Chapitre X

Malko, en bordure de la piste de danse où les travestis se déchaînaient, remuant leurs croupes artificielles, surveillait les deux escaliers menant aux camaro-fes du premier étage. Il avait eu le temps de photographier mentalement le compagnon de Zakra, qui effectivement ressemblait à la vieille photo d’Ishan Kambiz. Il était certain que tous deux allaient s’esquiver rapidement. A côté de lui, une table menaçait de s’écrouler sous le poids d’un quatuor de « créatures » en pleine samba. Milton Brabeck et Chris Jones veillaient près de la sortie, assistés de Prudente Freitas.

Effectivement, quelques instants plus tard, Malko vit surgir de l’escalier près de la sortie une cornette un peu de travers. Derrière venait le petit gros moustachu et chauve, en smoking avec jabot de dentelle. Il arrivait tout juste à l’épaule de Zakra. Malko s’apprêta à foncer à travers la foule pour le suivre, quand un violent coup d’épaule le déséquilibra. Un brun aux cheveux frisés venait de le bousculer, et, au lieu de s’excuser, revenait sur lui, le visage mauvais, marmonnant des injures en portugais. D’une bourrade, il fit reculer Malko vers l’orchestre.

Milton et Chris étaient loin dans la foule et ne pouvaient le voir. Autour de lui, les gens continuaient à danser, insouciants. Tous les regards étaient attirés par un superbe travesti de plus d’un mètre quatre-vingts, sanglé dans une guêpière phosphorescente, avec de longs bas noirs et une croupe inouïe qu’il balançait de façon obscène en chantonnant E Carnaval. L’orchestre se démenait, à faire exploser ses cuivres. Quelqu’un lui donna un coup de poing dans les reins qui le projeta contre le bord de l’estrade de l’orchestre. Malko se retourna pour se trouver nez à nez avec un Noir très maigre, en short nylon rouge, la peau huilée, le cheveu calamistré. Il avait les bras le long du corps et Malko vit immédiatement le poignard qu’il tenait serré dans la main droite. Une nouvelle bourrade le projeta en avant, directement sur le poignard que le Noir avait relevé à l’horizontale. Au dernier moment Malko parvint à dévier sa trajectoire et il s’écrasa sur une table. E Carnaval ! hurlaient les travestis autour de lui tandis qu’on essayait de l’assassiner. Trois hommes l’avaient embarqué dans une fausse rixe qui passait totalement inaperçue dans le tohu-bohu ambiant. De toute la force de ses poumons il hurla :

— Chris ! Milton !

Juste au moment d’un solo de trompette… Ses trois assassins approchaient, en arc de cercle. Malko fit le tour de l’estrade pour leur échapper et tomba presque dans les bras d’un des gays en nœud papillon rencontrés dans le hall du Caesar Park. Le jeune homme referma ses bras sur lui avec un éclat de rire.

— Alors, où sont vos superbes amis ? L’œil vitreux et les pectoraux avantageux, il était bien allumé. Malko sauta sur l’occasion.

— Là-bas, fit-il, désignant la sortie, et j’ai besoin d’eux, vous ne pouvez pas aller les récupérer ?

— Ils boudent ? demanda l’autre.

— Non, avoua Malko, j’ai un problème avec ces trois voyous.

De la tête il désigna les trois Brésiliens menaçants qui se distinguaient nettement des inoffensifs travestis.

— OK, buddy ! fit le gay, j’y vais, il y a de drôles de gens ici.

Il s’éloigna, contournant la piste. Les trois Brésiliens arrivaient. Malko vit le grand maigre se détendre et fit un bond de côté. Le couteau déchira sa chemise, se plantant dans le bois de l’estrade. Maintenant, les assassins n’essayaient même plus de donner le change. Rien ne les empêcherait plus de le tuer. Malko réussit à parer un nouveau coup. Puis, pour gagner du temps, il se hissa sur l’estrade à côté de l’orchestre. De cette position élevée, il aperçut le gay au moment où il prenait Chris Jones par le bras. Puis quelqu’un l’attrapa par une cheville.

Il se raccrocha au rideau, mais son adversaire tirait de tout son poids. Les gens riaient dans la salle, croyant à un jeu d’ivrognes. Il se vit sur un des deux grands écrans de télé suspendus de chaque côté de l’orchestre, retransmettant le spectacle en direct. Il se maudissait de ne pas avoir pris une arme. Brutalement, le rideau de scène se déchira, et il tomba lourdement d’une hauteur de plus de deux mètres, atterrissant sur un groupe de travestis qui s’écartèrent avec des couinements amusés. Il était en train de se relever lorsqu’un violent coup de pied à la tempe le fit retomber. Aussitôt, le grand Brésilien maigre se laissa tomber à genoux sur sa poitrine et le saisit à la gorge de la main gauche. Malko parvint à lui bloquer le poignet droit et à écarter le poignard, mais du coin de l’œil, il aperçut un second agresseur, un rasoir à la main, qui s’approchait de côté. Une seconde plus tard, il eut l’impression qu’un train à grande vitesse venait de le percuter.

L’homme à cheval sur sa poitrine parut soudain doté d’ailes et s’envola pour retomber sur la piste au milieu des danseurs qu’il bouscula comme des quilles. Le rasoir du second n’atteignit jamais le ventre de Malko. D’un formidable coup de pied qui mettait Milton Brabeck au rang de Pelé, l’Américain lui détacha pratiquement la tête du tronc. Il s’effondra en arrière comme une masse et demeura les bras en croix sur la moquette crasseuse.

Le troisième agresseur avait encore des velléités de nuire. Il fonça, le poignard en avant. D’un coup de coude, Chris Jones dévia sa trajectoire et la lame s’enfonça jusqu’à la garde dans le ventre du barbu déguisé en mariée.

Le malheureux poussa un cri sourd et se plia en deux pendant qu’un flot de sang inondait sa belle robe. Hébété, le tueur essaya de s’enfuir mais ce fut la curée. Les copains du travesti se ruèrent sur lui et le firent tomber sur le sol, le frappant à coups de sac à main et de talons aiguilles. Un escarpin propulsé par quatre-vingt-cinq kilos de muscles devenait une arme redoutable. Des gardes de la sécurité arrivèrent enfin et dispersèrent brutalement les travestis, sauvant la vie du tueur. On emporta le « marié » livide, en train de se vider de son sang, au son lancinant de E Carnaval.

— Où sont passés Zakra et l’Iranien ? demanda Malko à peine relevé.

— Partis ! Dans la Cadillac, lui apprit Milton Brabeck.

Ils se frayèrent un chemin vers la sortie, retrouvant Prudente, le policier fédéral, à côté de sa voiture banalisée. Bloqué dans le parking, il n’avait pas pu suivre la Cadillac. Ils foncèrent au Caesar Park, mais bien entendu, Zakra ne s’y trouvait pas. Malko fut balayé par une vague de découragement. Tant d’efforts pour échouer à la dernière minute. Comment retrouver la Kirghize dans une ville de douze millions d’habitants en pleine hystérie du Carnaval ? Les administrations ne marchaient pas pendant huit jours, tout s’arrêtait à Rio, sauf les défilés des écoles de samba…

Malko s’aperçut que sa chemise était déchirée, tachée de sang et qu’il avait une grande estafilade au flanc.

— Ici on tue les gens pour vingt dollars, expliqua le policier brésilien. Ces tueurs-là ont été recrutés sur place. On leur désigne la cible et on paie. Cela suffît. Ils ne posent pas de questions. Vingt dollars c’est trente mille cruzeiros, de quoi boire de la bière pendant tout le Carnaval.

Malko se fit servir une vodka au bar du Caesar Park. Zakra était en danger de mort. L’agression dont il avait été l’objet prouvait qu’ils avaient été repérés par Ishan Kambiz. A moins qu’elle n’ait joué double jeu et dénoncé Malko. Dans les deux cas, il fallait la retrouver et mettre Kambiz hors-jeu, afin qu’elle ne puisse alerter le vendeur, vraisemblablement le mystérieux Pavel. Car l’enjeu final de cette traque, c’était le vendeur de plutonium 239.

— Allons inspecter sa chambre, proposa-t-il, une fois remis de ses émotions.

Prudente se fit ouvrir la porte sans difficulté par une femme de chambre. La fouille fut vite faite. Ils allaient repartir lorsque Malko se pencha et ramassa dans la corbeille à papiers une pochette de billets Air France.

Un numéro était griffonné dessus. Il le montra au policier brésilien.

— Ça peut être un numéro de Rio ?

— Oui, fit ce dernier. Mais c’est facile à vérifier. Il n’y a qu’à appeler.

Malko l’arrêta à temps. Si c’était celui d’Ishan Kambiz, un appel bizarre l’alerterait aussitôt et il aurait cent fois le temps de leur échapper.

— Pouvez-vous découvrir le nom et l’adresse de l’abonné ? demanda-t-il.

Le policier fédéral semblait perplexe.

— Je peux essayer, dit-il, mais c’est le Carnaval. J’ai peur que personne ne réponde aux Renseignements.

— Et par la police ?

— Ils sont tous dans les rues. Je vais tenter le coup par la police fédérale de Brasilia.

Ils s’assirent, tandis qu’il commençait à composer le 102. Au bout de vingt minutes, le numéro n’avait toujours pas répondu. Malko rongeait son frein. La CIA tenue en échec par le Carnaval, ce n’était pas triste. Mais cette folie rituelle embrasait tout Rio. De toutes les radios, de toutes les télés, sortait le même air lancinant, E Carnaval, la rengaine de l’année sur fond de tam-tam. Sur l’écran de la télé Akai de la chambre, une nana se déhanchait en gros plan, comme désarticulée, faisant trembler ses seins, frémir son ventre, hurlant elle aussi E Carnaval.


* * *

Ishan Kambiz, les yeux vitreux de désir, contemplait Zakra en train d’onduler avec langueur sur le podium supportant une magnifique table de salle à manger en os incrusté d’or, créée spécialement par Claude Dalle pour le milliardaire iranien, une capirinha à la main. Ce devait être la septième et la Kirghize ne savait plus vraiment comment elle s’appelait. Elle ne s’était même pas aperçue que l’Iranien l’avait délestée de son collier. L’alcool lui chauffait les ovaires et elle pensait avec un dépit mêlé de désir au superbe Noir homosexuel qui l’avait repoussée. Cette musique si éloignée de ce qu’elle connaissait la rendait folle. Sans compter la ligne de coke que Kambiz lui avait fait aspirer. Celui-ci avait pris ses dispositions : il partait à six heures du matin pour Téhéran, par un itinéraire compliqué. Le collier était dans son attaché-case. Un cadeau pour sa femme si les douaniers lui demandaient quelque chose.

Il s’était débarrassé de Linda et ses gardes veillaient à l’étage inférieur du duplex.

Avant son départ, il avait deux tâches à accomplir. D’abord profiter de Zakra et ensuite la faire parler. Il devait savoir qui étaient ceux qui s’attachaient à ses pas. Et surtout, jusqu’à quel point ils avaient pollué l’opération « Darius ». Si c’était trop pourri, il l’abandonnerait. Pour le moment, il décida de se consacrer au premier de ses objectifs : le plus agréable. La silhouette de Zakra le rendait malade de désir.

Il la rejoignit, passa un bras autour de sa taille et commença à « danser » avec elle, c’est-à-dire à se frotter comme un chimpanzé en rut à la jeune Kirghize. En quelques minutes, il avait une érection de cheval qu’il exhiba sans vergogne. Zakra ne s’en aperçut même pas. Elle frétilla à peine quand Ishan défit les cordelières de son pantalon collant. Il n’eut qu’à aider un peu pour qu’il se retrouve par terre en petit tas. Zakra se contenta de pouffer… Vêtue uniquement de sa cornette et de ses escarpins, elle était extraordinairement érotique, avec le triangle noir au creux de son ventre se terminant aux colonnes fuselées des longues cuisses. L’alcool l’insensibilisait partiellement, mais elle hennit quand même d’excitation quand les doigts de l’Iranien s’emparèrent d’elle.

Il l’appuya au mur et ses mains partirent vers les seins gonflés, les emprisonnant en même temps, en triturant les bouts. Il haletait comme un malade et cette caresse déchaîna Zakra. De nouveau elle avait de la lave en fusion dans le ventre. Ishan Kambiz gronda. D’un violent coup de genou, il ouvrit le compas des longues cuisses et n’eut qu’à donner un grand coup de reins pour s’enfoncer verticalement dans le sexe ouvert. Étant donnée sa petite taille, c’était la position idéale. Tenant Zakra par les hanches, il se mit à la poignarder avec fureur. Zakra, pénétrée brutalement, hurla à la mort ! Son plaisir était si violent qu’elle commença à trembler, à gigoter dans tous les sens. Tellement, qu’elle échappa à l’Iranien. Elle fit quelques pas en titubant et s’effondra, agenouillée sur le grand canapé.

Cette vision fit sauter les plombs d’Ishan Kambiz. Il se rua derrière elle, se colla à la croupe qui le faisait fantasmer, puis écartant des deux mains les globes enflés, se posa contre l’entrée des reins de la jeune Kirghize. Celle-ci bondit sous le contact, ses terminaisons nerveuses à vif, reculant d’un réflexe, faisant pénétrer de quelques millimètres le sexe qui se préparait à la vriller. Ishan Kambiz, soufflant comme un phoque, poussa de tout son poids et vit son membre disparaître d’un coup, accompagné par le hurlement rauque de Zakra. Il commençait à aller et venir lorsque la semence monta de ses reins, comme une vague de fond. Fébrilement, il eut le temps de s’agiter un peu avant d’exploser, restant collé à la jeune femme comme un chien à sa chienne. Il aurait voulu que cela ne cesse jamais.

Zakra, foudroyée par un orgasme ravageur, ne bougeait pas. Elle arracha ses ongles de la soie du divan pour se débarrasser enfin de sa cornette.

— C’est chaud, ce truc-là, fit-elle d’une voix pâteuse. Ishan Kambiz s’arracha à elle, dégrisé. Il fallait passer aux affaires sérieuses.

— Je vais appeler Hashemi pour qu’il nous apporte à boire, dit-il.

— Moi, je ne bois plus, protesta Zakra, j’ai la tête qui tourne. Ou alors, juste un Cointreau, avec trois glaçons.

— Alors, on va se baigner.

Il la poussa dans la piscine. Il avait bien l’intention d’assouvir encore sa fringale sexuelle sur elle, mais d’abord il fallait soulager son angoisse. Zakra remontait à la surface quand il la ceintura par-derrière. Mal à l’aise à cause de ses escarpins et ne sachant pas nager, elle voulut lui échapper. De nouveau, avec un grand rire, l’Iranien la fit replonger. Ils jouèrent ainsi pendant plusieurs minutes, se rapprochant peu à peu de la partie la plus profonde. Zakra commençait à s’énerver. La dernière fois où elle remonta, ayant avalé un peu d’eau chlorée, elle lança brutalement :

— Arrête, j’en ai marre !

Deux mains pesèrent sur ses épaules par-derrière. Elle tourna la tête et, à travers les gouttes d’eau, aperçut le regard froid d’Hashemi. Il appuya et sa tête passa de nouveau sous l’eau. Affolée, elle se débattit, suffoquant peu à peu. Elle était au bord de l’asphyxie lorsqu’elle put enfin respirer. Crachant de l’eau presque asphyxiée, elle trouva en face d’elle Ishan froid comme un iceberg.

— Salope ! lança l’Iranien, tu vas parler ou on va te noyer.

Zakra cracha encore un peu d’eau et protesta.

— Parler ! Qu’est-ce que vous racontez ? Parler de quoi ?

L’Iranien fît un geste discret et Hashemi appuya sur la tête de la jeune femme. Lorsqu’il la laissa remonter, crachant et toussant, Kambiz précisa :

— Qui est l’homme blond qui t’a accompagnée à Rio ? Pour qui travaille-t-il ?

Comme elle ne répondait pas assez vite, elle replongea. Cette fois, Hashemi la retira de l’eau in extremis… Ils durent attendre plusieurs minutes pour qu’elle retrouve son souffle. Le regard noyé, la voix cassée, Zakra supplia :

— Arrêtez ! Vous vous trompez. Je n’ai rien fait de mal.

— Qui est-ce ?

— Mon fiancé, finit-elle par lancer entre deux quintes de toux.

Ishan Kambiz n’en revenait pas.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

Accrochée au bord de la piscine, la Kirghize vida son sac. Habituée à la violence, elle sentait que ces deux-là étaient capables de la tuer. Aussi, avec des bribes de phrases, elle leur expliqua comment Malko était entré dans sa vie. L’Iranien l’écoutait, glacé jusqu’au fond des os. C’était encore pire que ce qu’il avait imaginé.

— Comment a-t-il su que tu venais au Brésil ? Tu le lui as dit ? demanda-t-il d’une voix douée.

Zakra ne se rendait pas compte que chaque mot qu’elle prononçait était un clou enfoncé dans son cercueil.

— Non, non, protesta-t-elle, j’ignore comment il l’a su. Mais je ne lui ai jamais parlé de vous.

— Ni du collier ?

— Du collier ? Pourquoi je lui aurais parlé de mon collier ? Où est-il ?

— Je l’ai rangé, affirma calmement Kambiz. J’avais peur que tu le perdes.

L’ignorance de Zakra concernant le collier lui mettait un peu de baume au cœur. Mais l’homme qui l’avait suivie à Rio, étant donné les moyens dont il disposait, appartenait sûrement à un grand Service. S’il s’était intéressé sur la plage au collier, ce n’était pas par hasard. Tout cela sentait le Mossad. Pour se consoler, Ishan se dit que l’homme blond devait déjà être à la morgue de Rio.

Il s’extirpa un sourire charmeur.

— Excuse-nous, dit-il à Zakra, je me rends compte que tu n’as rien fait de mal, mais j’ai beaucoup d’ennemis. Je dois me méfier. On va se reposer un peu et puis je te ferai ramener à ton hôtel.

En farsi il lança à Hashemi.

— Je m’en sers encore une fois et puis tu t’occuperas d’elle. Dis à Mohsein que nous partons pour l’aéroport à cinq heures et demie.

Galant, Hashemi aida Zakra à sortir de la piscine et alla même jusqu’à l’essuyer avec une grande serviette de bain. Hébétée, la jeune femme se laissa tomber sur le canapé. Ishan Kambiz lui tendit une capirinha qu’elle but avidement pour ôter le goût acre du chlore dans sa bouche. Il la regardait de nouveau avec concupiscence. Elle n’avait plus qu’une idée, quitter cet appartement et dormir.

— Raccompagne-moi, fit-elle d’une voix mourante.

— Oui, oui, fit Kambiz.

Trois minutes plus tard, la tête de Zakra basculait. Assommée par les capirinhas, elle dormait.


* * *

Les yeux de Prudente Freitas semblaient s’enfoncer chaque minute un peu plus au fond de leur orbite, par la fatigue. Depuis une heure, il était au téléphone sans discontinuer, patient, cajoleur. De l’appareil sortaient des bribes de samba, mais pas d’informations… Malko ne tenait plus en place. Rhabillés, enfouraillés jusqu’aux yeux, les deux gorilles attendaient qu’on leur désigne un objectif.

Tout à coup, Malko vit un sourire éclairer le visage du policier brésilien qui se mit à noter quelque chose fébrilement avant de raccrocher.

— Tiito bom ![24] lança-t-il. Le numéro correspond à un immeuble de Ipanema, 240 avenida Vieira Santo. Un appartement au nom d’une certaine société MBA Engineering.

— On y va, dit Malko.

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