elle put commencer l’interrogatoire.

— Non, répondit Nina.

— N’était-il pas venu à votre domicile deux mois plus tôt ?

— Si, mais je ne le connaissais pas pour autant.

— Pouvez-vous me raconter ce qui s’est passé à ce moment-là ?

— Il ne s’est rien passé du tout.

— Vous aviez besoin des services d’un technicien en téléphonie, n’est-ce pas ?

Nina hocha la tête.


Elle souhaitait installer sa télévision dans sa chambre et devait, pour ce faire, passer un nouveau câble d’antenne télé à travers le mur. Elle changeait également de compagnie téléphonique et connaissait quelques problèmes avec son Internet sans fil. Elle voulait se servir de son ordinateur portable dans n’importe quelle pièce. Le service clients pouvait s’en occuper pour elle, lui avait proposé une femme au bout du fil quand elle avait appelé pour obtenir de l’assistance. Plus tard dans la journée, un technicien s’était présenté à sa porte. C’était un lundi.

L’homme était avenant et loquace, il avait deux ou trois ans de plus qu’elle et faisait son travail avec professionnalisme. Elle n’avait pas vraiment suivi ce qu’il avait fait. Elle avait entendu le bruit d’une perceuse. Il avait dû soulever une latte du parquet afin d’y dissimuler le câble télé. Elle n’avait pas eu l’impression qu’il s’attardait anormalement dans la chambre. Elle n’y avait réfléchi que plus tard, une fois que tout était terminé.

Il l’avait également aidée à connecter l’Internet sans fil, puis avait rédigé une facture qu’elle avait immédiatement réglée par carte. Il avait discuté avec elle de tout et de rien, c’était une banale conversation entre gens qui ne se connaissent pas. Ensuite, il était reparti.

Le lendemain, il était revenu poser ses filets. À la fin de l’après-midi, il s’était retrouvé devant sa porte et lui avait demandé s’il n’avait pas oublié la mèche spéciale béton dont il s’était servi pour pratiquer le trou dans le mur entre le salon et la chambre. Non, elle n’avait rien remarqué.

— Cela ne vous dérangerait pas que je jette un coup d’œil ? lui avait-il demandé. J’ai fini ma tournée et je me suis dit qu’elle était peut-être chez vous. Je n’arrive pas à remettre la main dessus et elle m’est très utile.

Ils étaient allés ensemble jusqu’à la chambre à coucher où elle l’avait aidé à chercher. Le câble de la télé passait à travers un placard à vêtements qu’elle avait ouvert. Il avait regardé sur le rebord de la fenêtre et sous le lit. Puis, il avait fini par renoncer.

— Excusez-moi du dérangement, avait-il dit. Je passe mon temps à perdre des choses.

— Je contacterai votre compagnie si je la retrouve, avait-elle proposé.

— D’accord, merci bien. Vous voyez, c’est que je suis un peu fatigué de mon week-end. J’ai dû rester trop longtemps au Kaffi Victor samedi soir.

— Je connais ça, avait-elle observé avec un sourire.

— Ah, vous y allez aussi ?

— Non, nous fréquentons plutôt Krain, la Taverne.

— Vous ?

— Mes copines et moi.

— Prévenez-moi si vous retrouvez cette fichue mèche, avait-il dit en guise d’au revoir. Et peut-être à la prochaine.

Elle était connue pour ses talents de cuisinière et aimait recevoir ses amies pour se livrer à quelques essais. Elle s’était intéressée à la cuisine indienne après avoir travaillé comme serveuse dans un restaurant exotique de Reykjavik où elle avait fait connaissance avec le chef qui lui avait donné quelques bons conseils. Peu à peu, elle avait constitué son stock d’épices et de recettes de porc ou de poulet. Tout comme Elinborg, elle avait souvent tenté de préparer des plats à base d’agneau. Le soir où elle avait croisé Runolfur, elle avait invité ses amies à manger de l’agneau qu’elle avait fait cuire dans le plat à tandoori que son père lui avait offert en cadeau d’anniversaire. Elles étaient restées chez elle jusque vers minuit avant de sortir en ville où elles n’avaient pas tardé à se séparer. Au moment où Runolfur était venu lui parler, elle était sur le point de rentrer.

Elle n’était pas vraiment ivre. Voilà pourquoi elle s’était étonnée de se rappeler si peu de choses jusqu’au moment où elle avait lu dans un journal qu’on avait découvert du Rohypnol au domicile de son agresseur. Elle avait avalé un cocktail au martini en apéritif, puis un peu de vin rouge pour accompagner le repas et ensuite, elle avait bu un peu de bière car ce plat épicé lui avait donné soif.

Elle ne se rappelait presque rien des événements qui avaient suivi sa rencontre au bar avec Runolfur. Elle se souvenait qu’il s’était approché d’elle et qu’ils avaient parlé de San Francisco. Elle lui avait dit être allée là-bas pour rendre visite à son frère. Elle avait fini son verre et il lui avait demandé s’il ne pouvait pas lui en offrir un autre en réparation de la facture ridiculement élevée pour le travail qu’il avait effectué chez elle l’autre jour. Elle avait accepté en le remerciant. Pendant qu’il était parti chercher leurs boissons, elle avait consulté sa montre. Elle ne voulait pas s’attarder.

Elle n’avait gardé en mémoire que quelques bribes du trajet à pied jusque chez lui, dans le quartier de Thingholt. Elle avait subitement eu l’impression d’être complètement ivre, de ne parvenir que difficilement à contrôler ses mouvements et de n’avoir plus aucune volonté.


Elle s’était réveillée progressivement, tard dans la nuit. Spiderman la fixait du haut de son mur, prêt à bondir sur elle.

Elle ne savait plus du tout où elle était, elle se croyait chez elle. Puis, elle avait compris que c’était impossible et s’était dit qu’elle avait dû s’endormir dans le bar.

Mais cela ne collait pas non plus. Peu à peu, elle avait compris qu’elle se trouvait dans un lit qu’elle ne connaissait pas, une chambre où elle n’avait jamais mis les pieds. Elle était à moitié assommée et très fatiguée, elle avait envie de vomir et ne parvenait pas à se rappeler ce qui lui était arrivé. Elle ignorait combien de temps elle était restée allongée dans ce lit et s’était brusquement rendu compte qu’elle était nue comme un ver.

Elle avait laissé son regard glisser le long de son corps et trouvé la situation tout à fait ridicule. Elle n’avait même pas eu la présence d’esprit de dissimuler sa nudité.

Spiderman la regardait. Elle s’était dit qu’il allait voler à son secours. Cette pensée l’avait fait sourire. Elle et Spiderman.

Elle s’était à nouveau réveillée. Elle avait froid. Elle s’était réveillée, toute tremblante. Elle était nue dans un lit étranger.

— Mon Dieu, avait-elle soupiré en attrapant la couverture sur le sol pour s’en envelopper.

Elle ne connaissait pas cette chambre. Elle avait appelé dans l’appartement : « Ohé ! » et n’avait obtenu pour toute réponse qu’un profond silence. Elle était lentement sortie de la chambre pour aller au salon où elle avait trouvé un interrupteur. Elle y avait vu un homme couché sur le sol. Il était allongé sur le dos, elle se souvenait vaguement l’avoir déjà croisé, mais était incapable de dire à quel endroit.

Ensuite, elle avait vu ce sang.

Et cette entaille en travers de sa gorge.

Elle avait été prise de nausée. Elle ne voyait plus que le visage blafard de l’homme et cette entaille rouge, béante. Elle avait l’impression qu’il la fixait de ses yeux mi-clos et qu’il l’accusait.

Comme s’il avait voulu lui dire : « C’est toi ! »


— J’ai trouvé mon portable et j’ai appelé à la maison, reprit Nina. Le chuintement de la bande magnétique résonnait dans la salle d’interrogatoire. Elinborg la regardait. Son récit avait été quelque peu erratique sur la fin, mais il était crédible. Elle n’avait perdu son sang-froid qu’au moment où elle s’était mise à décrire ce qui s’était passé quand elle s’était réveillée dans cette maison inconnue et qu’elle avait découvert le cadavre de Runolfur.

— Vous n’avez pas voulu appeler la police ? interrogea Elinborg.

— J’ai été prise de panique, répondit Nina. Je ne savais pas quoi faire. Je ne réfléchissais plus logiquement. Je me sentais mal. Je ne sais pas si c’étaient les effets du produit qui se dissipaient. J’étais… j’étais certaine que c’était moi qui avais fait cela. J’en étais sûre. Et j’avais terriblement peur. Il ne m’est rien venu d’autre à l’esprit que d’appeler chez mes parents et d’essayer ensuite de cacher ça. De cacher cette abjection. Je voulais que personne n’apprenne que j’étais venue dans cet endroit. Que c’était moi qui avais fait ça. Je… je ne parvenais pas à supporter cette idée. Je n’y arrivais pas. Mon père a pris fait et cause pour moi. Je me suis arrangée pour qu’il cache tout. Il s’est occupé de moi. Vous devez comprendre ça. Il n’a pas fait ça par malhonnêteté ; il a fait ça pour moi.

— Vous êtes persuadée que Runolfur vous a administré cette ignoble drogue ?

— Oui.

— Vous l’avez vu le faire ?

— Non, parce que dans ce cas, je n’aurais sans doute pas bu ce verre.

— Effectivement.

— Je ne me drogue pas. Je ne prends pas de médicaments. Et je sais que je n’avais pas bu à ce point. Il s’agissait d’autre chose.

— Si vous nous aviez contactés à ce moment-là, nous aurions pu confirmer que vous aviez ingéré du Rohypnol. À l’heure qu’il est, nous ne pouvons pas vérifier vos propos. Vous le comprenez ?

— Oui, répondit Nina. Je le sais.

— Avez-vous remarqué la présence d’une troisième personne à l’intérieur de l’appartement ?

— Non.

— Avez-vous remarqué que quelqu’un accompagnait Runolfur en ville ?

— Non plus.

— Vous êtes sûre ? Un autre homme ?

— Je ne me souviens d’aucun autre homme, répondit Nina.

— Vous n’avez vu personne avec Runolfur quand vous étiez au bar ?

— Non. Qui est l’homme dont vous parlez ?

— Cela n’a aucune importance pour l’instant, répondit Elinborg. Savez-vous ce que vous avez fait du couteau dont vous vous êtes servie ?

— Non. J’ignore tout de ce couteau. J’ai fait défiler cela dans tous les sens à l’intérieur de ma tête et je ne me souviens même pas d’avoir attaqué ce… ce Runolfur.

— Il possédait quelques couteaux fixés sur un aimant dans sa cuisine, vous souviendriez-vous les avoir touchés ?

— Non, je viens de vous dire tout ce dont je me souviens. Je me suis réveillée dans une maison complètement inconnue avec un homme tout aussi inconnu qui gisait sur le sol de son salon, la gorge tranchée. Je sais qu’il est très probable que ce soit moi l’auteur de ce crime. Je suppose qu’il n’y a pas d’autre suspect et je me retrouve donc dans de beaux draps, mais je n’arrive simplement pas à me rappeler ce qui est arrivé.

— Avez-vous eu des relations sexuelles avec Runolfur ?

— Non.

— Vous en êtes sûre ? C’est un autre élément que nous ne sommes plus en mesure de vérifier à l’heure qu’il est.

— J’en suis parfaitement sûre, répondit Nina. La manière dont vous exprimez les choses est déplacée. Votre question est ridicule.

— Ah bon ?

— Nous n’avons pas eu de relations sexuelles. Il m’a violée.

— Il est donc parvenu à ses fins ?

— Oui, mais on ne peut pas parler de relations sexuelles.

— Vous en souvenez-vous ?

— Non, mais je le sais. Je ne veux pas entrer dans les détails. Je sais qu’il m’a violée.

— Cela correspond aux éléments dont nous disposons. Nous savons que Runolfur a eu des relations sexuelles peu de temps avant son décès.

— Arrêtez de parler de relations sexuelles, cela n’avait rien à voir. C’était un viol !

— Ensuite, que s’est-il passé ?

— Je n’en sais rien.

Elinborg ménagea une brève pause. Elle ne savait pas jusqu’où elle pouvait se permettre d’aller avec Nina lors de ce premier interrogatoire. Une foule de questions se faisaient jour dans son esprit, et qui, pensait-elle, ne pouvaient pas attendre. Il fallait en passer par là, même si elle devait bousculer la jeune femme.

— Êtes-vous en train de protéger quelqu’un ? demanda Elinborg.

— De protéger ?

— Avez-vous appelé votre père plus tôt que vous ne le dites ? Par exemple, dès le moment où vous avez compris que vous étiez prisonnière dans l’appartement de Runolfur ?

— Non.

— L’avez-vous contacté en lui expliquant où vous étiez et en lui disant que vous couriez un grand danger ?

— Non, pas du tout.

— Vous affirmez ne pas vous souvenir de grand-chose, mais vous vous souvenez de ça, comment cela se fait-il ?

— Je… Je…

— Ne pensez-vous pas que votre père aurait pu l’agresser ?

— Mon père ?

— Oui.

— Vous essayez de m’embrouiller.

— Nous verrons bien, répondit Elinborg, relâchant son emprise. Pour l’instant, cela suffit.

Elle sortit dans le couloir et entra dans son bureau où les parents de Nina l’attendaient.

— Est-ce qu’elle va bien ? s’enquit Konrad.

— N’auriez-vous pas oublié un petit détail ? renvoya Elinborg sans répondre à sa question.

— Lequel ?

— Votre rôle dans toute cette affaire.

— Mon rôle ?

— Quelle raison aurais-je de croire l’histoire que vous me racontez ? Vos versions me semblent un peu trop concertées. Pourquoi devrais-je croire ce que vous me dites ?

— Et puis quoi encore ? Mon rôle ? Qu’entendez-vous par là ?

— Et si c’était vous qui aviez égorgé Runolfur ?

— Vous êtes folle ou quoi ?

— Nous ne pouvons exclure cette hypothèse. Votre fille vous a appelé, vous vous êtes précipité sur les lieux et vous avez égorgé cet homme avant de vous enfuir avec elle.

— Vous pensez sérieusement que j’ai fait ça ?!

— Est-ce que vous le niez ?

— Évidemment que je le nie ! Vous êtes cinglée !

— Votre fille avait-elle du sang sur elle quand vous l’avez trouvée ?

— Non, je ne l’ai pas remarqué.

— N’aurait-elle pas dû être couverte de sang étant donné la manière dont le meurtre a été commis ?

— Peut-être, je n’en sais rien.

— Je n’ai vu aucune trace de sang sur ma fille, glissa la mère. Je m’en souviens.

— Et sur votre mari ? interrogea Elinborg.

— Non plus.

— Nous retrouverons les vêtements qu’il portait ce soir-là. Vous les avez peut-être brûlés ?

— Brûlés ? rétorqua Konrad.

— Nina est en meilleure posture que vous, observa Elinborg. Elle pourrait s’en tirer en plaidant la légitime défense. En ce qui vous concerne, vous seriez jugé pour meurtre. Vous avez eu plus de temps qu’il n’en faut pour accorder vos versions, pour vous mettre d’accord sur ce que vous alliez nous dire.

Konrad la dévisageait comme s’il n’en croyait pas ses oreilles.

— Je n’arrive pas à imaginer que vous puissiez affirmer de telles inepties !

— Il y a une chose que j’ai apprise des jeux de cache-cache comme celui auquel vous vous êtes livrés, répondit Elinborg. Ils sont presque toujours bâtis sur des mensonges.

— Vous croyez que j’irais mettre un meurtre sur le dos de ma fille ?!

— J’ai déjà vu pire !

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